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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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29 octobre 2022

Les JT après les années covid : pas la débâcle, mais pas la joie non plus


Depuis la fin des fortes épidémies de covid, on avait dit les gens dégoutés de l'info, et désertant en masse les rendez-vous d'actu. Par rapport à 2019, les JT rassemblent effectivement un peu moins de monde. Mais c'est loin d'être la cata.

Les oracles (et les enquêtes sociologiques [1]) l'avaient laissé croire : entre covido-sceptiques et partisans des théories du complot, convaincus que les médias étaient manipulés, et un grand public devenu allergique à l'actualité tant il en avait consommé lors des confinements, il y avait un point commun : les uns et les autres annonçaient vouloir déserter les JT et leurs flots de mauvaises nouvelles anxiogènes. Réaction épidermique ou lame de fond ? En confrontant les audiences "d'avant" et d'après" grandes épidémies de covid, il y a assez loin de la coupe aux lèvres.

PAS SI CLAIR...

Le graphique comparatif ci-dessus (2) montre évidemment l'envolée des audiences des JT de RTL-TVI et de la RTBF en 2020 (courbes grises et jaunes), ainsi que le nombre de spectateurs/jour un peu plus important en 2021 (courbes bleu clair et verte). Les résultats de 2019 et 2022 sont ici difficiles à distinguer. Regardons donc les audiences des deux années moins marquées par la crise du covid : celles "d'avant" et celle d'après".
 
QUASI-SUPERPOSITIONS
Pour le RTL Info 19h, la similitude de tendance des deux courbes apparaît clairement : en 2019 comme en 2022, les audiences croissent ou décroissent régulièrement au même rythme, les courbes allant jusqu'à se recouper. Ces similitudes démontrent que les habitudes d'usage des spectateurs sont en général les mêmes "avant" et "après" le covid : il y a des jours de la semaine où on regarde moins ce JT, et d'autres où c'est le contraire. Le presque recouvrement atteste aussi de la quasi-égalité entre le nombre de spectateurs présents en 2019 et en 2022. Ils n'ont clairement pas déserté en masse.
Pour Le 19H30 de La Une, les constatations faites à propos de RTL TVI sont également de mise : les deux courbes présentent fréquemment les mêmes tendances journalières, et les deux courbes se superposent à certains moments, mais peut-être moins fréquemment que chez le concurrent privé (en tout cas dans la partie de la courbe concernant le mois d'octobre). Apparemment, dans l'ensemble, l'audience de La Une paraît ± identiquement au rendez-vous.
 
RTL TOUJOURS DEVANT...

Rien n'a-t-il dès lors changé ? En tout cas, la domination du JT de la chaîne du groupe appartenant à DPG-Rossel (les deux lignes bleues) sur celle du boulevard Reyers (lignes oranges) paraît à peu près constante au cours des deux années. 
En comparant les audiences jour par jour, le déficit d'audience du JT de la chaîne publique est quasi permanent tant en 2019 qu'en 2022. Les rares jours où ce JT rassemble plus de spectateurs que celui de RTL sont plus nombreux en 2019 qu'en 2022.
 
LE FIFRELIN QUI TUE
Finalement, y a-t-il plus ou moins de spectateurs en 2022 qu'en 2019 ? En établissant l'audience quotidienne moyenne des deux JT sur les deux années, pendant la période analysée, les résultats paraissent à peu près équivalents. 
Mais, en y regardant de plus près, on constate que le RTL Info, qui dépassait de peu, en moyenne, les 500.000 téléspectateurs quotidiens en 2019, en rassemble désormais 487.000. Le 19H30, de son côté, passe de 450.000 à près de 439.000. 
En chiffres absolus, l'audience des rendez-vous d'info des deux chaînes est donc bien plus basse en 2022 qu'avant le covid. Mais ces variations se situent à la marge, et sont de volume à peu près identique : une perte de ± 12.500 personnes pour la RTBF, et de ± 14.000 pour RTL TVI. Soit des chiffres qui se trouvent bien à l'intérieur de la marge d'erreur de la méthode de mesure de l'audience qui, rappelons-le, est réalisée sur un échantillon de foyer dont les usages télévisuels sont extrapolés à ceux de l'ensemble de la population belge francophone. 
 
Un fifrelin qui aurait tendance à pousser à la conclusion que seule une infime partie de l'audience aurait fui les JT. Voire que leurs audiences peuvent être estimées stables. D'autant qu'il ne faut pas aussi perdre de vue celles et ceux qui regardent chaque jour le 20H de TF1, et qui sont très fréquemment plus de 100.000.


Alors, où sont donc passés les anti-JT ? (3) Ne sont-ils pas passés des paroles aux actes ? Étaient-ils en fin de compte si peu nombreux qu'ils sont passés entre les mailles de l'audimètre ? Ou n'en ont-ils en fait jamais été spectateurs ? C'est sans doute ici que se révèle une des limites des méthodes de mesure quantitatives.

Frédéric ANTOINE
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[1] Notamment l'enquête sur les usages des médias en temps de covid que nous avions lancée au printemps 2021.
(2),Pour que la comparaison soit correcte, celle-ci a été opérée sur la même période de l'année (les mois de septembre et les 24 premiers jours d'octobre), en organisant les données selon les mêmes jours de la semaine.
(3) Dans l'enquête que nous avions menée au printemps 2021, la proportion de répondants déclarant qu'ils allaient changer leurs habitudes de consommation de l'info s'était avérée faible, mais bien présente.


23 février 2021

"QR L'ACTU" SUR LA RTBF: UN EFFORT DE NOUVEAUTÉ. MAIS PEUT MIEUX FAIRE

Ce lundi 22 après le JT, La Une a proposé le premier numéro de sa "nouvelle" émission, QR L'actu, qui ressemble quand même pas mal à Questions à La Une, mais dans une version "améliorée". Y a encore quelques progrès à faire…

Questions en Prime est cette émission qui suivait tous les JT de La une lors grands jours du premier confinement, puis qui a continué à occuper l'antenne pendant toute la suite de la crise du covid. Devant une telle permanence, et de bons résultats d'audience, on ne pouvait, à un moment ou un autre, que sanctuariser ce programme dont le projet correspond tellement à l'image que l'on se fait aujourd'hui d'un MSP (Média de service public) ou, comme on dit dans les cénacles de l'UER, un PSM (Public service media) (1). QR L'actu, le nouveau concept issu de Questions en Prime, est d'autant plus intéressant qu'il entend fédérer l'émission qui suit le JT avec le programme de débat politico-public de La Une, dénommé A votre avis, et diffusé sur la même chaîne le mercredi en deuxième rideau de soirée. Et cela tombe bien, puisque les deux émissions ont justement le même journaliste-animateur! 

