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Regard médias

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17 octobre 2023

Attentat terroriste : du breaking news à la radio filmée



La Une, RTL TVi, LN24… Dans les télés, tout le monde était sur la brèche lundi soir, juste après l'attentat terroriste de Bruxelles. Mais lendemain matin…

Mardi matin. 8h. On apprend que le suspect de l'attentat a été repéré par les forces de l'ordre, puis "arrêté". Mais qu'en voit-on sur les chaînes télé ? Rien. Alors que la veille les télés étaient au taquet sur l'événement, rivalisant de directs et ayant des envoyés spéciaux tant sur les lieux de l'attentat que là où se réunissaient les autorités et tenaient l'antenne en breaking news, le lendemain matin, quand se déroule l'événement essentiel clôturant la séquence, c'est-à-dire la mise en état de nuire du terroriste dans (ou tout près) d'un café schaerbeekois, on ne voit sur les chaînes… que des images de studio.

Que ce soit la RTBF, RTL TVi ou LN24, ce mardi matin, les chaînes se contentaient de proposer leurs matinales traditionnelles, c'est-à-dire… les matinales de leurs radios. Et pas un produit purement conçu pour la télévision. Un fameux paradoxe ! Mais une super économie de moyens pour les télés par rapport à l' "artillerie audiovisuelle" qu'elles avaient déployée la nuit précédente !

VIVA SCHAERBEEK ?

De 6 à 8h du matin, La Une propose cet étrange OVNI télévisuel qu'est Le 6-8, conçu comme de la radio filmée améliorée mais… qui ne passe sur aucune radio. Si l'on y excepte les flashs d'information qui rappellent les événements de la veille, l'essentiel de ce programme de divertissement matinal ne changera pas son fusil d'épaule par rapport à son format habituel, se fixant comme but de déstresser l'atmosphère, quoi qu'il arrive…

À 8h, La Une et VivaCité diffusent un long Jp (ou un simili-Jt?) récapitulatif des événements qui comprend  aussi une interview en direct d'un responsable politique. Le seul in situ présent dans ce Jt est celui d'une journaliste devant une école Notre-Dame-de-Grâce, à propos de la question essentielle de l'ouverture (ou pas) des écoles francophones de Bruxelles (le sujet qui semble passionner toutes les rédactions mardi matin). Mais sur ce qui se passe alors à Schaerbeek, zéro image, zéro journaliste in situ. Rien du tout.

UN BILLET EN VOIX OFF

Cela changera-t-il ensuite avec une édition spéciale du Jt  sur La Une ? Que nenni.  À partir de 8h24, sur VivaCité et La Une, la chaîne "bouscule ses programmes" pour proposer une édition spéciale de… C'est vous qui le dites, certes consacrée à l'attentat, mais où le but est de donner la parole à des auditeurs, dont un bon nombre se prononce de manière catégorique sur les événements en cours sans disposer des infos permettant un discernement pertinent, tandis que d'autres livrent leur angoisse à l'antenne. En studio, on essaiera  de modérer ou de nuancer les affirmations. À côté de l'animateur de l'émission, il y aura pour cela deux débatteurs, souvent invités dans le programme, qui arriveront à 8h31 (alors que les appels d'auditeurs auront commencé à 8h24) : un journaliste de la RTBF et le "référent infos jeunesse RTBF". Un choix fait parce qu'on est sur VivaCité ? Ou parce qu'on est sur La Une ?

C'est ce dernier référent Jeunesse qui, intervenant dans le flux des conversations avec les auditeurs, annoncera un peu avant 9h la confirmation de la "neutralisation" du terroriste. Fournissant une image à certaines interventions téléphoniques d'auditeurs, l'écran sera parfois occupé par des images prises le lundi soir lors de l'attentat et de ses suites. Il faudra attendre le journal de 9h pour entendre un billet en voix off dit par un journaliste dont la présentatrice du Jt précisera qu'il est à Schaerbeek (ce qui ne s'entend pas dans le billet). Ce billet sera lu sur des images prises à l'endroit où a sans doute eu la "neutralisation" du terroriste, mais rien ne l'atteste. Ces mêmes images seront à nouveau réutilisées à 9h37, sans aucun moyen d'identification, pendant qu'une auditrice intervenait à l'antenne. Dans le journal de 10h, on aura droit, une nouvelle fois, à un billet en voix off (dont on ne dit plus que l'auteur est à Schaerbeek), où le journaliste racontera les conditions de l'arrestation du terroriste, alors que défileront sur l'écran des images du lieu supposé de la capture (images dont certaines sont clairement porteuses d'info, comme celles fixant les fenêtres d'une ambulance dans laquelle du personnel médical pratique visiblement des massages cardiaques. Mais cela n'est pas exploité dans le billet).

