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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

13 octobre 2020

La revanche de Cap48

Alors que le Télévie s'effondre, Cap48 bat tous ses records. Comment est-ce possible?

« On n’imaginait pas dépasser les 6 millions, et encore moins battre le record! » Avec sa fougue habituelle, l'animateur de la Grande Soirée de Clôture de l'émission de télé-charité de la RTBF en perdait la voix, dimanche en fin de programme. L'opération avait dépassé tous ses scores, affublant sa légende d'un nouvel épisode de sa constante progression, Cap48 étant passé en moins de dix ans de quatre à près de sept millions d'euros récoltés.

Au même moment, il y a un mois, le Télévie, dont la croissance des recettes est moins régulière d'année en année que celle de Cap48 (cf. courbes polynomiales), enregistrait son premier crash historique. Étonnante situation, puisque les deux opérations ont théoriquement pâti de la même manière de la crise de la covid 19, l'action caritative de la télévision privée ayant même pu s'étendre sur plus de seize mois, alors que celle de la RTBF, comme d'habitude, était limitée à douze.

Bien sûr, la différence entre les montants récoltés dans les deux opérations reste importante. Mais, depuis quelques années, l'écart entre les sommes collectées par l'une et l'autre se réduit quelque peu. Et de manière drastique en 2020. Cette année, la RTBF ne se trouve plus qu'à 37% du montant de RTL-TVI. Un pourcentage beaucoup plus bas que précédemment, où l'argent rassemblé par le service public représentait environ la moitié de celui de l'acteur privé.

Un public fidèle

Quelques réflexions sur les raisons de la situation vécue par RTL-TVI, et officiellement attribuée à la crise de la covid, ont déjà été évoquées sur ce blog. Comment la RTBF ne se trouve-t-elle pas dans la même configuration? Le rôle joué par le charity program que représente la diffusion de la soirée de clôture y est-il pour quelque chose? Côté audience, en tout cas, les chiffres de 2020 sont parlants. RTL-TVI a réalisé le pire audimat de l'histoire récente du Télévie. La RTBF, elle, est stable. Même si la communication officielle de l'entreprise publique se réjouit d'une PDM d'un peu moins de 20%, en nombre de téléspectateurs, la clôture de Cap48 n'a pas fait mieux que les années précédentes. Mais elle n'a pas non plus fait pire!

Ces dernières années, les deux émissions de soirée attiraient une masse de téléspectateurs assez proche, dont le nombre avait, des deux côtés, un peu chuté en 2018 par rapport à 2017. En 2019, RTL-TVI avait réussi à retrouver son chiffre de 2017. La RTBF, elle, se contentait d'attirer le même public. Idem cette année, mais chute historique pour le privé. On ne peut, bien sûr, oublier que les émissions en question ne sont pas diffusées en direct le même jour de la semaine. Dans la tradition historique de 48.81.00, dont l'essentiel de la mobilisation se déroulait au cours d'un seul week-end, Cap48 se termine en fin de dimanche. Tablant sur le temps long, et ne considérant les promesses de don du dernier jour que comme une cerise sur un gâteau, RTL-TVI termine son action le samedi soir. On sait que les comportements d'audience ne sont pas identiques les deux jours. Mais cela n'explique pas tout.

Cher, le public

Cette année, la conception et la mise en image des deux émissions ont peut-être joué un rôle dans l'attrait sur le public. Autant la soirée de RTL-TVI pouvait paraître comme un peu bricolée, réalisée à peu de frais dans des bâtiments non adéquats, autant celle de la RTBF avait conservé, autant que faire se pouvait, ses allures habituelles de charity-show. Les décors, la réalisation, n'avaient rien de comparable. La télévision publique avait renoncé à des directs des quatre coins du pays, alors que la chaîne privée en avait fait un des points forts. La télévision publique avait davantage misé sur les témoignages que sur les paroles d'experts, alors que son concurrent avaient au moins eu recours de manière égale aux deux types de personnages. Côté invités du show business, on avait eu l'occasion de retrouver certains artistes identiques des deux côtés. Mais leur implication par rapport à la cause pouvait paraître plus marquante, voire plus honnête et incarnée, du côté du service public.
 
  Cap48 2020            Le Télévie 2020 
     
Enfin, et surtout, il y a eu la question du public. Dans le patio de RTL House, on était comme sur un plateau de studio déshumanisé, sans chaleur, et dépourvu du type d'interactions que procure traditionnellement aux soirées Télévie la présence d'aficionados prêts à passer une partie de la nuit assis sur des gradins inconfortables pour être parties-prenantes au spectacle. La RTBF, elle, avait réussi à intégrer un public dans son studio 40 de la Médiacité. Son installation dans des box de trois, associée à un recours à des couleurs variées et à un look doré sur fond noir, donnait à l'ensemble à la fois une impression 'classe' et participative. Quelle différence! RTL semblait avoir choisi une version minimaliste, juste pour 'faire le job'. La RTBF, elle, était dans un style de production plus riche que d'ordinaire (même si, côté découpage, celui de l'émission 2020 ressemblait comme deux goutes d'eau à celle de 2019…).

Des rentrées en baisse…

Si les questions de dispositif peuvent, en partie, expliquer les résultats d'audience, ils ne permettent pas de comprendre les raisons de la réussite financière de Cap48, alors que chutaient les dons faits au Télévie. Il est impossible de comparer les deux programmes à ce propos car, subtilement, l'un et l'autre ne fonctionnent pas de même manière. On se contentera ici de se questionner sur ce que peut inspirer la différence entre ce qui a été communiqué à l'antenne et la réussite annoncée en finale. 
 