Autre raison de l'intérêt de l'émission, comme A votre avis l'affiche dès son titre (2), il est ici question de donner davantage la parole "au public", terme vague aisé à utiliser mais dont on ne sait pas toujours très bien ce qu'il représente. On s'était ainsi souvent interrogé sur la représentativité "du public' participant à l'émission A votre avis en temps de non-covid. Ici, il semble que "le public" soi considéré comme étant celles et ceux qui interagissent dans l'émission via les réseaux sociaux et/ou qui ont téléchargé la nouvelle version de l'application Opinio mise en ligne le 20/02, soit deux jours avant la première de l'émission. Ces téléspectateurs (inter)actifs représentaient-ils les 400.000 à 500.000 personnes assises devant leur téléviseur au temps de Questions en Prime en novembre ou décembre dernier? Ou sont les porte-parole des 416.452 téléspectateurs qui ont suivi la première de QR L'actu, ce lundi 22/02 (2)?

Air de famille

Dire que ces téléspectateurs ont été chamboulés dans leurs habitudes par ce nouveau programme serait sans doute un peu exagéré. Il serait plus correct de se référer au vieil adage selon lequel ce sont dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes. A commencer par le plan de générique qui, certes, n'affiche plus le même titre, mais qui laisse bien comprendre qu'on est dans quelque chose de connu. Avec toutefois un brin de graphisme plus "techno" ou "industriel" que le titraille précédente, un peu comme si "QR" avait été peint à l'aide d'un pochoir.

 

Au-delà du graphisme, est-ce que ce qui fait neuf se trouve dans le décor?  En tout cas pas vraiment dans le décor lui-même. Mais plutôt dans sa couleur. Et encore, pas tout  à fait. En règle générale, les coloris du décor de Questions en Prime étaient à dominante blanche sur fond noir, avec un arrière-plan où dominait le gris/orange-rouge et un plancher surélevé en bois, pour un peu réchauffer l'atmosphère un peu hygiéniste, entre hôpital et funérarium, qui se dégageait du reste de l'ensemble. Ici, tout change. L'éclairage passe à un bleu plus clair et rayonne sur tout le sol du studio (hormis la partie surélevée). Un effet "eau propre", entre une plongée dans le lagon de Bora-Bora et un passage au banc solaire. Ou l'impression d'être à l'intérieur d'un vaisseau spatial du XXIIe siècle". Un bleu qui n'est  toutefois pas tout à fait une nouveauté: le décor de certaines éditions de Questions en Prime avait déjà été peint en bleu, mais plutôt électrique celui-l (voir ci-dessous capture d'écran de droite).

capture d'écran RTBF



Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne, ou plutôt on est bien obligé de ne pas la changer, puisque le plateau de l'émission est à peu près inamovible (hors l'éclairage).

 
Côté durée, QR L'actu entend conserver un format court, annoncé de 15 minutes. Questions en Prime eut parfois des longueurs plus élastiques. A ses débuts, il était plutôt formaté sur 20-25 minutes. Depuis la rentrée de septembre, son calibrage était déjà de 15 minutes. Donc là aussi, on est dans la rassurance.

Dans la nuance

Alors, qu'est-ce qui change sinon les effets de couleurs et une belle image de la sortie du tunnel de la rue de la Loi la nuit en arrière-plan? Pas les invités, en tout cas. Le casting de la première émission avait un air de déjà vu. On ne refait pas l'actu, tout comme on ne peut pas refaire l'expertise. Leur mise en image, elle aussi, n'a pas vraiment évolué.
 

Hier comme aujourd'hui, le splitscreen est le meilleur moyen trouvé par l'émission pour d'intégrer deux interlocuteurs dans le même cadre. Mais, cette fois, il est en plein cadre. On se sent davantage au coeur de l'action que lorsqu'il était mis en cadre.
De même, pas beaucoup de changements à propos des interventions écrites du "public". Même les fautes d'orthographe sont toujours là. La finesse dans l'adaptation. Dans QR L'actu, l'interlocuteur auquel la question est destinée apparaît en vignette à l'image, ce qui la dynamise (un tout petit peu) plus que d'avoir dans le cadre le journaliste qui lit le texte qu'on voit déjà.
 
 
De beaux efforts 
 
Bel effort aussi, lors des panneaux de textes venus du "public", sur les choix de couleurs et, à nouveau, on pointera l'abandon du fond gris-rouge/orange dans lequel était fait un insert. On sent qu'on est dans le plus sobre, voire dans le plus froid, comme avec l'omniprésence du bleu sur le plateau.

 Une amélioration de lisibilité touche aussi la communication des résultats des "sondages" (totalement 
non représentatifs de l'opinion) réalisés avec l'appli Opinio (qui porte ici bien son nom). Précédemment, on avait l'impression que les résultats affichés à l'écran venaient de tomber d'une vieille imprimante, ou utilisaient la même mise en page minimaliste que celle du questionnaire en ligne. Là, il y a du progrès. Mais on n'est pas encore à faire des graphiques, des "camemberts" ou des représentations visuelles. On est à la télé-vision, tout de même. Mais ce sera sans doute pour la prochaine fois… En l'état, dommage toutefois que, lorsque le choix de réponses à afficher est trop large, on n'arrive pas à tout voir à l'écran. La maîtrise de l'infographie, c'est un vrai métier…
 
Le changement, c'est maintenant
 
Mais alors, qu'est-ce qui change, outre ces adaptations cosmétiques? La présence "du public", évidemment. comme dans A votre avis, on veut ici donner davantage la parole "au public". Ce n'est pas que, dans sa version précédente, l'émission était confinée à des experts (enfin, pas tout le temps). Via webcams, le programme recevait aussi beaucoup d'interlocuteurs extérieurs. Mais, dans la plupart des cas, il s'agissait d'intervenants institutionnels. Ah, on est le MSP de la Fédération WB ou on ne l'est pas, quand même! Donc, parole au corps social officiel (ou aux corps sociaux en tous genres de Belgique francophone). Et ceux-ci étaient plutôt là pour se plaindre que pour poser des questions. Des invités lambda, de mémoire, il y en a aussi dû y en quelques-uns. Mais quasiment par hasard. 
 
