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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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03 mars 2022

Les médias occidentaux regardent-ils parfois les médias ukrainiens?


Si l'on veut comprendre comment un pays vit la guerre qu'on lui impose, regarder ses médias est un outil à ne pas négliger. Autant pour s'informer que pour se rapprocher de l'expérience subie par les habitants. L'Ukraine conserve des médias actifs et significatifs. Mais on regarde bien (trop) peu en Occident.

Il y a une semaine, de nombreuses chaînes d'info émettaient sur le territoire ukrainien (1). La jeunesse de la démocratie locale et ses soubresauts n'y sont sans doute pas étrangers. On se souvient en effet de la "révolution européenne" née lors des événements de février 2014 place Maïdan, mais on oublie que, depuis sa sortie de l'URSS, la démocratie locale a souvent été chancelante, et les rapports entre Kiev et Moscou de natures très différentes selon les époques (2).

L'Union fait l'info

Aujourd'hui, cette diversité de lieux d'information audiovisuels appartient presque au passé. Devant la pression de la guerre, la plupart des chaînes d'info (captables de Belgique via internet) ont désormais choisi de relayer un même signal, celui de la station Canal 24 (24 TV), la plus ancienne d'entre elles, tout en continuant à insérer leur propre logo, voire leurs propres bandeaux, dans son image.

Mobilisations, manque de moyens dans la région de Kiyv (où se trouve le siège de la plupart d'entre elles), justifient vraisemblablement cette adaptation, qui confirme toutefois aussi la pertinence de la devise nationale belge…

Sans en avoir la confirmation formelle, il ne semble pas exclu que des journalistes de plusieurs de ces chaînes contribuent désormais à ce "programme commun". Ils sont en effet nombreux à se relayer à l'image, certains en position de "standing speakers", et d'autres assis à leur bureau. Les couples de présentateurs, déjà relevés dans un précédent article (1) sont aussi toujours qu rendez-vous.

Des professionnels

Ces "anchormen" et "anchorwomen" ne donnent pas l'impression d'être en guerre, soumis à la peur ou au stress. Ils font formellement preuve d'un professionnalisme assez impressionnant, que l'on retrouve jusque dans leurs tenues vestimentaires. Les femmes sont en tailleur, les hommes ne plus souvent en costume, et portent toujours la cravate.

Toujours réalisés avec soin, ces programmes d'infos comprennent de nombreuses séquences de scènes de bombardement ou de quasi-combats, le plus souvent des réseaux sociaux (où les injures contre Poutine et les Russes que l'on pourrait entendre dans la bande-son sont soigneusement bipées). Mais tout ne provient pas de preneurs d'images anonymes. Comme en temps "normal", la télévision a ses envoyés spéciaux sur le terrain, avec lesquels elle réalise des duplex en direct. Et ceux-ci ne sont pas tournés en JRI avec des perches à selfies. Ces journalistes portent  bien sûr souvent une tenue de combat, et dans certains cas (pas illustrés ici) ils témoignent depuis des lieux touchés par des tirs. Mais sans jamais interroger qui que ce soit autour d'eux.

Tout dans le fond

À côté de Canal 24 subsistent quelques autres chaînes d'information. La plus active et la plus professionnelle semble (d'ici) être la chaîne de télévision de Kiev (KJiv Tv) qui, à l'échelon de l'agglomération de la capitale, réalise un travail identique à celui de sa consœur Canal 24. Journalistes hommes et femmes se suivent à l'écran tout au long de la journée, sur un greenkey de fond de studio animé, mais plus que significatif. En effet, il comprend au premier plan à gauche (c'est-à-dire là où n'est pas le journaliste) un des immeubles à appartements de la capitale, dont plusieurs étages ont tout bonnement été soufflés par une bombe.

Une sorte de déclinaison "horreurs de la guerre" de ces banals arrière-plans d'écran composés d'habitations auxquels recourent tant de chaînes de télévision en mal d'imagination. Tv Kijv diffuse aussi des images prises sur smartphones aux quatre coins de la ville, mais les associe parfois à des images venues d'autres localités attaquées. 
 
Un moment particulier du programme est une séquence qui s'intitule "Sans commentaires". À l'instar de ce que propose de longue date Euronews, on y laisse les images parler d'elles-mêmes. Ce qui, en l'occurrence, est amplement suffisant… et est souvent la manière dont sont conçues toutes les séquences diffusées à l'antenne. En effet, ainsi, pas besoin de recours aux voix off qui nécessitent la présence d'autres journalistes, sauf si le présentateur fait lui-même un "à travers". On a toutefois pu noter que ce "No comment" n'était pas tout le temps "No music". La fin de la séquence peut être accompagnée d'un décor musical qui la dramatise encore davantage, et lui fournit donc tout de même une sorte de commentaire. En temps de guerre, l'information que l'on vit au fond de ses tripes peut-elle ne pas être connotée?
 
Faire entrer l'extérieur
 
 
La télévision de Kiev, mais aussi d'autres chaînes comme  la 5, emploient également beaucoup les témoignages recueillis en direct en ligne via des plateformes de type Zoom, etc. Ces chaînes ne font là que recourir elles aussi à un moyen de convoquer l'extérieur dans leurs studios qu'ont "découvert" la plupart des rédactions télévisées du monde entier à l'occasion des confinements dus à la covid. Ces interventions sont souvent celles de simples citoyens, mais il y a parfois recours à des personnes plus officielles ou plus proches du monde des spécialistes.
 
 
Quand l'intégration de l'intervenant extérieur ne peut pas se faire en régie pour produire à l'antenne un split screen, les journalistes recourent à une bonne vieille méthode : celle de tout faire à l'antenne. Les correspondants extérieurs sont alors récupérés directement sur… le smartphone de l'animateur. Il y a des moments où l'urgence n'attend pas.

De l'agit-prop?

Dans tout cela, y a-t-il de la propagande? Oui, sans doute, si l'on veut désigner ainsi une construction de l'information qui entend valoriser les défaites de l'adversaire et les victoires de son camp, et qui exploite la peur de prisonniers autorisés à téléphoner à leur famille en étant filmés. Les interventions en direct et la diffusion répétée de messages des autorités y contribuent également. Mais n'est-ce pas d'abord une réaction humaine, naturelle, et pas une injonction du pouvoir en place? De la propagande, oui, plus sûrement, dans certaines séquences diffusées comme des publicités, à répétition plus ou moins régulière, et où l'on montre sur fond musical une armée ukrainienne toute puissante, disposant de matériel à l'infini. Mas celles-là sont si grossières qu'il est difficile d'y croire. 
 
 
Une seule chaîne est plus clairement impliquée dans la propagande : UA, la station que l'État a créée pour s'adresser à l'étranger. Les programmes y sont courts, doublés en anglais.
 

 Les commentaires mettent l'accent sur le drame vécu et la nécessité d'être secouru par l'extérieur. Dimitri Kuleba, ministre des affaires étrangères d'Ukraine, apparaît à chaque fin de ce court programme proposé en boucle sous forme d'un briefing qu'il tiendrait pour les journalistes ukrainiens (mais qui est réalisé pour l'international). Il y dresse la liste des 'bonnes' nouvelles de la journée. On est là, clairement, dans un exercice de communication. Un effort d'émission d'un message… mais pour quelle cible ? Communiquer, c'est dire quelque chose à quelqu'un…
 
Ce que montrent les télés ukrainiennes, c'est d'abord le drame vécu par leur pays. En tant qu'Européens de l'Ouest, ce n'est pas à nous que s'adressent ces émissions. Leur forme si habituelle, leurs formats, leurs animateurs, sont sans doute là pour rassurer les Ukrainiens, tant que faire se peut. Mais sans cacher l'ampleur de l'horreur dans laquelle on les a fait tomber. Et sans leur donner trop de faux espoirs. Sinon, de temps en temps, par sursaut de nationalisme, quand surgit un montage d'images réalisé sur fond de l'hymne national, chanté aux quatre coins du pays.
 

