Et si, pour une fois, on ne gardait pas juste pour soi les observations, les analyses, les études, les recherches, les commentaires… qu'on ne cesse de faire à titre académique, professionnel ou purement personnel ?
Regard médias
Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
16 mai 2020
Plus nombreux lors du covid devant les "Douze coups de midi". Mais…
Plus nombreux devant leur écran de télé pendant les journées de confinement covid, les Belges l'ont aussi été sur le temps de midi devant le jeu de TF1 qui réalise des audiences historiques pendant cette période. Jusquà ce que…
L'audience de ce jeu quotidien, diffusé même le dimanche, est quelque peu erratique. En Belgique, elle était en moyenne d'environ 208.000 spectateurs par émission en 2019. Mais, en période de vacances scolaires, ils peuvent être beaucoup plus nombreux. L'an dernier, les émissions ayant attiré les plus grandes audiences furent diffusées les 29 et 26 décembre ( 278.000 et 272.000 personnes). Le volume de l'auditoire varie aussi selon les jours de la semaine. Si l'on peut comprendre que, en 2019, les jours ayant attiré le maximum de téléspecteurs belges étaient, le plus souvent, été ceux du week-end, la variation des niveaux d'audience des autres jours de la semaine est moins évidente à expliuer. En Belgique, des audiences plus de 240.000 personnes ont régulièrement été enregistrées l'an dernier hors des samedi-dimanche.
En 2020, avant la crise covid, l'audience moyenne était en très légère croissance (1) : +10.000 spectateurs par rapport à l'an dernier environ. Le confinement va modifier cette situation. Sur la période 18 mars - 14 mai, l'audience moyenne du programme frise les 250.000 personnes, soit environ 30.000 spectateurs/jour de plus qu'au début de l'année, et 40.000 de plus en comparaison de la moyenne 2019. Le programme dépasse même à deux reprises les 300.000 spectateurs belges (mardi de Pâques et jeudi 26/03), et se situe au-dessus des 290.000 à cinq reprises pendant la période de fin mars-début avril. Le programme a clairement conquis un nouveau public, différent de ceui qui compose l'auditoire habituel de la télévision sur le temps de midi.
Mais, comme le révèle le graphique, la courbe d'audience retombera ensuite aux environs des 250.000 personnes la dernière semaine d'avril, et s'effondrera en début mai. Le programme perd alors jusqu'à 100.00 spectateurs. Cette désaffection soudaine n'est pas étrangère au changement de programmation survenu le 29/4. A partir de cette date, faute de nouveaux enregistrements, l'émission se met en mode rediffusion. L'auditoire résiduaire est sans doute plutôt composé de membres du public additionnel que le programme avait conquis lors de la crise, une partie de ses habitués n'ayant pas souhaité revoir une seconde fois le parcours du "maître du jeu" Paul, déjà diffusé l'an dernier exctement à pareille époque.
Les victoires d'audience dues au covid peuvent s'avérer fragiles. Et peu résistantes lorsque la matière fraîche vient à manquer…
F.A.
(1) Pour autant que cette différence soit statistiquement significative dans l'échantillon de base de la mesure audimétrique.
Le « doute systématique du journaliste » face au grand incendie : Suite et fin…
(suite du récit du post précédent)
Variante 1.
Vers minuit, les flammes commencèrent à attaquer l’autoroute
sud, mais elle peinèrent à traverser la large saignée que le ruban de bitume
avait opéré au milieu de la forêt. L’incendie se propageait de voiture en
voiture, et seules les explosions de réservoirs permettaient au feu de
progresser. Quasiment tous les occupants des véhicules avaient pris la fuite
lorsqu’ils avaient vu l’impossible devenir réalité. Seuls quelques-uns
n’avaient pu sortir à temps. À l’extérieur, des familles entières s’étaient
retrouvées cernées par l’incendie, d’autres n’avaient pas résisté et avait
succombé aux fumées et au manque d’air.
À 3h du matin, un orage survint. La pluie fut torrentielle.
En quelques minutes, les attaques de feu qui avaient traversé l’autoroute s’éteignirent. À l’autre bout de la forêt,
dans les tours de logements sociaux récemment rénovés qui constituaient la
dernière banlieue de la ville, les habitants qui n’avaient pas fui n’avaient
pas dormi. La plupart étaient restés sut leur balcon, les yeux rivés vers le
sud, comme fascinés. L’orage les sortit de leur hébétement. Ils comprirent en
quelques minutes que la catastrophe n’arriverait pas jusqu’à eux.
Les stations de télévision qui avaient placé des caméras sur
les toits des immeubles avaient capté, de loin, l’arrêt de la tragédie. En
ville aussi, ceux qui n’étaient pas partis ressentirent un immense soulagement.
On se mit à sortir dans la rue. « Je savais que cela n’arriverait pas,
qu’on n’aurait pas à partir ! », entendait-on souvent. « C’était
impossible, ils avaient imaginé cela pour nous faire peur, pour nous forcer à
fuir », disaient de leur côté des membres des comités citoyens.
Au matin, la vie avait repris quasiment normalement. La
pluie séchée, les terrasses étaient pleines, les gens faisaient leurs courses
dans les magasins. À peine percevait-on au fond de l’air une très légère odeur un peu âcre.
Au sud de la ville, le gouvernement dépêcha rapidement des
forces de sécurité pour évacuer au plus vite les corps carbonisés des familles
prises au piège sur ou près de l’autoroute. L’affaire fut rondement menée. La
remise en circulation de la large voie rapide prit, elle, beaucoup plus de
temps que prévu. Les médias, qui avaient continué à passer au crible de la
critique systématique toutes les communications officielles, ne manquèrent pas
de le relever. Ils s’interrogeaient sur la non-tenue d’une promesse qui
entraînait des encombrements de circulation importants, tout l’accès sud de la
capitale devant se reporter sur d’autres axes, ainsi que tout le trafic de
transit. Plusieurs journaux mirent en avant l’incurie des pouvoirs publics et
dénoncèrent le manque de moyens mis en œuvre par les autorités pour que la
‘normalité’ revienne au plus vite. On se demanda quel intérêt le gouvernement
avait à faire traîner les choses.
D’autres médias s’intéressèrent plutôt à la manière dont les
victimes décédées auprès et sur l’autoroute avaient été traitées, le
gouvernement s’étant dès la fin de l’incendie engagé à prendre tous les frais à
sa charge. L’enquête menée par un collectif de journalistes mit au jour que les
juteux contrats des mises en bière et de
la fourniture des cercueils, notamment, avaient été passés en urgence, sans
appel d’offre international. Et qu’ils avaient été attribués à une société
dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de la
ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier
ministre eût beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on
parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement
n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le
rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un
acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les
choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard,
l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.
Variante 2.
Pendant le reste de la nuit, la force du vent décupla. Le
feu joua à saute-mouton avec les voitures immobilisées sur l’autoroute, et
passa sans embûches cette frontière naturelle, l’explosion des réservoirs lui
permettant de rebondir rapidement.
Avant l’aube, toute la forêt précédant les premières
banlieues avait été mangée. L’incendie se mit à attaquer les immeubles tours de
logements sociaux des quartiers sud. Les matériaux bon marché qui avaient servi
à leur rénovation n’étaient pas résistants au feu. Des bâtiments s’enflammèrent
comme des torches. Très longtemps, les habitants qui étaient restés sur place
avaient cru que le brasier ne les atteindrait pas. Même devant sa progression
fulgurante, certains restèrent comme hébétés. Les cages d’escaliers des
immeubles furent prises d’assaut au dernier moment. Ou s’y bouscula. Les plus
vieux furent écartés par les plus jeunes. Des enfants furent perdus. Arrivés à
l’extérieur, les occupants devaient encore trouver vers où fuir les flammes qui
ne cessaient de progresser. Tout le monde se précipitait dans la même
direction. Là aussi, il y eut des morts et des blessés. D’autant que, au fil
des minutes, la foule des fuyards était rejointe par les habitants d’autres
quartiers, d’autres rues, que les flammes commençaient aussi à attaquer. Les
comités citoyens avaient branché leurs tuyaux d’arrosage un peu partout, et
faisaient de leur mieux pour ralentir l’avance du feu. Mais la petite section
des tuyaux et la faible pression de l’eau sur le réseau rendaient ces efforts
surhumains quasiment inutiles…
Pendant tout le début de la matinée, le feu remonta la ville
vers le nord. Au milieu de la capitale, le fleuve coupait la cité en deux. Son
lit était ici particulièrement large. Seuls quelques ponts le traversaient. Les
experts consultés par le gouvernement avaient misé sur cette frontière physique
pour arrêter le sinistre. L’information avait été communiquée aux médias, mais
ceux-ci étant dans l’incapacité d’en vérifier l’exactitude, elle avait été à
peine mentionnée. Une partie de la population étant persuadée que jamais
l’incendie n’arriverait en ville, à quoi bon bâtir des scénarios liés à
l’hypothèse inverse ?