Ici, c'est une des base line du programme: rendre l'antenne accessible au Belge de base. Pour qu'il confie son désarroi, sa détresse, voire son envie d'en finir dans cette crise sans fin? Pas vraiment. En tout cas dans l'émission n°1, c'était plutôt pour poser des questions. Le rôle normal conféré à l'auditoire, quoi. Intervenir dans un programme pour prendre, pour quelques secondes, le rôle du journaliste-animateur, et interroger. Ne pas savoir mais chercher chez l'autre l'expertise qui nous manque. Bref, ce qu'on fait dans les médias audiovisuels du monde entier depuis qu'ils existent. 
 
 
 
Mais encore faut-il avoir de bons interlocuteurs. Faute à pas de chance, ou mauvais casting lié au mode de collecte des intervenants, le premier membre du "public" à passer à l'antenne ne laissera pas un souvenir exceptionnel, qu'il nous excuse. Alors qu'on attendait une question, claire et bien posée la personne n'en avait pas vraiment, se perdait en conjecture et, sans doute pris par la solennité du moment, cherchait ses mots. Un vrai calvaire pour le journaliste, qui devait tenter d'en tirer quelque chose. Le tout complété par la mauvaise qualité de la liaison. Certes ce n'était pas l'ouverture de l'émission, mais avoir cela en première séquence d'une émission qui entend se distinguer par sa volonté de donner la parole à l'audience n'aide pas à ancrer l'identité du  programme.

La deuxième intervenante avait, elle, une question bien précise, mais à laquelle les experts en plateau n'avaient pas les moyens de répondre. Cette personne, qui semblait intervenir depuis son lieu de travail, avait juste au-dessus d'elle affichée au mur une note de service bien visible à l'écran. Tous les téléspectateurs ont ainsi eu l'occasion de lire le message que Jean avait adressé à ses collègues le 19/02… 
 
Un peu de préparation aurait permis d'évaluer la qualité de la liaison internet du premier intervenant, et aurait peut-être amené à lui faire comprendre que, même depuis que le covid a transformé les cuisines et les placards en studio tv, quand on travaille en broadcast, on essaie de respecter certaines normes. Quant à la deuxième personne, un peu d'accompagnement, juste avant le passage à l'antenne, lui aurait permis de modifier le cadrage de sa webcam. Mais est-ce trop compliqué? Ou, pour faire "public", recherche-t-on les laisions de mauvaise qualité et les cadrages improbables?
 

Comme lorsque, pendant toute la fin du programme, l'image de fond de studio fut une mise en parallèle des deux visages des personnes du public qui étaient intervenues. Une association entre un immense cadrage américain et un demi-visage en hyper gros plan, tout ça face à de mini-personnages présents en plateau. De quoi faire peur plutôt que d'encourager la communication. Elle est sûrement bonne, l'idée de l'émission. Mais il reste à la huiler. Par exemple, en présentant bien le QR code quand on annonce sa présence à l'image, pour éviter qu'apparaisse juste un carré blanc.
Il reste à en faire un "vrai" programme de télé. Par un show, mais juste quelque chose de correct à voir…
 
Frédéric ANTOINE. 
 
 
PS: Sur Auvio, autant aussi essayer de ne pas mettre une pub commerciale pour l'industrie pharmaceutique juste avant une émission comme QR L'actu si on ne veut pas offrir une corde de plus pour se faire pendre par les auteurs de certains documents audiovisuels qui circulent pour l'instant sur la Toile…
 
 
 
(1) https://www.ebu.ch/about/public-service-media
(2) Même si, en pratique, la part des "avis" dans l'émission a pas mal évolué au fil du temps.
(3) 5e meilleure audience de la journée selon le CIM, mais avec à peu près autant d'audience que le magazine diffusé à la même heure sur RTL-TVI.

07 février 2021

INVITER LES SCIENTIFIQUES À ALLER SE RHABILLER, EST-CE LE RÔLE D'UN PRÉSENTATEUR D'UNE CHAÎNE ALL NEWS?

Est-il normal que, au début de son émission, un animateur d'une chaîne All News s'adresse directement aux scientifiques, et les invite en termes polis à aller se rhabiller? C'est en tout cas ce qui est arrivé près de chez nous fin janvier. Est-ce cela qu'un présentateur d'une chaîne consacrée à l'info est là pour donner son opinion ?

« Je m'adresse aussi pour terminer aux experts. Alors, messieurs les experts, ça fait un an que vous êtes sur tous les plateaux de télévision et y a rien qui a changé. Alors, s'il vous plaît, retournez dans vos laboratoires trouver nous une solution et laissez le politique qui est payé pour ça nous l'annoncer. » C'est ainsi que le présentateur (ou l'animateur, ou le journaliste?) d'une émission de LN24 a ouvert son programme le 30 janvier dernier. En termes plus un peu plus choisis, ce dernier a bien signifié aux chercheurs, aux médecins, aux épidémiologistes… de retourner à leurs casseroles et de ne plus nous embêter. Qu'à titre privé, on puisse exprimer de telles opinions est une chose. Mais que cela soit affirmé, en ouverture de programme, par celui qui le présente, peut poser davantage de questions. (le texte complet figure en fin d'article)

D'accord, l'émission en question s'appelle un "Late Show", et essaie peu ou prou de s'inspirer des talk-shows de fin de soirée des télévisions américaines. Mais, dans le cadre de l'émission précitée, cela veut-il dire qu'on n'y exercice pas le journalisme, et que la pratique déontologique appliquée dans l'ensemble des autres programmes de la chaîne, 100% info, n'est ici pas de mise? La personne qui anime cette tranche horaire est-elle dispensée des règles qui régissent le monde de l'information? 

Une question de statut

Aux USA, les présentateurs des late shows ne sévissent pas sur des chaînes d'info, et ils animent clairement leur show dans le contexte d'un programme de divertissement. Ils y jouent un rôle mêlant la fonction d'animateur-présentateur et celui d'humoriste. Ils sont là pour être des pince-sans-rire, pas des journalistes. Le stand-up qu'ils réalisent en début de chacun de leurs shows est d'ailleurs une sorte de sketch humoristique, souvent grinçant, certes basé sur de l'actu, mais dont tout le monde maîtrise le fonctionnement et les règles. Le cadre et le contexte se prêtent à ce genre d'exercice. On n'a pas là affaire à une sorte de billet d'opinion présenté en pré-programme, avant le générique de l'émission. Le québécois Dan Gagnon, lorsqu'il animait le Dan Late Show sur la RTBF, était dans cette veine américaine. Ici, c'est autre chose.