Ces images ne sont pas faites pour nous, certes. Mais ici, qui les regarde ? Qui s'en nourrit ? Dans le journalisme, on ne doit pas faire passer que son propre regard, voire son propre ego. Il faut aussi montrer quelle est la vérité et la subjectivité de l'autre.

Frédéric ANTOINE.
 

(1) Voir à ce propos notre article posté sur ce blog : https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2022/02/pourquoi-poutine-t-il-neglige-les.html

(2) Lire par exemple à ce sujet l'intéressante chronologie établie par le Courrier International : https://www.courrierinternational.com/article/2014/02/26/ukraine-chronologie-d-une-revolution


 


12 avril 2021

LES JT NE TUTOIENT PLUS LE CIEL. L'AUDIENCE DE MARS 2021 N'EST PLUS CELLE DE L'AN DERNIER!

Il y a un an, au début du confinement, les audiences des JT de La Une et de RTL TVI atteignaient des scores jamais historiques. La pandémie n'étant pas finie, les belles années des JT se sont-elles poursuivies en 2021? Que nenni. Les records historiques sont loin. On en est presque retombé aux chiffres d'avant la crise.
Rappelez-vous mars 2020. A partir de l'annonce du confinement, les audiences des JT avaient fait des bonds incroyables. Elles atteignaient parfois plus d'un million de personnes en Live+7, RTL TVI dépassant souvent les 900.000 de spectateurs, et La Une les 800.000. Un an plus tard, on en est loin! On compte sur les doigts de la main les jours où plus de 700.000 personnes sont au rendez-vous d'un des deux JT des chaînes généralistes de Belgique francophone. Et leurs audiences tournent plutôt autour des 600.000. L'an dernier, RTL TVI avait fréquemment pris un clair leadership sur La Une. Cette fois, même si RTL est toujours en tête, ce n'est que très légèrement. Les audiences des deux chaînes sont désormais fort proches l'une de l'autre. 
Sur l'ensemble du mois, ce n'est qu'au cours des premiers jours de mars que les journaux télévisés des deux chaînes ont réalisé en 20201 de meilleurs chiffres qu'en 2020. C'est-à-dire lorsque le premier confinement n'avait pas encore été décidé. A partir de l'annonce qui avait sidéré tout le monde, la mécanique s'est inversée. 2021 est à la traîne.
 
Soufflé retombé
 
Fini le temps de la sidération et de la soif d'info. Le soufflé est retombé avec la lancinance de la crise. En 20201, les infos de la télé semblent avoir tout dit, et n'apprennent plus rien, ou pas ce sur quoi l'on aimerait être informé.s Et-ce à dire que le soufflé est totalement retombé et que les spectateurs surnuméraires qui avaient rejoint l'audience classique des JT s'en sont allés? Oui et non. Un petit regard chaîne par chaîne éclaire cette réponse chèvrechoutiste. 
Pour RTL, le dégonflement du soufflé est manifeste. En mars 2021, l'audience du JT de 19h est à son niveau d'étiage de… 2019. La quantité de téléspectateurs est globalement inchangée. Adieu les rutilants gains d'audience de 2020. Alors que la crise n'a pas cessé, l'auditoire est revenu à sa taille normale. Tout ce qui avait été gagné l'an dernier a disparu. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde.
Du côté de la RTBF, l'indéboulonnable François de Brigode et ses collègues ne côtoient bien sûr plus les sommets de l'an dernier. Mais, en ce mois de mars, l'audience de leur 19h30 est clairement supérieure à celle de 2019. Une partie de ceux qui avaient rallié le JT de la chaîne en 2020 y est sans doute restée fidèle en 2021. Toutefois, le JT de La Une, même s'il a gagné de l'audience par rapport à une année "normale", reste à la traîne par rapport à celui de la chaîne privée. Et cette prééminence de l'opérateur privé subsiste dans le temps.
Depuis septembre dernier, rares ont été les soirs où le journal de La Une a attiré davantage de monde que celui de la station (encore pour l'instant) luxembourgeoise. Toutefois, cette domination n'a pas la même ampleur tout au long de la période. Souvent, cela se joue aussi à quelques dizaines de milliers de téléspectateurs, et donc fréquemment à l'intérieur de la marge d'erreur des résultats liés à la taille de l'échantillon du sondage. En "réalité", on ne peut donc pas toujours vraiment se prononcer. Mais, RTL TVI compte souvent au-delà de 100.000 spectateurs de plus que sa concurrente, et ce surcroît d'audience peut même dépasser les 200.000. A ces moments, on a envie de dire: mais que fait la RTBF?

De marbre

Il ne faut toutefois pas jeter toutes les audiences de JT avec l'eau des confinements successifs. Certes, les audiences de cette année sont en baisse, et n'atteignent plus les scores de 2020. Mais elles restent malgré tout d'un bon niveau. En tenant compte de l'audience mensuelle moyenne des deux JT belges francophones, les derniers chiffres s'avèrent ainsi plus élevés que ceux de septembre 2020. Et ils sont équivalents aux données d'audience moyenne relevées depuis décembre dernier. Par contre, ils sont inférieurs aux audiences moyennes d'octobre et de novembre 2020, où le deuxième confinement avait ramené le public devant l'info tv. Alors que le troisième confinement l'a un peu laissé de marbre.

Ce qui confirme l'impression de disparition des gains d'audience, évoquée ci-dessus pour le seul mois de mars. Un peu comme si, covid ou pas, on en était désormais à "business as usual". Alors que l'on continue chaque jour à voir des gens mourir de la maladie, et que les hôpitaux sont au bord de l'overdose. Cela, les JT le disent dans chacune de leurs éditions. Mais cela ne rameute pas l'audience devant les écrans.  Faudra-t-il attendre "la libération", style septembre 1944, pour que le public se rue à nouveau sur son téléviseur à l'heure des infos?

Frédéric ANTOINE.

25 février 2021

CECI ÉTAIT-IL UN DOCUMENTAIRE? UN "GRAIN DE SABLE" DANS LA SOIRÉE DÉBAT DU MERCREDI SUR LA RTBF


Cette semaine, QR L'actu, la nouvelle soirée "info" du mercredi sur La Une (RTBF) était composée de la diffusion d'un "documentaire" suivi d'un débat sur l'après-covid. Mais est-on bien sûr que le film proposé était bien un doc sur le covid, et non un plaidoyer plus qu'engagé dont, tonalité "complotiste" mise à part, plusieurs aspects rappelaient le fameux Ceci n'est pas un complot, banni de toutes les antennes et critiqué par toute la gent journaliste?


