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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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17 décembre 2025

VIVA FOR LIFE, LA BOTTE CACHÉE DE LA CHARITY RTBF


 

 (image générée par IA)

Grâce aux succès de Viva For Life, le charity business médias made in RTBF occupe le haut du pavé en Belgique francophone face au groupe RTL. Sera-ce encore le cas cette année ?

 

Viva For Life a donné un énorme coup de boost aux actions “charitables” de la RTBF. Finie l’époque où les résultats de l’historique 48.81.00 devenu Cap 48 caracolaient loin dernière “l’élan de générosité” suscité par la Télévie, plus moderne, et, surtout, mobilisant bien plus les sentiments et les émotions des donateurs que la traditionnelle collecte menée sur le service public.

La première édition de Viva For Life, fort modeste, a eu lieu en décembre 2013. Cette année-là, l’opération récoltait 1.267.351€, alors que, quelques mois plus tôt, Cap 48 avait obtenu près de quatre fois plus : 4.530.895€ (soit 22% du montant total récolté, contre 78% pour Cap 48). Action de charité historique, cette dernière bénéficiait de sponsors reconnus, alors que l’opération de fin d’année, d’origine radiophonique, n’en était qu'à ses balbutiements.

D’année en année, les chiffres de dons aux deux opérations ne cesseront ensuite de croître, mais de manière beaucoup plus rapide pour Viva For Life, qui mobilise sur les pauvretés des enfants à la veille de Noël, que pour Cap 48, qui choisit toutefois de ne plus seulement soutenir les personnes en handicap, mais aussi atteintes de maladies graves. Dès 2014, Viva For Life représente plus de 30% de la somme cumulée de dons recueillis par la RTBF. 

 

LA BASCULE DE NOËL

 

Une bascule significative s’opère en 2020. Cette année-là (nous sommes alors en période covid), l’opération Viva For Life représentera 51% des dons récoltés par le charity business de la RTBF. Un montant constamment en croissance. Ce pourcentage n’a pas été dépassé depuis lors. En 2024, la collecte de dons pour l’aide aux enfants défavorisés représentait un peu moins de 51% des montants collectés par la RTBF. Ce qui signifie que, sans Viva For Life, le “score”  de dons du service public aurait été plus deux fois moins élevé.

Une image contenant texte, ligne, Tracé, capture d’écran

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Le calcul du cumul de l’argent récolté par les deux opérations de l’opérateur public témoigne de la croissance constante de la générosité du public et des sponsors, croissance évidemment due à l’arrivée de Viva For Life, et à son concept médiatique fort différent de celui de Cap 48 : une présence constante sur l’antenne radio, des directs TV pendant toute une semaine, des événements en prime-time lors de la fermeture et de l’ouverture du cube, un “silonnage” en bus de la Wallonie et de Bruxelles, de courts shows cases d’artistes…). Ainsi qu’une immersion d'un studio live au cœur des villes, et non seulement un direct pendant une soirée type Téléthon, réalisée dans le confort clos d’un studio de TV (ou de son équivalent), avec la présence d'un public très sélectionné.


LE DÉCLIN DE LA VIE TÉLÉ

 

L’opérateur privé, qui avait largement pris le dessus sur son concurrent public en matière de Télé-charité, a vu l’écart entre les deux acteurs se réduire dans la seconde partie de la décennie 2010, c’est-à-dire à partir de la prise d’envol de Viva For Life. Le covid peut-être, mais surtout l’usure d’une formule créée en 1989 pour légitimer la présence d’une télévision privée en Belgique francophone, sont à l’origine d’un phénomène qui a paru incroyable sur des médias où il faut chaque année battre le record de l’année précédente : une chute des sommes récoltées, très marquée entre 2020 et 2022. Une nouvelle structure a alors été mise en place au sein de RTL Belgium, et confiée à un nouveau et très actif responsable, qui a réussi à inverser la tendance depuis 2023. En 2025, le montant récolté par le Télévie était très légèrement au meilleur des résultats obtenus jusque-là, en 2019.

Une image contenant ligne, Tracé, diagramme, pente

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Suite à l’adjonction de Viva For Life à Cap 48, l’inversion des courbes s’est réalisée dès 2019. Le différentiel, favorable à RTL Belgium jusque-là, a alors basculé, atteignant son maximum en 2023, avant de légèrement diminuer.

Une image contenant texte, Tracé, diagramme, ligne

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

 

TENDANCE IRRÉMÉDIABLE ?

 Les prochains résultats de la session 2025 de Viva For Life devraient permettre de voir si les tendances qui se sont installées depuis une petite dizaine d’années se maintiennent, ce qui semblerait logique au vu du trend enregistré par le passé. L’opérateur privé sera-t-il dès lors obligé, lui aussi, de charger de braquet et d'augmenter son investissement dans le charity business médiatique ? Pour cela, il faudrait que cet objectif reste une des priorités de ses actionnaires actuels…

 

Frédéric Antoine

 

(À titre de comparaison, on verra ci-dessous un graphique présentant les montants récoltés en € constants et non constants, comme ci-dessus. Les différences sont faibles, sauf au début de cette décennie : suite à une forte inflation, même si les montants en € courants ont augmenté pour la RTBF, il n’en a pas été de même en € constants. Le graphique confirme aussi la situation délicate dans laquelle se trouvait alors le Télévie.)

 

Une image contenant ligne, Tracé, diagramme, pente

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09 décembre 2025

1RCF Belgique : le DAB+ m’a tuer

La station catholique en DAB+ 1RCF disparaîtra du paysage radiophonique belge avant l’été prochain. La fin d’un projet mégalomaniaque, révélateur de la grande fragilité du choix de m’émettre que dans cette nouvelle norme.

Dans un communiqué diffusé le soir du 5 décembre, la Conférence épiscopale francophone de Belgique a annoncé sa décision de désormais ne plus soutenir financièrement la radio 1 RCF, qui diffuse depuis le 4 novembre 2019 en DAB+ (et en ligne).

