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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

23 février 2021

"QR L'ACTU" SUR LA RTBF: UN EFFORT DE NOUVEAUTÉ. MAIS PEUT MIEUX FAIRE

Ce lundi 22 après le JT, La Une a proposé le premier numéro de sa "nouvelle" émission, QR L'actu, qui ressemble quand même pas mal à Questions à La Une, mais dans une version "améliorée". Y a encore quelques progrès à faire…

Questions en Prime est cette émission qui suivait tous les JT de La une lors grands jours du premier confinement, puis qui a continué à occuper l'antenne pendant toute la suite de la crise du covid. Devant une telle permanence, et de bons résultats d'audience, on ne pouvait, à un moment ou un autre, que sanctuariser ce programme dont le projet correspond tellement à l'image que l'on se fait aujourd'hui d'un MSP (Média de service public) ou, comme on dit dans les cénacles de l'UER, un PSM (Public service media) (1). QR L'actu, le nouveau concept issu de Questions en Prime, est d'autant plus intéressant qu'il entend fédérer l'émission qui suit le JT avec le programme de débat politico-public de La Une, dénommé A votre avis, et diffusé sur la même chaîne le mercredi en deuxième rideau de soirée. Et cela tombe bien, puisque les deux émissions ont justement le même journaliste-animateur! 

Autre raison de l'intérêt de l'émission, comme A votre avis l'affiche dès son titre (2), il est ici question de donner davantage la parole "au public", terme vague aisé à utiliser mais dont on ne sait pas toujours très bien ce qu'il représente. On s'était ainsi souvent interrogé sur la représentativité "du public' participant à l'émission A votre avis en temps de non-covid. Ici, il semble que "le public" soi considéré comme étant celles et ceux qui interagissent dans l'émission via les réseaux sociaux et/ou qui ont téléchargé la nouvelle version de l'application Opinio mise en ligne le 20/02, soit deux jours avant la première de l'émission. Ces téléspectateurs (inter)actifs représentaient-ils les 400.000 à 500.000 personnes assises devant leur téléviseur au temps de Questions en Prime en novembre ou décembre dernier? Ou sont les porte-parole des 416.452 téléspectateurs qui ont suivi la première de QR L'actu, ce lundi 22/02 (2)?

Air de famille

Dire que ces téléspectateurs ont été chamboulés dans leurs habitudes par ce nouveau programme serait sans doute un peu exagéré. Il serait plus correct de se référer au vieil adage selon lequel ce sont dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes. A commencer par le plan de générique qui, certes, n'affiche plus le même titre, mais qui laisse bien comprendre qu'on est dans quelque chose de connu. Avec toutefois un brin de graphisme plus "techno" ou "industriel" que le titraille précédente, un peu comme si "QR" avait été peint à l'aide d'un pochoir.

 

Au-delà du graphisme, est-ce que ce qui fait neuf se trouve dans le décor?  En tout cas pas vraiment dans le décor lui-même. Mais plutôt dans sa couleur. Et encore, pas tout  à fait. En règle générale, les coloris du décor de Questions en Prime étaient à dominante blanche sur fond noir, avec un arrière-plan où dominait le gris/orange-rouge et un plancher surélevé en bois, pour un peu réchauffer l'atmosphère un peu hygiéniste, entre hôpital et funérarium, qui se dégageait du reste de l'ensemble. Ici, tout change. L'éclairage passe à un bleu plus clair et rayonne sur tout le sol du studio (hormis la partie surélevée). Un effet "eau propre", entre une plongée dans le lagon de Bora-Bora et un passage au banc solaire. Ou l'impression d'être à l'intérieur d'un vaisseau spatial du XXIIe siècle". Un bleu qui n'est  toutefois pas tout à fait une nouveauté: le décor de certaines éditions de Questions en Prime avait déjà été peint en bleu, mais plutôt électrique celui-l (voir ci-dessous capture d'écran de droite).

capture d'écran RTBF



Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne, ou plutôt on est bien obligé de ne pas la changer, puisque le plateau de l'émission est à peu près inamovible (hors l'éclairage).

 
Côté durée, QR L'actu entend conserver un format court, annoncé de 15 minutes. Questions en Prime eut parfois des longueurs plus élastiques. A ses débuts, il était plutôt formaté sur 20-25 minutes. Depuis la rentrée de septembre, son calibrage était déjà de 15 minutes. Donc là aussi, on est dans la rassurance.

Dans la nuance

Alors, qu'est-ce qui change sinon les effets de couleurs et une belle image de la sortie du tunnel de la rue de la Loi la nuit en arrière-plan? Pas les invités, en tout cas. Le casting de la première émission avait un air de déjà vu. On ne refait pas l'actu, tout comme on ne peut pas refaire l'expertise. Leur mise en image, elle aussi, n'a pas vraiment évolué.
 

Hier comme aujourd'hui, le splitscreen est le meilleur moyen trouvé par l'émission pour d'intégrer deux interlocuteurs dans le même cadre. Mais, cette fois, il est en plein cadre. On se sent davantage au coeur de l'action que lorsqu'il était mis en cadre.
De même, pas beaucoup de changements à propos des interventions écrites du "public". Même les fautes d'orthographe sont toujours là. La finesse dans l'adaptation. Dans QR L'actu, l'interlocuteur auquel la question est destinée apparaît en vignette à l'image, ce qui la dynamise (un tout petit peu) plus que d'avoir dans le cadre le journaliste qui lit le texte qu'on voit déjà.
 
