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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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28 novembre 2022

Une finale de Starac à 22h : en Belgique, ça n'attire pas les foules

Diffusée sur TF1 à près de 22h samedi pour cause de Mondial,  la finale de la Starac a bien résisté sur le public français mais… s'est effondrée sur le public belge. L'occasion de dresser un petit bilan des audiences de ce programme "iconique", comme ils disent au château.

TF1 a annoncé que, sur son antenne française, la finale de la Starac, diffusée après 22h, avait rassemblé en moyenne 3,8 millions de téléspectateurs, réalisant des parts d'audience "de malade" (±60%) auprès des jeunes 25-34 ans et 15-24 ans (ce qui ne permet pas de dire combien ils étaient vraiment…).  À J+7, hors finale et demie finale, le Prime avait réuni en moyenne 4,2 millions de spectateurs. Des données qui entraînent toute comparaison impossible avec la finale, puisque les données sont là mesurées à J+1 et non J+7. 

On peut toutefois supposer que, au total, le public total de la finale fera plus que 4,2 millions en tenant compte de tous ceux qui auront préféré voir le show et son épilogue en replay.

MARÉE BASSE

En Belgique, serait-on des couche-tôt ? En J+1, on ne mesure pas la même tendance qu'en France. À J+1, l'audience de la finale (mesurée de 22h à 24h alors que le nom de la gagnante a été révélé à 00h40 environ) est la plus faible de tous les Prime. Elle est même inférieure à celle du prime du 29/10.  Évidemment, les autres primes débutaient à 21h. Mais cette faible audience s'inscrit dans la ligne de celle de la semaine précédente. 

Sans doute une mesure J+7 corrigera-t-elle la tendance du J+1. Sur l'ensemble des Prime, l'audience J+7 apporte entre ±150.000 et 200.000 de plus à l'audience J+1. Elle adoucit les audiences J+1 les plus faibles, mais présente des tendances à la hausse et à la baisse identiques à celle de la courbe J+1. 
Sauf pour la demi-finale, où l'audience J+7 n'était que très faiblement inférieure à celle du J+1. à voir ce que cela donnera en J+7…
 
ESSOUFFLEMENT
 
Dans l'ensemble, les audiences finales J+1 de la Starac en Belgique, que ce soit en quotidienne ou en prime, affichent les mêmes tendances : elles sont plus faibles que celles des semaines précédentes.
En quotidienne de fin d'après-midi, les auditoires ont varié de ± 150.000 à 230.000 personnes. Les audiences ont en général été plus fortes en novembre qu'octobre, c'est-à-dire liées à la montée en puissance de la télé-réalité (et sans doute grâce aux partages sur les réseaux sociaux). 
 

LE SUSPENS DES 'ÉVALS'



En ce qui concerne les jours de la semaine, les audiences les plus fortes se situent le mercredi (couleur rouge sur le graphique), jour où les candidats étaient "trop choqués" lorsque étaient montrées et débriefées leurs évaluations, ayant lieu le mardi, et où les noms des potentiels éliminés étaient dévoilés par le 'directeur' du château. Le mardi (en vert) figure aussi souvent dans la première partie du tableau, mais pas avec les mêmes fréquence et intensité que le mercredi. Or, à la fin du Prime du mardi, la quotidienne comprenait déjà un court direct où le directeur donnait déjà son avis sur les prestations. 
Le fins de semaine ont été moins prisées par les téléspectateurs (jeudis [bleu] et vendredis [gris]). 
Même lors de sa plus grande audience J+1, la Quotidienne n'a pas réussi à se hisser dans le top 20 des meilleures audiences J+7 établi par le CIM. On peut en conclure que l'appui complémentaire de l'audience J+7 ne contribue pas à augmenter le nombre de spectateurs de telle manière qu'il dépasse largement les 250.000  personnes.
 
TF1 a déjà annoncé une édition de la Starac l'an prochain. Elle sera beaucoup plus longue. Et ne se terminera pas par une finale en deuxième rideau de soirée. Il sera intéressant de voir si, dans ces conditions, les audiences belges changeront de profil…
 
Frédéric ANTOINE.

 


 

14 novembre 2022

La sauce Star Academy 2022 commence à prendre


À
l'instar de la France, les Prime de la Star Academy réalisent de belles audiences en Belgique. Mais les quotidiennes attirent aussi pas mal de monde. Pour les qualités artistiques des candidats ? Ou parce que les hôtes du château sont de superbes exemples d'une génération d'adultes qui ne sont encore que des ados…

Chose exceptionnelle, le 15 octobre dernier, en francophone belge, le premier Prime de la Star Academy a fait mieux que les JT de RTL TVI et de la RTBF, qui sont d'ordinaire en tête du classement des audiences journalières (J+1) dans notre petite communauté linguistique. Certes, ce jour-là, le nombre de spectateurs des JT ne cassait pas la baraque, mais ils ont été ensuite été un grand nombre à suivre toute la soirée d'ouverture de cette télé-réalité qui s'est terminée par le départ des candidats vers le fameux château puis, dans une autre émission, par leur arrivée sur les lieux.

 Depuis lors, les Prime de la Star Academy constituent, chaque samedi, la troisième audience du samedi en Belgique francophone, derrière celles des JT. Ce qui signifie qu'il y a plus de téléspectateurs belges francophones devant ce "télé-crochet" français, flagship de l'ogre TF1, que devant n'importe quel autre programme proposé ces soirs-là. 
Les premières semaines, les décalages avec l'audience du premier Prime ont été importants. Le 5/11, il frisait les 100.000 téléspectateurs. Mais, depuis lors, la sauce commence à bien prendre, et les audiences des Prime croissent de semaine en semaine. Celle où les candidats étaient éliminés en duo a attiré plus d'audience que les précédentes. Mais c'est samedi dernier qu'ont été battus tous les records. Même si, avec près de 350.000 spectateurs, on était encore loin des 420.000 de l'émission d'ouverture. 
La courbe des Prime continuera-t-elle à croître jusqu'à la finale ? Sans doute, si l'attachement de l'audience aux candidats se précise encore davantage.