La Conférence épiscopale aurait annuellement financé  le fonctionnement de cette radio aux environs de 100.000€. Les autorités ecclésiales, qui cherchent partout à faire des économies, ont reconnu que l’investissement n’était pas à la hauteur des audiences attendues. L’argent ainsi épargné sera affecté à d’autres postes budgétaires. « Les ressources actuellement mises à la disposition de 1RCF Belgique permettront de renforcer l’offre de CathoBel et de lancer de nouveaux projets », écrivent les évêques, qui remercient le personnel qui s’était engagé dans cette opération. Une partie de ce personnel dépend en effet aussi, mais indirectement, de l’Église catholique.

STAND ALONE

1RCF Belgique était l’une des seules à avoir candidaté à l’époque pour pouvoir être autorisée par le CSA à condition de ne diffuser qu’en DAB+. Elle était aussi quasiment la seule station de ce genre à ne pas être conçue une radio thématique, excroissance ou déclinaison ciblée d’une marque bien installée sur la FM. Si 1RCF était évidemment liée aux radios locales de RCF en Belgique, elle n’en constituait pas une version thématique, mais avait au contraire été conçue comme une superstation sans lien direct avec les radios FM de RCF à Bruxelles, Namur, Liège…, qui dépendent non de la Conférence épiscopale, mais des évêques à la tête des diocèses couverts par ces émetteurs locaux. Des radios avec lesquelles 1RCF n’a pas toujours entretenu de très bonnes relations.

HIS MASTER’S VOICE

L’énorme ambition de 1RCF Belgique était de diffuser la voix de l’Église catholique, partout, tout le temps, et en un seul coup, à l’échelon de l’ensemble de la partie francophone du pays. Assurer une présence identitaire forte via un média, à l’heure où les paroisses se vident et où les fidèles qui décèdent ne sont que peu remplacés par ceux issus de nouvelles générations était audacieux. Et peu courant dans les prudentes sphères dirigeantes du catholicisme belge. Certains ont cru que ce projet était “prophétique”. Mais il n’est pas aisé de guider un attelage dans lequel on trouve à la fois des radios diocésaines, au public restreint et ancien, et une tout autre radio, ne reposant sur aucun public préétabli. Et devant, de plus, se créer sa propre notoriété à partir de zéro sur une gamme d’ondes où les auditeurs ne sont (et c’est un euphémisme) en général pas légion. Qui plus est, quand on espère hameçonner des auditeurs âgés comme ceux qui constituent la base du monde affinitaire catholique.

INCONNUE AU BATAILLON

Le CIM  ne publie pas de résultats des RCF dans ses publications officielles. Et ce, pour une raison bien simple : leurs audiences sont inférieures aux minima retenus. Si l’on excepte Nostalgie+, NRJ+, Viva+ et dans une moindre mesure Contact Max, les radios diffusant en numérique se trouvent en effet toute fin de classement des audiences mesurées, avec moins de 10.000 auditeurs/jour en moyenne. Celle de 1RCF est si faible qu’elle n’est pas prise en compte.

Une image contenant texte, capture d’écran, Police, ligne

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

De même, côté parts de marché, seules 3 radios numériques dépassent le 1% d’audience (les premières nommées ci-dessus). La plupart des autres ont une part d’audience de moins de 0,1% et, même en comptabilisant jusqu’à Jam. (0,03%), on ne trouve toujours pas de radio RCF.

AVENIRS ÉPISCOPAUX

Effacée du DAB+, la marque 1RCF subsistera-t-elle ? Rien n’est, semble-t-il, fixé pour l’instant, mais rien n’est aussi moins sûr, car on verrait mal l’intérêt de poursuivre exclusivement par IP la diffusion linéaire d’une station qui s’adresserait au même public que la version DAB+, public encore moins agile dans l’usage des plateformes numériques que d’un récepteur radio DAB+.

Les radios diocésaines de RCF sont épargnées. Mais la décision finale concernant leur avenir à long terme n’est pas garantie pour autant, leur destinée dépendant des choix prioritaires de chacun de leurs commanditaires. Deux nouveaux évêques viennent d’être nommés par le pape en Wallonie. L’un d’eux, en Hainaut, n’aura pas à envisager la question, puisque ce diocèse n’a pas de locale RCF. À Namur, par contre, le sujet sera sur la table. Le sort de RCF Bruxelles est également encore en attente. Avant que la Conférence épiscopale ne décide d’abandonner 1RCF, le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles avait fait savoir qu’il n’entendait plus soutenir financement RCF Bruxelles. On ne sait pas si la nouvelle donne modifie ces intentions. Il a par contre été annoncé par la Conférence épiscopale que, via son agence d’information Cathobel, l’Église catholique entendait développer à l’avenir de nouveaux projets en ligne, destinés à toucher de nouveaux publics.

MALADIE CONTAGIEUSE ?

 Si la disparition annoncée de 1RCF ne signe pas la mort clinique du DAB+, il témoigne en tout cas de l’énorme difficulté à fidéliser sur ce type de support certains publics peu (ou pas du tout) enclins à remplacer leur parc de récepteurs, et peu (ou pas du tout) adeptes de l’écoute en DAB+ sur l’autoradio de leur voiture. Comme bon nombre de conducteurs, qui ignorent tout simplement qu’il existe d’autres moyens d’écouter la radio en roulant que la FM ou, pour les plus jeunes, l’écoute en ligne grâce à la 4G de son smartphone. Une invention géniale qui permet par exemple de suivre de Belgique toutes les grandes radios françaises diffusant en FM, alors qu’elles sont devenues inaudibles en hertzien.

La véritable question que révèle le sort de 1RCF est de savoir s’il y a assez de passagers à son bord pour que l’avion du DAB+ reste définitivement en vol. Et qui sont réellement ces amateurs d’hertzien newstyle qui ne se contentent pas, comme la plupart des gens, de continuer à écouter la radio en FM ou sont passés aux radios IP, à moins qu’ils aient tout bonnement délaissé les radios linéaires au profit des podcasts et des plateformes musicales. Il faut bien dire que, dans ce contexte, le sort de 1RCF Belgique ressemble un peu à la chute d’Icare…

Frédéric Antoine.

Note: selon un commentaire de Eric WM Cooper, 1RCF est apparue 2 fois dans une vague d'audience CIM: en janvier-juin 2020 et septembre 2020-février 2021, c'est-à-dire lors des confinements covid. 

 (dessin réaménagé à partir d'une formalisation par IA sur base d'une photographie)

 

 

02 avril 2023

RTBF La Première : Mais où est passée la messe du dimanche ?