D'accord, la pratique du journalisme inclut l'éditorialisation. Et, dans les médias écrits, l'expression d'opinions par des journalistes-éditorialistes est une tradition bien ancrée. Mais est-on ici dans ce cadre-là? Est-on face à un éditorial, qui pose le pour et le contre, analyse et puis conclut par l'expression d'un avis? En entendant les propos reproduits ci-desus en ouverture de ce programme, le spectateur ne peut-il pas se demander : « Mais qui est ce personnage pour prononcer de tels propos ? D'où vient-il pour parler ainsi aux scientifiques ? Pourquoi se permet-il ce ton-là ? Sur quoi se base-t-il, par exemple, pour affirmer que rien n'a changé ? » Le présentateur de ce programme a-t-il sur la chaîne un statut d'éditorialiste? Le générique de l'émission précise-t-il que les propos du présentateur n'engagent que lui-même et pas l'identité éditoriale de la station? Sauf erreur, cette émission n'a pas de générique…

Une question de genre

D'accord, le présentateur de ce show ne manque pas de talent. Dire qu'il ne pratique ce genre d'exercice que depuis septembre dernier, et qu'il n'avait auparavant pas fréquenté les cénacles de l'audiovisuel, démontre une incontestable capacité à assimiler les codes télévisuels en un temps record et un art de la présence à l'écran que certains doivent lui envier. Mais cela ne démontre-t-il pas que ce show s'inscrit dans un registre étranger aux formats conventionnellement utilisés sur une chaîne consacrée à l'information? Si l'on se branche sur une all news, c'est parce qu'on a confiance en elle, en la qualité et en la véracité de l'info qu'elle va délivrer. Comme le disent les sociologues des médias, c'est là-dessus que repose contrat de lecture qui lie le spectateur et la station. Le programme évoqué ici correspond bien à ce qu'on appelle un talk show, c'est-à-dire un programme ‘à invités’ où tout tourne autour de la personnalité du présentateur. Sans lui, l'émission n'existerait pas. Mais ce n'est pas un talk-show d'information comme, par exemple, C'est pas tous les jours dimanche sur RTL-TVI.

La question de fond est donc de savoir si, sur une chaîne d'infos, le mélange des genres est de mise, le spectateur n'ayant qu'à se débrouiller seul devant la diversité des codes sur lesquels fonctionnent des programmes de nature différente. Une all news, ce n'est pas une télévision thématique comme les autres, où tout est bon pourvu que l'audience suive. C'est un maillon de la chaîne des connaissances qui nous permettent notre être au monde.

D'accord, on dira qu'il suffit de faire confiance à l'intelligence du spectateur, bien formé par une éducation aux médias tellement pratiquée en Belgique que le monde entier nous l'envie. N'empêche. Quand on entend le présentateur d'une émission d'une chaîne info affirmer tout de go sa propre opinion, en invitant les scientifiques à retourner dans leurs labos et foutre la paix au monde, ça cause comme un malaise…

Frédéric Antoine

Pré-Ouverture de l'émission du 30/01/2021

"Je m'adresse à vous les jeunes, pas ceux qui sont avachi devant leur télévision. Avec Netflix, les GAFA, YouPorn, Deliveroo, mais à ceux qui se rebellent, aux résistants. A nos jeunes qui aux Pays-Bas se rebellent. A ceux qui veulent se rebeller ici, en Belgique. Je devrais pas le dire, je devrais pas vous conseiller de le faire. D'ailleurs, je vous conseille pas de le faire. Mais comme dirait Frank Vandenbroucke, je ne vous l'interdis pas parce qu'on comprend votre mécontentement. Je m'adresse aussi aux pontes de l'Europe et du fédéral. Messieurs, nos séniors ont cotisé 40 ans pour se retrouver depuis un an dans une prison. Prison dorée peut être, mais une prison tout de même. Notre classe moyenne est à L'a-go-nie. Elle n'existera peut être plus après cette crise et c'est elle qui fait tourner la baraque. Je m'adresse aussi pour terminer aux experts. Alors, messieurs les experts, ça fait un an que vous êtes sur tous les plateaux de télévision et y a rien qui a changé. Alors, s'il vous plaît, retournez dans vos laboratoires trouver nous une solution et laissez le politique qui est payé pour ça nous l'annoncer. Et pourquoi pas un jour de bonnes nouvelles. Mesdames et messieurs, bienvenue dans le …"

05 janvier 2021

Bilan TV 2020: l'audience différée profite à TF1 et aux télé-réalités. Mais aussi à Questions en Prime

En tenant compte de l'audience jusqu'à sept jours après après la diffusion linéaire, le Top 2020 (1) des audiences télé ne change pas fondamentalement: ce sont toujours les Jt qui ont eu la cote l'année passée. De même que Questions et Prime. Mais, hormis l'info quotidienne, ce sont Les enfoirés, L'amour est dans le pré, Mariés au premier regard ou Top Chef, qui ont été pas mal regardés après leur jour de diffusion.

Les Jt, même spéciaux, ça ne se regarde pas beaucoup après leur jour de diffusion. Normal : l'info se périme vite, donc la date de validité de chaque Jt est fort proche du moment de sa production. Comme les Jt avaient cartonné en audience J+1, ils font évidemment la même chose en J+7. On retrouve dès lors dans ce Top annuel un classement identique à celui des audiences (presque) en temps réel, avec la domination des Jt et des éditions spéciales, et une présence de Questions en prime.

Conséquence logique de ce qui précède, les différences entre les scores d'audience J+1 et  J+7 sont presque nuls (2), et en tout cas sans réelle signification.

Si l'on enlève le Jt mais que l'on conserve Questions en prime (et en tenant compte de la remarque méthodologique faite à la note 2), on retrouve de nouveau une situation à peu près comparable en J+7 et J+1: la plupart des mêmes émissions ont dans les deux cas réalisés des scores fort proches. (3)
 