TOUS LES JOURS, PAR LE TROU DE LA SERRURE

Il ne faut en effet pas perdre de vue que, indépendamment des Prime, la Star Academy est aussi une émission quotidienne, diffusée en premier rideau d'access primetime (sauf le dimanche), accompagnée d'un bon paquet de pubs, dont une part réservée au public belge. Un programme monté sur base des séquences de la vie du château captées, comme au bon vieux temps de la télé-réalité de première génération, par une grosse batterie de caméras placées dans toutes les pièces et saisissant les faits, gestes et paroles des candidats 22H/24 comme le précisaient les règles du CSA français (devenu depuis l'ARCOM). Des caméras dont les captations sont mixées en direct afin que les séquences qui en proviennent possèdent quasiment la même dynamique que celle d'une réalisation plateau. 
 
Ces quotidiennes ne réalisent pas les scores des Prime, mais réunissent tous les jours au moins 140.000 personnes en Belgique, ce chiffre dépassant certains jours les 200.000 téléspectateurs. Score n°1 à ce jour : celui du 3 novembre (225.000).

DES ÊTRES-PORCELAINE
 
La quotidienne montre bien sûr toutes les séances d'apprentissage et d'exercices en tout genre auxquels sont soumis les apprenti(e)s chanteurs/euses, ou des moments "chauds" de la vie sur place : lorsque des vedettes de la chanson française viennent leur dire bonjour ; lorsque monsieur le directeur annonce les épreuves à passer à l'évaluation du mardi; ou quand il révèle les noms des nommés qui risqueront de passer à la trappe à la fin du Prime
 
Mais, au gré des intentions de la prod et des choix des réalisateurs, les quotidiennes révèlent aussi, sinon surtout, la "vraie" (fausse) vie des résident(e)s du château, du lever au coucher. Comme dans le modèle historique de la télé-réalité. De quoi laisser découvrir qui sont, ou ne sont potentiellement pas, ces jeunes adultes âgées de 18 à 28 ans. Des adultes qui semblent tous, malgré leur âge, d'abord être des adolescents en proie au doute, cherchant encore leur identité. Et que l'on imagine mal engagés dans une vie professionnelle, en couple avec des enfants, ou confrontés aux aléas de la vie quotidienne.
Des êtres-porcelaine, immensément fragiles, aux sentiments à fleur de peau. Et sur qui toute critique trop directe entraîne un effondrement quasi complet. La prof d'expression scénique s'en souviendra longtemps, elle qui, ayant été claire et directe face à la prestation nullissime en Prime d'un candidat jemenfoutiste, a dû deux jours plus tard venir s'excuser devant (et bien sûr devant les caméras)  pour l'avoir traité de la sorte. L'évaluation faite par cette prof lui avait immédiatement valu d'être descendue en flèche sur les réseaux sociaux, certains allant jusqu'à réclamer à TF1 sa démission, ou à annoncer des dépôts de plaintes au CSA (devenu l'ARCOM) !
 
TOUT LE MONDE IL EST BEAU…

Contrairement aux premières Starac, l'édition 2022 est en permanence sur la sellette des réseaux sociaux où un public jeune, voire très jeune, qui s'identifie parfaitement à des candidats subtilement castés, considère qu'il est le seul juge de la qualité de ses actes, et ne tolère pas d'être remis en cause par un tiers, qui plus est si celui-ci est un professeur. 
La Star Academy 2022 a ainsi des airs de The Voice, où, tout le monde il est beau et gentil, ce "télé-crochet" ayant en son temps été créé pour adoucir le côté alors trop critique (c'est-à-dire de nature professionnelle) des évaluations de la Starac. Cette fois, pas de risque ! Les avis donnés par les profs lors des Prime sont ainsi tous plus positifs les uns que les autres, au point d'inspirer des larmes d'émotion à certains évaluateurs. Pas tout à fait le genre des évaluations de certains jurés de Danse avec les stars, comme Chris Marker…

Pour la Belgique, les données en notre possession (publiquement accessibles par quiconque) ne permettent pas de déterminer l'identité socio-démographique du public de la quotidienne de l'émission. En France, TF1 a annoncé des chiffres records. Par exemple, pour la troisième semaine, 38% de parts d'audience auprès des 15-34 ans, et 42% chez les 25-34 ans. Mais les PDA ne prennent en compte que celles et ceux qui regardent la télé, et ne donnent pas leur nombre absolu. Raté pour savoir si l'émission a fait un ras de marée chez les jeunes adultes… 
Chez nous, saura-t-on un jour quelle proportion des 174.000 téléspectateurs de la quotidienne (chiffre moyen jusqu'au 11/11) est constituée de jeunes ayant délaissé les réseaux sociaux et les plateformes pour retourner vers le petit écran ?

Frédéric ANTOINE.
 

29 octobre 2022

Les JT après les années covid : pas la débâcle, mais pas la joie non plus


Depuis la fin des fortes épidémies de covid, on avait dit les gens dégoutés de l'info, et désertant en masse les rendez-vous d'actu. Par rapport à 2019, les JT rassemblent effectivement un peu moins de monde. Mais c'est loin d'être la cata.

Les oracles (et les enquêtes sociologiques [1]) l'avaient laissé croire : entre covido-sceptiques et partisans des théories du complot, convaincus que les médias étaient manipulés, et un grand public devenu allergique à l'actualité tant il en avait consommé lors des confinements, il y avait un point commun : les uns et les autres annonçaient vouloir déserter les JT et leurs flots de mauvaises nouvelles anxiogènes. Réaction épidermique ou lame de fond ? En confrontant les audiences "d'avant" et d'après" grandes épidémies de covid, il y a assez loin de la coupe aux lèvres.

PAS SI CLAIR...

Le graphique comparatif ci-dessus (2) montre évidemment l'envolée des audiences des JT de RTL-TVI et de la RTBF en 2020 (courbes grises et jaunes), ainsi que le nombre de spectateurs/jour un peu plus important en 2021 (courbes bleu clair et verte). Les résultats de 2019 et 2022 sont ici difficiles à distinguer. Regardons donc les audiences des deux années moins marquées par la crise du covid : celles "d'avant" et celle d'après".
 