Ce dimanche 2 avril, la retransmission de la messe dominicale sur RTBF La Première (radio) a été remplacée par un débat depuis la Foire du Livre. Le début de la fin pour les cultes sur le service public ?

Ce dimanche, il n'y avait pas deux émissions prévues entre 10h et midi au programme de La Première : Déclic le Tournant d'Arnaud Ruyssen, puis la retransmission de la messe des Rameaux, début de la Semaine sainte dans la religion catholique.  À la place, la grille ne prévoyait qu'un programme : l'émission Déclic, sur les faillites des banques, suivie d'un débat depuis la Foire du Livre de Bruxelles, animé par le même journaliste. La messe remplacée par un débat ? Il fallait être à l'écoute en direct pour le constater. Car, sur Auvio, la case de la grille, d'une durée de deux heures, n'était occupée que par le Podcast Le Tournant, qui dure, lui, 54 minutes. Pourtant on l'assure : entre 11h et midi, ce n'était pas un prêtre qui officiait, mais bien un éminent journaliste. Et s'il y avait des fidèles dans la salle, c'étaient des amateurs de livres, et pas les ouailles d'une paroisse.

Bon sang, on avait bien dû la mettre quelque part, cette retransmission historique ! On a alors consulté le programme de Musiq3 (1) puis, par acquit de conscience, celui des autres stations du service public, et on a trouvé de messe nulle part. Étrange… La retransmission des cultes n'est-elle pas une obligation de service public, notifiée dans le contrat de gestion de la RTBF ?

CONTRAT DE CULTES

Vous le croyiez ? Nous aussi. "Alors, on a été vérifier", comme disent désormais les journalistes d'investigation . Le contrat de gestion 2019-2022 mentionne bien dans son article 39.1 a) que la RTBF doit assurer la diffusion "des cultes religieux et des manifestations laïques".  Il y a donc toutes les raisons de supposer qu'il en est de même dans le contrat de gestion 2023-2026. Eh bien, non. Sauf erreur (2), les mots "culte" ou "cultes religieux" ne figurent pas dans ce nouveau contrat. Et comme ils ne sont pas non plus mentionnés dans le décret constituant la RTBF (3), et qui sert de cadre aux contrats de gestion, peut en conclure (sauf si on a raté un épisode) que, depuis le 1er janvier 2023, le service public de Belgique francophone n'est plus obligé de diffuser la messe du dimanche, ou quelques autre culte ou cérémonie laïque que ce soit.

Cela expliquerait l'aisance avec laquelle, ce dimanche 2 avril, La Première s'est défaite d'une de ses plus vieilles obligations historiques (avant 1940, du temps de l'INR déjà, la messe était retransmise chaque dimanche depuis l'église Ste-Croix, située sur la place éponyme à deux pas de la place Flagey). Par contre, dimanche dernier 26 mars, la messe avait bien eu droit à une présence sur les ondes de La Première. Elle avait alors été captée en l'église St-Pierre de Biesmerée. Et dimanche prochain, jour de Pâques, la programmation annonce sur cette même radio la retransmission de la messe pontificale depuis la place St-Pierre de Rome.

COUP D'ESSAI ?

L'absence de messe ce dimanche-ci est-elle un "coup de canif" dans un contrat qui n'existerait plus ?  Était-ce plutôt un "coup d'essai" pour voir si l'absence de messe suscitait – ou pas – des réactions, et donc éventuellement envisager – ou pas – ensuite (4) sa suppression complète de la grille ?

Il faut être de bon compte. Quelle est encore la réelle audience de cette messe, historiquement diffusée depuis des décennies à 10h du matin et qui a été déplacée à 11h,  notamment sans doute parce qu'on était sûr que ce créneau horaire était encore moins porteur d'une audience non-volontariste que le 10-11h ? S'il reste des personnes qui suivent la messe via la RTBF, elles abondent sûrement (si l'on peut dire) davantage derrière leur téléviseur que devant leur récepteur de radio.   

COÛTS D'ESSAIS 

À l'heure où le service public de la FWB réajuste, comme d'autre MSP (médias de service public), la manière de remplir ses obligations, mettre la messe radio dominicale de côté serait plutôt une bonne affaire, tout comme arrêter toute diffusion de messe en direct à la télévision. Car ces directs coûtent cher, et ne rapportent strictement rien.

Et puis, aujourd'hui, les religions disposent de radios privées qui pourraient très bien assurer ce service (même si, à nouveau sauf erreur, un réseau comme RCF ne propose par de captation de messe en direct depuis une paroisse de Belgique francophone le dimanche matin). Mais cela coûte peut-être trop cher…

En 2020, première année de la pandémie, Hadja Lahbib, alors responsable du service "messes et cultes" de la RTBF avait déclaré : "Le choix était simple : il fallait soit enregistrer cette messe en studio, soit l’annuler. Nous avons décidé de la maintenir en live parce qu’il y avait une grosse demande, mais également parce que cela faisait partie du contrat de gestion de la chaîne. Nous devons assurer la messe pour les fidèles et ce, indépendamment des conditions extérieures" (5). 

Trois ans plus tard, la personne qui a succédé à l'actuelle ministre des Affaires étrangères pourrait-elle encore tenir les mêmes propos ? 

Frédéric ANTOINE.

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Addendum 4/4/2023 : Depuis hier lundi, on peut trouver sur Auvio le débat diffusé entre 11h et midi dimanche, intitulé "Climat : comme ne pas désespérer". Le fichier de 57'18 ne comprend toutefois pas la continuité du direct précédant le débat, c'est-à-dire les écrans pub et le flash info de 11h. Le fichier de l'émission de 10 à 11h, Déclic, s'arrête lui aussi avant les pubs et le flash info.