 
 
 
Jean-Luc Crucke et Philippe Close avaient-ils vu le documentaire diffusé ce mercredi soir en ouverture du débat sur "Quelle vie après le covid?" organisé dans le clinquant et blanc studio de l'émission QR L'info? Pas lors du direct, en tout cas, car ils n'étaient pas parmi les quatre invités de marque présentés à l'ouverture de l'émission, et dont deux ont ensuite été subitement relégués dans les gradins lorsque, fini le "documentaire", les deux responsables publics ont tout à coup apparu à leur place. La question n'est pas que rhétorique car il est assez étonnant de voir le manque de réaction de ces deux hommes politiques face aux contenus véhiculés dans le documentaire. A la belle époque de L'Ecran témoin, quand le débat n'était pas encore juste un prétexte après le choix du film (et quand on regardait encore le film en studio), la première question qui étaient posée aux invités sur le plateau était de savoir ce qu'ils pensaient du film, et comment ils se situaient par rapport à lui. Evidemment, si on ne l'a pas vu, cela évite de devoir poser la question. Mais les autres invités avaient-ils, eux aussi manqué la diffusion?

Le "documentaire", intitulé Le grain de sable dans la machine, aurait en effet bien nourri un débat à lui tout seul. QR L'actu est une émission qui dépend du secteur "information"de la RTBF. Comme cela est indiqué au bas du générique final, elle est placée sous la responsabilité du directeur de l'information de l'organisme public. On est donc bien là dans un programme d'information et non dans une case de la grille consacrée à des documentaires. Dans ce cadre, on s'attend à ce que la production qui constitue la première partie de l'émission relève du journalisme et de la pratique de l'information. Mais, ceux qui se sont placés dans ce contexte, celui d'une émission d'info comme tous les mercredis soirs sur La Une, ont dû tomber de leur chaise ou glisser de leur fauteuil à maintes reprises au cours de la diffusion du Grain de sable

L'excellent réalisateur de ce "documentaire" a le droit d'avoir une lecture personnelle des choses et de ce qu'il croit être la réalité, ainsi que de réaliser un produit audiovisuel qui la reflète. Tout comme l'auteur de Ceci n'est pas un complot pouvait, à titre personnel, avoir un avis sur la manière dont "le pouvoir" a conquis l'adhésion des populations pendant la pandémie. Mais cet avis peut-il servir de base à la réalisation d'un produit télévisé présenté comme relevant de l'information, alors qu'en réalité il est un support à la démonstration d'une thèse? Les bonnes intentions de l'auteur du Grain de sable… sont indiscutables. Mais il nous semble que le fait qu'elles aient été aimablement recueillies par une journaliste de la RTBF enthousiaste (1) dans un article promotionnant le "documentaire" ne nous empêche pas de nous poser quelques (lourdes) questions quant à sa présence au sein d'une émission d'information (2)

Un récit, deux structures

Tout comme Ceci n'est pas un complot, Le grain de sable… est écrit sur base de deux modes de structuration: l'un de type formel, l'autre relatif au contenu, au message porté. Dans les deux cas, la structure formelle est de type chronologique. La crise du covid est passée en revue de sa naissance à la fin 2020. Les étapes de la pandémie, ainsi que le fil des saisons, rythment dans les deux productions la progression formelle du récit (et de l'image). Cette évolution linéaire du temps est à la fois familière au spectateur, qui y retrouve sa propre expérience de la crise, directe ou par médias interposés, mais peut aussi ne pas lui donner envie de regarder un programme lui rappellent une fois de plus le rassassage d'infos sur le covid dont on n'a cessé de lui rebattre les oreilles depuis presque un an. Pour faire passer son message, il faut donc être prudent et ne pas taper trop fort sur les éternelles images choc.

Car cette structure formelle, en définitive, n'est qu'un prétexte. Elle fournit un récit alors que, dans les deux productions qui se disent des "documentaires", ce n'est pas la forme qui compte, mais le fond. Les auteurs entendent élaborer un discours, développer un point de vue sur la crise, en le faisant passer par les habits d'un support chronologique. Mais c'est bien le fond qu'ils cherchent à faire passer.

Un processus de persuasion?

Dans les deux cas, subtilement, ce fond ne se révèle que très progressivement, par petites touches. Il faut à ce propos saluer l'énorme qualité de la réalisation du Grain de sable… Les images y sont superbes, les enchaînements entre les plans relèvent de l'orfèvrerie (on ne s'en aperçoit qu'en décortiquant le film minutieusement). Et ne parlons pas du montage. Seule, comme dans Ceci n'est pas…, la lancinante répétition de la musique aurait, de temps à autre, pu être modérée.

Dans les premières minutes du programme, on est dans le rappel d'événements, dans l'évidence des faits. Puis, soit par le discours tenu on off, soit par les extraits d'interviews, la grille de lecture des événements se met en place. Et la construction de la thèse soutenue par l'auteur s'établit étape par étape. Par des moyens différents, qui distinguent l'une de l'autre les deux productions, le spectateur glisse irrésistiblement d'un partage de l'évidence à une entrée dans un processus de persuasion (3).


A ce propos, il est intéressant de noter que, dans les deux cas, la voix off parle à la première personne. Mais dans un contexte différent. Dans Ceci n'est pas…, le "je" est celui de l'auteur, qui se met en scène du début à la fin du document. Ce "je" est celui de l'expérimentateur, de celui qui doute, qui bâtit des hypothèses, voit des suspicions, voire des intentions malveillantes. Mais bien sûr pas de complot, tout de même. Enfin, pas vraiment, mais peut-être, on ne sait jamais. Bref, un "je" qui peut être intégré par le spectateur comme étant le sien. Dans Grain de sable…, on se trouve à l'opposé, ou presque. Le "je" est celui du virus du covid, vis-à-vis duquel on ne peut qu'avoir un sentiment de rejet. Mais, comme le renard de Saint-Exupéry, le covid finit par amadouer le spectateur, lui explique qu'en fait, ce n'est pas lui le responsable de la situation. S'il le suit dans son raisonnement, il finira presque par plaindre le pauvre "je-covid", tenu pour responsable alors qu'il n'y est presque pour rien, et se mettre à sa place…

Expertise et contre-expertise

Ayant toujours bien à l'idée que ce type de production entend affirmer une thèse (à défaut de la démontrer par A+B), asseoir les bases de son point de vue peut se réaliser soit par la propre expression de l'auteur, soit par le subtil recours aux experts. Ceci n'est pas… convoque les deux méthodes. Une partie du "raisonnement" est développée par la voix off, porte-parole de la pensée de l'auteur, et une autre par des extraits d'entretiens avec des experts. Grain de sable…, qui cherche à présenter formellement une configuration plus journalistique, ne met pas directement son auteur en scène, même si le "je-covid' de la voix off est clairement, à certains moments, la sienne. Tout passe ici par les "experts", et c'est ainsi que s'opère sans doute le plus beau tour de passe-passe de cette production: présenter comme des experts, c'est-à-dire des personnes compétentes, neutres, objectives comme des scientifiques, et ayant un regard objectif, des personnages qui sont, en fait, profondément engagées et ayant une lecture personnelle des choses et promouvant une cause.