QUASI-SUPERPOSITIONS
Pour le RTL Info 19h, la similitude de tendance des deux courbes apparaît clairement : en 2019 comme en 2022, les audiences croissent ou décroissent régulièrement au même rythme, les courbes allant jusqu'à se recouper. Ces similitudes démontrent que les habitudes d'usage des spectateurs sont en général les mêmes "avant" et "après" le covid : il y a des jours de la semaine où on regarde moins ce JT, et d'autres où c'est le contraire. Le presque recouvrement atteste aussi de la quasi-égalité entre le nombre de spectateurs présents en 2019 et en 2022. Ils n'ont clairement pas déserté en masse.
Pour Le 19H30 de La Une, les constatations faites à propos de RTL TVI sont également de mise : les deux courbes présentent fréquemment les mêmes tendances journalières, et les deux courbes se superposent à certains moments, mais peut-être moins fréquemment que chez le concurrent privé (en tout cas dans la partie de la courbe concernant le mois d'octobre). Apparemment, dans l'ensemble, l'audience de La Une paraît ± identiquement au rendez-vous.
 
RTL TOUJOURS DEVANT...

Rien n'a-t-il dès lors changé ? En tout cas, la domination du JT de la chaîne du groupe appartenant à DPG-Rossel (les deux lignes bleues) sur celle du boulevard Reyers (lignes oranges) paraît à peu près constante au cours des deux années. 
En comparant les audiences jour par jour, le déficit d'audience du JT de la chaîne publique est quasi permanent tant en 2019 qu'en 2022. Les rares jours où ce JT rassemble plus de spectateurs que celui de RTL sont plus nombreux en 2019 qu'en 2022.
 
LE FIFRELIN QUI TUE
Finalement, y a-t-il plus ou moins de spectateurs en 2022 qu'en 2019 ? En établissant l'audience quotidienne moyenne des deux JT sur les deux années, pendant la période analysée, les résultats paraissent à peu près équivalents. 
Mais, en y regardant de plus près, on constate que le RTL Info, qui dépassait de peu, en moyenne, les 500.000 téléspectateurs quotidiens en 2019, en rassemble désormais 487.000. Le 19H30, de son côté, passe de 450.000 à près de 439.000. 
En chiffres absolus, l'audience des rendez-vous d'info des deux chaînes est donc bien plus basse en 2022 qu'avant le covid. Mais ces variations se situent à la marge, et sont de volume à peu près identique : une perte de ± 12.500 personnes pour la RTBF, et de ± 14.000 pour RTL TVI. Soit des chiffres qui se trouvent bien à l'intérieur de la marge d'erreur de la méthode de mesure de l'audience qui, rappelons-le, est réalisée sur un échantillon de foyer dont les usages télévisuels sont extrapolés à ceux de l'ensemble de la population belge francophone. 
 
Un fifrelin qui aurait tendance à pousser à la conclusion que seule une infime partie de l'audience aurait fui les JT. Voire que leurs audiences peuvent être estimées stables. D'autant qu'il ne faut pas aussi perdre de vue celles et ceux qui regardent chaque jour le 20H de TF1, et qui sont très fréquemment plus de 100.000.


Alors, où sont donc passés les anti-JT ? (3) Ne sont-ils pas passés des paroles aux actes ? Étaient-ils en fin de compte si peu nombreux qu'ils sont passés entre les mailles de l'audimètre ? Ou n'en ont-ils en fait jamais été spectateurs ? C'est sans doute ici que se révèle une des limites des méthodes de mesure quantitatives.

Frédéric ANTOINE
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[1] Notamment l'enquête sur les usages des médias en temps de covid que nous avions lancée au printemps 2021.
(2),Pour que la comparaison soit correcte, celle-ci a été opérée sur la même période de l'année (les mois de septembre et les 24 premiers jours d'octobre), en organisant les données selon les mêmes jours de la semaine.
(3) Dans l'enquête que nous avions menée au printemps 2021, la proportion de répondants déclarant qu'ils allaient changer leurs habitudes de consommation de l'info s'était avérée faible, mais bien présente.


23 janvier 2022

"Face au Juge" (RTL-TVI): Pourquoi ça marche?


En janvier-février, les dimanches soirs en début de soirée, Face au Juge cartonne toujours sur RTL-TVI. Cela sera sans doute encore le cas cette année. Mais pourquoi donc cette émission-là dépasse-t-elle en audience toutes les autres? Quelle est sa recette? Et cela est-il prêt à durer?

 

526.645‏ téléspectateurs. Tel est le résultat d'audience (J+1) du premier Face au Juge de cette saison. Un résultat en dessous des scores réalisés l'an dernier, année Covid, mais aussi en 2019 (le programme avait alors débuté fin février). Le docu-réalité judiciaire de RTL-TVI a donc perdu des plumes à l'occasion de son premier numéro. Peut-être fera-t-il mieux par la suite (comme en 2019), mais ce résultat en baisse peut aussi être un indicateur de l'usure de la formule, ce qui serait assez normal vu le nombre d'années que ce programme existe.

 

EN TÊTE DE COURSE

Toutefois, même si son auditoire est en baisse, l'émission était toujours le 16 janvier dernier en tête des audiences, juste derrière le RTL Infos de 19h. L'an dernier, Face au Juge avait 4 fois occupé la première place des audiences journalières en Belgique francophone, et 2 fois la deuxième place. Un véritable record puisque, à part lors d'événements sportifs en direct, les Jt sont quasiment toujours en tête de ce type de classement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour Face au Juge, ce résultat n'est pas neuf, comme s'il était inhérent au programme. Est-ce une question de format, de casting ou de programmation?

EFFET DE GRILLE

Sans mettre en cause les qualités de la réalisation, on doit constater que ses bons résultats sont d'abord justifiés par son positionnement dans la grille de RTL-TVI. La plage de début de soirée qui suit le Jt de la chaîne privée capte toujours beaucoup d'audience, par effet d'entraînement d'après-Jt, et en raison de la longueur du JT qui empêche, en lecture linéaire, d'enchaîner 'normalement' sur un autre programme, par exemple le 19h30 de La Une, après les infos sur RTL. 