On ne peut en tout cas pas dire que La Une déploie ce mardi matin les mêmes effectifs et les mêmes moyens que la veille au soir, et ce alors que le terroriste est sur le point d'être "neutralisé", puis l'est réellement.

DANS UN COCON 

Pour en savoir plus, paradoxalement, il faut se rendre sur… La Trois. La chaîne culturelle de la RTBF aurait-elle tout à coup hérité du studio Info de La Une ? Ah non, pas tout à fait, mais cette chaîne diffuse le matin la matinale… radio de La Première.

À partir de 6h du matin, on peut donc voir en télévision un produit radio, 100% info, et ce mardi matin presque 100% consacré à l'événement de la nuit et à son possible dénouement. Qu'on se rassure, si besoin en est : il s'agit bien d'un produit radio. À de rares exceptions près, les journalistes n'ont cure de la présence des caméras. Ils assurent une émission radio, et tant mieux (ou tant pis) si on peut la voir à la télé. La matinale comprend plusieurs invités présents en studio, dont des responsables politiques. L'annonce de la "neutralisation" de la personne suspectée intervient un peu avant 8h, l'info étant communiquée au journaliste présentateur via son oreillette. Au cours de l'émission, les interventions sonores provenant de l'extérieur parleront de l'impact de l'événement sur les moyens de transport, de l'état d'esprit des voyageurs dans les transports en commun et de la question de l'ouverture des écoles. Le programme comprend aussi des interventions d'acteurs ou de spécialistes, par téléphone ou internet. Mais, sur le terrain même où se déroule l'affaire, à ce qu'on peut relever à l'écoute, il n'y a semble-t-il rien de précis.

COMME A LA RADIO

La concurrence est dans la même configuration. Lundi soir, l'édition spéciale du RTL Info avait débuté un peu plus tard que celle de La Une, mais ensuite les moyens déployés par la chaîne appartenant à Rossel et DPG étaient à peu près comparables à ceux de la RTBF. 

Le mardi matin, la chaîne allait-elle faire rebelote ou déléguer des envoyés spéciaux et des moyens de faire des directs aux quatre coins de la capitale ? Pas du tout. Tous les matins, RTL TVi diffuse… la matinale (radio) de Bel RTL. Donc pourquoi ne pas le faire un mardi de crise ? Même si le spectateur assiste alors à une émission de radio dans laquelle il ne fait l'objet de strictement aucune attention. Où il ne se sent même pas invité.  L'étriqué studio de Bel RTL étant, qui plus est, partout rempli d'énormes écrans d'ordinateurs, rien n'est fait dans pareil décor pour captiver le téléspectateur ou s'adresser à lui. Que du contraire : l'image que l'on perçoit a tout d'un repoussoir. L'essentiel de ce qui passe à l'antenne se déroule entre les interlocuteurs présents en studio, y compris les séquences humoristiques. Mais il faut noter que Bel RTL dispose, elle, d'une envoyée spéciale radio qui se trouve devant le domicile du suspect. Elle interviendra en tout cas (sans être à l'image et sans in situ) au début du journal de 8h00, décrivant assez clairement ce qui se déroule autour d'elle, mais sans livrer d'information sur ce qui se passe avec le suspect. Deux autres envoyés spéciaux de la radio sur le terrain seront sollicités dans l'émission : l'un dans une école et l'autre dans les rues de Schaerbeek, avec des interviews à chaque fois liées à la question de l'ouverture (ou pas) des établissements scolaires et des commerces. À noter que, à 7h50, lors de l'interview politique, l'interviewer affirmera que le terroriste n'est toujours pas arrêté. Cet élément sera répété en début du journal de 8h00. L'annonce de l'arrestation ne sera faite, prudemment, que à 08h03. 