 
De beaux efforts 
 
Bel effort aussi, lors des panneaux de textes venus du "public", sur les choix de couleurs et, à nouveau, on pointera l'abandon du fond gris-rouge/orange dans lequel était fait un insert. On sent qu'on est dans le plus sobre, voire dans le plus froid, comme avec l'omniprésence du bleu sur le plateau.

 Une amélioration de lisibilité touche aussi la communication des résultats des "sondages" (totalement 
non représentatifs de l'opinion) réalisés avec l'appli Opinio (qui porte ici bien son nom). Précédemment, on avait l'impression que les résultats affichés à l'écran venaient de tomber d'une vieille imprimante, ou utilisaient la même mise en page minimaliste que celle du questionnaire en ligne. Là, il y a du progrès. Mais on n'est pas encore à faire des graphiques, des "camemberts" ou des représentations visuelles. On est à la télé-vision, tout de même. Mais ce sera sans doute pour la prochaine fois… En l'état, dommage toutefois que, lorsque le choix de réponses à afficher est trop large, on n'arrive pas à tout voir à l'écran. La maîtrise de l'infographie, c'est un vrai métier…
 
Le changement, c'est maintenant
 
Mais alors, qu'est-ce qui change, outre ces adaptations cosmétiques? La présence "du public", évidemment. comme dans A votre avis, on veut ici donner davantage la parole "au public". Ce n'est pas que, dans sa version précédente, l'émission était confinée à des experts (enfin, pas tout le temps). Via webcams, le programme recevait aussi beaucoup d'interlocuteurs extérieurs. Mais, dans la plupart des cas, il s'agissait d'intervenants institutionnels. Ah, on est le MSP de la Fédération WB ou on ne l'est pas, quand même! Donc, parole au corps social officiel (ou aux corps sociaux en tous genres de Belgique francophone). Et ceux-ci étaient plutôt là pour se plaindre que pour poser des questions. Des invités lambda, de mémoire, il y en a aussi dû y en quelques-uns. Mais quasiment par hasard. 
 
Ici, c'est une des base line du programme: rendre l'antenne accessible au Belge de base. Pour qu'il confie son désarroi, sa détresse, voire son envie d'en finir dans cette crise sans fin? Pas vraiment. En tout cas dans l'émission n°1, c'était plutôt pour poser des questions. Le rôle normal conféré à l'auditoire, quoi. Intervenir dans un programme pour prendre, pour quelques secondes, le rôle du journaliste-animateur, et interroger. Ne pas savoir mais chercher chez l'autre l'expertise qui nous manque. Bref, ce qu'on fait dans les médias audiovisuels du monde entier depuis qu'ils existent. 
 
 
 
Mais encore faut-il avoir de bons interlocuteurs. Faute à pas de chance, ou mauvais casting lié au mode de collecte des intervenants, le premier membre du "public" à passer à l'antenne ne laissera pas un souvenir exceptionnel, qu'il nous excuse. Alors qu'on attendait une question, claire et bien posée la personne n'en avait pas vraiment, se perdait en conjecture et, sans doute pris par la solennité du moment, cherchait ses mots. Un vrai calvaire pour le journaliste, qui devait tenter d'en tirer quelque chose. Le tout complété par la mauvaise qualité de la liaison. Certes ce n'était pas l'ouverture de l'émission, mais avoir cela en première séquence d'une émission qui entend se distinguer par sa volonté de donner la parole à l'audience n'aide pas à ancrer l'identité du  programme.

La deuxième intervenante avait, elle, une question bien précise, mais à laquelle les experts en plateau n'avaient pas les moyens de répondre. Cette personne, qui semblait intervenir depuis son lieu de travail, avait juste au-dessus d'elle affichée au mur une note de service bien visible à l'écran. Tous les téléspectateurs ont ainsi eu l'occasion de lire le message que Jean avait adressé à ses collègues le 19/02… 
 
Un peu de préparation aurait permis d'évaluer la qualité de la liaison internet du premier intervenant, et aurait peut-être amené à lui faire comprendre que, même depuis que le covid a transformé les cuisines et les placards en studio tv, quand on travaille en broadcast, on essaie de respecter certaines normes. Quant à la deuxième personne, un peu d'accompagnement, juste avant le passage à l'antenne, lui aurait permis de modifier le cadrage de sa webcam. Mais est-ce trop compliqué? Ou, pour faire "public", recherche-t-on les laisions de mauvaise qualité et les cadrages improbables?
 

Comme lorsque, pendant toute la fin du programme, l'image de fond de studio fut une mise en parallèle des deux visages des personnes du public qui étaient intervenues. Une association entre un immense cadrage américain et un demi-visage en hyper gros plan, tout ça face à de mini-personnages présents en plateau. De quoi faire peur plutôt que d'encourager la communication. Elle est sûrement bonne, l'idée de l'émission. Mais il reste à la huiler. Par exemple, en présentant bien le QR code quand on annonce sa présence à l'image, pour éviter qu'apparaisse juste un carré blanc.
Il reste à en faire un "vrai" programme de télé. Par un show, mais juste quelque chose de correct à voir…
 
Frédéric ANTOINE. 
 
 
PS: Sur Auvio, autant aussi essayer de ne pas mettre une pub commerciale pour l'industrie pharmaceutique juste avant une émission comme QR L'actu si on ne veut pas offrir une corde de plus pour se faire pendre par les auteurs de certains documents audiovisuels qui circulent pour l'instant sur la Toile…
 
 
 
(1) https://www.ebu.ch/about/public-service-media
(2) Même si, en pratique, la part des "avis" dans l'émission a pas mal évolué au fil du temps.
(3) 5e meilleure audience de la journée selon le CIM, mais avec à peu près autant d'audience que le magazine diffusé à la même heure sur RTL-TVI.

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