À midi, le feu était au bord du fleuve. Comme prévu, il ne
tenta de la traverser que via les ponts. Sur l’autre rive, les autorités
avaient rassemblé toutes les forces de secours disponibles, ainsi que
l’ensemble des renforts des casernes de pompiers. Le combat fut rude, mais
finit par être remporté. La progression de l’incendie se limita à une rive.
L’autre fut sauvée.
Réfugiée dans un bunker ignifugé bâti jadis en cas de conflit
nucléaire, la cellule ultime de crise du gouvernement essayait de suivre
les événements à distance, via des caméras de surveillance encore en fonction. Celles-ci
montraient aussi les foules de gens perdus, rattrapées par l’incendie, les personnes
surprises dans les encoignures où elles se pensaient à l’abri, les enfants
piétinés lorsque tout le monde se ruait dans la même direction…
Plusieurs entreprises de presse, dont le siège se trouvait
sur la mauvaise rive du fleuve, avaient évacué leur personnel en urgence, et
leurs bâtiments avaient été attaqués par le feu. Seules les grandes sociétés
multimédias, qui avaient bâti de nouvelles infrastructures sur l’autre rive,
purent continuer à couvrir une actualité que, de toute manière, plus personne
ne pouvait suivre dans les quartiers sinistrés privés d’électricité, de
téléphone et de wifi.
Le lendemain de la fin de l’incendie, le gouvernement
engagea d’immenses moyens afin d’évacuer les corps des victimes brûlées,
écrasées ou asphyxiées dans leur fuite. L’armée fut chargée de l’opération. Des
contrats furent passés en urgence avec des entreprises de terrassement pour évacuer
les parties d’immeubles effondrés, ainsi que tout ce qui avait brûlé. Des
sociétés de démolition détruisirent ce qui menaçait de s’effondrer. Sauf dans
les banlieues sud, que le gouvernement décida de ne pas raser mais de laisser
plus ou moins en état, sous forme d’un « Parc-mémorial du souvenir ».
Les journalistes ressortirent alors les vieux projets qu’ils avaient redécouverts
avant l’incendie. Cela suscita un trouble dans les esprits. En effet, au même
moment, le gouvernement proposait aussi de remodeler l’allure des quartiers
plus centraux du sud la capitale, eux aussi touchés par le sinistre. Un nouveau
plan d’aménagement fut commandé à un bureau d’experts. L’un ou l’autre média
osa la formule : « Décidément, il n’y a jamais de fumée sans
feu… »
Un groupe de journalistes-investigateurs éplucha aussi tous
les contrats passés suite à l’incendie. Des irrégularités furent constatées à
plusieurs endroits. Notamment suite à l’attribution de certains marchés à une
société dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de
la ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier
ministre eut beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on
parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement
n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le
rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un
acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les
choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard,
l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.
15 mai 2020
Le « doute systématique » du journaliste face à la menace du grand incendie
Poussé par des
vents violents, impossibles à maîtriser, l’incendie de forêt s’était rapproché
de hameaux situés à une cinquantaine de kilomètres au sud des premières cités
de la banlieue.
« Vus la vitesse et le sens du vent, les experts estiment
qu’il sera sur la capitale dans mois de 48h » a commencé par affirmer la
ministre de la Sécurité dans un communiqué. Quelques heures plus tard, le
Premier ministre convoquait un comité interministériel qui prenait des mesures
d’urgence. À la sortie, le chef du gouvernement tenait une conférence de
presse.
« Pour l’heure, il n’y a qu’un conseil à donner. Dans un rayon de 30
km autour du centre-ville, tout le monde doit arrêter ses activités et fuir son
domicile, en direction du nord ou de l’est du pays. Un plan d’exode par
quartier, heure par heure, a été établi. Il faut strictement s’y respecter.
C’est la seule chose à faire si vous voulez échapper à la mort. »
C’est en petit
nombre que les journalistes avaient assisté à la conférence de presse. Les
communications du gouvernement, ils en connaissaient la musique ainsi que la propension
aux ‘effets d’annonce’. Leur fréquence les rendait toutes moins intéressantes
les unes que les autres. Et que cette dernière clôture une réunion spéciale n’y
changeait pas grand chose.
Dans
l’audiovisuel, cet événement n’avait pas interrompu les programmes habituels.
Séries, jeux, divertissements et musique occupaient les antennes. Au cours des
flashs infos horaires, les radios se contentaient d’annoncer, de manière
laconique, que le gouvernement avait tenu une conférence de presse pour inviter
la population à quitter la capitale, et justifiait la mesure par la présence
d’un incendie en province. Sur le fil info des quotidiens en ligne, la
conférence de presse avait été traitée parmi les autres nouvelles, entre le
transfert d’une vedette d’un club de foot brésilien et un accident d’autocar en
Arizona, où deux habitants de Phoenix avaient trouvé la mort, une quarantaine ayant
été blessés.
Le contenu de la
conférence de presse était bien arrivé sur le desk de tous les médias, mais
elle n’y avait pas échappé au filtre du « doute systématique » que tous les
journalistes de la contrée avaient coutume d’appliquer aux communications
gouvernementales. Un réflexe qu’on leur avait appris lors de leurs études, où
leurs (vieux) professeurs avaient tout fait pour qu’une fameuse formule
descartienne, détournée en « Dubito, ergo sum », devienne chez eux une attitude
innée dès qu’ils auraient à appréhender et évaluer une source informationnelle.
« Quand une instance officielle communique, demandez-vous toujours à qui
profite le crime », avait coutume de leur répéter un de ces mentors lors de
ses enseignements.
La
recommandation, vraisemblablement, avait fait mouche. Les générations de
journalistes issues des universités et établissements d’enseignement supérieur
semblaient toutes marquées au fer rouge par la maxime qu’on leur avait inculquée.
Les gouvernements du pays ne faisant que passer tout en se ressemblant tous un
peu, chaque fait, geste ou déclaration des ministres, hauts fonctionnaires,
conseillers… bénéficiait dans les rédactions du même accueil, immanquablement
dubitatif. Pour éclairer leurs doutes, les journalistes convoquaient à chaque fois
les recommandations qu’on leur avait inculquées, à commencer par celle qui
proposait de passer toute nouvelle à la moulinette de la critique historique.
Et notamment de le soumettre à la « critique d’interprétation » qui recommande
de dépasser la simple lecture factuelle et évidente d’une nouvelle pour aller en
rechercher le sens caché, en faire l’exégèse. « Ils ont dit cela. Mais que
voulaient-ils réellement dire? Que se cache-t-il derrière la palissade leur
communication? »
Les messages des
politiques à propos de l’évacuation en 24h des cinq millions d’habitants de la
région-capitale n’avaient pas échappé à la règle. Les médias n’avaient pu
éviter de transmettre le contenu de la conférence de presse, mais l’avaient pris
en considération au même titre que n’importe quelle autre information. En
s’interrogeant sur le bien fondé de pareille évacuation. Ou en se questionnant
sur les raisons réelles qui poussaient le gouvernement à faire vider la ville,
en commençant par les quartiers moins favorisés de la banlieue. Le but final de
la mesure était-il de réellement d’éviter qu’un grand nombre de citoyens
périssent dans ou à cause des flammes?