La clé de lecture


Cela ne serait journalistiquement pas gênant si la production laissait s'exprimer des gens engagés, mais reflétant des points de vue ou des regards différents. Or tel n'est pas le cas. Au visionnement, la chose peut échapper au spectateur. Comme le film est à l'origine un projet pour Arte, qui le diffuse dans une case "Decryptage" —ce qui veut bien dire ce que ça veut dire— (4), il utilise à la fois des experts francophones et germanophones. Ces derniers sont tous totalement inconnus au spectateur de la RTBF. Or là se trouve la clé de lecture du "documentaire": de son titre à sa thèse, sans le dire, ce film repose sur les idées d'un homme: Fabian Scheidler, subtilement présenté sur l'écran comme un "essayiste et dramaturge", ce qui ne paraît pas à première vue lui permettre d'avoir des avis péremptoires sur l'avenir du monde. Au cours du film, ce personnage apparaît 9 fois à l'image en situation d'interview (5) et est en réalité à la fois "auteur, essayiste, philosophe, journaliste et dramaturge allemand" (6). Tout cela serait d'un intérêt relatif si l'homme n'avait pas publié en 2015 un livre qui a été un immense succès, et dont la version française s'appelle tout simplement La fin de la Méga-machine (Das ende der Megamaschine en V.O.). C'est ce livre porte le fond de la thèse du film: le covid n'a été qu'un petit élément dans une machine qui était déjà en piteux état. Le titre Le grain de sable et la machine est en filiation directe avec l'oeuvre de Scheidler. Sauf que ce n'est jamais dit dans le film et qu'il n'est jamais présenté comme l'auteur d'un livre sur la mégamachine. Alors que, par la voix off et les intervenants, le mot "machine" est prononcé 24 fois et "machines" 5 fois.


Identités floues


Cette absence de présentation claire de l'identité et du positionnement des intervenants n'est pas l'apanage de Scheidler. De nombreuses personnes sont présentées de manière très floue et anodine, alors qu'elles sont soit clairement engagées dans une cause, soit comme auteures d'ouvrages qui, dès le titre, ne mentent pas sur leurs intentions et leur positionnement.

Carola Rackete, qui apparaît dix fois à l'écran en interview, et est présentée comme "Pilote de navire et militante écologiste", est la fameuse capitaine du navire humanitaire Sea-Watch 3 qui, dans son livre Il est temps d'agir, défend la désobéissance civile comme mode d'action. Hervé Kempf (8 présences à l'image) est accompagné de la mention "Ecrivain et journaliste", alor qu'il est le fondateur de Reporterre, le quotidien de l'écologie, et a publié des livres aux titres évocateurs comme: Comment les riches détruisent la planète ; Pour sauver la planète, sortez du capitalisme ; Que crève le capitalisme ou Tout est prêt pour que tout empire.

Gaël Giraud, présenté comme "auteur et économiste", est aussi prêtre et jésuite. Economiste en chef de l'Agence française de développement de 2015 à 2019, il a publié : Au-delà du marché, l’imposture économique, Illusion financière, Vingt propositions pour réformer le capitalisme.

Sans dresser la liste exhaustive de la trentaine de personnes à qui l'on donne la parole dans ce programme, on relèvera encore qu'est présenté comme "fournisseur d'humanité", ce qui est le nom qu'il se donne lui-même, un ancien médecin d'Anderlues qui aide bénévolement les démunis et que la version allemande du programme désigne, elle, comme un "Sozialarbeiter" ("travailleur social"), ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Le peuple Kichwa du Sarayaku, en Amazonie équatorienne, est aussi pas mal présent dans le casting. Pas moins de trois de ses représentants y sont interrogés. Mais deux d'entre eux sont sans doute tellement connus qu'aucune mention n'a été jugée utile à côté de leur nom, alors qu'ils sont tous trois activistes contre l'extraction de pétrole sur leur territoire (chose qui n'est vraiment pas au coeur des propos recueillis là-bas, où on représente cette population plutôt comme les "bons sauvages du paradis perdu"). La palme de ce mensonge par omission sur les intentions exactes du "documentaire" revient ex-aequo, avec Fabian Scheidler, à Pablo Servigne, simplement présenté comme "Chercheur in-terre-dépendant et auteur", ce qui ne veut pas dire grand chose. Ce personnage, qui prend la parole 8 fois, n'est autre que l'auteur du best-seller Comment tout peut s'effondrer-Petit manuel de collapsologie, ainsi que de Une autre fin du monde est possible. Difficile de mieux anonymiser un personnage au positionnement clé, puisqu'il est un peu considéré comme le pape français de la collapsologie.


Subliminal

Dans Ceci n'est pas…, l'auteur évoquait ses études de journalisme à l'IHECS, où on lui avait appris à repérer les messages subliminaux. Et estimait en avoir vu pas mal en arrière-plan des présentateurs, dans les JT. Cela reste à démontrer. Dans Le grain de sable…, le message n'est pas vraiment subliminal. Mais son décodage n'est évidemment pas donné dans le "documentaire" lui-même. Le décryptage des identités complètes des personnes rencontrées, croisé avec leurs propos, peut conduire à estimer que cette production prend finalement la crise covid comme prétexte pour transmettre un autre message, qui est celui de la thèse du film. Ce message est porteur des idées des collapsologues, que soutiennent et développent plusieurs intervenants, et s'inscrit dans l'idée d'une disparition du capitalisme, qui pourrait être encouragée par divers moyens. De même, il menace le monde de graves rebéllions et soulèvenements, si on ne change pas totalement de cap. L'originalité de cette oeuvre est que, à côté des personnages présentés ici, elle se forge une légitimité non pas en donnant la parole à des tenants d'une autre thèse (car on est ici dans la démonstration), mais en s'adjoignant des interviews de personnes haut placées. Celles-ci n'annoncent pas l'effondrement programmé de la civilisation, face auquel le covid ne serait qu'une poussière, mais inscrivent leur discours dans le récit formel de la crise. On retrouve ainsi des gens comme Serge Tisseron, le commissaire européen Paolo Gentiloni, l'épidémiologue Marius Gilbert ou Charles Michel, dont la présence se semble valider, sans devoir le dire, que tout ceci est bien sérieux et indiscutable.

Sur le fléau de la balance, on placera un intervenant comme le député européen Philippe Lamberts, qui apparaît 9 fois à l'image, et dont le discours est plutôt alarmiste. Autre people connu, le comédien et humoriste Christophe Alevêque, dont les propos vont dans le sens de ce que veut aussi faire passer comme message le documentaire: assez des Etats et des gouvernements, il faut prendre chacun son sort en main et agir. Finalement, le risque d'effondrement du monde devient ainsi une évidence, communément partagée. Sans lien direct avec le covid, mais quand même.


A suivre

Les quelques éléments relevés ici ne constituent que quelques indices. Un analyse lexicale des propos tenus pourrait, comme pour Ceci n'est pas…, identifier les thématiques et les termes porteurs de sens. Une chose en tout cas est claire: alors que le termes "complot" revenait 9 fois dans le commentaire de ce film et "complotiste" 4 fois, ces termes n'apparaissent pas dans Le grain de sable…. Par contre, le mot "virus" y est prononcé 46 fois, contre 6 dans l'autre production (mais là, uniquement dans les propos tenus par la voix off) (7).

Un autre beau sujet serait d'étudier les séquences où le document développe un exemple comme justification de la pertinence de sa thèse, à la manière d'un syllogisme reposant sur des bases fausses, ou énonçant des sophismes. Ces cas-là paraissent beaucoup plus présents dans Ceci n'est pas… que dans Le grain de sable… Mais il faudrait y regarder de plus près, de même qu'a propos des usages des images d'archives, et de la fonction qui leur est assignée: illustrer, conforter, déséquilibrer,…

Le champ est large, mais l'interrogation posée en début de ce texte semble ne pas perdre en pertinence: un document porteur d'une thèse, même habillement habillée, peut-il être intégré dans une émission relevant du secteur de l'information comme s'il s'agissait d'une enquête-reportage mieux travaillée côté présentation? Et peut-il servir de base à un débat, sans avoir été présenté comme défendant une thèse partisane?