De plus, traditionnellement, le dimanche soir s'avère être un des moments de la semaine où la télévision réunit le plus grand nombre de téléspectateurs. Face au Juge bénéficie de cette circonstance, de sa place après le RTL Info 19h, mais aussi de la présence, après le magazine, d'un programme de soirée particulièrement porteur. Début 2021, c'est en primetime du dimanche que la chaîne a diffusé Mariés au premier regard (suivi en 2e volet, de Mon admirateur secret).

Le même phénomène a touché, en 2021, l'autre série de docu-réalité En route avec la police locale, elle aussi diffusée en début d'année le dimanche à la suite des infos. Elle a, à chaque fois, figuré dans le top des audiences de la chaîne (Jt exclus).

PROXIMITÉ MAXIMALE

Le concept de l'émission contribue évidemment aussi à son succès. Appliquant à la lettre le vieux slogan RTL C'est vous, l'émission repose sur un effet miroir porté presque à son paroxysme. On sait, depuis les travaux de la sociologue Dominique Mehl, qu'une des recettes appliquées par la télévision post-moderne est d'avoir abandonné "la fenêtre" pour "le miroir" (1). Face au Juge reproduit la formule à merveille, et  de manière plus complète que d'autres émissions qui paraissent encore mieux correspondre à ce créneau (2). Elle fait rentrer le téléspectateur-type de la station au cœur du programme comme s'il en était l'acteur. Les contrevenants suivis dans l'émission pourraient être chacun d'entre eux. Ils sont issus des zones géographiques où l'on peut estimer que la chaîne compte le plus de téléspectateurs. Et les affaires montrées, justice de paix, tribunal tribunal correctionnel ou de police, constituent les niveaux de justice que n'importe quel citoyen peut rencontrer. Et ce principe est peut-être encore davantage applicable à l'audience de RTL-TVI, qui ne présente pas tout à fait le même profil sociodémographique que celui de Arte ou de La Trois, par exemple. Violences familiales, conflits de voisinage et entre propriétaires et locataires, rébellion vis-des forces de l'ordre, infractions au code de la route passant devant la Cour… dans Face au Juge, on y est. "Ça pourrait être moi." "Mais alors, comment on fait?" Chaque contrevenant devient une sorte d'exemple pour le spectateur, c'est-à-dire une espèce de héros particulier. Mais chaque juge suivi n'est pas en reste. Le tout donne en quelque sorte à l'audience un mode d'emploi de la Justice, avec un côté bon enfant.

DES ACTEURS REMARQUABLES

Le dernier composant de la recette Face au Juge, mais le premier en ordre d'importance, sont en effet les juges qui gèrent les dossiers. Sans eux, pas de programme, parce que pas de spectacle Ils ne font qu'appliquer la loi? Pas vraiment. Comme ils sont là pour juger, ils apprécient chaque situation, chaque contexte, et nuancent leurs jugements en fonction de nombreux critères qui empêchent le couperet de la Justice de tomber d'un coup ou de trop assommer le justiciable. Ce sont les juges qui sont bon enfant, et en ce sens qui brisent les représentations stéréotypées qu'a le public d'un Palais de Justice terrifiant, ou de juges intraitables et inaccessibles. En guise d'opération de relations publiques pour le monde judiciaire, cette diffusion annuelle en plusieurs épisodes vaut plus, et a davantage d'impact, que n'importe quelle campagne de communication coûteuse, confiée à de subtiles offices privées.

Ces juges sont des acteurs. Pour la plupart, ils se sont bâti un personnage que la vedettisation télévisuelle n'a fait que renforcer, voire exacerber. Parfois jusqu'à la caricature. Le plus remarquable de ces acteurs est évidemment celui du Tribunal de Première instance de Bruxelles, qui est devenu un véritable personnage médiatique. La série va en tout cas devoir s'en séparer, puisqu'il a quitté ses fonctions fin janvier 2021…

REALITÉ-TELÉ?

Tout ceci porte évidemment à s'interroger sur le statut de l'émission. Est-ce du reality-show, du docu-réalité, du docu-drama (docu-fiction) ou… du journalisme? La présence ponctuelles de courtes interviews des juges pourrait tendre à cette dernière option, de même que l'étrange affirmation faite dans l'intro de chaque émission ("C'est toujours un plaisir de vous dévoiler les coulisses de la Justice)". Mais celles-ci ne sont-elles pas un peu des prétextes, le poids des images captées constituant, en définitive, l'essence de l'émission? Ici, c'est la réalité que l'on veut montrer. Une fois les personnages (tant juges que prévenus) bien choisis, il suffit de laisser tourner les caméras, puis d'agir au montage pour construire le récit en séquences alternées, avec une voix-off journalistique peu présente, qui se contente en général raccourcit les péripéties inutiles ou résume les situations. 

Comme toujours en télé, la réalité montrée est ici une certaine réalité. Et comme souvent dans ce type de programme, une réalité traitée avec peu de distance… même si on ne jurerait pas de la même manière des séquences de Strip-tease ou des films de feu Manu Bonmariage, par exemple.

Quoiqu'il en soit, Face au Juge est le fruit d'une bonne recette de télé populaire. Mais qui dépend de la qualité des acteurs, de leur permanence, et de la diversité des vécus montrés. Ce que le public commence peut-être à moins ressentir…

Frédéric ANTOINE.

(1) MEHL Dominique, La fenêtre et le miroir, Paris, Payot, 1992.

(2) On pense ici à Vu à la Télé, version belge du programme britannique Gogglebox, lui aussi diffusé le dimanche en début de soirée sur RTL-TVI, qui ne réussit pas à atteindre les audiences de Face au Juge alors qu'il est l'application pure de principe de la télé-miroir puisqu'il prétend montrer au téléspectateur ce qui se passe dans les foyers le soir lorsque la famille ou les couples sont devant le petit écran.