 
(1) Why not ? En France, la messe est bien diffusée sur France Culture. 
(2) Le site de la RTBF ne propose qu'une version bêta du texte, mais celui qui figure sur le site du Moniteur belge du 24/12/2022 semble bien, lui, être officiel.
(3) Version "coordination officieuse" réalisée par le CSA le 13/03/2015.
(4) C'est en l'absence de tollé de la part de leurs auditeurs que les radios françaises qui émettaient en ondes longues ont décidé de couper leurs émetteurs OL, puisque "plus personne ne les écoutait" de cette manière.
(5) https://www.rtbf.be/article/celebrer-la-messe-dans-un-decor-virtuel-encore-un-rendez-vous-reinvente-par-la-rtbf-10488772



27 septembre 2022

sur La Première (RTBF), on n'est pas trop "feel"


Depuis un mois, La Première (RTBF radio) est en mode grille d'hiver.  Avec passage à la trappe de ce qui faisait tache et quelques époussetages qui renforcent le profil habituel de son offre de contenus. Étude d'un cas, peut-être parmi d'autres…

« Rendez-nous Diane Marois ! » Impossible de savoir combien d'auditeurs de La Première auront poussé ce cri depuis début septembre. Mais il y en aura sûrement eu. Même si des réactions d'auditeurs entendues çà et là, et peut-être des sondages, laissaient plutôt percevoir que Le feel de Diane, diffusé du lundi au vendredi de 14h30 à 16h00, ne correspondait pas aux attentes du cœur de cible classique de la très "radio de service public de référence" du boulevard Reyers. 

Et pourtant. Quelle originalité de remplir ce creux de l'après-midi radiophonique en créant sur les ondes une atmosphère, une tonalité inattendue. L'émission générait un climat dans lequel l'auditeur pouvait se plonger à sa guise, comme on s'enfonce mollement dans le canapé à l'heure de la sieste. Il était audacieux de délaisser à cette heure les sempiternelles obligations de diffusion de chanson française ou autres rengaines pour proposer pendant 90 minutes une couleur musicale inhabituelle et des artistes que la programmation permettait de découvrir a fil des plages. On était dans le clubbing, le laisser-aller au bord de la piscine.

ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRE…

Bien sûr, il y avait la voix de Diane. Qui collait si bien à l'ambiance suscitée par la musique. Mais qui a dû déranger bien d'un "cher auditeur". Certains la voyaient mieux animer une fin de soirée, voire une émission de nuit. Jusqu'à la comparer à la voix de feu Macha Béranger. Sauf que cette dernière animait un talk-phone-show nocturne, et non une émission d'atmosphère. Certes Diane parlait à l'oreille de l'auditeur comme si elle partageait avec lui le sofa, voire un oreiller . Mais où est le mal ? 

N'était-ce pas là aussi une des originalités de cette émission que de casser les codes de la banalité programmatique du moment où, en journée, La Première attire le moins d'audience ? Parfois, et c'est dommage pour le côté "ambiance", Diane en faisait trop, invitait des artistes, des groupes, et le blabla cultureux envahissait les ondes au lieu de laisser l'auditeur plongé dans son bain de musique. Obligation contractuelle pour satisfaire les mânes francophiles des pouvoirs publics, ou réelle volonté de l'animatrice de démontrer qu'elle n'était pas qu'une machine à murmures de désannonces ? À chacun de voir. 

 

AU  CACHOT DIGITAL

Le feel de Diane a  passé l'arme à gauche. Définitivement ? « Non, non, non ! », répond-on officiellement. Elle est toujours là… Sur Jam, le dimanche de 10h à midi. De quoi inciter la foule de récalcitrants du DAB+ de se précipiter chez le marchand de récepteurs de radio numérique ? Ceux qui aiment faire la grasse matinée et/ou bruncher au lit plutôt que d'aller à la messe dominicale, peut-être. Mais les autres. ? Le feel… a reçu un enterrement de Première… classe. Pas sûr que relayer sur des radios digitales confidentielles ce qu'on avait pris le pari de mettre sur "la" chaîne de référence du service public soit le meilleur moyen de procurer une image positive à ces nouvelles stations.

LA DICTATURE DES FORMATS

Il est intéressant de voir par quoi Le feel… a été remplacé, tenant bien compte du fait que, dans ce créneau horaire, les auditeurs se comptent sur les doigts de peu de mains. Deux émissions ont repris l'horaire : un mini-programme d'une demi-heure intitulé Multitube, et un format classique d'une heure du nom de L'heure H

La Première renoue ainsi avec le mode de programmation classique des hautes radios de contenus de service public : développer au maximum les formats d'une heure. Avec, en l'occurrence, la difficulté provenant du temps d'antenne atypique de Un jour dans l'Histoire, qui ne dure pas, comme l'affirme la grille officielle (1) de 13h à 14h30, mais de ± 13h20 à 14h30. Sur La Première, les infos de 13h00 semblent rendre impossible un format sous-horaire dans cette case de la grille (13h20-14h). La Première a donc opté depuis longtemps pour un programme en extended-hour (± 1h10). Alors, si la norme est bien l'émission d'une heure (2), que faire à 14h30? Précédemment, la solution était trouvée via un programme musical de 90 minutes (3). On revient ici à la norme classique. Après un  module de 30 minutes (4), une émission occupe la case 15-16h.

1/2 HEURE POUR QUOI FAIRE ?

La première production, qui semble un peu là pour "boucher un trou" avant le retour à la norme programmatique horaire, est essentiellement musicale. On y  retrouve, dans un intéressant mix, des genres classiquement tolérés (voire adulés) sur La Première. On aurait presque l'envie de dire que ce programme court a des airs de famille avec le Pasticcio que Nicolas Blanmont présentait chaque dimanche de 10 à 11h sur la même chaîne, et qui a disparu de la grille (5). Peut-être ne sont-ce d'ailleurs pas que les airs qui sont de famille… L'association entre les éclectiques extraits musicaux y est accrochante, mais leur pertinence est peut paraître insuffisamment confirmée par le caractère apparemment fort juvénile de voix la présentatrice, présentée sur internet comme une  « actrice, musicologue et YouTubeuse belge » (6).

Si ce léger premier élément de remplacement du Feel… s'inscrit dans la logique d'occupation du temps d'antenne de La Première en début d'après-midi, on peut se poser plus de questions à propos de la production horaire qui le suit. En effet, le 15-16h accueille une émission totalement parlée, à contenus forts, qui requiert de son audience une attention soutenue tout au long de la durée de la diffusion.