Si on les compare aux données diffusées par 2019, tout comme le Télévie, de nombreuses recettes de Cap48 étaient cette fois clairement en baisse. Ainsi, les montants récoltés à Bruxelles et en Wallonie, essentiellement par la vente de post-it, ont été beaucoup moins élevés en 2020. Sur base des résultats communiqués à l'antenne, le mali est d'environ 860.000€.     
De même, les actions d'animation menées pour collecter des dons, en grande partie à l'initiative de la RTBF ou avec son aide, n'ont pas rapporté les mêmes sommes que l'an dernier.Et ce alors que certaines recettes, comme celle du "Défi animateurs" ou du "Défi 100 km" étaient en très très forte hausse en 2020, sans que l'on comprenne pourquoi.
Il n'est pas aisé d'opérer une comparaison claire à propos des apports de partenaires privés, car ceux qui ont été cités à l'antenne en 2020, en associant noms de firme à un montant global versé, sont moins nombreux qu'en 2019. Pour les chiffres comparables, ceux-ci sont inférieurs à ceux de l'an passé.
Quelques appuis en hausse
 
Cela étant posé, d'où peuvent alors venir les sommes qui permettent àl'opération de dépasser cette année ce qui avait été rassemblé comme dons en 2019? Une donnée claire et comparable à ce sujet concerne les aides publiques, c'est-à-dire celles provenant de ministères qui sont supposés aider directement les personnes handicapées (public concerné par Cap48), mais qui préfèrent médiatiser un don d'argent à l'opérateur public pour que celui-ci le donne aux handicapés plutôt que de le leur allouer directement (1). De ce côté, les chiffres croissent, du moins de la part des ministres régionaux présents sur le plateau (2).
D'autres apports sont plus difficiles à identifier. Ainsi, en 2020, une ASBL clôturant ses activités a offert 75.000€ à Cap48, ce qui est évidemment un one shot, l'animateur précisant que d'autres ASBL ont été dans le même cas, dont la fanfare des volontaires de Thon (3), mais sans préciser le montant du don. Il ne semble pas que ce type de générosité avait déjà été mentionné l'an dernier. Les sommes ainsi récoltées semblent toutefois rester marginales. Une autre inconnue concerne l'apport 2020 du Lions Club, à qui il est rendu hommage et dont les responsables ont eu droit à une séquence de reportage, mais dont le montant versé n'a jamais communiqué, alors que c'était le cas en 2019 (4).
 
Ces éléments flous ne permettent pas de comprendre clairement si les contributions non mentionnées cette année, mais présentes antérieurement, ont eu lieu en 2020, ni de savoir combien ont rapporté les dons évoqués sans en préciser le montant. En regard des pertes enregistrées par ailleurs, ces apports non chiffrés sont-ils venus combler les pertes? La dramaturgie de l'émission reposant, toiut comme celle du Télévie, sur la hausse des sommes affichées au compteur, il serait étonnant que d'importants dons publics ou venant d'entreprises aient été privés de passage à l'antenne.
 
Marée de promesses?
 
Reste donc un élément: les promesses de dons. Comme pour le Télévie, c'est la seule donnée sur laquelle on ne dispose pas d'informations, sinon par le suivi de la valse régulière des chiffres affichés sur le tableau-marquoir. Lorsque débute le programme 2020, le montant y affiché était plus élevé de 140.000€ que celui de l'an dernier. Cela signifie-t-il que davantage de promesses avaient déjà été enregistrées?
Et la récolte des promesses s'est-elle envolée par la suite? À plusieurs reprises pendant l'émission, les animateurs mentionneront que le call center est saturé, et qu'il y a lieu de privilégier les moyens de participation électroniques. Le rush a-t-il été tel qu'il aurait permis de combler l'immense gap dans les dons enregistrés avant le dernier week-end? À ce stade, cette configuration ne peut qu'interpeller. Et la question doit rester ouverte. Et ce d'autant que l'émission en direct de cette année aura réussi à battre tous les records… alors que, en durée, le programme n'aura jamais été aussi court.
En 2020, l'émission n'a duré qu'un peu plus de trois heures (alors que les grilles annonçant le programme prévoyaient 3h30) (5). Il y a cinq ans, selon les horodatages CIM, celle-ci avait duré… près de quatre heures, soit un peu moins d'une heure de plus. 
Faire beaucoup mieux, en moins de temps, et alors que des secteurs habituels de recettes sont en baisse, est un véritable exploit!

Frédéric ANTOINE.


(1) Pour être de bon compte, il faut reconnaître que les pouvoirs publics adoptent exactement la même attitude vis-à-vis du FNRS lors du Télévie.
(2) On notera à ce propos l'erreur cocasse qui a un temps laissé croire que la ministre Morreale ne donnait que 150.000€, soit le même montant qu'en 2019. Un erratum a dû être apporté par la suite par l'animatrice afin de préciser que la somme offerte en 2020 était équivalente à celle de la Région bruxelloise.
(3) Les responsables de cette ASBL en dissolution étaient passés à l'antenne dans le Télévie, à qui ils avaient donné 25.000€. 
(4) En 2019, ce service-club avait donné 245.000€.
(5) En 2020, le Télévie a, lui aussi, été particulièrement court.
































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