18 janvier 2022

Europe 1: autopsie d'un début d'agonie

Les auditeurs continuent à fuir la radio 'périphérique' française Europe 1. Sa reprise par Bolloré n'a rien amélioré. Que du contraire. À l'heure de la complémentarité des médias, la station est-elle vouée à disparaître, en se transformant en version audio de CNews ? La radio en ersatz de la télé, ça peut-il faire une bonne recette ?

Il est loin le temps où Europe 1 (ex-Europe n°1) caracolait en tête des audiences aux côtés de RTL et de France Inter Paris. Dans le dernier relevé de Médiamétrie (qui se base sur du déclaratif d'écoute "veille"), la radio dont l'émetteur historique se trouvait en Sarre se retrouve loin derrière les autres grands réseaux "généralistes", publics ou privés.

Il y a une vingtaine d'années, il en était tout autrement. Les parts d'audience d'Europe 1 et de France Inter, derrière RTL, étaient à peu près équivalentes. De nombreux commentaires ont dès lors considéré que la dégringolade prodigieuse d'Europe 1 était continue depuis dix ans. En fait, il n'en est rien.
Selon les données de Médiamétrie (période de comparaison novembre-décembre), Europe 1 a perdu ses premières parts d'audience (PDA) au tournant des années 2000. Mais, ensuite, la station (en bleu clair gras sur le graphique) s'est constamment située entre 7,5 et 9% de PDA. À peu de choses près, on pourrait parler d'une courbe d'audience plane. Jusqu'à fin 2015. À partir de 2016, la courbe plonge, connaît un léger rebond en 2019 et continue ensuite sa chute. Mais, en PDA, celle-ci est peu prononcée entre 2020 et 2021.
 
COLAPSADA
 
Si l'on tient compte de l'audience cumulée, c'est-à-dire de tous les auditeurs qui ont eu un contact avec la station, la forme de la courbe diffère quelque peu. La dégringolade depuis 2016 paraît alors encore plus manifeste en % d'audience cumulée, la perte d'auditeurs en fin 2020 et fin 2021 étant très marquée. Sa traduction en chiffres absolus d'auditoire est plus parlante encore.
Entre 2015 et 2021, la station créée par Maurice Siegel a perdu 2.551.189 auditeurs, soit plus de la moitié de ceux qu'elle possédait avant cette colapsada. Et aussi depuis le début de ce siècle, environ. Au sein de cet effondrement, la reprise en main par Bolloré depuis l'été 2021 ne constitue, en définitive, qu'une péripétie de plus dans un processus à l'œuvre depuis 2016. 
 
L'automne de cette année-là est celui du grand basculement de la programmation de la station, en dehors de sa matinale et de ses programmes de soirée. C'est alors que l'on introduit les récits de Christophe Hondelatte à 10h30 du matin, alors que ce type de programme était jusque là réservé à l'après-midi. C'est alors que Anne Roumanoff débarque à midi, moment où débutait précédemment la tranche d'infos de la mi-journée, et qu'apparaît dans cette tranche une émission intitulée "La famille Europe 1". 
C'est alors que Nikos Aliagas se voit attribuer tout le créneau de l' afternoon drive (et même le pré-afternoon) avec un talk de vedettes remplaçant à la fois une émission plutôt intimiste et féministe et le talk-show qu'animait Cyril Hanouna.  

Des bouleversements tellement à l'opposé des usages des auditeurs que toute cette grille sera revue en janvier 2017 (c'est-à-dire après la période de mesure d'audience analysée ici). Mais le mal était fait. Si les adaptations apportées permettront de stabiliser les pertes, elles ne donneront pas l'occasion de remonter la pente. 
 
C'est aussi à l'automne 2020 ques formats que revêtent la programmation ont, eux aussi, changé. Lorsque, par souci d'économie, la station va multiplier en daytime les émissions de deux heures, jusque là fort peu nombreuses. Difficile de tenir 120 minutes avec un même contenu, et de garder l'audience en haleine pendant un laps de temps si long. Ce n'est pas sans raison que les formats courants des radios de rendez-vous (hors plages musicales) sont d'ordinaire plutôt d'une heure, voire au maximum de 90 minutes (1).
 
 ÊTRE DANS SES CHARENTAISES
 
Le deuxième coup de grâce de l'audience lieu lors de la saison 2019-2020, année du covid qui a eu un impact sur la consommation de la radio sur le chemin du travail (morning drive et afternoon drive). Il ne peut pas directement s'expliquer par la survenance des modifications lourdes dans les contenus de programmation. Celles-ci auront plutôt lieu à l'automne 2021, sur le ton d'un rapprochement imposé avec CNews. 
 
 Précédemment, c'étaient plutôt des paris osés sur la grille et le recours à des 'animateurs'-vedettes, ainsi des questions d'économie qui avaient piloté les changements de programme. Ainsi que le départ de certaines vedettes aspirateurs d'audience comme Laurent Ruquier, remplacé un temps par Cyril Hanouna avant que cette tranche d'avant soirée ne soit totalement modifiée plusieurs fois.

L'auditoire d'une radio est caractérisé par sa fidélité. Sur une radio de contenus (aussi appelée "de rendez-vous"), l'auditeur, en linéaire, se branche pour écouter des programmes précis. L'audience cumulée est atteinte par l'addition de publics successifs qui se rendent tour à tour sur une station afin d'y suivre leur(s) émission(s) favorite(s). Contrairement à la radio de flux, l'auditeur des radios dites 'généralistes' est fidèle à une émission, à un animateur, et non à un format ou à un type de musique. Modifier l'offre de programme ne peut que le perturber. Les glissements de programmes d'une case à l'autre de la grille le dérangent tout autant. S'il ne sent plus dans ses Charentaises, il y a toujours des risques qu'il choisisse de retrouver ailleurs les contenus que la radio qu'il écoutait ne propose plus.
 
VASES COMMUNICANTS ? 
 