DU RÉCIT À LA TONNE

L'Heure H (7) est une émission relevant du genre de la narration radiophonique, telle que l'on en trouve dans l'univers francophone sur plusieurs radios généralistes, assez couramment dans le même créneau horaire et avec le même format (Hondelatte raconte [Europe 1, 14h], Affaires sensibles [France Inter, 15h], L'heure du crime [RTL France, 14h30]…). L'acteur essentiel (et ici unique) du programme est le narrateur, qui n'en est pas à son coup d'essai. Connu comme un des piliers de l'animation de programmes de variétés de la RTBF télévision, il a récemment choisi de s'investir dans la narration d'événements historiques, et a déjà ponctuellement occupé l'antenne radio, sur des périodes courtes, avec des émissions de récits, notamment lors des programmations spéciales des fêtes de fin d'année, ou pendant les mois d'été (8). Il avait alors déclaré qu'il entendait devenir « le Pierre Bellemare de la RTBF » (9). 

L'expérience avait été limitée dans le temps, et les récits présentés n'étaient pas écrits à partir d'un hook particulier. Ici, le narrateur occupe une heure d'antenne cinq jours par semaine, en bâtissant toutes ses histoires à partir du même point d'accroche : l'heure fatidique du moment le plus important de son histoire. Bon nombre de ces épisodes sont, comme dans les programmes de même type sur d'autres radios, centrés sur des faits divers ou des affaires judiciaires. La durée de chaque récit est d'environ quarante minutes. Depuis le début des diffusions, rares sont les moments où est mentionné le nom d'un "auteur" ou d'un "collaborateur" qui aurait contribué d'une manière ou d'une autre à l'écriture de l'histoire. À quelques reprises, un auteur (ou co-auteur) est mentionné : un certain Valjean. Dans la plupart des cas, l'auteur est supposé comprendre que le récit a été documenté, construit, mis en ondes par le narrateur. 

 EXPLOIT (MAL) EXPLOITÉ ?

Est-ce bien ainsi que cela se déroule ? Ce serait un véritable exploit (d'autant que les thématiques des cinq épisodes de la semaine sont disponibles en ligne chaque lundi). Peut-être l'émission est-elle en fait produite par LDV Production, l'entreprise dont le narrateur est co-fondateur (10). Mais, dans ce qui est audible, rien ne l'indique.

On peut se demander pourquoi programmer pareil programme "phare" dans le désert d'audience de milieu d'après-midi. Sur d'autres stations, ce genre d'émissions est souvent proposé plus tôt après le temps de midi. Et en tout cas pas après une émission musicale. La séquence programmatique de l'après-midi de La Première semble peu cohérente : une émission historique à contenu fort, bâtie en deux temps ; un programme court à contenu musical ; une émission narrative à contenu historique fort. S'agit-il d'attirer sur l'antenne trois publics différents, un pour chaque émission ? Ou table-t-on sur le fait que l'amateur de contenus historiques, déjà nourri en début d'après-midi, tolérera l'écoute du programme musical pour retrouver ensuite un contenu plutôt historique présenté sous forme de récit ?

Les précédentes apparitions radiophoniques du même narrateur d'histoires avaient été programmées dans la tranche du temps de midi, sauf erreur entre 12 et 13 heures ou entre 13h15 et 14h. C'est-à-dire à la place du programme historique de début d'après-midi, ce qui paraît plus cohérent. Pourquoi ce programme aboutit-il alors dans la toundra du 15-16h ? Sinon peut-être parce que, comme sur d'autres radios, l'essentiel est moins la diffusion en linéaire que la création d'une série de podcasts mis en ligne, destinés à raffler une beaucoup plus large audience. On sait que, en France, ce type de podcasts occupe souvent les premières places des palmarès d'écoute en ligne.

La nouvelle occupation de cette case horaire d'après-midi manifeste la volonté de la RTBF de renforcer ses programmes à contenus. Mais n'aurait-il pas mieux valu placer cet exploit radiophonique dans une autre case, quitte à bousculer quelques dinosaures ?  

À moins que la RTBF elle-même n'y croie pas trop ? Dans ce cas, ne pourrait-on peut-être pas retrouver à cet endroit le Feel d'une certaine Diane ?

Frédéric ANTOINE

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(1) https://www.rtbf.be/lapremiere/grille-programme
(2) Dans la grille quotidienne de La Première, on trouve actuellement 9 formats d'une heure sur 15 émissions/jour, tenant compte du fait que les "formats info" du matin et du soir sont évidemment plus longs. 
(3) Hors émissions d'info, on ne retrouve plus ce format long qu'à partir de 10h en matinée (cette longueur, d'ailleurs, ne se justifie pas). Dans le passé, l'émission humoristique de fin d'après-midi avait ce même format, récemment ramené à 60 minutes.
(4) Format qui se développe un peu :  $on ne retrouve désormais un autre après Déclic, Eddy Caeckelberghs voyant son "antique" émission de décryptage d'info rabotée de 30 minutes et diffusée à 18h30. 
(5) Et avec moins d'accent mis sur la musique classique. « Sentiment, figure, lieu, personnage , objet, animal…, Nicolas Blanmont évoque un mot ou un thème à travers huit siècles d’histoire de la musique. Classique bien sûr, mais parfois aussi plus contemporaine comme la chanson, le rock ou la musique de film. »
(6) https://www.ivoox.com/episode-1-conversation-avec-valentine-jongen-audios-mp3_rf_92241964_1.html
(7) À noter qu'une émission au titre identique, également à contenu historique, était diffusée le lundi à 22h sur Musiq3 aux alentours de 2016…
(8) Certaines de ces émissions radio ont ensuite connu des versions télévisées. 
(9) https://lameuse.sudinfo.be/408880/article/2019-07-05/jean-louis-lahaye-veut-devenir-le-pierre-bellemare-de-la-rtbf 
(10) Cette entreprise est composée de 30 collaborateurs,  dont des "concepteurs, story boarder, copywriter" (https://www.cinergie.be/organisation/ldv-production)

 


18 janvier 2022

Europe 1: autopsie d'un début d'agonie

Les auditeurs continuent à fuir la radio 'périphérique' française Europe 1. Sa reprise par Bolloré n'a rien amélioré. Que du contraire. À l'heure de la complémentarité des médias, la station est-elle vouée à disparaître, en se transformant en version audio de CNews ? La radio en ersatz de la télé, ça peut-il faire une bonne recette ?