Enfoirés et télé-réalités 
 
 Si l'on retire Questions en prime, la situation change quelque peu.
On voit en effet entrer dans le classement des meilleures audiences un programme de TF1 (Les enfoirés), et des émission de RTL-TVI (L'amour est dans le pré et Mariés au premier regard) qui ne figuraient pas dans le Top 20 que nous avions réalisé sur les audiences J+1, ou comme Top Chef, qui n'était présent qu'à une occasion dans le classement J+1, et qui occupe ici de nombreuses places. 
Le film Ni juge ni soumise, diffusé par la RTBF, n'aurait pas tout à fait dû figurer dans ce graphique, car il occupe la 21e place de ce classement, mais nous l'y avons intégré pour son caractère très significatif pour une analyse des usages d'audience entre J+1 et J+7. Comme Les enfoirés ou les télé-réalités de prime time de RTL-TVI, ce film n'a pas réalisé des audiences remarquables au moment de sa diffusion tv ou des heures qui ont suivi. C'est sur la distance que son auditoire a crû. Les enfoirés ou Ni juge ni soumise sont de vrais programmes de stock : on pourra encore les regarder plusieurs semaines, voire plusieurs mois après leur diffusion, ils n'auront pas pris une ride. Ce n'est pas tout à fait la même chose des télé-réalités et ses variantes de type 'compétition' de RTL-TVI et M6 dans la mesure où il ne s'agit pas là d'œuvres uniques, mais bien de prototypes reproduits au cours de de plusieurs épisodes. Leur échéance de validité de vision se situe donc bien quelque part : à la fin de leur semaine de diffusion, avant l'arrivée de l'épisode suivant.
Le programme qui bénéficie le plus de ce gain d'audience différée est sans conteste le grand show annuel de divertissement de TF1 au profit des Restos su Cœur, qui récolte au-delà de 200.000 spectateurs de plus en différé par rapport à sa diffusion linéaire. Résultat d'autant plus marquant que ce programme a été émis avant le confinement. Idem pour le portrait de la juge bruxelloise Anne Gruwez par Jean Libon et Yves Hinant, qui gagne près de 150.000 personnes au cours de la semaine qui suit sa diffusion. L'amour est dans le pré (2 épisodes à + 100.000 spectateurs), par contre, a été diffusé lors de la fin du second confinement, et en période de post-confinement. Marié au premier regard et Top Chef sont, eux, des programmes du premier confinement. Tout comme le show de François Pirette, dont nous avions relevé la relativement moyenne performance lors de sa diffusion linéaire, et qui remonte ici dans le classement. Les magazines d'info de RTL-TVI ne comptabilisent qu'une audience supplémentaire assez limitée, de même que la série docu-fiction Appel d'urgence. Quant aux matchs de foot, on les regarde très peu après coup. C'est bien sur le vif que l'émotion de l'exploit captive le spectateur.
 
Frédéric ANTOINE.

 

(1) Pour le J+7, l'analyse n'a comptablisé les résultats que jusqu'au 22/12. Pour rappel, il en est à peu près de même pour les J+1

(2) L'étude ayant été menée à partir des résultats publics du CIM, elle repose pour le J+7 sur le classement des meilleurs résultats hebdomadaires, dans lesquels ne sont retenus pour les émission quotidiennes que leur meilleur score sur la semaine. Pour les Jt, ce défaut méthodologique est compensé en partie par le fait que les éditions spéciales sont comptabilisées séparément. Toutefois, comme le démontre le graphique, il y a des jours pour lesquels la comparaison est impossible, et qui ne figurent donc pas dans le premier graphique présenté dans ce texte.

(3) Pour les commentaires, cf. un article précédent analysant ce type d'audience.

02 janvier 2021

Bilan Tv 2020 : hors info, RTL TVI truste les premières places

 L'info a dominé les audiences 2020, nous l'avons déjà écrit (1). Mais si l'on retire les Jt, quelles ont été les meilleures audiences de l'année? Outre l'émission Questions en prime, qui est sa doute "la" révélation de ces derniers mois, le foot et les magazines de RTL ont attiré le plus de public. Sans Questions en prime, les audiences se diversifient. Et la chaîne privée emporte la mise.

C'est un peu l'OVNI télévisuel de 2020, cette émission Questions en prime, programme entre le talk-show et l'émission-service, à durée variable d'édition en édition et à la programmation elle aussi instable selon les jours de la semaine et les périodes. Mais toujours avec le même journaliste-présentateur immuable, tellement bien installé dans le programme qu'il a ensuite aussi présenté le JT, sur le même ton que celui de 'son' émission spécial Covid. Déjà, dans notre Top 20 des audiences de tous les programmes de l'année (2), Questions en prime figurait sur la liste. Si l'on retire de ce relevé les JT, qui trustaient ce classement exhaustif, le succès du programme se confirme. Preuve d'une attente constante du public pour de l'info pratique et concrète à propos de la pandémie.

Questions en prime occupe 8 places parmi les 20 émissions hors JT les plus regardées en 2020 (3), c'est-à-dire ayant comptabilisé plus de 650.000 téléspectateurs. La plupart de ces bons scores sont réalisés pendant le premier confinement, mais on relève aussi parmi ce Top 20 deux émissions de fin octobre.  Il faut par ailleurs pointer les deux éditions de Jeudi en Prime, programme qui lui aussi suit la diffusion du Jt du soir, et dont les éditions du 22/10 et du 5/11 ont, elles aussi, réalisé de fort bons scores (interviews de la ministre Caroline Désir et du président de l'Absym Philippe Devos). Ces programmes quasiment imbriqués dans le Jt de La Une mis à part, la RTBF ne réalise qu'un seul autre score de Top 20 : pour la diffusion d'un match de foot de l'équipe nationale. Au total, la chaîne publique occupe 11 des 20 meilleures audiences…

RTL-TVI (en rouge sur le tableau) a l'habitude de faire suivre son Jt de 19h30 de magazines d'info diversifiés. Dans ce classement, Face au juge confirme ses succès antérieurs, en plaçant 3 éditions dans le Top 20, lors des trois semaines de mars marquant le début du confinement. Un numéro de Enquêtes, daté de fin mars, figure aussi dans ce hit-parade des audiences, de même que l'originale émission Belges à domicile, que la chaîne avait initié en début de premier confinement etQuestions en prime et où se jouait de belle manière la complicité entre le public à domicile et les animateurs de la station, eux aussi confinés (4). Deux matchs de foot des Diables complètent le tableau.
 
RTL-TVI presque partout

Si on retire de ce classement le "cas" que constituent Questions en prime et Jeudi en Prime, la configuration du jeu se modifie fortement : la RTBF (en bleu) disparaît quasiment de ce nouveau Top 20, dont presque toutes les places sont trustées par la chaîne privée (en rouge).
Dix-huit places sont 20 reviennent alors à RTL-TVI, à la fois pour ses magazines post-Jt (Face au juge [4] et Enquêtes [5]), mais aussi pour des programmes de prime time de type rélé-réalité (Top Chef [2] et la sérié docu-réalité Appel d'urgence), pour un divertissement : le show de Pirette. La première audience de ce classement est occupée par un match de foot, et la chaîne réussit à placer cinq émissions du même type dans ce Top 20.