Dans certains
médias, des journalistes qui se voulaient plus aguerris ou plus foncièrement
critiques disaient n’être pas prêts à relayer les injonctions des autorités. Ils
avaient rapidement dressé un inventaire des moyens de lutte contre les
incendies, et celui-ci démontrait qu’ils étaient peu nombreux. Un petit nombre
de casernes. Des brigades de pompiers relativement peu entraînées. Et, surtout,
un matériel vieillissant, pas remplacé depuis des années pour raisons
d’austérité budgétaire et d’abandon des questions de défense civile par les
autorités centrales. Sur base de ces premières infos issues d’enquêtes
journalistiques, des chaînes de télévision s’étaient mises à réaliser des reportages
dans les centres de secours. Ils révélaient leur aspect délabré et la
non-préparation des équipes. Il suffisait de regarder l’une de ces séquences
pour conclure que, face à la progression du feu dans des quartiers à l’abandon,
les rares lances et autopompes ne feraient rapidement pas le poids.
Ces émissions,
complétées par les articles en ligne publiés sur les sites des quotidiens de la
capitale, avaient été fort suivies, et avaient marqué la population. Nombreux
étaient ceux qui en concluaient que, si le feu progressait et arrivait à
proximité des quartiers d’habitations alors que les résidents avaient fui au
loin, ils risquaient de tout perdre. Des discussions avaient ensuite pris le
relais sur les réseaux sociaux. « Qui sont ceux qui sont les plus aptes
à combattre en grand nombre pareille catastrophe? C’est nous, les habitants.
Quand on lutte pour la défense de son bien, ne voit-on pas ses forces décupler ?
Nous devons rester ici ! »
Toute la soirée
et le début de la nuit, les forces de police avaient sillonné les artères de la
ville et de ses banlieues pour enjoindre tout le monde de partir se réfugier
ailleurs, en emportant le strict minimum. Mais, en petit nombre, les
représentants de l’ordre n’avaient pas eu la force, ni les moyens, de sonner à
chaque porte pour pousser chacun à passer à l’acte.
Le lendemain
matin, il faisait plein soleil, l’air était pur et un léger vent rafraîchissait
l’atmosphère. La circulation sur les boulevards extérieurs et les entrées
d’autoroutes était plus dense que d’habitude, mais on ne recensait pas de réel
blocage du trafic pour sortir de la ville.
Comme à l’accoutumée, les terrasses étaient bondées, et de nombreux chalands
faisaient des courses dans les magasins. Les écoles et les bâtiments publics
étaient fermés, mais cela ne semblait pas préoccuper grand monde. Les médias
relataient cette étrange situation, donnant la parole à tous les citoyens :
ceux qui avaient choisi de partir, la peur au ventre. Mais aussi ceux qui
avaient préféré rester. Ces derniers reprenaient souvent les arguments entendus
sur les réseaux sociaux, et affirmaient qu’ils allaient créer des milices
civiles de protection locale qui, le cas échéant, protégeraient les maisons et
les immeubles.
Dans les magasins de jardinage, le prix du
mètre de tuyau d’arrosage se mit rapidement à grimper, et les extincteurs devinrent
introuvables, tout comme les bêches et les pelles. Développant leur questionnement
sur les véritables raisons de la décision gouvernementale, certains
journalistes avaient remis la main sur des projets officiels, datant d’une
dizaine d’années, qui avaient envisagé de transformer en parcs certains
quartiers trop peuplés, de réaliser un lac à la place du centre d’une des
banlieues de la capitale, et de transformer une cité d’anciennes maisons ouvrières
en un quartier de villas avec piscine. Le dossier avait disparu lors d’un
changement de majorité, et la dernière crise financière paraissait l’avoir
enterré. Mais qui pouvait être sûr qu’il ne continuait pas à sommeiller dans un
coin de la tête de l’un ou l’autre dirigeant ? Les articles reprenant ces
projets suscitèrent un vif émoi chez tous ceux qui en avaient oublié
l’existence, ou n’en avaient jamais entendu parler. C’était de plus en plus sûr
: il y avait une face cachée à cette décision politique là.
En fin de journée, voyant qu’une part
importante de la population ne se décidait pas à abandonner son domicile, le
gouvernement demanda au ministre de la Défense de faire circuler quelques
convois militaires dans les artères de la ville. Leur arrivée, prévenue par des
alertes citoyennes sur internet, amena sur les boulevards une foule de
plusieurs milliers de personnes qui se mirent à desceller des pavés et à les
jeter sur les camions en criant qu’ils défendraient leur bien et ne partiraient
jamais. Les forces armées n’insistèrent pas. L’événement étant factuel et
marquant, il fut retransmis dans les JT du soir. On y apprenait aussi que,
selon les autorités, l’incendie de forêt avait progressé de plusieurs
kilomètres. Mais les témoignages recueillis localement étaient plutôt
rassurants. Des pompiers affirmaient que le feu pourrait être circonscrit. Des
fermiers témoignaient qu’ils avaient l’affaire à l’œil. Personne n’était
inquiet. Dans la ville, le temps était doux et sec. La soirée fut paisible.
La nuit, le vent se leva d’un coup, avec de
fortes bourrasques. À 7h du matin, le gouvernement essaya de lancer un message
d’urgence via les médias : des premiers indices de l’incendie avaient été
repérés au bord de la grande forêt qui entourait la banlieue sud. Il fallait
impérativement partir. Prises d’un doute, comme il se devait, les rédactions
essayèrent de recouper l’information. Mais il était impossible d’accéder à la
zone, et tout survol était interdit. On tenta d’utiliser des drones. Les images
recueillies ne furent pas convaincantes. Les médias dirent donc que, selon le
gouvernement, le feu était en progression, et qu’il enjoignait les citadins à
partir.
Mais que l’information sur la progression de
l’incendie ne pouvait être vérifiée.
À midi, le vent fit planer une légère odeur de
bois brûlé au-dessus des premières cités. Dans l’après-midi, des photos
postées sur les réseaux sociaux et reprises par les sites des médias montraient
un peu de fumée s’élever dans le lointain du ciel. Vers 18h, des journalistes dépêchés
dans la zone confirmaient avoir vu de petites flammèches ramper dans quelques
coins de la forêt. Vers 20h, des relents de feu commença à pénétrer dans la
ville. Les citoyens qui avaient proposé de constituer des milices lancèrent via
le web des appels aux volontaires. Quelques dizaines de personnes se
retrouvèrent à divers points de rassemblement, amenant avec eux du matériel
hétéroclite, puis se mirent à chercher des points d’eau. De nombreuses portes
étaient closes.
Du côté des boulevards, la circulation prit
subitement une ampleur inégalée. Engorgées, les bretelles d’autoroute ne
parvenaient plus à absorber le flux des voitures. Aux quatre coins de la
capitale, sur des dizaines de kilomètres, des véhicules bondés étaient à
l’arrêt. Rien n’avançait. Le blocage semblait total. Au sud de la capitale,
dans la noirceur de la nuit, près de l’autoroute, les automobilistes naufragés
pouvaient apercevoir comme une lueur orangée, un peu scintillante, qui semblait
chaque minute se rapprocher davantage. Sur la brèche, les médias se mirent à
couvrir la situation en direct. En studio, les éditeurs se demandaient quels
conseils donner à ces milliers de citadins perdus dans leur fuite.
Quelle sera la fin de ce récit
purement imaginaire ? Un autre post en imagine deux…
F.A.
F.A.
10 mai 2020
Un peu de télé-réalité dans ce monde confiné
S'évader de son univers étriqué en période confinée assure évidemment en prime-time le succès de Koh-Lanta (voir un post antérieur), mais pas que. RTL-TVI décline depuis quelques années deux programmes du genre qui s'inscrivent souvent dans le peloton de tête des audiences de chaque semaine. La crise du coronavirus leur a-t-elle profité? Petit coup d'oeil sur Top Chef (lundi soir) et Marié au premier regard (mardi soir).
Top Chef est une production implantée depuis 2010 sur RTL-TVI, même si c'est en fait un programme conçu et réalisé depuis la même année pour la chaîne française M6 et que, depuis que celle-ci a choisi de le proposer en première diffusion, sa petite sœur belge ne peut l'offrir qu'avec retard à ses spectateurs (1). Afin de le rendre proche de l'audience belge, le programme intègre chaque année des candidats venant de Belgique et, la plupart du temps, on veille à en conserver au moins un jusqu'aux dernières étapes de cette télé-réalité.