Nous ne disposons pas de toutes les données précises de Médiamétrie. En analysant seulement celles en notre possession, d'intéressantes observations peuvent être réalisées à partir des tableaux ci-dessus. En ne s'intéressant plus aux courbes d'Europe 1 seule, mais à leurs interrelations avec celles des autres radios. Sur la période 2007-2021, à l'instar de RTL qui est le meilleur exemple, certaines stations peuvent être considérées comme relativement stables, tant en PDA qu'en audience cumulée. Hormis Europe 1, un seul des grands réseaux pris en compte ici connaît sur cette période une perte d'audience, mais après en avoir gagné : NRJ (2). D'autres radios affichent une des courbes en hausse. Et, particulièrement, France Inter. En parts d'audience, la radio publique est assez stable jusqu'en 2014, puis croît de manière importante. La tendance est encore plus marquée en nombre d'auditeurs.
De 2007 à 2015, le total d'auditeurs d'Europe 1 et de France Inter est relativement proche. La radio publique supplante certes la station privée, mais de quelques centaines de milliers de personnes "seulement", pourrait-on dire. Après 2015, tout change: Europe 1 plonge, France Inter décolle. La perte de l'une paraît même, à première vue, être identique au gain de l'autre. Ce n'est pas tout à fait le cas : davantage d'auditeurs d'Europe 1 la quittent que France Inter n'en accueille de nouveaux. 

La comparaison de l'auditoire des deux stations par rapport à leur nombre d'auditeurs de 2015 confirme qu'Europe 1 perd, depuis lors, davantage d'auditeurs que la radio publique n'en gagne. Mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait s'être passé depuis cette année pivot un phénomène de vases communicants, une partie du public d'Europe 1 la délaissant au profit de France Inter. Et non de RTL. Sans doute existe-t-il des données plus précises que celles à notre disposition pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais celle-ci nous semble plausible. Plutôt urbain et proche des CSP+, l'auditeur d'Europe 1 recherche du contenu, et notamment de type 'enrichissement des connaissances'. France Inter et Europe 1 ont depuis de nombreuses années essayé de viser ce type d'audience, l'une plutôt par le haut, l'autre davantage dans une approche plus légère, allant à certains moments jusqu'à de l'infotainment (ce qui n'a pas nécessairement aidé la station).
 
Il est aussi clair qu'une partie de cet auditoire fuyant constitue aujourd'hui un des bataillons de l'audience des podcasts de Europe 1, qui sont parmi les plus écoutés de France et qui n'imposent plus à l'écouteur de se soumettre aux diktats horaires d'une grille de programmation. Mais nous n'avons pas les moyens de mesurer les flux entre l'un et l'autre.
 
LE FACTEUR "HÉRITAGE"
 
La radio publique a-t-elle siphonné le public d'Europe 1 au fur et à mesure de ses errements programmatiques, puis des appréhensions liées à la main mise du groupe Bolloré sur le média ? Si tel est le cas, le reste du public d'Europe 1 acceptera-t-il encore davantage de rapprochements entre sa radio et CNews, au risque que celle-ci ne devienne plus que "le son de la télévision"? 
On n'en est pas là. 
Ce sont ses journalistes et ses animateurs qui continuent à produire l'ADN de cette radio, et à essayer de maintenir la marque à flot. Europe 1 bénéficie d'un "facteur héritage" important. Si important sans doute que son auditoire est plutôt revêche aux changements, surtout s'ils sont motivés par des raisons économiques et financières. 
 
Force est toutefois de constater que la France pénètre (enfin?) dans le modèle des "groupes audiovisuels" tel qu'il fonctionne quasiment partout dans le monde, c'est-à-dire possédant à la fois des radios et des télévisions. Longtemps, en France, la propriété de ces deux types de médias a été distincte. Même l'audiovisuel public n'a pas, jusqu'à présent, uni ses branches radiophoniques et télévisuelles. Le rachat de RTL France par M6 a sonné le début de cette nouvelle ère. Les rapprochements entre Europe 1 et CNews en constituent une autre étape. Mais différente. Il existe une grande homologie entre M6 et RTL, que se soit sur la conception du rôle des médias, leurs projets, leurs contenus, leurs programmations et leurs publics. On peut aisément switcher de l'un à l'autre, comme le fait Julien Courbet tous les matins. 
Europe 1 est une radio généraliste et CNews une chaîne thématique d'infos. La configuration est différente. Et sans doute aussi les publics, particulièrement depuis que cette chaîne de news a pris un tournant plus politique. Autant le mariage un peu forcé entre RTL et M6 peut-il se terminer par la paix des ménages, autant celui d'Europe 1 et CNews risque de mener à une union contre nature. Mais quand on s'en apercevra, il sera sans doute trop tard : d'espèce en voie de disparition, les auditeurs d'Europe seront tout simplement passés aux abonnés absents. Et seront devenus d'habiles consommateurs de podcasts non-native. Pour toujours ?

Frédéric ANTOINE.

Traitement des données programmatiques:  à partir de la source http://radioscope.fr/grilles/europe1/europe12016.htm
 
(1) Tournant peu heureux abordé par Europe 1 pour certains de ses programmes dès sa funeste réforme de 2016 qui dérouta l'auditeur. 

(2) NRJ figure dans notre analyse parce qu'il est le premier réseau musical important.
 
Lire aussi (pour les abonnés) cet article auquel ont aussi contribué des amis et collègues du GRER, le Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Radio : https://www.challenges.fr/media/radio-le-virage-editorial-de-bollore-a-europe-1-nenraye-pas-la-chute-des-audiences_796648

 




04 janvier 2022

Noël, Nouvel An: les audiences tv n'étaient pas de la fête


Bêtisier sur bêtisier : depuis quelques années, il n'y a que cela qui marche, les soirs de réveillon et les jours de fête, à la télé. 
Cette fois, cela n'a en général pas trop emballé le téléspectateur, qui devient plus rare est sans doute allé voir ailleurs. 
Mais ils sont nombreux, ceux qui sont toujours friands des rites de la programmation de fêtes.

 

Les chaînes font rarement des records d'audience les jours de fête de fin d'année. Cette fois-ci, les programmes qui ont rassemblé plus de 300.000 téléspectateurs n'étaient pas légion… et pas plus originaux que d'habitude. Comme tous les jours de l'année, ce sont les JT qui se sont offert la meilleure part de la bûche, et celle de RTL a, ainsi qu'à l'ordinaire, été plus appréciée que celle du service public. Et ce y compris lors du service du midi, le 31 décembre.