Un peu mieux qu'en 2019, covid oblige
 
Ces résultats sont-ils exceptionnels? Impossible bien sûr de faire une comparaison pour Questions en prime et Jeudi en Prime. En 2019, Face au juge figurait aussi dans les meilleures audiences de l'année (en 5e place), avec 747.800 spectateurs (J+7). Cette année, même en mesure J+1, son meilleur score est plus élevé : 776.876 personnes. Il y a un an, la meilleure édition d'Enquêtes avait attiré 598.000 personnes (J+7). Cette fois, le score le plus haut du magazine en J+1 est déjà de 704.797, soit plus de 100.000 spectateurs de plus (et ce, donc, sans compter les visions différées). L'épisode le plus regardé d'Appel d'urgence (J+7) s'élevait à 638.300 spectateurs.  Cette année, en J+1, le résultat est un peu plus faible: 604.950. Si l'on regarde les chiffres J+7, cette audience monte en 2020 à 617.637 personnes. Soit toujours moins que l'année précédente. François Pirette, qui ne figurait pas en 2019 dans le Top 20 du CIM, avait alors accueilli 564.700 spectateurs (J+7) à son meilleur show. Cette fois, en plein confinement et en mesure J+1, il a fait un tout petit peu mieux en rassemblant 585.286 amateurs et amatrices de son humour. Mais son spectacle s'est fortement rattrapé en audience différée : en J+7 son show 2020 compte au total 639.879 spectateurs, au-delà 50.000 de plus par rapport à l'année précédente.
 
Ces bons scores 2020 ont évidemment été boostés par la covid. Les émissions dont l'audience 2020 est plus faible que par le passé peuvent donc être considérées comme de véritables échecs.
 
Frédéric ANTOINE


(1) Voir texte du 31/12/2020.

(2) Idem.

(3) Mesure audience J+1, avec arrêt du comptage au 29/12.

(4) Pour rappel, ce programme court a peut-être réalisé d'autres très bonnes audiences mais sa durée étant variable, le CIM n'a pas pris en compte les programmes courts.

(5) En 5e place selon le classement CIM qui n'applique pas la même méthodologie.

01 janvier 2021

Les Namurois savent-ils lire une affiche?


Petite promenade du jour de l'an sur les bords de Meuse à Namur, Jambes et Wépion. Constat général : le masque n'est pas porté par un promeneur sur deux, alors qu'il est clairement obligatoire sur le halage. Une situation interpellante, qui est aussi une question de communication.

Le 25 juillet dernier, le bourgmestre de Namur prenait une ordonnance imposant le port du masque dans le centre de la ville, mais aussi sur les bords de Meuse. La presse relaiera l'information le 27 juillet, reprenant une dépêche Belga qui contenait les propos du maïeur : "Ce port du masque sera également obligatoire sur l’Enjambée et sur les berges de Meuse et de Sambre, y compris pour les cyclistes et joggeurs."

Ces mesures ayant été allégées à l'échelon national début septembre, la situation namuroise deviendra floue. Aussi, le 20 octobre, suite à une nouvelle réunion du Comité national de concertation, le bourgmestre publiera un nouveau communiqué de presse, écrit à la première personne, où il présentera les mesures complémentaires qu'il a prises (1). Celles-ci reprennent, en général, le contenu de l'ordonnance de juillet.  Depuis lors, elles n'ont pas été modifiées.

L'air de rien

1er janvier 2021, début d'après-midi. Sur Namur, le soleil tente de se faire une petite place dans le ciel gris. Même près de l'eau, le froid n'est pas intense. Un moment idéal pour un peu occuper un jour de l'an plutôt maussade. On ne se bouscule pas sur les bords de Meuse, mais de petits groupes de promeneurs déambulent sur le halage. Souvent par deux: des ami(e)s, quelques fois, mais surtout des couples de tous âges, certains poussant avec poussette ou landau. Des petites familles aussi, de trois ou quatre personnes en général. Les parents et les enfants. Quelques solitaires, dont des maîtres avec leur chien. Quelques joggeurs aussi, de même qu'un petit nombre de cyclistes. Un petit peuple de promeneurs heureux de flirter avec la Meuse.

A de nombreux endroits du halage, la Ville a placé, exactement à hauteur de regard, une affiche trilingue qui reprend les mesures principales décidées par les autorités. Le document n'est pas seulement composé d'informations écrites en noir sur fond bleu, mais aussi de pictogrammes, sur fond plus clair, qui expriment clairement de quoi il s'agit. Une photographie d'un de ces panneaux figure en tête de ce texte. Le port du masque y est plus que visiblement indiqué comme obligatoire sur les bords de Meuse. 

Or, dans la pratique, une bonne partie des promeneurs n'en a manifestement cure. Si les personnes plus âgées semblent avoir une propension à davantage respecter l'injonction, son déni manifeste est le fait de toutes les autres catégories d'âges. En couple, certains duo portent le masque. Mais beaucoup n'en ont pas.  Dans quelques cas, madame est masquée, mais monsieur montre bien que lui, il n'en a pas besoin. La plupart des familles avec enfants caracolent presque toutes sans aucune protection sur le visage. Même chose pour une partie des personnes seules. Quelques-unes portent bien quelque chose à la main… mais c'est un parapluie pliant. Plutôt se protéger de la pluie que du coronavirus! Parfois, le promeneur tient son masque dans une de ses mains, ou le fait dépasser de sa poche. Il y en aussi qui l'ont accroché à une oreille, à laquelle le petit tissu de protection pend au gré du vent. Et on ne parlera pas ici de ceux et celles chez qui le masque ne sert qu'à protéger le menton, ou, pour d'autres, seulement la bouche… et jamais le nez. Des fois qu'il empêcherait de respirer…

Quant aux joggeurs et aux cyclistes, ils considèrent tous que le port du masque ne les concerne pas. Pas un ne court ou ne pédale avec un masque sur le nez. Le fait que le règlement leur soit imposé avait été précisé par les autorités en juillet. Si ce sujet ne figure pas explicitement dans les décisions prises en octobre, cela signifie donc que le port du masque concerne tout le monde, y compris les cyclistes et les joggeurs. A titre de confirmation, on relèvera par exemple cet échange de messages figurant sur la page facebook de la ville de Namur (2) le 21/10 où, à la question de Céline Wrn "le port du masque sur le halage également en cas de jogging ?", la réponse officielle de la ville est: "Bonjour, à ce stade, aucune exonération n'est prévue pour les joggeurs et joggeuses."

Fi ou défi?

Au total, on peut estimer que, le 1er janvier après-midi, plus de la moitié des promeneurs des bords de Meuse namurois ne portaient pas de masque, alors qu'ils en avaient l'obligation et que celle-ci leur était rappelée de manière explicite tout au long du halage. On ne s'étendra pas sur ce  blog sur les raisons qui poussent les citoyens à cette infraction manifeste. Les médias se penchent assez fréquemment sur la question, et il suffit de lire quelques échanges sur les raisons sociaux pour tomber sur des déferlantes de messages remettant en cause la légitimité et/ou l'efficacité de pareilles mesures. On ne discutera pas non plus s'il est ou non pertinent de porter un masque en plein air en bord de fleuve. 