La diffusion télé ne semble pas être une grande préoccupation des responsables de la matinale de Bel RTL. Pour preuve supplémentaire, le contenu du bandeau d'infos qui défile au bas de l'image. Tout au long de l'émission, on pourra notamment y lire : "Le Premier ministre donnera une conférence de presse à 5h"… Alors qu'on est deux ou trois heures plus tard. "Les tribunes 1, 3, 4 du stade roi Baudouin peuvent être évacuées." ou : "La situation au stade roi Baudouin reste calme." Alors que tout cela est du passé depuis belle lurette et remonte à la veille au soir…

RADIO KILLS THE VIDEO STARS ?

LN24 diffuse elle aussi une matinale, qu'elle ne produit pas, puisqu'elle est celle… de LNRadio. Cette situation peut paraître paradoxale puisque cette émission matinale est un programme d'infos fort, qui correspond au projet de LN24 mais pas à celui de LN Radio, dont le format est du "music and news". Le profil de LNRadio ne correspond pas à celui de la présence d'une émission longue à contenu informatif élevé. Mais voilà, la formule permet de produire une matinale tv au coût d'une émission de radio…

 

Dans ce cadre, on rencontre le même cas de figure que pour les acteurs précédents : le lundi soir, LN24 était sur la balle, avec des contenus studio, des images en direct et des envoyés spéciaux à l'extérieur. Le mardi matin, en se retrouvant dans le format de LNRadio, les choses changent largement de perspective. Nous n'avons pas pu mener une observation longue de cette matinale, le contenu n'étant pas disponible intégralement en ligne. Mais, en regardant des extraits du programme en direct, le contenu diffusé semblait se réduire fortement aux échanges entre protagonistes présents dans le studio de la chaîne. Sur son site, LN24 montre que la chaîne avait un envoyé sur place (un reporter a notamment réalisé des interviews de personnes musulmanes habitant le quartier). Mais, en ce qui concerne l'in situ d'un de ses journalistes, il est daté de 10h35. Il semble donc qu'il n'a pas été inclus dans la matinale, mais dans les programmes d'info qui ont occupé l'antenne tv lorsque LN24 et LNRadio se sont découplés. Et que l'éventuelle audience a décrû…

MAIS POURQUOI ?

 On sait que le prime time de la radio est traditionnellement le matin. Mais faut-il pour autant en offrir alors les programmes aux consommateurs de télévision ? Ceux-ci n'attendent-ils pas un programme correspondant aux conventions auxquelles ils sont habitués en cas d'actualité urgente, surtout lorsque celle-ci se déroule à proximité d'eux ?
 
La réponse est évidemment, au moins en partie, économique. Il est plus facile de recourir au format de programme existant que de créer, en matinée, et sur le pouce, un "nouveau" programme de télévision. Mais cela n'infère-t-il pas sur la manière de couvrir l'actualité ?
 
Les modèles "breaking news tv" et  celui de "édition spéciale radio" se distinguent, en tout cas dans de cas-ci, par le présence ou la (quasi)absence de directs depuis les lieux où se produit l'actualité, ainsi que celle des billets journalistiques et des interviews in situ, que la télévision cultive à l'excès dans ses Jt. 
 
Ceux-ci ne sont-ils pas devenus des exigences canoniques dans le cadre de la couverture de ce type d'actualité en télévision ? 
 
Dans un cas comme celui de l'événement évoqué ici, ce "repli" sur une radiovision plutôt que le choix d'une production spécifique pour la télévision déforce l'image de l'opérateur et sa capacité à rebondir sur une actualité qu'il ne peut rater. Et que ses chaînes n'avaient pas raté la veille, utilisant alors tous les moyens à leur disposition pour offrir de "vraies" émissions de breaking news à leurs audiences.

À moins que toutes les télés n'aient "obéi" à une demande des forces de l'ordre de ne pas couvrir en direct l'intervention dans le café schaerbeekois ? Mais alors, peut-être auraient-elles dû le dire. Ou, à la place, diffuser des vidéos de chats…

Frédéric ANTOINE.

 

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