Marié au premier regard, qui est comme l'autre émission une adaptation d'un format international, a entamé sa carrière sur M6 à l'automne 2016. Se basant sur la manière dont la chaîne avait formulé l'émission pour le public français, RTL-TVI a ensuite produit une première version belge francophone, diffusée à l'automne 2017. Suite aux remous suscités dans cette partie du territoire par le concept (déjà existant en Flandre), mais aussi en raison du succès d'audience de cette première édition, une deuxième série de cette télé-réalité a été proposée en 2019 et la troisième à partir de fin février 2020.
Avant et pendant la crise
L'intérêt de ces deux programmes vis-à-vis de la crise covid-19 est d'avoir entamé leur diffusion avant le confinement officiel (le mercredi 18 mars), et d'avoir occupé le prime-time de la chaîne privée chaque semaine depuis lors (ou jusqu'à la fin du 'feuilleton 2020' pour Marié au premier regard, dont l'épisode final a été proposé le mardi 21 avril).
L'audience, incontestablement, a été au rendez-vous pour les deux programmes.
De manière générale, les deux émissions rassemblent en période de crise covid entre 500.000 et 600.000 téléspectateurs, et ils dépassent clairement les 600.000 si l'on prend en compte ceux qui ont non seulement suivi ces télé-réalités au moment de leur diffusion linéaire (et J+1), mais aussi au cours des six jours qui ont suivi.
Partant du fait que ces télé-réalités sont diffusées les lundi et mardi soir et que le confinement a débuté un mercredi, il faut considérer que l'impact de l'enferment sur l'audience a été effectif à partir de la semaine suivante, soit celle commençant le 23/3. Mais il est évident que des restrictions d'accès et de circulation étaient déjà de mise au début de la semaine précédente, et ont inféré sur l'usage de la télévision par son public.
Après avoir connu plusieurs semaines de baisse, l'audience Live+vosdal de Top chef remonte dès ce premier moment au niveau de son émission de lancement, soit près de 500.000 spectateurs. Elle diminuera un peu lors de la 'vraie' première semaine de confinement, mais recommence ensuite à croître pour se stabiliser au-dessus de 500.000 spectateurs par semaine. La course de l'audience Live+7 présente une configuration identique.
Pour Marié au premier regard, la croissance de l'audience Live+vosdal se manifeste à partir de la semaine du 23/3. Auparavant, le programme avait débuté sur un mode mineur, aux alentours de 350.000 spectateurs. Il frise les 500.000 à partir du 24 mars, et dépassera les 550.000 pour ses ante-pénultième et avant-dernière diffusions. Etonnamment, l'audience de l'épisode final où réside la 'résolution' du programme ("vont-ils ou non rester mariés") attire un peu moins de spectateurs. Sans doute parce que les principaux rebondissements du scénario (et notamment le refus de se marier exprimé devant le bourgmestre par un des candidats lors de la cérémonie elle-même) avaient déjà donné le ton lors des épisodes antérieurs.
Ce même léger effritement se retrouve aussi dans l'audience Live+7.
Divergences dans l'apport de spectateurs
L'impact du confinement est-elle déterminante sur le volume d'audience de ces moments de divertissement?
Sur l'ensemble des émissions diffusées de son lancement au début mai, la moyenne d'audience Live+vosdal de Top Chef est de près de 500.000 téléspectateurs. Si l'on ne prend en compte que la période de confinement, l'audience gagne 65.000 personnes par rapport au temps d'avant, soit une peu plus de 10%. Pour Marié au premier regard, la hausse est plus marquée: + 115.000 spectateurs environ, ce qui représente une peu plus de 20%. Mais il faut nuancer ces données par le fait qu'elles s'étalent sur moins de semaines, et que la période hors confinement y est plus brève.
En ce qui concerne l'apport de l'audience différée, celle-ci ne varie pas en pourcentage de manière significative. Top Chef compte une audience importante, et fidèle. Environ 15% de ses spectateurs regardent toujours l'émission plus de 24h après sa diffusion. Ne pas être présent au moment de la transmission linéaire ne paraît pas empêcher une part de l'audience de suivre le programme. Il n'y a que deux semaines, autour du début du confinement, où le public augmente d'une vingtaine de pourcent quand on tient compte de l'audience différée. Le contenu permanent de l'émission (l'élaboration des productions culinaires) peut y être considéré comme plus déterminant que les rebondissements de sa composante compétitive.
Le comportement du public de Marié au premier regard est plus erratique. L'émission est moins regardée en différé, et la part d'audience à plus de J+1 varie selon les semaines. L'audience semble réagir au fur et à mesure de l'évolution de l'histoire. Les rebondissements de la narration y jouent un rôle essentiel, et le fait de suivre ceux-ci au moment de la diffusion linéaire paraît important.
Grâce à l'enfermement?
L'audience 2020 est-elle exceptionnelle? En comparant par n° d'épisode l'audience des deux programmes cette année et celle de 2019, les résultats obtenus en fin de période, c'est-à-dire sous confinement, s'avèrent plus élevés que ceux recueillis en 2019.
Cette année-là, après une période de relative stabilité, l'audience de Top Chef avait décru, sans doute par usure et suite à la disparition de compétiteurs belges. Mais elle n'a quasiment jamais cessé de dépasser les 500.000 spectateurs. Au cours de cette année-ci, la morphologie de la courbe des première semaines est assez similaire à celle de 2019. Ensuite, l'inversion des tendances entre les deux années correspond à l'étalement de la période de confinement.
La comparaison est moins aisée pour Marié au premier regard car la télé-réalité comptait moins d'épisodes l'an dernier. Dans les deux cas, la tendance générale de la courbe est cependant identique: l'audience croît d'émission en émission, au fil de la construction du récit global et de l'entremêlement de plus en plus complexe entre les récits liés aux histoires propres aux différents couples. Une sorte de 'bouche à oreille' semble contribuer à construire la réputation du programme et à en gonfler l'audience. L'an dernier, celle-ci avait augmenté quasiment chaque semaine. En 2020, les 600.000 spectateurs atteints, ce résultat paraît constituer le plafond que l'émission ne peut dépasser.
Ces données figurent évidemment en chiffres absolus. La part de l'audience attirée par ces programmes a-t-elle suivi la même audience?
La comparaison par semaine des PDM (Live+7) de Top Chef révèle que celles-ci ne sont, la plupart du temps, pas supérieures à celles de 2019, sauf en début de confinement. L'an dernier, la moyenne de PDM était de 32%. Elle est au même niveau cette année, légèrement supérieure avant le confinement et légèrement inférieure pour la période du confinement.. La légère hausse du nombre de spectateurs n'infère que de manière infime sur la part d'audience du programme. L'intérêt pour cette production reste proportionnellement identique.
Pour Marié au premier regard, les parts d'audience 2020 avant covid sont inférieures à celles de l'an dernier. Par la suite, elles sont à peu près équivalentes. La moyenne de PDM de la télé-réalité a été de 28% cette année, soit à peine 1% de PDM de plus que l'an dernier. Mais la proportion du public de téléspectateurs ayant suivi le programme avant le confinement ne représentait que 25% de PDM, alors qu'après le début de la crise, la part de marché atteint 30%. L'intérêt pour cette émission a proportionnellement augmenté.
Si les chiffres absolus liés à la crise covid fournissent en 2020 de bons résultats à ces programmes, cet élément est, dans un des cas, à nuancer en se référant à la part de marché du programme. Mais c'est d'abord leur ADN télévisuel et narratif qui permet d'expliquer le comportement global de l'audience au cours de la diffusion de ces télé-réalités.
Hors crise covid, il n'est pas certains que les résultats d'audience 2020 auraient été aussi élevés que ceux de 2019.
Frédéric ANTOINE.
(1) sur M6, Top Chef est diffusé le mercredi à partir de 21h05, et le même épisode est proposé sur RTL-TVI le lundi suivant en début de prime-time (soit avant 21h05). Cette pré-diffusion française, inaccessible à tous les Belges qui ne peuvent pas capter M6 par TNT et sont donc 'prisonniers' d'une transmission par câble de RTL-TVI, n'empêche pas le programme de réaliser de beaux résultats d'audience. En 2010 déjà, l'émission se plaçait en 51e place dans le Top 100 des meilleures audiences belges francophones du CIM.