Il est loin le temps où Europe 1 (ex-Europe n°1) caracolait en tête des audiences aux côtés de RTL et de France Inter Paris. Dans le dernier relevé de Médiamétrie (qui se base sur du déclaratif d'écoute "veille"), la radio dont l'émetteur historique se trouvait en Sarre se retrouve loin derrière les autres grands réseaux "généralistes", publics ou privés.

Il y a une vingtaine d'années, il en était tout autrement. Les parts d'audience d'Europe 1 et de France Inter, derrière RTL, étaient à peu près équivalentes. De nombreux commentaires ont dès lors considéré que la dégringolade prodigieuse d'Europe 1 était continue depuis dix ans. En fait, il n'en est rien.
Selon les données de Médiamétrie (période de comparaison novembre-décembre), Europe 1 a perdu ses premières parts d'audience (PDA) au tournant des années 2000. Mais, ensuite, la station (en bleu clair gras sur le graphique) s'est constamment située entre 7,5 et 9% de PDA. À peu de choses près, on pourrait parler d'une courbe d'audience plane. Jusqu'à fin 2015. À partir de 2016, la courbe plonge, connaît un léger rebond en 2019 et continue ensuite sa chute. Mais, en PDA, celle-ci est peu prononcée entre 2020 et 2021.
 
COLAPSADA
 
Si l'on tient compte de l'audience cumulée, c'est-à-dire de tous les auditeurs qui ont eu un contact avec la station, la forme de la courbe diffère quelque peu. La dégringolade depuis 2016 paraît alors encore plus manifeste en % d'audience cumulée, la perte d'auditeurs en fin 2020 et fin 2021 étant très marquée. Sa traduction en chiffres absolus d'auditoire est plus parlante encore.
Entre 2015 et 2021, la station créée par Maurice Siegel a perdu 2.551.189 auditeurs, soit plus de la moitié de ceux qu'elle possédait avant cette colapsada. Et aussi depuis le début de ce siècle, environ. Au sein de cet effondrement, la reprise en main par Bolloré depuis l'été 2021 ne constitue, en définitive, qu'une péripétie de plus dans un processus à l'œuvre depuis 2016. 
 
L'automne de cette année-là est celui du grand basculement de la programmation de la station, en dehors de sa matinale et de ses programmes de soirée. C'est alors que l'on introduit les récits de Christophe Hondelatte à 10h30 du matin, alors que ce type de programme était jusque là réservé à l'après-midi. C'est alors que Anne Roumanoff débarque à midi, moment où débutait précédemment la tranche d'infos de la mi-journée, et qu'apparaît dans cette tranche une émission intitulée "La famille Europe 1". 
C'est alors que Nikos Aliagas se voit attribuer tout le créneau de l' afternoon drive (et même le pré-afternoon) avec un talk de vedettes remplaçant à la fois une émission plutôt intimiste et féministe et le talk-show qu'animait Cyril Hanouna.  

Des bouleversements tellement à l'opposé des usages des auditeurs que toute cette grille sera revue en janvier 2017 (c'est-à-dire après la période de mesure d'audience analysée ici). Mais le mal était fait. Si les adaptations apportées permettront de stabiliser les pertes, elles ne donneront pas l'occasion de remonter la pente. 
 
C'est aussi à l'automne 2020 ques formats que revêtent la programmation ont, eux aussi, changé. Lorsque, par souci d'économie, la station va multiplier en daytime les émissions de deux heures, jusque là fort peu nombreuses. Difficile de tenir 120 minutes avec un même contenu, et de garder l'audience en haleine pendant un laps de temps si long. Ce n'est pas sans raison que les formats courants des radios de rendez-vous (hors plages musicales) sont d'ordinaire plutôt d'une heure, voire au maximum de 90 minutes (1).
 
 ÊTRE DANS SES CHARENTAISES
 
Le deuxième coup de grâce de l'audience lieu lors de la saison 2019-2020, année du covid qui a eu un impact sur la consommation de la radio sur le chemin du travail (morning drive et afternoon drive). Il ne peut pas directement s'expliquer par la survenance des modifications lourdes dans les contenus de programmation. Celles-ci auront plutôt lieu à l'automne 2021, sur le ton d'un rapprochement imposé avec CNews. 
 
 Précédemment, c'étaient plutôt des paris osés sur la grille et le recours à des 'animateurs'-vedettes, ainsi des questions d'économie qui avaient piloté les changements de programme. Ainsi que le départ de certaines vedettes aspirateurs d'audience comme Laurent Ruquier, remplacé un temps par Cyril Hanouna avant que cette tranche d'avant soirée ne soit totalement modifiée plusieurs fois.

L'auditoire d'une radio est caractérisé par sa fidélité. Sur une radio de contenus (aussi appelée "de rendez-vous"), l'auditeur, en linéaire, se branche pour écouter des programmes précis. L'audience cumulée est atteinte par l'addition de publics successifs qui se rendent tour à tour sur une station afin d'y suivre leur(s) émission(s) favorite(s). Contrairement à la radio de flux, l'auditeur des radios dites 'généralistes' est fidèle à une émission, à un animateur, et non à un format ou à un type de musique. Modifier l'offre de programme ne peut que le perturber. Les glissements de programmes d'une case à l'autre de la grille le dérangent tout autant. S'il ne sent plus dans ses Charentaises, il y a toujours des risques qu'il choisisse de retrouver ailleurs les contenus que la radio qu'il écoutait ne propose plus.
 
VASES COMMUNICANTS ? 
 
Nous ne disposons pas de toutes les données précises de Médiamétrie. En analysant seulement celles en notre possession, d'intéressantes observations peuvent être réalisées à partir des tableaux ci-dessus. En ne s'intéressant plus aux courbes d'Europe 1 seule, mais à leurs interrelations avec celles des autres radios. Sur la période 2007-2021, à l'instar de RTL qui est le meilleur exemple, certaines stations peuvent être considérées comme relativement stables, tant en PDA qu'en audience cumulée. Hormis Europe 1, un seul des grands réseaux pris en compte ici connaît sur cette période une perte d'audience, mais après en avoir gagné : NRJ (2). D'autres radios affichent une des courbes en hausse. Et, particulièrement, France Inter. En parts d'audience, la radio publique est assez stable jusqu'en 2014, puis croît de manière importante. La tendance est encore plus marquée en nombre d'auditeurs.
De 2007 à 2015, le total d'auditeurs d'Europe 1 et de France Inter est relativement proche. La radio publique supplante certes la station privée, mais de quelques centaines de milliers de personnes "seulement", pourrait-on dire. Après 2015, tout change: Europe 1 plonge, France Inter décolle. La perte de l'une paraît même, à première vue, être identique au gain de l'autre. Ce n'est pas tout à fait le cas : davantage d'auditeurs d'Europe 1 la quittent que France Inter n'en accueille de nouveaux. 