Affaire à suivre n'aurait-on pas envie de dire.(8)


(1)https://www.rtbf.be/tv/dossier/qr/detail_le-grain-de-sable-dans-la-machine-quand-le-virus-pointe-les-fragilites-d-un-systeme?id=10699824
(2) Et ceci en précisant bien que comparaison n'est pas assimilation. Il n'est pas dit ici que Ceci n'est pas un complot et Le grain de sable sont de même nature. On s'interroge seulement dans ce texte sur les similarités formelles entre les deux productions. Le connaissant, nous sommes persuadé que le réalisateur du Grain de sable comprendra que nous ne mettons pas ici son oeuvre en question, mais bien le contexte dans lequel elle a été présentée
(3) Nous n'irons pas jusqu'à dire: d'endoctrinement, ce qui serait sans doute trop fort. Quoique
(4) Prochaine diffusion en linéaire le 2 mars à 22h30.
(5) Pour des raisons de temps disponible, nous n'avons pas pu chronométrer la durée totale de ses interventions.
(6) Dixit Wikipédia.
(7) Pour des raisons de temps, nous n'avons pas eu l'occasion de distinguer les voix off des propos "in", alors que nous avions pu le faire pour l'autre document.
 
(8) En date du 9 mars 2021, le réalisateur du film nous a fait parvenir un message dans lequel il précise: "Je ne suis pas journaliste, mais bien cinéaste. Je ne suis pas tenu à l'objectivité et jamais mon film n'en a eu la prétention ou ne l'a laisser sous-entendre." "En terme de "persuasion", écrit-il, si tu regardes bien, le film n'aligne que des faits que peu de gens remettent en question: Réchauffement climatique, perte de biodiversité, inégalités sociales etc..."
Pour ce qui concerne Fabian Sheidler, voici l'explication donnée par le réalisateur: " Si Fabian est dans le film, c'est plus simplement pour la raison suivante: Pablo Servigne m'avait recommandé de contacter Fabian qui avait écrit un livre dont le titre rappelait le mien. J'y ai vu évidemment une conjonction de point de vue. J'ai lu son livre qui effectivement croisais mon regard. Belle rencontre, due au hasard tout simplement."
Le réalisateur conclut: " Il aurait peut-être été intéressant que tu cherches à me rencontrer pour analyser le film. Le débat aurait été sans doute plus riche et plus juste, car il y a dans ton texte de nombreuses assertions ou supputations qui ne collent tout simplement pas avec la réalité."
 
Tout en prenant note de l'explication selon laquelle le film n'aurait pas été directement inspiré par l'ouvrage de Fabian Scheidler, nous maintenons tous les éléments de notre analyse, pour un film qui a été diffusé par la RTBF dans une case "information" de sa grille, a été présenté par un journaliste dans le cadre d'une émission d'info-débat de type politique et a servi de base au débat en question, animé par le même journaliste, le tout sous la supervision éditoriale du directeur de l'info de la RTBF. Arte, pour sa part, a ensuite présenté le film dans une case documentaire.

23 février 2021

"QR L'ACTU" SUR LA RTBF: UN EFFORT DE NOUVEAUTÉ. MAIS PEUT MIEUX FAIRE

Ce lundi 22 après le JT, La Une a proposé le premier numéro de sa "nouvelle" émission, QR L'actu, qui ressemble quand même pas mal à Questions à La Une, mais dans une version "améliorée". Y a encore quelques progrès à faire…

Questions en Prime est cette émission qui suivait tous les JT de La une lors grands jours du premier confinement, puis qui a continué à occuper l'antenne pendant toute la suite de la crise du covid. Devant une telle permanence, et de bons résultats d'audience, on ne pouvait, à un moment ou un autre, que sanctuariser ce programme dont le projet correspond tellement à l'image que l'on se fait aujourd'hui d'un MSP (Média de service public) ou, comme on dit dans les cénacles de l'UER, un PSM (Public service media) (1). QR L'actu, le nouveau concept issu de Questions en Prime, est d'autant plus intéressant qu'il entend fédérer l'émission qui suit le JT avec le programme de débat politico-public de La Une, dénommé A votre avis, et diffusé sur la même chaîne le mercredi en deuxième rideau de soirée. Et cela tombe bien, puisque les deux émissions ont justement le même journaliste-animateur! 

Autre raison de l'intérêt de l'émission, comme A votre avis l'affiche dès son titre (2), il est ici question de donner davantage la parole "au public", terme vague aisé à utiliser mais dont on ne sait pas toujours très bien ce qu'il représente. On s'était ainsi souvent interrogé sur la représentativité "du public' participant à l'émission A votre avis en temps de non-covid. Ici, il semble que "le public" soi considéré comme étant celles et ceux qui interagissent dans l'émission via les réseaux sociaux et/ou qui ont téléchargé la nouvelle version de l'application Opinio mise en ligne le 20/02, soit deux jours avant la première de l'émission. Ces téléspectateurs (inter)actifs représentaient-ils les 400.000 à 500.000 personnes assises devant leur téléviseur au temps de Questions en Prime en novembre ou décembre dernier? Ou sont les porte-parole des 416.452 téléspectateurs qui ont suivi la première de QR L'actu, ce lundi 22/02 (2)?

Air de famille

Dire que ces téléspectateurs ont été chamboulés dans leurs habitudes par ce nouveau programme serait sans doute un peu exagéré. Il serait plus correct de se référer au vieil adage selon lequel ce sont dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes. A commencer par le plan de générique qui, certes, n'affiche plus le même titre, mais qui laisse bien comprendre qu'on est dans quelque chose de connu. Avec toutefois un brin de graphisme plus "techno" ou "industriel" que le titraille précédente, un peu comme si "QR" avait été peint à l'aide d'un pochoir.

 

Au-delà du graphisme, est-ce que ce qui fait neuf se trouve dans le décor?  En tout cas pas vraiment dans le décor lui-même. Mais plutôt dans sa couleur. Et encore, pas tout  à fait. En règle générale, les coloris du décor de Questions en Prime étaient à dominante blanche sur fond noir, avec un arrière-plan où dominait le gris/orange-rouge et un plancher surélevé en bois, pour un peu réchauffer l'atmosphère un peu hygiéniste, entre hôpital et funérarium, qui se dégageait du reste de l'ensemble. Ici, tout change. L'éclairage passe à un bleu plus clair et rayonne sur tout le sol du studio (hormis la partie surélevée). Un effet "eau propre", entre une plongée dans le lagon de Bora-Bora et un passage au banc solaire. Ou l'impression d'être à l'intérieur d'un vaisseau spatial du XXIIe siècle". Un bleu qui n'est  toutefois pas tout à fait une nouveauté: le décor de certaines éditions de Questions en Prime avait déjà été peint en bleu, mais plutôt électrique celui-l (voir ci-dessous capture d'écran de droite).

capture d'écran RTBF



Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne, ou plutôt on est bien obligé de ne pas la changer, puisque le plateau de l'émission est à peu près inamovible (hors l'éclairage).

 
Côté durée, QR L'actu entend conserver un format court, annoncé de 15 minutes. Questions en Prime eut parfois des longueurs plus élastiques. A ses débuts, il était plutôt formaté sur 20-25 minutes. Depuis la rentrée de septembre, son calibrage était déjà de 15 minutes. Donc là aussi, on est dans la rassurance.

Dans la nuance

Alors, qu'est-ce qui change sinon les effets de couleurs et une belle image de la sortie du tunnel de la rue de la Loi la nuit en arrière-plan? Pas les invités, en tout cas. Le casting de la première émission avait un air de déjà vu. On ne refait pas l'actu, tout comme on ne peut pas refaire l'expertise. Leur mise en image, elle aussi, n'a pas vraiment évolué.
 

