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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

22 février 2024

QUAND LE JT DE LA UNE TITILLE CELUI DE RTL…

Ces dernières semaines, Le 19h30 de La Une a, à plusieurs reprises, compté plus d'audience que son concurrent privé. Un événement à souligner, car pas si courant que cela. Même si, le plus souvent le RTL Info 19h fait toujours la course en tête.

La guéguerre des audiences entre les grands JT d'avant-soirée des deux principales télévisions francophones belges n'est pas près de s'arrêter. Depuis la création de ce blog, nous en avons déjà narré certains épisodes. Ces deniers temps, les comparaisons temporelles étaient devenues plus difficiles, car depuis le 10 juillet dernier, les chiffres d'audience qu'archive le CIM ne sont plus communiqués à, J+1 mais à J+7 (sauf pour les plus récents). Et, parfois, même pour des données vieilles de plusieurs semaines, les compteurs restent bloqués à J+6 ou J+5. Impossible donc de comparer les données rendues publiques à partir du 10 juillet 2023 et avant cette date. Et difficile de mettre dans les plateaux de la balance des mesures J+7 et J+6 ou J+5 à une époque où la consommation différée de programmes tv devient une pratique de plus en plus fréquente. Même si les JT, nourriture chaude s'il en est, vieillissent mal quand ils sont visionnés à froid…

UN PETIT RÉVEIL

Focalisons-nous donc sur des données comparables : celles du début de cette année 2024. C'est là qu'apparaît le plus récemment une sorte de petit réveil du journal Tv de la chaîne publique vis-à-vis de celui de sa concurrente privée qui, historiquement, a toujours attiré le plus grand nombre de spectateurs, ne serait-ce que parce qu'il est diffusé une demi-heure plus tôt que celui de la RTBF et que, stratégie programmatique oblige, il dure plus longtemps que son alter ego public afin que l'audience ne décroche pas à 19h30 pour s'offrir un petit rab d'info sur l'étal d'à côté.

Ce sursaut de l'audience au bénéfice de La Une se manifeste à de multiples reprises à partir de la dernière décade de janvier, comme l'atteste le graphique ci-dessus. Alors que précédemment, de puis le début de l'année, l'audience du Jt de la chaîne publique frôlait au mieux celle de RTL. 
Les différences entre les audiences des deux Jt ne sont toutefois pas très significatives, comme on peut le voir dans cet autre graphique (ci-dessous).
Dans les meilleurs cas, le Jt de La Une dépasse d'environ 60.000 spectateurs celui de sa concurrente des groupes Rossel-DPG. Ce n'est pas fort élevé, notamment en tenant compte de la marge d'erreur liée à la méthode de mesure de l'audience. Au cours de la même période, quand Le RTL Info 19h met le paquet, la chaîne peut comptabiliser jusqu'à plus de 100.000 spectateurs de plus que Le 19h30. A ce  niveau, la différence est clairement indiscutable. 
 
PERCE-NEIGE ?
 
Mais les percées répétées du journal de La Une peuvent peut-être être lues comme les perce-neige d'un nouveau comportement d'une partie de l'auditoire, sans qu'il soit aisé de lui donner un sens sans une analyse approfondie de l'offre informationnelle que l'on retrouve à l'actuelle dans les deux JT, et où des différences, notamment en matière d'info-géné et de faits divers, semblent a priori devenir plus marquées que par le passé. Mais à vérifier.
 
S'agit-il d'une tendance neuve ? Pour fournir une réponse à cette question, nous sommes remontés aussi loin que le nouveau format (J+7) des données du CIM peut le permettre, c'est-à-dire juillet de l'an dernier.

Au cours de toute cette période, on peut comptabiliser deux périodes claires où, à plusieurs reprises, l'audience du Jt de la RTBF (en orange) dépasse celle de RTL (en bleu) : à la mi-juillet et à la mi-octobre. Mais ces moments mis à part, sur des périodes de plusieurs jours, RTL l'emporte toujours. On ne peut donc pas affirmer que la situation d'une prédominance du Jt de la chaîne publique n'existe pas en 2023, mais qu'elle était alors très réduite dans le temps. Hormis cas ponctuels limités à un jour, comme relevé dans le graphique ci-dessous où sont pointés, jour par jour, les moments où l'audience du 19H30 dépasse (ou pas) celui du RTL Info.

Les tendances de ce graphique sont par ailleurs identiques à celles relevées pour le début 2024 : lorsque le Jt du Bd Reyers dépasse celui de l'avenue Georgin, son "gain" est au mieux aux environs de 60.000 spectateurs. Sauf le soir du 19 novembre où, foot aidant, le JT de RTL n'attire que très peu de monde et permet à La Une de gagner près de 174.000 spectateurs de plus d'un coup. Le RTL Info, par contre, réalise fréquemment des scores beaucoup plus élevés que le JT de la RTBF.

Comparer 6 mois d'une année et un mois et demi ne permet bien sûr pas de tirer des conclusions définitives, d'autant qu'il ne s'agit pas des mêmes moments de l'année. Mais il nous semble que le petit réveil préprintannier rencontré du côté du 19h30 méritait d'être signalé. Et sans doute d'être creusé davantage…

Frédéric ANTOINE.



14 février 2024

Dealer, un métier comme les autres ? Oui, selon RTL


Peut-on tout laisser dire aux personnes qu'on interviewe, sans nécessairement recadrer leurs réponses ? Cas d'école avec un témoignage à propos de Orlan, au 19H de RTL, ce 13 février.

