Le déconfinement libère aussi d'une présence quasi obligatoire devant les écrans.
Les jours s'allongent, et l'ambiance estivale incite à leur délaissement.
Notamment en prime time.
En redonnant des ailes à la chaîne privée.
A le regarder de loin, le graphique de l'audience réalisée par les principales émissions de prime time de RTL-TVI et de La Une semble sans appel: face à une chaîne privée qui dépasse souvent les 500.000 spectateurs lors de son grand programme de soirée, La Une fait plutôt petit joueur. D'autant que, après le début du déconfinement, la chaîne privée est restée sur sa lancée, alors que la chaîne publique paraît toujours tout aussi faible.
Les graphiques sont toutefois parfois un peu trompeurs. Ce qui inspire la lecture rapide exprimée ci-dessus, ce sont les pics d'audience élevés réalisés par RTL-TVI. Mais ceux-ci ne sont que très ponctuels. Ils ne reflètent pas une tendance d'ensemble. Et ce d'autant que, pour comparer ce qui peut l'être, seuls ont été ici prises en compte les programmes longs de prime time, débutant entre 20h et 21h15, et non les émissions de durée moyenne qui suivent les JT des deux chaînes. Ainsi, on ne retrouvera pas ici les magazines d'actu de la chaîne privée de 19h45, ni le fameux Questions en prime de La Une, ou les magazines d'après-jt qui occupent l'antenne de fin de semaine depuis des décennies.
Un top effet
Un nettoyage du graphique, en ne retenant que les audiences de RTL-TVI, montre clairement cet effet de pics, particulièrement patent à partir de la mi-mars. De manière générale, ceux-ci reviennent de façon cyclique tous les sept jours, le lundi. On l'aura compris: ils illustrent "l'effet Top Chef" qui booste l'audience moyenne de la chaîne privée. Les résultats d'audience obtenus ce jour-là sont fréquemment fort différents la plupart des autres soirs de la semaine, où l'audience du programme de prime time se situe plutôt à 300.000 spectateurs (Live+Vosdal), voire en dessous.
Néanmoins, la courbe générale de tendance de l'audience de la chaîne révèle une hausse appréciable de son audience moyenne dès le début du confinement, celle-ci fléchissant à peine lors du déconfinement.
Un peu essoufflée
Les prime de la Une, qui étaient en plutôt en forme en début d'année, ne semblent pas avoir bénéficié de la crise sanitaire. De jour en jour, les audiences de la chaîne sont en dents de scie, aucune tendance ne se manifeste. Le seul pic n'y apparaît que lors de la diffusion du reportage "Dans l'ombre du virus", le 25 mars. Et, quand commence le déconfinement, l'audience se met à fléchir (ce qu'il faut mettre en rapport avec le type de programmes proposés en prime time par le service public à partir de cette époque). A l'heure actuelle, les soirées de La Une font beaucoup moins bien qu'en janvier. En termes de saisonnalité, ce n'est normalement pas étonnant. Mais pas comparable à ce qui se passe sur la chaîne privée.
Qui perd gagne
Cette inversion de suprématie sur le prime time est claire sur l'audience moyenne de ces émissions au fil des mois de 2020: en début d'année, les émissions de soirée de La Une drainaient davantage de spectateurs que celles de sa concurrente privée. En mars, la tendance s'inverse. Le nombre total de spectateurs augmente sur les deux chaînes, mais ils sont plus nombreux sur RTL-TVI. Le mois d'avril le confirme: La Une conserve plus ou moins la même audience moyenne; celle de la chaîne privée croît encore. En mai, le nombre de spectateurs baisse sur les deux chaînes. La Une poursuit dans la même direction en juin, alors que RTL-TVI regagne des spectateurs, en partie grâce à "l'effet Top Chef".
En début d'année, l'avance de la chaîne publique sur la chaîne privée était d'environ 30.000 spectateurs moyens/jour. En mars, c'est RTL qui précède la RTBF de manière à peu près identique. Sur les 21 premiers jours de juin disponibles au moment où ces lignes sont écrites, et hors dernière manifestation éventuelle de "l'effet Top Chef", la chaîne privée engrange chaque jour en prime time en moyenne 80.000 spectateurs de plus que la chaîne publique.
L'embellie connue par la chaîne publique a-t-elle été infectée par le virus du covid? Ou La Une est-elle trop tôt tombée dans le ronron des programmes d'été, économes et redondants, diffusés parce qu'il le faut bien et non pour drainer de l'audience? RTL, en tout cas, peut s'en frotter les mains. Du moins tant qu'elle ne plongera pas, elle aussi, dans le désert de la programmation estivale.
Frédéric ANTOINE.