On se contentera de relever ici que l'obligation existe, qu'elle est légale et indiscutable, et que des moyens de communication ont été mis en œuvre pour en informer les citoyens. Sur le halage de Namur, on ne part pas du présupposé selon lequel "nul n'est sensé ignorer la loi". Non, on la lui rappelle. Il reste juste à savoir si ces messages sont suffisants en nombre tout au long du parcours, et s'ils sont bien positionnés, par exemple par rapport à la marche des promeneurs. L'information présentée l'est parfois de manière parcimonieuse, discrète. Comme s'il s'agissait de ne pas déranger, ou comme si on avait juste affaire à un rappel, tout le monde étant déjà au courant (ce qui, l'expérience le démontre, est trrrrrès loin d'être le cas). 

On pourrait aussi s'interroger sur le support de communication utilisé. Des affichettes de taille réduite attirent-elles assez le regard? Ne se confondent-elles pas avec d'autres messages portés par des pancartes, panneaux et autres moyens de communication qui se trouvent déjà le long du parcours? Et puis, l'affiche est-elle si lisible que cela? Des lettres blanches sur un fond bleu, c'est joli, mais est-ce facile à lire, efficace, déchiffrable rapidement? Sur l'affiche, quel élément a été conçu pour attirer le regard, captiver (ou capturer) le lecteur? Le trilinguisme, enfin, est louable, mais n'ajoute-t-il pas du message au message?

Et puis, à qui s'adresse ce message? Joggeurs et cyclistes doivent-ils aussi s'y sentir concernés, alors que seule un dessin d'un visage en gros plan illustre l'affiche. Et, à la coiffure du personnage, on peut deviner qu'il n'est ni sur un vélo, ni en survet de course. Le personnage de l'affiche est par ailleurs manifestement de sexe masculin. Au XXIe siècle, ce genre l'emporte-t-il encore sur le féminin?

Bien sûr, il est aisé de critiquer. On doit toutefois constater que, face à des récepteurs blasés, considérant que cela ne les concerne pas, ou persuadés que, comme à la maison, on ne doit pas se masquer dans un lieu ouvert, ce type de communication n'est pas efficace. Elle pourrait même laisser croire qu'elle a été réalisée 'parce qu'il fallait bien faire quelque chose', sans trop de conviction ou de volonté de réussir à faire passer le message. 

De deux choses l'une: ou la mesure prise paraît inutile, et alors la logique serait de la retirer et non d'essayer de la faire appliquer. Ou on estime cette mesure, là comme ailleurs, indispensable. Et, dans ce cas-là, il faut tout mettre en œuvre pour qu'elle devienne une routine, un réflexe, dans l'esprit des usagers. Quitte à un peu les matraquer pour faire rentrer le message. En effet, sans une grande volonté d'action et une forte conviction, dans l'état actuel de la mentalité d'une bonne partie de nos concitoyens, la cause a toute les chances d'être perdue.

Frédéric ANTOINE



(1): "A dater de demain, le port du masque sera rendu à nouveau obligatoire dans le centre-ville (c’est-à-dire toute la corbeille namuroise, y inclus le Boulevard du Nord à Bomel et l’Enjambée), et dans les principales rues commerçantes de Jambes (Avenues Bovesse et Materne), de Salzinnes (rue Patenier), de Bouge (Chaussée de Louvain) et de Saint-Servais (route de Gembloux). Il sera également obligatoire sur les berges de Sambre et de Meuse (le halage) entre les trois écluses de La Plante, des Grands Malades et de Salzinnes. Et ce sur les deux rives. Le périmètre est donc clair et circonscrit, pour que les zones les plus densément fréquentées s’accompagnent d’un port obligatoire du masque, tandis que le bon sens devra s’imposer ailleurs sur le territoire, où le port du masque reste une forte recommandation en tout état de cause, et rappelons-le, une obligation en cas de regroupement, files ou distance de sécurité ne pouvant être respectée."  [Coronavirus (Covid-19) : Annonces complémentaires du Bourgmestre - 20-10-2020]

(2)  https://www.facebook.com/Ville.de.Namur/posts/3289703637743907

17 décembre 2020

Le covid de Macron : les Belges aussi étaient sur la balle


10h33, ce jeudi 17 décembre. Relayant un communiqué de l'Elysée, l'AFP annonce qu'Emmanuel Macron a été testé positif au coronavirus. En quelques secondes, les alertes infos s'embrasent…

Il n'aura pas fallu dix minutes pour que la nouvelle se répande à toute vitesse via les alertes infos des applis pour smartphones. Impossible évidemment de faire le tour du monde des applis pour attribuer des prix planétaires à tous les gagnants de cette course de vitesse mais, sur base d'un suivi de médias belges et français ainsi que via l'appli Breaking news qui relaie les alertes des grands médias du monde, on saluera la rapidité de Sud-Info et de 7sur7.be, qui me mettront pas deux minutes à annoncer la nouvelle (et, pour le site de Sud-Presse, pour une fois, sans y accoler un "!"). Soit, sur base de notre petit échantillon (et en faisant confiance à l'horodatage de notre smartphone), pas mieux que Bloomberg, mais aussi bien que BFM Tv, qui se paiera le luxe de lancer deux alertes au cours de la même minute, en passant dans sont tite de "testé" à "diagnostiqué".

On saluera aussi la rapidité de La Libre et de la RTBF, qui coiffent d'une poignée de secondes Le Figaro lui-même, et des spécialistes de l'info continue comme France 24 ou France Info. Sur la contamination du président Macron, y a pas à dire, les Belges aussi sont sur la balle!

Hormis les deux journaux journaux de qualité déjà cités, force est de constater que les autres titres de qualité sont en général, et comme d'habitude, un peu moins rapides à réagir. Le Soir n'enclenchera son alerte que sept minutes après l'info, tandis que Le Monde attendra… onze minutes et Libération… près d'une vingtaine (en ayant l'humour d'inscrire "à chaud" en avant titre d'une info qui, à l'heure de la diffusion de l'alerte, ne l'était plus vraiment) (1). Libé prend ainsi presque autant son temps que le New York Times. On relèvera par contre la relative rapidité de communication du Quotidien du Peuple (People's Daily) de Beijing, et du Times of India, un des plus importants quotidiens dans le monde. Du côté des grandes agences, hormis l'AFP, évidemment hors catégorie, Reuters mettra six minutes à réagir, bien avant l'Associated Press (AP).