08 mai 2020
Matinale radio : la "capitulaïsation" du mariage de la carpe et du lapin…
Le vendredi 8 mai voit se terminer sur la RTBF une expérience (en partie) radiophonique peu commune, entamée le lundi 23 mars, premier jour de la première semaine complète de confinement en Belgique : la réalisation de l'émission Le 6-9 ensemble. Le bilan de l'expérience permet de tirer quelques leçons sur ce qui fut en quelque sorte le mariage d'une carpe et d'un lapin.
Un produit hybride
Imaginée pour n'être diffusée qu'en période de confinement, et essentiellement conçue pour continuer à produire avec de petits effectifs deux programmes à l'origine totalement différents, cette émission à la fois radiophonique et télévisuelle peut être perçue comme un produit hybride de deuxième génération, fruit d'une greffe entre la matinale de la chaîne de radio La Première et une production antérieure, elle-même déjà issue d'une hybridation entre une partie de la matinale de la radio Vivacité et une émission de télévision diffusée sous la marque Vivacité, mais dont la majeure partie n'est pas diffusée sur les ondes de ce réseau radiophonique.…
Imaginée pour n'être diffusée qu'en période de confinement, et essentiellement conçue pour continuer à produire avec de petits effectifs deux programmes à l'origine totalement différents, cette émission à la fois radiophonique et télévisuelle peut être perçue comme un produit hybride de deuxième génération, fruit d'une greffe entre la matinale de la chaîne de radio La Première et une production antérieure, elle-même déjà issue d'une hybridation entre une partie de la matinale de la radio Vivacité et une émission de télévision diffusée sous la marque Vivacité, mais dont la majeure partie n'est pas diffusée sur les ondes de ce réseau radiophonique.…
Pour rappel, ce produit audiovisuel quasiment indéfinissable était jusqu'à l'arrivée du confinement divisé en deux parties: entre 6 et 8h du matin, Le 6-8, une émission de télévision à mi-chemin entre talkshow et info service, plutôt low-cost, diffusée sur le réseau de La Une télé, mais produite sous la marque Vivacité, et réalisée sur un plateau conçu comme un mix entre studio de radio et de télévision. Et, de 8h à 10h30, la diffusion simultanée sur les ondes de Vivacité et sur La Une télé, de deux émissions réalisées sur ce même plateau: de 8 à 9h, l'émission de divertissement Le 8-9, puis jusqu'à 10h30 le talk avec les auditeurs C'est vous qui le dites.
On a déjà beaucoup commenté ce concept quasiment inédit (1), dont on ne rencontre pas beaucoup d'exemples comparables à l'extérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où se mêlent codes de la radio de la télévision, mais dont la particularité est de ne pas modifier ces codes alors que la première tranche diffusée n'est proposée qu'en télévision, et que la deuxième fait, elle, l'objet d'une transmission à la fois radiophonique et télévisuelle.
De info ou du talk-show?
L'originalité 'au carré' du 6-9 ensemble est d'ajouter une troisième dimension à ce mille-feuilles, en y intégrant jusqu'à 9h du matin la tranche matinale de La Première, qui n'a a priori aucun point commun ni avec le contenu talk-service du 6-8, ni avec celui de l'offre de divertissement du 8-9. On peut comprendre que, en situation de crise, la solution choisie par l'opérateur public ait été de réduire son offre afin de concentrer ses moyens. Au cours de la période de confinement, la même situation a été vécue dans d'autres secteurs médiatiques. En France, par exemple, de nombreux quotidiens régionaux ont drastiquement réduit leur offre d'éditions régionales pendant la période de confinement.
Mais l'option choisie ici est de nature quelque peu différente.
Le site Auvio de la RTBF situe Le 6-9 ensemble dans sa rubrique "divertissement", et classifie l'émission comme un "talk-show". Ces caractéristiques sont celles qui étaient aussi utilisées pour définir Le 6-8 et Le 8-9. Mais cette catégorisation ne correspond toutefois pas à celle de la matinale de La Première qui, sous la dénomination Matin Première, présente en fait deux tranches différentes: un 6-7h présenté par une journaliste, et un 7-9 animé par un autre journaliste. Toujours sur Auvio, la RTBF positionne elle-même cette émission dans sa rubrique "info", et la qualifie de "magazine". Ce qui ne manifeste pas vraiment une même nature que le 6-8 et le 8-9.
Il est marquant de constater que ce sont les caractéristiques de ces derniers programmes qui ont, in fine, été utilisés pour identifier Le 6-9 ensemble.
Des tonalités sur tranche
Pourtant, sur Auvio, le texte de présentation de ce nouveau programme se termine par la phrase « Un rendez-vous qui sera autant informatif que "feel good". » L'intention du présent petit article n'est pas de mener une analyse de contenu approfondie de l'émission. L'inventaire des rubriques qui constituent l'essentiel des deux programmes permet toutefois d'apprécier la manière dont le 'cocktail' a été réalisé.
La première impression est que, dans Le 6-8, la tonalité des tranches 6-7 et 7-8 diffère sensiblement. La première tranche, où l'animation reste entre les mains de la présentatrice habituelle du programme télévisé, s'apparente plutôt dans sa première demi-heure à un programme de talk-show service, où la connivence est manifeste avec les invités, à qui on s'adresse de façon amicale. Au cours de la deuxième demi-heure y apparaissent par ailleurs des séquences classiques de type 'news', comme une revue de presse ou une chronique économique, qui conservent (sauf dans leur mécanique de relance) une morphologie assez conventionnelle.
Dans la seconde tranche, où l'animatrice joue en duo avec le présentateur attitré de la tranche 7-9 de Matin Première, la part d'éléments de nature informationnelle semble prépondérante, et l'adjonction du côté 'service', qui ne figure pas d'ordinaire dans la matinale de La Première, est plus faible. Dans Le 8-9, les choses s'inversent. Les chroniques légères et le divertissement prédominent largement. L'information n'est plus présente que de manière ténue. Entre 6 et 8 heures, le modèle s'apparente à un magazine d'informations, en version light par rapport au contenu habituel de la matinale de La première. De 8 à 9 heures, l'émission s'inscrit dans les rails du 8-9 habituel. Le seul élément de continuité entre les deux programmes, désormais réunis sous la seule bannière du 6-9 ensemble, est le ton de l'animation, assurée de 7 à 9 heures par la présentatrice habituelle du 6-8 et par le journaliste-présentateur de Matin Première. Mené de manière dialoguée, le ton se veut léger, enjoué, et ne mise pas trop sur le caractère 'sérieux' que l'on retrouve plutôt, du moins jusqu'à 8 heures, au sein-même des rubriques, chroniques et interviews.
Pour l'audience la plus forte
L'axe majeur de chacune des tranches ne paraît donc pas avoir été forgé en fonction de l'identité d'ensemble du produit, mais en tenant compte du volume d'audience potentiel dominant de chacune de ses composantes originelles. Dans ce cadre, la part de la consommation télévisuelle du programme restait bien inférieure à l'audience récoltée, en ce moment privilégié de prime-time radiophonique, par les deux chaînes de radio associées à l'opération.
Quelques données disponibles sur 2018-2019 situent le reach du programme télévisé à un peu plus de 80.000 spectateurs pour Le 6-8, et à un peu moins pour Le 8-9. En radio, (31/08/2019-05/01/2020), Vivacité compte près de 70.000 auditeurs à 6h du matin, plus de 200.000 aux alentours de 8h et à peine moins vers 9h. La Première en totalise plus de 65.000 à 7h, près de 90.000 à 8h et 56.000 à 9h. Entre 6 et 8h, l'audience de Vivacité radio ne concerne pas Le 6-8, puisque à ce moment-là le réseau radio est à l'heure de ses décrochages régionaux. L'audience qui prime à ce moment est celle de La Première, et il est logique que Le 6-8 se mâtine des couleurs de cette station de radio. Mais cela ne peut plus être de mise au-delà de 8h, lorsque Vivacité rejoint La Une pour la diffusion du 8-9. D'autant que, à ce moment-là, l'auditoire radio de l'émission est beaucoup plus importante que celui de la télévision.
Pâte homogène ou brouet grumelé?