Mais il y a eu aussi quelques émissions de l'ex-émetteur luxembourgeois qui ont donné l'eau à la bouche aux téléspectateurs: les bêtisiers de Noël et du Nouvel An, bien sûr, et d'autres programmes du 31 décembre. Ce jour de la Saint-Sylvestre, l'audience n'a pas boudé son plaisir sur RTL TVI : outre les JT de midi et du soir, elle y fut aussi en nombre pour l'édition du 71 (on aime les quizz les veilles de fêtes), et pour le programme de pré-prime time Drôles de Belges. 

INFIDÈLES AU POSTE

Bon, des audiences de 300.000 personnes, c'est tout de même pas la gloire. Mais cette année on a un peu dû s'en contenter, car le spectateur n'a pas tellement été très fidèle au(x) poste(s). Ce n'était pas le cas par le passé. Si l'on considère les audiences > 500.000 spectateurs (et non 300.000) lors des soirées de réveillon et des jours de fête entre 2018 et aujourd'hui, on ne comptabilise que 3 programmes diffusés en 2021, contre 5 en 2018, aucun en 2019 et 7 en 2020. Cette année-là fut exceptionnelle puisque frappée par le covid. Les restrictions qui y étaient imposées s'apparentaient à un réel confinement. Et donc à une surconsommation de la mère nourricière "télévision".

En 2021 (barres rouges dans le graphique), seuls trois JT de RTL se placent dans ce classement des programmes ayant réuni plus d'un demi-million d'amateurs. L'an dernier (barres bleues dans le graphique), les bêtisiers de la chaîne privée avaient aussi bien nourri les repas des soirs de fête, ainsi qu'un JT de la RTBF. En 2018 (barres jaunes dans le graphique) aussi, les bêtisiers étaient de la fête, les JT étant moins nombreux à drainer les foules. Lors de la fin d'année 2019 (barres vertes dans le graphique s'il y en avait eu), aucun programme n'a atteint les 500.000 spectateurs lors des réveillons ou des jours de fête (1). Ce délaissement de la télé préparait-il inconsciemment à des moments de disette de réjouissances, alors que l'on commençait à appendre qu'un virus inconnu causait quelques morts en Chine?
 
QUE DE BÊTISES !
 
Que ce soit les veilles ou les jours de fête, de 2018 à 2021, les JT ouvrent toujours le bal des plus fortes audiences (pour les personnes intéressées, voir les graphiques I. ci-dessous). Ils sont suivis par les bêtisiers, qui fleurissent sur toutes les chaînes, sauf la veille de Noël (2). À la Noël, les bêtisiers sont toujours de la fête, sauf le 25/12/2018, où un film de De Funès se classait parmi les plus fortes audiences. La veille de l'An, les bêtisiers envahissent aussi les écrans. Le jour de l'An, ils sont encore au rendez-vous, mais des films humoristiques (Les Bronzés) figurent aussi parmi les programmes les plus regardés (2 films en rafale, le 01/01/2020).
 
Quelles sont les raisons du succès de ces programmes de "bêtises", de "manque d'intelligence, de jugement" (3), basés sur la contre-banalité, l'extra-ordinarité, que celles-ci se déroulent dans la vie quotidienne des humains ou des bêtes, ou dans le cadre de la production de contenus audiovisuels? Dans chaque cas, ces "sottises, idioties, imbécillités, stupidités"(4) portent à sourire, même si c'est (et c'est souvent le cas) du malheur ou de la mauvaise fortune d'autrui. La proximité avec l'univers du spectateur, le côté touchant, la part humoristique (on s'amure lors des réveillons et des soirs de fête) expliquent sans doute le succès de ces programmes. Le fait qu'ils soient composés de courtes séquences, semblables à celles que l'on trouve en ligne [d'où elles sont souvent pompées] joue aussi certainement un rôle dans leur attrait, car ils s'inscrivent dans les mécaniques de brièveté et de renouvellement permanent qui caractérisent les usages audiovisuels contemporains.

LA RECETTE DU BINÔME 

La programmation de prime time, elle, est plus diversifiée que ce que laissent supposer les audiences de masse (pour les personnes intéressées, voir les graphiques II. ci-dessous). La veille de Noël, les chaînes proposent souvent des films familiaux, et pas nécessairement des rediffusions de classiques du cinéma humoristique français. Ces productions recueillent toutefois souvent une audience faible, avoisinant les 150.000 spectateurs (5). 
 
Le même type de programmation se retrouve le soir de Noël, accompagné de quelques tentatives de diversification de l'offre, avec des "specials" issues de programmes ordinaires, comme un jeu de type télé-réalité, ou une émission culturelle. Ou des cas de non-prise en compte de la spécificité du jour, avec maintien de la programmation ordinaire, par exemple un épisode d'une série policière. Ces programmes-là aussi recueillent de faibles audiences (± 200.000 téléspectateurs, soit un peu plus que la veille).
 
La programmation se voudra un peu plus diversifiée le soir de la Saint-Sylvestre, où les bêtisiers côtoient des films familiaux, mais aussi des programmes de divertissement et des variétés, voire du théâtre (nous nous limitons ici au prime time et ne prenons pas en compte les deuxièmes rideaux de soirée). À nouveau, ces écarts par rapport à la sacro-sainte offre "bêtisiers ou films" n'attirent pas des hordes de spectateurs.
 
Le soir du jour de l'An est un peu comparable à celui de Noël. Là aussi, le duo "bêtisiers ou films" est complété par des programmes plus variés, allant des documentaires (nature ou animaliers) à des "specials" de jeux et de divertissements, voire à la simple poursuite de l'offre habituelle de la chaîne ce jour-là de la semaine.