Hier comme aujourd'hui, le splitscreen est le meilleur moyen trouvé par l'émission pour d'intégrer deux interlocuteurs dans le même cadre. Mais, cette fois, il est en plein cadre. On se sent davantage au coeur de l'action que lorsqu'il était mis en cadre.
De même, pas beaucoup de changements à propos des interventions écrites du "public". Même les fautes d'orthographe sont toujours là. La finesse dans l'adaptation. Dans QR L'actu, l'interlocuteur auquel la question est destinée apparaît en vignette à l'image, ce qui la dynamise (un tout petit peu) plus que d'avoir dans le cadre le journaliste qui lit le texte qu'on voit déjà.
 
 
De beaux efforts 
 
Bel effort aussi, lors des panneaux de textes venus du "public", sur les choix de couleurs et, à nouveau, on pointera l'abandon du fond gris-rouge/orange dans lequel était fait un insert. On sent qu'on est dans le plus sobre, voire dans le plus froid, comme avec l'omniprésence du bleu sur le plateau.

 Une amélioration de lisibilité touche aussi la communication des résultats des "sondages" (totalement 
non représentatifs de l'opinion) réalisés avec l'appli Opinio (qui porte ici bien son nom). Précédemment, on avait l'impression que les résultats affichés à l'écran venaient de tomber d'une vieille imprimante, ou utilisaient la même mise en page minimaliste que celle du questionnaire en ligne. Là, il y a du progrès. Mais on n'est pas encore à faire des graphiques, des "camemberts" ou des représentations visuelles. On est à la télé-vision, tout de même. Mais ce sera sans doute pour la prochaine fois… En l'état, dommage toutefois que, lorsque le choix de réponses à afficher est trop large, on n'arrive pas à tout voir à l'écran. La maîtrise de l'infographie, c'est un vrai métier…
 
Le changement, c'est maintenant
 
Mais alors, qu'est-ce qui change, outre ces adaptations cosmétiques? La présence "du public", évidemment. comme dans A votre avis, on veut ici donner davantage la parole "au public". Ce n'est pas que, dans sa version précédente, l'émission était confinée à des experts (enfin, pas tout le temps). Via webcams, le programme recevait aussi beaucoup d'interlocuteurs extérieurs. Mais, dans la plupart des cas, il s'agissait d'intervenants institutionnels. Ah, on est le MSP de la Fédération WB ou on ne l'est pas, quand même! Donc, parole au corps social officiel (ou aux corps sociaux en tous genres de Belgique francophone). Et ceux-ci étaient plutôt là pour se plaindre que pour poser des questions. Des invités lambda, de mémoire, il y en a aussi dû y en quelques-uns. Mais quasiment par hasard. 
 
Ici, c'est une des base line du programme: rendre l'antenne accessible au Belge de base. Pour qu'il confie son désarroi, sa détresse, voire son envie d'en finir dans cette crise sans fin? Pas vraiment. En tout cas dans l'émission n°1, c'était plutôt pour poser des questions. Le rôle normal conféré à l'auditoire, quoi. Intervenir dans un programme pour prendre, pour quelques secondes, le rôle du journaliste-animateur, et interroger. Ne pas savoir mais chercher chez l'autre l'expertise qui nous manque. Bref, ce qu'on fait dans les médias audiovisuels du monde entier depuis qu'ils existent. 
 
 
 
Mais encore faut-il avoir de bons interlocuteurs. Faute à pas de chance, ou mauvais casting lié au mode de collecte des intervenants, le premier membre du "public" à passer à l'antenne ne laissera pas un souvenir exceptionnel, qu'il nous excuse. Alors qu'on attendait une question, claire et bien posée la personne n'en avait pas vraiment, se perdait en conjecture et, sans doute pris par la solennité du moment, cherchait ses mots. Un vrai calvaire pour le journaliste, qui devait tenter d'en tirer quelque chose. Le tout complété par la mauvaise qualité de la liaison. Certes ce n'était pas l'ouverture de l'émission, mais avoir cela en première séquence d'une émission qui entend se distinguer par sa volonté de donner la parole à l'audience n'aide pas à ancrer l'identité du  programme.

La deuxième intervenante avait, elle, une question bien précise, mais à laquelle les experts en plateau n'avaient pas les moyens de répondre. Cette personne, qui semblait intervenir depuis son lieu de travail, avait juste au-dessus d'elle affichée au mur une note de service bien visible à l'écran. Tous les téléspectateurs ont ainsi eu l'occasion de lire le message que Jean avait adressé à ses collègues le 19/02… 
 
Un peu de préparation aurait permis d'évaluer la qualité de la liaison internet du premier intervenant, et aurait peut-être amené à lui faire comprendre que, même depuis que le covid a transformé les cuisines et les placards en studio tv, quand on travaille en broadcast, on essaie de respecter certaines normes. Quant à la deuxième personne, un peu d'accompagnement, juste avant le passage à l'antenne, lui aurait permis de modifier le cadrage de sa webcam. Mais est-ce trop compliqué? Ou, pour faire "public", recherche-t-on les laisions de mauvaise qualité et les cadrages improbables?
 

Comme lorsque, pendant toute la fin du programme, l'image de fond de studio fut une mise en parallèle des deux visages des personnes du public qui étaient intervenues. Une association entre un immense cadrage américain et un demi-visage en hyper gros plan, tout ça face à de mini-personnages présents en plateau. De quoi faire peur plutôt que d'encourager la communication. Elle est sûrement bonne, l'idée de l'émission. Mais il reste à la huiler. Par exemple, en présentant bien le QR code quand on annonce sa présence à l'image, pour éviter qu'apparaisse juste un carré blanc.
Il reste à en faire un "vrai" programme de télé. Par un show, mais juste quelque chose de correct à voir…
 
Frédéric ANTOINE. 
 
 
PS: Sur Auvio, autant aussi essayer de ne pas mettre une pub commerciale pour l'industrie pharmaceutique juste avant une émission comme QR L'actu si on ne veut pas offrir une corde de plus pour se faire pendre par les auteurs de certains documents audiovisuels qui circulent pour l'instant sur la Toile…
 
 
 
(1) https://www.ebu.ch/about/public-service-media
(2) Même si, en pratique, la part des "avis" dans l'émission a pas mal évolué au fil du temps.
(3) 5e meilleure audience de la journée selon le CIM, mais avec à peu près autant d'audience que le magazine diffusé à la même heure sur RTL-TVI.

21 février 2021

« PERSEVERANCE » SUR MARS : UN SUPER CONTRE-FEU ANTI-COVID QUI TOMBE À PIC POUR LES JOURNALISTES


"Vite, un sujet d'info différent, pour qu'on ne nous reproche plus de créer un climat de pscyhose, de sinistrose et de morosité dépressive. Tiens, la Nasa envoie une sonde sur Mars. La belle affaire. Voilà qui apportera un peu répit au comptage des contaminés, des morts et des vaccinés !"