Diagnostiquer n'est pas jouer

Côté info, la nouvelle contenue dans l'alerte est en général plus que laconique. Tout en tenant compte du fait que notre échantillon est évidemment partiel, on peut y remarquer que certains médias, essentiellement anglo-saxons, veillent à donner la source de l'info ("la Présidence") alors que les alertes françaises et belges ne se soucient en général pas de ce "détail", à part France-Info. Les variations thématiques sur le contenu portent le plus souvent sur la question de savoir si le président a été "testé" positif ou "diagnostiqué" positif. Selon Le Larousse, le premier verbe signifie "soumettre quelqu'un, un produit, un appareil, etc., à un test". Tandis que le second veut dire "faire le diagnostic d'une maladie, l'identifier d'après les symptômes". En l'occurrence, c'est un test qui a déterminé la contamination du président, même si celle-ci était déjà envisageable sur base des symptômes que manifestaient le malade…

Les sources qui s'étendent dès l'alerte-info sur la mesure d'auto-confinement prise par le président (ou qui lui a été recommandée ou imposée?) sont peu nombreuses, et seul Le Monde apporte une précision temporelle, indiquant que le diagnostic a eu lieu ce jeudi matin. Quant aux raisons qui ont incité à faire le test, rares sont les médias qui les mentionnent dès l'alerte-info. Seules quelques alertes anglo-saxonnes précisent que le président montrait des symptômes de la maladie.

Le, La, ou rien du tout

Enfin, ce petit exercice comparatif confirme que l'unanimité n'est toujours pas de mise sur la manière de nommer la maladie. "Covid-19" est la façon la plus fréquente, écrit parfois tout en majuscules (2), généralement avec seulement un C majuscule, mais jamais tout en minuscules, alors que "covid" est en fait devenu un nom commun… C'est le genre du substantif dans notre belle langue française qui reste un champ de luttes non abouties. Le masculin, pas du tout recommandé par l'Académie (3), l'emporte sur "la Covid". Comme quoi les habitudes journalistiques n'ont cure des recommandations des spécialistes de la langue. En anglais, ces discussions sur le sexe des mots n'ont évidemment pas lieu d'être. Ceux qui veulent y échapper en français ont d'ailleurs, en tout cas dans cette alerte-info, souvent trouvé "la" parade. Ils ne parlent pas de covid mais du coronavirus. Sans mesurer, sans doute, que les deux termes ne sont pas synonymes, et que l'un indique la catégorie générale dans lequel l'autre s'inscrit (4)…

Une vingtaine de minutes après l'annonce de la nouvelle, dans le petit monde des alertes sur smartphones, il était déjà temps de passer à autre chose. A 10h52, BFM TV ne se préoccupait plus de la santé du président, mais de celle de son Premier ministre, "cas contact". Ainsi tourne la roue de l'info. A une alerte doit forcément succéder une autre, puis encore un autre… indéfiniment…

(1) Sur internet, l'article de Libération date son info de 10h45, soit 12 minutes après l'annonce, mais moins que la vingtaine de minutes précédant la mise en ligne de l'alerte…

(2) Cette nuance n'a pas été reprise dans le tableau ci-dessus. 

(3) "On devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie (…) Il n’en reste pas moins que l’emploi du féminin serait préférable et qu’il n’est peut-être pas trop tard pour redonner à cet acronyme le genre qui devrait être le sien" (http://www.academie-francaise.fr/le-covid-19-ou-la-covid-19)

(4) Selon Le Robert, le coronavirus est un "genre de virus à ARN responsable d'infections respiratoires et digestives chez plusieurs espèces de mammifères dont l'être humain"

03 novembre 2020

Le retour des pics d'audience des JT

 Le nouveau confinement a sur les audiences télé des JT un effet à peu près semblable à celui de mars dernier, mais en moins fort. Des sommets sont à nouveau atteints, tout en n'atteignant pas ceux de la première vague. Et l' émission service de la RTBF refait le plein.

Le 16 mars dernier, l'édition spéciale du JT de RTL-TVI réunissait plus de 968.000 téléspectateurs, et celui de La Une plus de 908.000. Le lendemain, l'édition spéciale de la RTBF en rassemblait près de 1.063.000, tandis que RTL plafonnait à 881.000. Par la suite, des chiffres d'audience dépassant les 900.000 seront encore atteints plusieurs fois aux alentours du 20 mars.

Cette fois aussi, les chiffres sont élevés, mais les 900.000 spectateurs ne sont au rendez-vous que de manière très exceptionnelle. Alors que, juste avant l'annonce du nouveau confinement, les JT de RTL-TVI avaient à deux reprises atteints des pics frisant les 900.000 (cf article précédent sur ce blog), ce chiffre ne sera franchement dépassé que le soir de la conférence de presse du Premier ministre, et par le JT de La Une, qui comptabilise à cette occasion près d'un million de téléspectateurs. Soit un peu moins que lors de l'événement de même ampleur vécu en direct à la mi-mars dernier. 
De manière générale, les audiences des JT du soir sont cette fois plus souvent proches des 700.000, avec quelques pointes aux alentours de 800.000. L'audience paraît donc toujours attentive et désireuse de nouvelles, mais sans doute sans l'état de sidération vécu il y a six mois. 

Fidèles au poste

Du côté de l'émission 'service' de La Une Questions en Prime, les bons scores du premier confinement sont de retour. Et l'émission retrouve les fortes audiences de deuxième partie de mars 2020. Début octobre, l'assistance à ce programme était aussi nombreuse qu'à la mi-juin. Les audiences réalisées par Questions en Prime en avril-mai sont équivalentes à celles de fin octobre. Au détail près que, lors du premier confinement, l'auditoire de Question en Prime était numériquement assez stable, entre 600.000 et 700.000 personnes chaque soir (sauf les jours de pics  ou de fortes chutes d'audience). Alors que, depuis la mi-octobre, le profil général de l'audience est cette fois plutôt en croissance (cf. tendance de la courbe polynomiale sur le graphique). Mais elle se situe toujours dans une fourchette allant de 600.000 à 700.000.

Le résultat de la présence d'un public sans doute assez fidèle, qui a pris l'habitude de suivre l'émission.
 
Vivre avec la covid réduit peut-être sur les êtres humains les effets de surprise ou de déboussolement. Mais cela n'empêche pas une partie des téléspectateurs de se poser des questions, et de chercher auprès d'experts la rassurance que ne leur offre pas leur propre expérience.

Frédéric ANTOINE.

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