Nous ne disposons pas de données permettant de confronter ces data habituelles avec la situation vécue lors de la crise covid. On ne peut toutefois s'empêcher de se demander si, au final, le mélange conçu à partir du talk-show tv et du magazine d'infos de La Première, puis entre ce dernier et le talk-show commun de Vivacité et de La Une, a contribué à produire une pâte homogène, prête à lever.
Ou si le produit final n'est pas resté grumelé, voire dans l'impossibilité de réussir le mélange de ses composantes. En raison des circonstances, on aura tendance à être positif, et à considérer que chacun a fait contre mauvaise fortune bon cœur, en donnant du sien autant que faire se peu. Mais de bonnes intentions conduisent-elles à réaliser de bonnes productions, non seulement digérables par mais aussi goûteuses pour ceux qui les consomment? Permettons-nous de laisser la question ouverte.
Ou si le produit final n'est pas resté grumelé, voire dans l'impossibilité de réussir le mélange de ses composantes. En raison des circonstances, on aura tendance à être positif, et à considérer que chacun a fait contre mauvaise fortune bon cœur, en donnant du sien autant que faire se peu. Mais de bonnes intentions conduisent-elles à réaliser de bonnes productions, non seulement digérables par mais aussi goûteuses pour ceux qui les consomment? Permettons-nous de laisser la question ouverte.
Entre 6 et 8h, le profil de l'auditoire de La Première est-il compatible avec celui d'un programme télévisé de La Une labélisé 'Vivacité', alors que, par exemple, c'est sur La Trois qu'est diffusée l'émission de débat QCFD d'abord proposée chaque avant-soirée sur La Première? Entre 8 et 9h, peut-on mixer de manière compatible l'auditeur de La première et celui-de Vivacité en leur proposant un programme identique, par ailleurs visible en télévision?
Des (in)-cultures difficilement (re)conciliables
Au-delà de cela, les auditeurs s'y retrouvent-ils? Le mélange de journalistes, animateurs et chroniqueurs n'y contribue pas forcément. A certains moment, l'auditoire de Vivacité sera étonné du sérieux ou de l'intellectualisme de certaines chroniques. A d'autres, ce sera le cas de ceux de La première, qui ne se retrouveront sans doute pas tout à fait dans les allusions ou références culturelles évoquées, ainsi que dans les angles à partir desquels un sujet est traité ou abordé.
On s'étonnera peut-être de voir ce décalage ou cette méconnaissance culturelle exploitée par l'un des présentateurs, qui n'hésite pas à reprendre, si nécessaire, les propos de l'autre animateur en les corrigeant ou les recadrant. Le titre du présent petit texte y fait par exemple référence, lorsque le 8 mai 1945 fut dans l'émission dénommé sur le plateau le jour de la "capitulaïsation". Et ce n'est qu'un des nombreux cas où cela s'est produit, cette différenciation culturelle étant manifeste, et ayant été exploitée par les animateurs, mais aussi par certains chroniqueurs, dès les toutes premières émissions.
L'audience de la radio en matinée étant aussi morcelée, surtout quand l'auditeur ne se trouve pas sur le chemin du travail dans sa voiture, l'habitué d'un des deux programmes —et plutôt de La Première— peut aussi s'être senti perturbé par ce qui lui a été proposé au moment où il s'est branché sur le programme, ou par la couleur d'antenne (par exemple, l'identité du jingle de début de journal parlé)…
Labo en direct live
Dès le commencement, le terrain du 6-9 ensemble était manifestement miné. Ceux qui ont fait le pari de l'expérience ont tenté de désamorcer plus d'une bombe. Ils y sont souvent parvenu. Mais n'ont-ils pas aussi parfois eux-mêmes créé l'une ou l'autre petite explosion? A l'heure où le credo de la RTBF est de supprimer les silos pour prôner l'horizontalité, le pari pouvait être tenté. Seules de véritables enquêtes de réception permettraient de déterminer si l'auditeur lambda (et non celui qui occupe les réseaux sociaux) s'est à ce point senti dépaysé par le mélange qu'on lui a proposé au réveil qu'il a préféré changer de crémerie radiophonique. Tout comme il restera un jour à se demander si, tant qu'à chercher à protéger la santé de son personnel en économisant le volume des équipes mobilisables dans les studios et sur les plateaux, il n'eût pas été plus pertinent de réaliser cet objectif à des heures de relativement faible audience plutôt qu'au moment phare de la journée radiophonique qu'est la tranche matinale. A moins que la raison ultime de tout cela ait été de préserver à tout prix le soldat 6-8, ce représentant d'une incomparable polymorphie médiatique ayant peut-être autrement dû être sacrifié sur l'autel du confinement. Le 6-9 ensemble a, en tout cas, été un très intéressant laboratoire. Notamment parce que tout s'y est déroulé en direct live. Et sans filet.
Frédéric ANTOINE.
(1) voir notamment: F. ANTOINE, "Le nouveau « 6-8 » de la RTBF : Quand la TV fait de la radio…", https://radiography.hypotheses.org/1708, 5/9/2015 et F. ANTOINE, "Neither radio nor television: multimedia radio as social media - a case study with the PMS in French-speaking Belgium", presntation in Siena ECREA Radio Section Conference, septembre 29019.
07 mai 2020
Afflux d'aventuriers confinés sur Koh-Lanta
Qui n'a recherché de s'aérer par un peu de divertissement dans ce monde en confinement ? Face à un écran de télévision qui décline au fil de ses programmes les progrès de la pandémie et une impression d'enfermement généralisé, comment s'évader? Notamment, en regardant Koh-Lanta.
Incontestablement, l'effet coronavirus a joué sur l'audience du programme, qui caracolait aux alentours des 300.000 spectateurs (Live+vosdal) lors de ses premières semaines, en février, et qui en a gagné plus de 100.000 dès le début du confinement, pour grimper jusqu'à mi-avril aux alentours des 450.000 personnes… jusqu'à la 'catastrophe industrielle' du vendredi 24 avril. Ce soir-là, l'audience du programme perd 160.000 téléspectateurs d'un coup. La faute à l'attente pendant une bonne partie de la soirée de la conférence de presse du CNS devant révéler les modalités de l'entrée en déconfinement (1). L'attente de la communication des autorités, qui occupera la première partie du prime-time, et la conférence de presse qui arrive en fin de prime-time (voire en late-fringe) prive la télé-réalité d'aventure d'une partie de ses amateurs. Pour de bon? Ceux-ci ne seront en effet pas tous au rendez-vous la semaine suivante, puisque l'émission ne rassemblera qu'un peu plus de 400.000 personnes le 1er mai. Pourtant, ce soir-là, l'élimination des deux porteurs de colliers d'immunité avait de quoi relancer le suspens. Mais elle n'est évidemment intervenue qu'en fin de récit…
Pour les 24/04 et 01/05, il sera intéressant de disposer des données Live+7, que le CIM n'a pas encore mises en ligne. Pour les semaines précédentes, celles-ci confirment que Koh-Lanta n'est pas seulement un programme que l'on suit en direct (ou en quasi-direct), mais qu'une partie des spectateurs le regarde lors d'un moment de disponibilité de son choix. L'apport de cette audience différée (en orange sur le graphique) permet à l'auditoire de Koh-Lanta de compter au total plus d'un demi-million de spectateurs lors de l'ouverture de la saison 2020, et plus de 450.000 les semaines qui suivent. A partir de l'arrivée du confinement, les deux types d'audience totalisent en moyenne 530.000 personnes, la barre des 550.000 étant dépassée à partir du début avril.
Le non-linéaire ne représente toutefois pas le même volume d'audience au cours de toute la période de diffusion de la télé-réalité. Les spectateurs regardant l'émission plus de 24h après sa diffusion étaient plus de 170.000 pour la première de l'émission. Ce nombre va ensuite décroître semaine après semaine. La diminution est constante et particulièrement sensible après le début du confinement (sauf à Pâques).
En début de saison, la part d'audience non-linéaire représente environ un tiers de l'audience totale. Cette proportion descend aux alentours de 20% lors de la crise du covid-19. Une partie de l'auditoire qui suivait d'ordinaire l'émission en catch-up tv semble alors avoir eu l'occasion de basculer sur le (quasi) direct.