 De mémoire d'amateur de conquête spatiale, a-t-on jamais vu l'amarssissage d'une sonde spatiale suivie avec autant de passion que celui du brave rover Perseverance? La liste "officielle" (1) des engins que notre bonne vieille Terre a envoyés sur la planète qu'on disait "rouge" quand on ne la connaissait pas plus que ça compte une vingtaine de noms. Parmi ceux-ci, une dizaine sont accompagnés de la mention "atterrissage [si on peut dire-ndlr] réussi". Donc, ne pas se crasher quand on cherche à amarsir, ce n'est pas une première. D'autant que, depuis 2004, tous les engins terrestres qui ont été chargés d'amarsir ont réussi l'opération. Et encore, juste avant cette date, une sonde européenne s'était bien posée, mais n'avait pas su déployer ses panneaux, et une autre, américaine, qui s'était bien posée elle aussi, mais n'avait pas su se mouvoir comme cela était prévu. Bref, amarssir, c'est un peu de la routine.

Alors, pourquoi en avoir "fait des caisses" bien avant l'arrivée de notre persévérante petite sonde actuelle dans l'orbite de Mars? Et ensuite, pour quelle(s) raison(s) a-t-on couvert son amarssissage comme un événement planétaire (si l'on peut dire)? Cela aurait fait des années qu'un engin terrestre n'aurait plus été envoyé là-bas, qu'ils se seraient ces derniers temps tous écrasés dans des cratères, ou que Perseverance, comme semblerait l'indiquer son nom, aurait marqué le retour de l'intérêt des hommes pour cette planète… on aurait pu comprendre. Mais on destine régulièrement des sondes à se rendre sur Mars. Toujours selon la "liste officielle", il y a bien eu un petit passage à vide entre 2012 et 2018, mais depuis, notre Persévérant a déjà été précédé par un autre engin.

Too much?

Donc ce n'est pas vraiment la rareté ou l'originalité qui est à la base d'une nouvelle si captivante qu'elle a tenu toutes les rédactions en haleine jeudi dernier au soir, les chaînes info relayant même en direct le signal de la salle de contrôle du vol à Pasadena, comme si on revenait au temps béni de la télé de papa et des missions Apollo (sauf que là, c'était d'abord à Cap Canaveral et ensuite à Houston, s'il y avait un problème). Pour peu, on s'attendait à ce que les médias relaient aussi en chœur les paroles historiques qu'aurait pu prononcer Perseverance: "That was one small step for me, one giant leap for mankind"…

Alors oui, c'est la première mission "importante" sur Mars. Oui, la Nasa a mis le paquet et a bien communiqué. Oui, la conquête de Mars est devenue une réalité, et rêver d'y aller n'est plus un rêve. Mais tout de même, n'est-ce pas un peu too much? Il semble que non, parce que ça tombe bien, les aventures de la petite Persévérance en terre marsienne.

 S'évader par l'info

Depuis des semaines, les médias - et surtout les chaînes de télé - essaient tant bien que mal de de se dépêtrer de la mélasse covidienne qui leur colle aux basques. On a vu que, depuis décembre, les JT de certaines chaînes se forcent de regarder ailleurs que dans les hôpitaux, les homes et les salles de conférence de presse où l'on égrène chaque jour les mêmes comptages. Elles ont (enfin) compris que du covid à forte dose, cela augmente encore plus la contagion de l'anxiété qui est (aussi) en train de tuer, à petite dose, comme en homéopathie, l'enthousiasme et l'esprit positif de nos concitoyens. 

A force de couvrir professionnellement, comme il le faut, et sans rien laisser de côté, une actu désespérante, face à laquelle on ne peut agir qu'en portant un masque, en se lavant les mais, et en restant chez soi en voyant le moins de gens possible, les JT ont, inconsciemment et involontairement, encore un peu plus enfoncé des citoyens qui voient les infos sur la covid leur sortir par les oreilles.

Mot d'ordre donc : revirement à 180°. On a dès lors cherché d'autres infos, et positives si possible s'il vous plaît. On  a aussi choisi de remettre de l'international dans le conducteur des JT, et pas seulement lors de la prise du Congrès de Washington par les hooligans de Donald Trump. Là aussi, on a fait fort. Sur la RTBF et France (mais ces chaînes-là ne sont pas les seules à agir de la sorte) on a souvent choisi de porter le regard au loin, et de faire dans l'info-documentaire d'évasion, avec de belles séquences sur des sujets intemporels se déroulant au bout du monde. De quoi faire respirer, redécouvrir que, oui, la beauté existe encore, et qu'il y a toujours de "vrais" gens en dehors de ceux que l'on croise masqués quand on ose sortir de chez soi. Du dépaysement plutôt que de l'actu quotidienne? Parfois, sans doute. Mais après avoir été anxiogène (et on n'a pas attendu un docu-fiction discutable pour s'en rendre compte), n'est-il pas bon que l'info soit enfin aussi rassurance?

Pain béni

Alors, pour cela, l'amarssissage de Perseverance, c'est du pain béni. D'abord un peu de suspens, comme dans toute bonne info: crashera, ou crashera pas? Ensuite, le direct qui fait monter (un peu) l'adrénaline. Puis la délivrance: de superbes images, d'une définition sans pareille, dans lesquelles on cherche déjà à voir si on n'aperçoit pas une petite trace de quelque chose qui, un jour, aurait vécu là-bas. Ou, mieux encore, une amibe toujours en vie, déambulant seule ou en colonie. Je vous le dis: de l'info Aventure, avec un grand A. Pas d'humains, certes, toutefois à l'heure actuelle n'est-ce pas plus sûr. Mais un regard vers le futur, vers un nouveau monde, où tout serait possible et imaginable.

En temps de déprime covid, quoi de mieux? A croire que la Nasa avait programmé le lancement de sa sonde pour qu'elle arrive juste au bon moment pour remonter le moral des JT et des médias en général (2). Finalement, tout l'art des journalistes, c'est de trouver comment trouver et exploiter un bon sujet contre-feu quand la maison brûle, c'est-à-dire quand une actu vous cannibalise et qu'n ne sait plus s'en défaire. En l'occurrence, Perseverance est vraiment tombée à pic. Et, en plus, sans s'écraser. Quelle(s) aubaine(s).

Frédéric ANTOINE.

(1) C'est wikipedia qui le dit, donc restons tout même un peu prudents, mais bon .
(2) Même Google s'y est mis en inondant de feux d'artifice les pages consacrées à l'événement. Waw!

09 février 2021

LN24 SUR AUVIO: LA SUPRISE DU CHEF


La prochaine arrivée de LN24 sur la plateforme Auvio fait des vagues à la RTBF. Mais n'est-elle pas d'abord un coup de maître, et pour Auvio et pour LN24?

Ça s'excite un peu, du côté des journalistes de la RTBF, depuis qu'a été annoncée hier le prochain débarquement de LN24 sur Auvio. Comment, la concurrence va occuper "notre" espace sur "notre" plateforme! Est-on sûr, d'abord, que LN24 partage nos valeurs, voire notre conception du journalisme? Bonnes questions, mais peut-être pas toutes pertinentes. Oui, Auvio a le goût et les couleurs de la RTBF. Mais, même si le logo de la RTBF est intégré dans celui d'Auvio et que son adresse web est www.rtbf.be/auvio, ce n'est pas la plateforme de la RTBF. Elle n'a jamais été voulue comme telle par la hiérarchie. Ses concepteurs l'ont dès le départ rêvée comme une sorte d'alternative belge francophone à Netflix, rassemblant le maximum de contenus possible.