La comparaison de l'auditoire des deux stations par rapport à leur nombre d'auditeurs de 2015 confirme qu'Europe 1 perd, depuis lors, davantage d'auditeurs que la radio publique n'en gagne. Mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait s'être passé depuis cette année pivot un phénomène de vases communicants, une partie du public d'Europe 1 la délaissant au profit de France Inter. Et non de RTL. Sans doute existe-t-il des données plus précises que celles à notre disposition pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais celle-ci nous semble plausible. Plutôt urbain et proche des CSP+, l'auditeur d'Europe 1 recherche du contenu, et notamment de type 'enrichissement des connaissances'. France Inter et Europe 1 ont depuis de nombreuses années essayé de viser ce type d'audience, l'une plutôt par le haut, l'autre davantage dans une approche plus légère, allant à certains moments jusqu'à de l'infotainment (ce qui n'a pas nécessairement aidé la station).
 
Il est aussi clair qu'une partie de cet auditoire fuyant constitue aujourd'hui un des bataillons de l'audience des podcasts de Europe 1, qui sont parmi les plus écoutés de France et qui n'imposent plus à l'écouteur de se soumettre aux diktats horaires d'une grille de programmation. Mais nous n'avons pas les moyens de mesurer les flux entre l'un et l'autre.
 
LE FACTEUR "HÉRITAGE"
 
La radio publique a-t-elle siphonné le public d'Europe 1 au fur et à mesure de ses errements programmatiques, puis des appréhensions liées à la main mise du groupe Bolloré sur le média ? Si tel est le cas, le reste du public d'Europe 1 acceptera-t-il encore davantage de rapprochements entre sa radio et CNews, au risque que celle-ci ne devienne plus que "le son de la télévision"? 
On n'en est pas là. 
Ce sont ses journalistes et ses animateurs qui continuent à produire l'ADN de cette radio, et à essayer de maintenir la marque à flot. Europe 1 bénéficie d'un "facteur héritage" important. Si important sans doute que son auditoire est plutôt revêche aux changements, surtout s'ils sont motivés par des raisons économiques et financières. 
 
Force est toutefois de constater que la France pénètre (enfin?) dans le modèle des "groupes audiovisuels" tel qu'il fonctionne quasiment partout dans le monde, c'est-à-dire possédant à la fois des radios et des télévisions. Longtemps, en France, la propriété de ces deux types de médias a été distincte. Même l'audiovisuel public n'a pas, jusqu'à présent, uni ses branches radiophoniques et télévisuelles. Le rachat de RTL France par M6 a sonné le début de cette nouvelle ère. Les rapprochements entre Europe 1 et CNews en constituent une autre étape. Mais différente. Il existe une grande homologie entre M6 et RTL, que se soit sur la conception du rôle des médias, leurs projets, leurs contenus, leurs programmations et leurs publics. On peut aisément switcher de l'un à l'autre, comme le fait Julien Courbet tous les matins. 
Europe 1 est une radio généraliste et CNews une chaîne thématique d'infos. La configuration est différente. Et sans doute aussi les publics, particulièrement depuis que cette chaîne de news a pris un tournant plus politique. Autant le mariage un peu forcé entre RTL et M6 peut-il se terminer par la paix des ménages, autant celui d'Europe 1 et CNews risque de mener à une union contre nature. Mais quand on s'en apercevra, il sera sans doute trop tard : d'espèce en voie de disparition, les auditeurs d'Europe seront tout simplement passés aux abonnés absents. Et seront devenus d'habiles consommateurs de podcasts non-native. Pour toujours ?

Frédéric ANTOINE.

Traitement des données programmatiques:  à partir de la source http://radioscope.fr/grilles/europe1/europe12016.htm
 
(1) Tournant peu heureux abordé par Europe 1 pour certains de ses programmes dès sa funeste réforme de 2016 qui dérouta l'auditeur. 

(2) NRJ figure dans notre analyse parce qu'il est le premier réseau musical important.
 
Lire aussi (pour les abonnés) cet article auquel ont aussi contribué des amis et collègues du GRER, le Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Radio : https://www.challenges.fr/media/radio-le-virage-editorial-de-bollore-a-europe-1-nenraye-pas-la-chute-des-audiences_796648

 




16 février 2021

INDISPENSABLE, LE DAB+ ? L'AUDIENCE NE SEMBLE PAS VRAIMENT LE PENSER

Le 13 février, à l'occasion de la journée mondiale de la radio, on s'est félicité des progrès du DAB+ en Belgique francophones. Mais ceux-ci sont-ils vraiment si prometteurs? Pas sûr, pas sûr… Alors, fallait-il passer au DAB+?

 

14% des Belges francophones écoutent aujourd'hui la radio en DAB+. C'est ce qu'affirme un sondage IPSOS rendu public par maradio.be (1) aux alentours de de la journée mondiale de la radio et du Digital Radio Day. Et le groupe de pression destiné à promouvoir le DAB+ de plastronner, en titrant la présentation de ces résultats "Le DAB+ cartonne". Si le carton est désormais atteint avec 14% de parts d'audience, qu'en sera-t-il du superlatif utilisé si, un jour, le DAB+ est utilisé par 50% des auditeurs?…

D'accord, en 2018, le DAB+ ne représentait selon la même source que 2% du "marché de la radio" et 6% en 2019. Il a donc progressé. Mais, malgré tout, la plupart des auditeurs n'ont pas encore en masse switché vers la RNT. Et ce malgré la pression publicitaire pesant sur eux. Rappelons-nous, par exemple, cette pub radio plutôt trompeuse qui affirmait « Les radios de la RTBF passent au DAB+ », laissant croire que, du au lendemain, le seul moyen d'encore entendre Arnaud Ruyssen ou C'est vous qui le dites serait de disposer d'un récepteur DAB+… Une affirmation tellement forte que de nombreuses personnes, et pas rien que des octogénaires, s'étaient alors réellement demandé si elles devaient en urgence aller acheter un nouveau "poste". Bien joué, mais un peu raté. Il n'y a pas eu de razzia dans les magasins et les ventes de récepteurs DAB+ n'ont pas explosé. 