Orlan Mélon, originaire de Huy, a disparu depuis plusieurs jours. Il aurait été enlevé dans la région d'Houffalize. 8 minutes ± après le début de son JT, le présentateur du 19H termine son lancement du sujet - que l'on peut retrouver sur le site RTL Info (1) - par ces mots : «  Sa famille est inquiète et craint aujourd'hui, aussi, un règlement de compte lié au milieu de la drogue. »

HEIN, MONSIEUR…

Le sujet en lui-même débute 8'22 après le début du journal. Il relate la disparition de Orlan, et donne à ce propos assez longuement la parole à son oncle, que l'on entend (sans voir son visage) dès le début du reportage, et que l'on retrouvera plusieurs fois par la suite. 

Au-delà de relater les frais, le membre de la famille essaie aussi d'expliquer la situation de son neveu. 1'05" après le début de la séquence, le journaliste commente en off : « Orlan est bien connu dans le milieu de la drogue. Sa famille redoute un règlement de compte. » La parole est ensuite laissée à l'oncle à partir de 1'19". Celui-ci déclare d'abord : « Dans ces milieux il y a des risques, et je pense qu’il était au courant des risques qu’il prenait. Maintenant voilà, chacun fait sa vie comme il la veut, mais… » Puis il enchaîne : « Dans chaque métier il y a des risques, hein monsieur. En tant que maçon, il y a des risques. En tant que toiturier, il y a des risques. Dans tout il y a des risques. » Sur images de la page facebook consacrée à la disparition du neveu, le journaliste poursuit directement en disant que, selon ses informations, Orlan a déjà effectué un séjour en prison (…).

A 10'05 après le début du JT, retour en studio. « Dans l'actualité de ce mardi, il y a aussi cette nouvelle agression… » commence immédiatement l'anchorman du JT. "Sans transition", comme l'on dit si souvent.

COMME UN AUTRE ?

Dans ce JT, on a donc clairement laissé une personne interviewée dans le cadre d'une séquence d'info prononcer cette phrase renversante, concernant un dealer ou un trafiquant de drogue :  « Dans chaque métier il y a des risques, hein monsieur. » Que l'oncle de la personne disparue considère que, être dealer ou trafiquant, c'est en fait un "métier" comme maçon ou toiturier, il y a déjà de quoi tomber de son fauteuil. Mais que ni le journaliste ni les responsables de l'édition du JT ne reprennent ces propos pour le recadrer et souligner leur caractère plus que discutable et même inacceptable, ce n'est plus rien comprendre. Ou à se pendre…

Oui, d'accord. C'est la parole de quelqu'un qu'on interviewe, ce n'est ni le reporter ni le présentateur qui ne prononcent ces paroles. Mais, dans le cadre d'un programme d'informations, peut-on laisser une personne s'exprimer sur un pareil sujet en légitimant que l'on soit dealer ou en trafiquant par le fait que, finalement, ce n'est qu'un métier comme un autre, avec des risques comme dans tous les métiers. Et que tout le monde a le droit de gagner sa croûte comme il l'entend, n'est-ce pas.

Non, les maçons et les toituriers ne sont, jusqu'à preuve du contraire, pas poursuivis en justice, trainés devant les tribunaux et mis en prison. Alors que les dealers et les trafiquants, eux, le sont.

VOULOIR LE FAIRE

Non, vendre de la drogue n'est pas reconnu comme une profession. Ce n'est pas un métier.

Laisser passer pareilles déclarations sans sourciller, n'est-ce pas (au moins un peu) s'en faire complice ? Un recadrage n'aurait pas été difficile à faire. Mais encore fallait-il vouloir le faire, ou en avoir réellement la possibilité.

Dans les sujets précédents du même JT, on s'émouvait des fusillades à répétition ayant lieu pour l'instant à Bruxelles dans les milieux du trafic de drogue. Mais comment s'en étonner si en vendre est simplement un métier, avec des risques comme dans les autres métiers ?

Peut-être aurait-il simplement fallu ne pas garder cette assassine phrase-là au montage ? Mais là aussi, encore fallait-il vouloir le faire, ou en avoir réellement la possibilité et les moyens. 

MAUVAIS POUR LA SANTÉ

On se gausse dans tous les épisodes du Grand Cactus du commentaire que François De Brigode avait osé exprimer à la fin d'un JT de juillet 2015 : « Je vous rappelle quand même que la drogue, c’est mauvais pour la santé ». Quoi qu'on puisse en dise, De Brigode avait, lui, pensé et osé faire un commentaire au terme d'un reportage sur le festival de Dour où un jeune festivalier déclarait notamment : « La drogue, c'est bien. » 

« Je trouvais que le reportage qui avait été diffusé ce soir-là avait été très mal ficelé, explique-t-il dans un article du site de la RTBF (2). Il faisait en fait l’apologie de la drogue. En plus, j’ai connu des gens qui ont sniffé ce qu’il ne fallait pas sniffer donc je savais que ce sujet n’était ni drôle pour eux ni pour ceux qui leur sont proches. Ma sortie de journal avait donc une explication. Mais à force de l’entendre sous forme de gag, j’ai malgré tout peut-être fait "œuvre utile". »

Et n'est-ce pas un des rôles du journalisme, que de faire œuvre utile ?…

Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.rtl.be/actu/belgique/faits-divers/dans-ces-milieux-il-y-des-risques-selon-les-proches-dorlan-melon-sa-disparition/2024-02-13/article/637702

(2) https://www.rtbf.be/article/francois-de-brigode-nous-raconte-comment-est-ne-levenement-tres-controverse-bye-bye-belgium-11276808

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