Considérer que c'est aussi la plateforme maison est oublier que AB3, Xplore et Arte y consignent aussi déjà leurs émissions. Bien sûr, sur AB3, cela fait belle lurette qu'il n'y a pas de journaux télévisés. Mais la chaîne ne diffuse-t-elle pas des magazines d'enquêtes-reportages, comme Reporters, par exemple, aux sujets pas toujours reluisants… dont on trouve parfois des déclinaisons comparables dans l'offre des chaînes de la RTBF. Les magazines d'AB3 ne constituent-ils pas une menace pour le journalisme made in service public de la RTBF? En tout cas, ils ne touchent pas au sacro-saint tabou: l'information quotidienne. Le JT, pour parler simple. Arte en produit. Mais, subtilement, la "sélection d'Arte" que propose Auvio ne les comprend pas. Le seul JT concurrent aujourd'hui présent sur la plateforme est celui de la RTBF. Mais cela, ce n'est pas grave. VRT et RTBF ne sont-ils pas les deux enfants du même service public? Avec l'arrivée de LN24, ça change tout: dans la chasse gardée de l'actu.


Chacune chez soi


N'avait-on même pas un jour rêvé de voir RTL rejoindre Auvio plutôt que de lancer en catastrophe de son côté une plateforme ersatz technique de celle concoctée par M6? Si ce projet-là avait vu le jour, nul doute que des cohortes de journalistes de la RTBF se seraient immédiatement mises en grève illimitée. Car là, le tabou de toucher à l'actu n'aurait pas été menacé. Il aurait été piétiné. Mais, grâce à Dieu, les responsables de l'avenue Georgin n'ont jamais choisi de franchir ce Rubicon-là. Jamais les JT de La Une et ceux de RTL-TVI ne se retrouveront côte à côte sur une même plateforme. Sur un téléviseur, il suffit de switcher sur sa télécommande pour passer de l'un de l'autre, et ce n'est compliqué ni sur une appli ni sur internet. Mais ils ne sont pas là ensemble. Ils ne doivent pas se côtoyer. Chacun chez soi. Sauf que, comme écrit plus haut, Auvio, ce n'est pas vraiment "la RTBF chez soi". Même si cette image, bien entretenue par l'image de marque, est ancrée dans la tête de pas mal de gens.

 

Du journalisme, tout de même

 

On peut s'interroger sur le type de journalisme pratiqué sur LN24 par rapport à celui du service public, sur ses choix rédactionnels, sur ses angles parfois idéologiques, voire politiques, sur sa propre conception de la déontologie, sur les mélanges de genres que l'on peut retrouver dans certains de ses programmes… mais c'est du journalisme. Les fondements du journalisme sont partout les mêmes, et d'ailleurs, ceux qui pratiquent sur la RTBF et sur LN24 sortent des mêmes écoles ou universités, ont été formés par les mêmes professionnels, et ont eu les mêmes profs. Évidemment, journalistes de LN24 et de la RTBF ne fonctionnent pas dans le même environnement. Sur LN24, le personnel en CDI n'est pas foison. À la RTBF, il est beaucoup plus courant. Dans une petite PME toujours en période de lancement, où l'on perd encore de l'argent, chacun craint chaque jour pour sa place. À la RTBF, il y a bien de plus en plus de CDD, mais on connaît quand même aussi une certaine stabilité d'emploi.
À la RTBF, on regorge aussi de moyens techniques, au point d'envoyer des journalistes faire des in situ là où il ne se passe rien. Sur LN24, on s'inspire de chaînes all news comme BFM pour miniaturiser le matériel et charger aussi le journaliste de gérer lui-même la technique, mais on ne joue pas (encore) dans la même cour que le service public. Alors, pourquoi le grand frère redoute-t-il autant l'arrivée du petit rejeton?

 

Concurrence loyale


N'est-ce pas simplement parce que le grand frère redoute la concurrence, la possibilité de comparer sans devoir zapper. Et que, si LN24 n'a aucune chance théorique d'être meilleure sur l'info que la RTBF, elle n'en occupe pas moins de plus en plus de créneaux. La RTBF a deux bastions: ses JT de 13h et de 19h30. Dans l'un, elle domine le marché, dans l'autre, son ambition de battre RTL définitivement est toujours de l'ordre de l'ambition. Mais, le reste de la journée, comment fait-on pour s'informer sur la RTBF, enfin RTBF Télévision, car jusqu'à plus ample informé les ambitions de LN24 en radio ne sont encore aujourd'hui qu'au stade de projet. 

En télé, le matin, l'info est incluse dans la sorte de mi-radio filmée, mi-télévisé, du 6-8 et du 8-9. Soit pas quelque chose qui soit vraiment de la télé. Alors que sur LN24, il y a une vraie matinale, qui se paie le luxe, comme La Première radio, d'avoir des invités politiques dont les déclarations sont parfois assez intéressantes pour être reprises ensuite par tous les médias. 

Et après dans la journée, sur la RTBF TV? Hormis le 13h, le 19h30 et Vews… au même moment sur Tipik, plus rien. Alors que LN24 est, elle, là en permanence. En fin de soirée, on ne sait jamais quand le microscopique Vews sera rediffusé sur Tipik. En face, LN24 est toujours-là, et propose même un grand journal en direct à 23h. 

 

Modèle à revoir


Alors, si tout LN24 débarque sur Auvio, on fera vite la comparaison. On comptera le nombre d'éditions de JT, le nombre d'émissions d'infos de l'une et de l'autre. Et il apparaîtra que, en Belgique francophone, la chaîne qui fait le plus d'infos et est la plus présente en permanence, ce n'est pas la RTBF. Pour adoucir le constat, on ajoutera aux productions Tv du service public toutes les vidéos des émissions de La Première, avec ses JP et ses magazines. Mais il sera vite évident que ce n'est pas la même chose. Quantité n'est pas qualité, dit-on souvent. Mais quand même. C'est là que cela pourrait faire mal. Avoir de si nombreux journalistes pour ne produire "que" quelques émissions de grande qualité, alors qu'en face on fait le job et on est au turbin en permanence, avec les compétences et les moyens du bord. 


La solution est-elle de s'opposer à l'arrivée de LN24 su Auvio? Ou de se questionner sur la nature et la fréquence de la couverture de l'info "télévisée" (ou "audiovisuelle") sur la RTBF. Pourquoi le service public ne se positionne-t-il pas, lui aussi, dans une sorte de créneau all news (à inventer) qui pourrait être compétiteur de LN24? Pourquoi la logique d'édition de contenus est-elle diluée dans un talk-show ± radiophonique le matin, et totalement absente en avant et après soirée? On répondra qu'il y a eu des tentatives, mais que ça coûtait cher et qu'il n'y avait personne au rendez-vous. Sauf que, aujourd'hui, c'est LN24 qui occupe ces déserts, et que, tout petit à tout petit, l'herbe commence à y pousser. Depuis quelques mois, la comm de LN24 est fière d'annoncer des gains en audience, sur des cibles très pointues, et plutôt dans le haut de gamme. En face, le service public ne s'écrie-t-il pas: "Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un Héron !J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !", comme disait le héron de La Fontaine…


Son arrivée sur Auvio est une consécration pour LN24. L'affirmation que le petit avorton sur lequel personne ne pariait un kopeck est arrivé dans la cour des grands. Et les démange tellement qu'ils en font une petite jaunisse. Pour Auvio, c'est l'affirmation du projet initial selon lequel, sous l'égide de la RTBF, la plateforme vise à rassembler au plus large, pour contrer ensemble les GAFAM, au nom de la devise nationale belge. Si, en plus, cette concurrence rapprochée amenait l'info RTBF à s'interroger sur elle-même, en conservant bien sûr sa différence et sa spécificité, tout le monde ne serait-il pas gagnant?


Frédéric ANTOINE.

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