La Quatrième oreille

Soyons de bon compte et regardons les chiffres les yeux dans les yeux : selon ce sondage, en 2020, 86% des Belges francophones n'écoutaient PAS la radio en DAB+. Quel carton pour les autres modes de réception!

Alors, bien sûr, on peut enrober les chiffres et leur faire dire un peu ce que l'on veut. Ainsi, l'interprétation de cette enquête IPSOS par maradio.be en arrive rapidement à dire que, ce qui est remarquable, est qu'aujourd'hui 34% de l'écoute radio se fait en numérique. Voilà en effet une donnée intéressante: désormais, 1/3 de la consommation radiophonique est digitale. Mais de ce tiers, le DAB+ ne représente que la moitié. 7% de l'écoute numérique se fait via la télévision et, surtout, 13% "via internet", c'est-à-dire en radio IP (rien ne disant qu'en plus, une partie de l'audience tv n'est pas, elle aussi, relative à l'écoute de radios IP).

(source: maradio.be)

Restons donc modestes. Et rendons hommage, notamment, à ces matamores de la production radio qui ont demandé et obtenu du CSA de lancer des stations ne diffusant que en DAB+. Quels courageux! Au mieux du mieux, ils ne s'adressent qu'à un septième de l'auditoire, tout en devant produire pour la RNT des programmes originaux… qui ne sont donc écoutés par quasi personne. Belle preuve de total désintéressement!

Un peu exagéré ?

 La radio analogique a encore de beaux jours devant elle. Sauf si on ne la laisse pas mourir de sa belle mort, mais qu'on lui prescrit une disparition médicalement assistée, comme l'a décidé la Flandre où, en 2023, tous les postes FM devront être équipés d'un récepteur numérique (2). On imagine déjà les inspecteurs du ministre CD&V Benjamin Dalle s'immiscer dans tous les foyers flamands, de la chambre à la cuisine, pour vérifier si les postes de radio sont bien adaptés pour le DAB+… C'est exagéré? Sûrement. Par contre, on attend vraiment de voir ce qui se passera pour nos amis flamands qui achèteraient un récepteur analogique à Bruxelles ou en terre wallonne. Sera-t-il interdit d'entrée sur le Heilige Vlaamse Grond ?

Tous unis comme un seul homme dans maradio.be, les grands opérateurs radiophoniques n'épargnent pas leurs efforts pour convaincre la population que le DAB+, il n'y a rien de meilleur. Peut-être. Mais, si la solution, en fait, n'était pas ailleurs ? Bien sûr, les PDM du DAB+ ont bondi de 2 à 14% en deux ans. Mais, pendant la même période, la radio IP, qui était déjà à 9% de parts de marché, est passée à 13%. Avec le gros avantage que l'écoute de la radio IP ne demande aucune acquisition de matériel nouveau. Et qu'elle est directement accessible sur les enceintes connectées, qui finiront bien aussi par se développer en Belgique. Se féliciter de la bonne part d'audience "numérique" de la radio n'est donc pas très honnête. Car cela laisse croire que les immenses investissements faits dans la diffusion, ainsi que les achats qui sont imposés à l'auditeur, ont déjà eu un grand écho dans les usages de la population. Or, ce qui n'est pas le cas.

Stop ou encore ?

Alors, stop au DAB+, technologie déjà dépassée? Et passons tous à l'IP, en conservant la FM classique afin que subsiste un mode de transmission hertzienne ? Certains en rêvent, d'autant que rien ne prouve le réel besoin de tous les services complémentaires à la diffusion sonore que propose le DAB+. Arrêter le matraquage pour la RNT, cela permettrait aussi de rapatrier au sein du Fonds d'aide à la création radiophonique (FACR) de la Fédération Wallonie-Bruxelles le tiers de ses ressources, qui lui est aujourd'hui retiré pour alimenter maradio.be. Mais est-ce réellement possible? Toute l'Europe s'est jetée dans la marmite de la RNT comme elle le fit dans celle de la TNT, en croyant que le switch opéré en télé serait tout aussi aisé en radio. On voit bien que ce n'est pas le cas. Et le récent choix britannique de renvoyer le big radio switch off en 2032 plutôt qu'en 2022 confirme cette difficulté, même dans un marché bien préparé où… 60% de l'audience radio se fait déjà en digital (3). Alors qu'on en est loin…

Qu'une partie de la transmission radiophonique reste hertzienne paraît indispensable. Au nom de la l'accessibilité universelle, de l'indépendance et de l'impériosité de disposer d'un mode de transmission médiatique qui ne soit pas cadenassé par les grandes sociétés des opérateurs mondiaux. Les ondes, c'est la liberté. Ce fut le cas en 1939-1944. C'est toujours le cas. Dans dix ou vingt ans, à l'aide de forceps et de contraintes d'utilisation imposées aux auditeurs, le DAB+ sera le seul modèle de radio hertzienne. Mais qui écoutera encore la radio via cette technologie? Cette question-là est ouverte. Et on peut être persuadé que les tous les grands chefs des radios RNT se la posent, ne serait-ce qu'inconsciemment.

Parce que le paquebot France a fini dans un arrière-port de Saint-Nazaire et que le Concorde a disparu. Alors qu'ils avaient coûté des sommes folles. Et qu'on croyait qu'ils étaient le top de leur secteur. Sans parler du minitel…

Frédéric ANTOINE.

(1) https://presse.maradio.be/etude-ipsos--le-dab-cartonne#
(2) https://www.mediaspecs.be/fr/les-recepteurs-numeriques-pour-le-dab-obligatoires-pour-les-radios-des-2023-en-flandre-le-ministre-dalle-envisage-des-licences-temporaires-de-diffusion-numerique-pour-les-radios-locales/
(3) https://www.dailymail.co.uk/news/article-8485629/Radio-fans-listen-FM-decade-digital-switchover-off.html

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