Sur l'ensemble des émissions diffusées du 21/02 au 01/05, le programme réunit en moyenne un peu moins de 380.000 spectateurs (Live+vosdal). Pendant le confinement, la moyenne de l'audience croît légèrement, mais cette mesure est perturbée par le 'cas' que représente la soirée du 24 avril. En ne tenant pas compte de ce moment d'anormalité, la moyenne de l'audience covid se situe à environ 420.000 spectateurs.
La moyenne de l'audience belge (Live+vosdal) de Koh-Lanta était d'un peu plus de 280.000 personnes en 2019. Les résultats 2020 sont donc largement supérieurs, mais cette hausse est aussi sensible hors de période de confinement. Le graphique ci-dessus compare les audiences des semaines 1 à 7 de la télé-réalité au cours des deux années. On y relève dans les deux cas un comportement identique de l'audience en début de période (un attrait de l'émission de lancement, suivie d'une baisse d'intérêt et d'une remontée de l'audience). En 2019, le nombre de spectateurs baisse à nouveau par la suite, ce qui n'est pas le cas cette année.
Le succès de Koh-Lanta sur les petits écrans belges n'est pas neuf. En 2007, par exemple, la finale du programme, qui avait eu lieu à la mi-septembre, avait rassemblé 384.000 téléspectateurs. Fin octobre 2012, on lui comptabilisait une audience de plus de 468.000 personnes. L'attrait pour les aventuriers de la tribu perdue avait ensuite plutôt baissé. Cette année semble permettre à l'émission de renouer avec les audiences de ses bonnes années.
(1) Cf. sur ce même blog les articles sur l'audience des JT et de Questions en prime ce même vendredi 24/04.
06 mai 2020
L'errance des pigeons confinés
Comment réaliser une émission quotidienne sur la consommation alors que l'on ne consomme plus ? Le dilemme a touché le programme On n'est pas des pigeons, émission quotidienne de semaine d'access-prime-time de La Une. A partir du 24/03, les pigeons se sont donc repliés dans leur pigeonnier, avec interdiction de sortir. Et en abandonnant en bonne partie le registre 'consommation' pour se consacrer à la vie au domicile en temps de confinement. Cet accompagnement a aussi été étendu des jours de travail de la semaine au week-end. Avec des succès plutôt variables.
Le début du confinement correspond à une hausse sensible de l'audience du programme, qui compte en moyenne 178.000 spectateurs de début mars à la veille du confinement, pour dépasser les 300.000 en tout début de crise, avant que l'émission ne devienne On n'est pas des pigeons à la maison. Sur l'ensemble de la période commençant le 16 mars et se clôturant le 4 mai, la moyenne d'audience du programme est d'environ 217.000 spectateurs. La version On n'est pas des pigeons à la maison, qui ne débute pas tout de suite lors du confinement, est pour sa part suivie par en moyenne 207.000 personnes. Ce résultat est bien sûr plus élevé que la moyenne réalisée en début de mois, mais est à peine au-dessus de la moyenne d'audience de janvier 2020, qui était de 193.000 spectateurs. La première impression serait donc que la crise du Covid-19 n'a pas fortement bénéficié à ce programme, que les événements ont obligé à repositionner son projet éditorial.
la pente de la courbe d'audience de l'émission manifeste l'irrégularité des résultats non seulement au fil des semaines, mais aussi des jours de la semaine. Il ne faut pas perdre de vue que, dans sa nouvelle formule, l'émission a quotidiennement occupé son créneau, week-end compris. Et c'est souvent au cours des samedis et des dimanches que le programme rassemble ses audiences les moins importantes, alors qu'il attire ses plus hautes audiences hebdomadaires en début de semaine (lundi, mardi, plus rarement mercredi).
Dans ce contexte, une occupation continue de l'antenne ne garantit pas nécessairement une meilleure présence.
La réouverture des commerces et des services permettra-t-elle à ONPP des retrouver l'essence de son ADN?
Un jardin à l'audience (presque) extraordinaire
A l'orée des vacances de Pâques, le dimanche 4 avril, l'émission Le jardin extraordinaire s'est transformée en Notre jardin extraordinaire. Cette version 'confinée' d'un programme qui part plutôt à la découverte de la nature hors du quotidien a duré jusqu'au dimanche 3 mai. Au cours de cette période, le présentateur-producteur est parti à la découverte de son propre jardin, mais a surtout fait appel à des images récoltées par les spectateurs au sein du leur. Le programme a été conçu sur base d'un fil narratif chronologique égrenant les jours de la semaine, et reposant sur des conversations par téléconférences avec des cameramen naturalistes ou animaliers amateurs des quatre coins de la Belgique francophone, ainsi que sur la diffusion d'une sélection des images que ces personnes avaient préalablement fait parvenir à l'émission. De fenêtre ouverte sur le grand monde, le programme s'est mué en fenêtre sur l'univers restreint de tous ceux qui étaient chez eux (généralement à condition qu'ils aient un jardin et un matériel un tant soit peu capable de saisir des images de bonne qualité en gros plans).
Cette version du programme a attiré une audience plus large que celle qui le suit habituellement. Entre janvier 2020 et le début du confinement, l'audience moyenne du Jardin extraordinaire (Live+vosdal) était de 404.000 spectateurs. Celle des émissions de mars, qui ont poursuivi la formule classique de l'émission, a été de 427.000. L'audience moyenne des cinq émissions de Notre jardin extraordinaire a, elle, été de 505.000 téléspectateurs. Soit 100.000 de plus qu'en temps de non-confinement. La courbe de tendance figurant sur le graphique confirme bien cette évolution.
Pour la période pour laquelle on dispose de l'audience Live+7 (vision différée de J+1 à J+7), il apparaît que celle-ci ne diffère pas fortement de l'audience Live+vosdal (direct et différé J+1). Hors période de confinement, depuis début janvier 2020, l'émission enregistrait une part de marché moyenne de près de 25%. Pendant le reste du mois de mars, celle-ci a été de 23%. Pendant les trois dimanches de la période de diffusion de Notre jardin extraordinaire dont on dispose des chiffres, la PDM de l'émission était de 28%. La hausse du nombre de téléspectateurs du programme n'est donc pas seulement due à l'accroissement du nombre total de personnes regardant la télévision en période de confinement (cf. situation en mars avec une baisse de PDM pour une légère hausse de spectateurs) mais aussi à l'attirance plus marquée exercée par ce programme dans une version de proximité interactive où le spectateur devient (en partie) acteur de la production.
Le jardin extraordinaire est une des émissions historiques de La Une. Elle y a occupé la case de début de prime-time du samedi soir depuis octobre 1965, et est passée du samedi au dimanche au tournant des années 2000. Certains observateurs estiment que ce changement de jour (imposé par l'obligation faite à la RTBF d'alors diffuser en direct le samedi soir un jeu de la Loterie nationale) a en réalité sauvé une émission qui s'enlisait dans le documentaire animalier et perdait en audience. Le programme a alors entamé un virage écologique, qui a été suivi d'une profonde remise à neuf du concept un peu avant le cinquantième anniversaire de l'émission, en septembre 2014, en s'orientant vers l'observation, la découverte et la protection de la nature. Elle est depuis lors pilotée par Tanguy Cortier.
Avant cette période de renouvellement, selon la RTBF (1), l'émission avait une part de marché moyenne de 18,6%, et une audience moyenne de 323.067 téléspectateurs.
Au cours de l'année 2019, l'audience moyenne de l'émission a été d'environ 350.000 personnes. Le programme est apparu à 24 reprises dans le top 20 des meilleures audiences de la semaine établi par le CIM (Live+7), avec dans ces cas-là une audience moyenne d'environ 370.000 spectateurs et une part de marché moyenne de 24%.
Par rapport à l'an dernier, l'audience moyenne de l'émission depuis janvier est donc en hausse. Celle-ci a été renforcée par Notre jardin extraordinaire. Les parts de marché de l'émission, par contre, ont été relativement stables, sauf lors de la diffusion de Notre jardin extraordinaire.
Frédéric ANTOINE
(1) Source : www.rtbf.be, Le jardin extraordinaire, l'émission nature de la RTBF, a 50 ans (15/10/2015)
05 mai 2020
Questions en Prime : Une prime pour les réponses
A compter du lundi 16 mars 2020, La Une (RTBF) a fait suivre son JT de 19h30 d'une émission en direct, de type "service aux téléspectateurs", où le journaliste Sacha Daout relaye auprès de spécialistes présents sur le plateau les questions que se pose le public (et les téléspectateurs) à propos du covid-19, du confinement, et de la crise liée au nouveau coronavirus. Certaines questions sont aussi posées par les téléspectateurs eux-mêmes. A coté d'invités en studio, la parole est donnée à divers acteurs de la société belge, via visioconférence.
L'émission se déroule normalement du lundi au jeudi, en n'empiétant pas sur le week-end.
Elle dérogera à ce principe fin avril, lors de l'annonce des premières mesures de déconfinement. Le programme est alors aussi diffusé le vendredi et le week-end, dans l'annonce de et pour rendre plus compréhensibles (ou discutables) les mesures annoncées le vendredi soir après 22h.
Le mercredi 25 mars constitue aussi une exception. Ce jour de la semaine étant celui où était prévu le lancement du nouveau magazine d'investigation de la rédaction de la RTBF, une partie de l'émission est remplacée par la diffusion d'un reportage, Dans l'ombre du virus. L'audience de ce jour est la plus faibles du programme, si l'on exclut celle du mercredi 16/3, jour où l'émission est particulièrement longue, et où RTL-TVI diffuse en parallèle un reportage : Coronavirus, la Belgique à l'arrêt.
De la mi-mars au 28 avril, l'audience moyenne de Questions en Prime a frôlé les 607.000 spectateurs quotidiens. Cette moyenne est à peu près identique au cours du mois de mars et du mois d'avril.
La courbe des audiences quotidiennes confirme ce niveau d'audience à peu près constant qui ne connaît que deux jours plus faibles et un jour avec un pic d'audience, celui-ci se situant le vendredi soir, avant la tenue de la conférence de presse du CNS annonçant les premières mesures de déconfinement. Le programme réunit alors près de 878.000 téléspectateurs, ce qui constitue une audience très élevée (à l'heure où ces lignes sont écrites, le CIM ne donne pas encore accès aux données en parts de marché permettant de mesurer à quelle part de l'ensemble de l'audience ce chiffre correspond).
Il est difficile de comparer l'audience moyenne avec les résultats d'ordinaire obtenus par La Une à la même heure, car l'émission ne correspond pas au format classique d'un programme de prime-time. Sa durée moyenne est de 22 minutes, ce format connaissant trois exceptions : le 18/03, où elle dure plus de 80 minutes (audience moyenne la plus faible enregistrée), le 25/03 (avec diffusion d'un reportage) et le vendredi 24/04, où elle participe pendant 46 minutes à la longue attente de la conférence de presse du CNS. On pourrait alors comparer l'audience de cette tranche avec celle des programmes courts de début de prime-time que La Une propose du vendredi au dimanche, mais là aussi la mise en relation serait discutable car ces jours sont, justement, ceux où l'émission n'est d'ordinaire pas diffusée.
A titre indicatif, on notera que l'audience moyenne du programme de prime-time de La Une au cours du mois de janvier (lundi-jeudi) était de 337.000 téléspectateurs. Soit un peu moins de la moitié du volume de l'auditoire que réunit en moyenne Questions en Prime.
Les données disponibles sur les parts de marché réalisées par l'émission ne concernent que la meilleure audience de chaque semaine. Ces jours où le programme a réuni la plus grande proportion de spectacteurs, la PDM du programme se situe entre 36 et 40%, et cette proportion croît en avril, semblant manifester l'accroissement d'intérêt que l'audience porte à une émission qui tend à clarifier, expliquer et faire comprendre, sans se faire le porte-parole des décideurs, et tout en conservant un esprit critique et un sens journalistique.
Frédéric ANTOINE
04 mai 2020
Quelle audience, les JT confinés !
Les JT du soir
L'audience des JT a battu tous les records pendant la crise du coronavirus.
Selon les données CIM, plus de 800.000 téléspectateurs (Live+Vosdal) ont fréquemment suivi les journaux télévisés du soir de RTL-TVI et de La Une au cours du mois de mars. Ces scores historiques sont beaucoup moins fréquents en avril, et est alors essentiellement lié aux moments des annonces de décisions du CNS sur la sortie du confinement.
De manière assez constante, le RTL Info de 19h a, comme à l'accoutumée, rassemblé davantage d'audience que le JT de La Une. Mais les résultats des deux chaînes se sont rapprochés.
En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 19h de RTL-TVI a été suivi par près de 808.000 spectateurs, et le 19h30 de La Une par environ 754.500 spectateurs.
Du 1er au 29 avril, l'écart s'est réduit entre les deux chaînes, la moyenne du journal du soir de RTL-TVI étant de 724 500 et celui du 19h30 de 722.000. En tenant compte de la marge d'erreur, on peut estimer que les deux JT ont réuni le même nombre de spectateurs.
En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 19h était de 601.000 personnes et celle du 19h30 de La Une de 472.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 531.000 pour RTL-TVI et de près de 420.500 pour La Une.
En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 19h a donc été d'environ 200.000 spectateurs supérieure à 2019, et celle du 19h30 de La Une de près de 275.000.
En avril, les gains d'audience sont encore supérieurs. Le RTL Info 19h a comptabilisé en moyenne environ 193.500 spectateurs de plus qu'en 2019, et le19h30 de La Une près de 301.500. Ces résultats s'expliquent en partie au moins par l'absence cette année d'un effet "vacances de Pâques", qui diminue toujours l'audience moyenne de la télévision pendant cette période. Mais cet effet ne concerne qu'une partie du mois.
Les pics absolus d'audience des JT se situent en début de crise, lors de l'entrée en confinement.
Tout au long de cette période, les journaux télévisés de RTL-TVI continuent comme d'ordinaire à recueillir davantage de spectateurs que ceux de la RTBF. Mais celle-ci réalise parfois des audiences plus élevées que sa concurrente privée lors de moments liés à la communication de décisions du CNS.
Les JT de 13h
Sur le temps de midi, les JT de la RTBF réalisent d'ordinaire des résultats d'audience meilleurs que RTL-TVI. La chose est moins évidente pendant cette période de crise, les deux émissions d'information comptabilisant souvent un nombre de spectateurs presque équivalent (hormis les cas des dimanches, où RTL-TVI est traditionnellement plus suivie que La Une). En fin de période, l'audience des JT de 13h de RTL-TVI précède à de nombreuses reprises celle des JT de la RTBF.
En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 13h de RTL-TVI a été suivi par près de 390.500 spectateurs, et le 13h de La Une par environ 414.500 spectateurs.
Mais, du 1er au 29 avril, la moyenne du journal de 13h de RTL-TVI était de 410.000 spectateurs et celui de la RTBF de 384.000.
En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 13h était de 229.500 personnes et celle de La Une de 237.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 215.500 pour RTL-TVI et de près de 230.000 pour La Une.
En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 13h a donc été d'environ 261.000 spectateurs de plus qu'en 2019, et celle du 13h de La Une de près de 177.500.
En avril 2020, RTL Info 13h a compté environ 194.500 spectateurs en plus par rapport à 2019, et le13h de La Une près de 206.500. Mais il faut là aussi tenir compte d'une absence de l' "effet vacances de Pâques" cette année.
La crise du coronavirus a attiré vers l'information des JT belges un nombre de spectateurs plus important que d'ordinaire, celui-ci augmentant souvent en moyenne de plus de 200.000 personnes par jour et par édition du journal télévisé. Il s'agit évidemment de moyennes, qui sont influencées par les chiffres élevés d'audience les jours où des événements importants se déroulent aux alentours de l'heure des informations. En mars et avril, RTL-TVI a accru par rapport à 2019 l'audience de ses JT de plus de 25%. A 13h, l'audience moyenne de RTL a augmenté de plus de 40% en mars à un peu moins de 50% en avril.
Pour la RTBF, la hausse d'audience du JT du soir et plus marquée encore: en mars elle est d'un peu moins de 40%, et avril d'un peu plus de 40%. A 13h, le gain d'audience est de plus de 40% en mars et en avril.
Les hausses d'audience sur le temps de midi peuvent être mise en relation avec l'état de confinement, qui invite davantage de personnes à regarder la télévision en journée. La même explication ne peut pas être envisagée de manière identique pour les JT du soir.
Frédéric ANTOINE
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