UNE INFO PRESQUE NORMALE
 
Si les JT restent les programmes les plus regardés les soirs de veilles et les jours de fête, leurs succès sont au total plus relatifs cette année que par le passé (pour les personnes intéressées, voir les graphiques III. ci-dessous). Les émissions d'info drainaient un grand nombre de spectateurs ces soirs de fin d'année en 2020, à des moments forts de la pandémie. Cette année, celle-ci n'a pas disparu, mais l'intérêt de l'audience s'est émoussé. Les courbes des JT de RTL TVI et de la RTBF adoptent les mêmes tendances de 2018 à nos jours. Pour RTL, les audiences restent plus importantes qu'avant le covid. Pour la RTBF, la situation varie. La veille de Noël, comme RTL, son auditoire est en hausse sensible. Mais il retrouve son niveau d'avant covid les autres soirs. Le 31/12, le résultat de RTL TVI est à l'image de son access prime time et de son prime time. Le jeu précédant le JT booste l'audience de celui-ci, qui booste celle du programme qui suit, etc.

UN MINUIT PAS TRÈS CHRÉTIEN

Il est fini, sur les chaînes premium, le temps des cathédrales à l'heure de minuit. Désormais, si mes opérateurs en diffusent, les messes de minuit sont déléguées sur des chaînes secondaires, où ces programmes ne collent pas toujours avec le profil de l'audience cible de la chaîne. Et comme même le pape ne fête plus Noël à minuit, pourquoi encore se fendre de ce genre d'émission à une heure aussi tardive ? En tout cas, en audience, ce ne sont pas les messes de minuit qui jouent les grandes orgues (5). Les seuls programmes autour de minuit le 24/12 figurant dans le Top 20 du CIM sont soit des films de De Funès diffusés sur RTL TVI, soit des épisodes des aventures du ventriloque humoriste Jeff Panacloc proposés en 2020 et 2021 par TF1, à partir de 24h10…

Le 31 décembre, pas de messe au menu non plus. On communie avec autre chose lorsque s'annoncent les douze coups. Pendant trois ans, TF1 a réalisé en Belgique de très beaux scores d'écoute avec le programme de variétés précédant le passage à l'an neuf, proposé par son animateur vedette de télé-crochets. Cette année, l'émission a disparu au profit d'une soirée tout bêtisier (un premier de 220 minutes, suivi d'un second de 140 minutes). Le premier était donc toujours en cours lors du passage à 2022. Le "véritable" programme d'avant minuit, débutant vers 23h40, on le trouve sur RTL TVI depuis des années. Il est en général suivi par environ 100.000 spectateurs (un peu plus en 2020). Le programme de même type proposé par La Une ne figure pas dans le Top 20 du CIM. Cela signifie que, en 2021, il a rassemblé moins de 91.000 personnes (score réalisé sur RTL après minuit avec un film). Pas étonnant sans doute, puisque la RTBF ne faisait que rediffuser un divertissement basé sur ses animateurs qu'elle avait déjà diffusé… le 28 décembre 2020.
 
 
LA MUSIQUE QU'ON AIME
 
Côté musique, Le coup de baguette de La Une, c'est le très traditionnel concert du Nouvel An de Vienne, proposé en Eurovision à partir de midi chaque 1er janvier depuis… 1959. L'événement recueille toujours son petit succès. Ces dernières années, il a réuni entre 230.000 et 200.000 fidèles amateurs de valses, avec des résultats aussi élevés le 01/01/2019 que le 01/01/2021, en pleine pandémie. Le concert a encore attiré une audience appréciable cette année. La ritualité de ce spectacle participe sûrement à fidéliser son audience, de même que sa retransmission en direct, qui fait communier le spectateur à un moment unique (ou du moins le croit-il).
 
 
La transmission du concert impacte évidemment l'heure de diffusion du journal télévisé de La Une, qui est amené à prendre l'antenne vers 13h50, soit après la fin du JT de RTL TVI. Le jour de l'An, les deux journaux télévisés ne sont donc pas en concurrence sur le même créneau. Conséquence: celui de la chaîne privée est toujours Premier Violon quand la tv publique est au Musikverein. Ce numéro en solo permet parfois à RTL de compter beaucoup plus de spectateurs que Le 13H de La Une (notamment lors de la pandémie, le 01/01/2021). Cette année, l'écart était moins marqué. Du côté de la RTBF, le volume d'audience de ce JT décalé est remarquablement stable d'année en année. Il est bien sûr composé en grande partie des amateurs de J. Strauss. Mais, en nombre, sans rapport direct avec l'audience totale du concert eurovisé.

SEASON'S GREETINGS


De l'humour, de la légèreté, un brin d'émotion et beaucoup de bons sentiments. La recette de la programmation tv du temps de Noël paraît immuable à travers les décennies. Résultats d'audience aidant, les programmateurs n'ont cessé de renforcer dans leurs grilles la place réservée aux genres de programmes qui plaisent. Pour raisons budgétaires ou choix stratégiques de contre-programmation, certaines chaînes préfèrent jouer d'autres airs, ou de faire comme si de rien n'était. Cela plait aux fidèles de la station, ou à ceux qui sont fatigués de voir les mêmes films éternellement au programme, et de devoir ingérer à longueur de soirées de fêtes les mêmes petites catastrophes ou bourdes de chiens, de chats, d'ados débiles, de maris stupides et de présentateurs de JT trop sûrs d'eux, re-re-rediffusées pour la nième fois +1. 
Comme l'esprit de Noël, toujours pareil au même d'année en année, la tv alors n'innove pas, mais reproduit. Sûre d'avoir toujours "son public" avec elle. Le public de tous ceux qui sont seuls, ainsi que de ceux qui ont choisi de passer ce moment "tranquillement à deux", et pour qui la cérémonialité de la programmation de fin d'année participe de la réussite de leur(s) soirée(s).
Les rituels programmatiques de ces veilles et jours de fête permettent aussi de toucher la fameuse "cible familiale", dont personne ne sait vraiment ce qu'elle recouvre, mais dont on est au moins certain d'une chose : c'est qu'elle réunit autour de la petite lucarne adulte(s) et enfant(s).
La programmation de fin d'année, c'est la carte postale photoshopée que les chaînes adressent à leur audience. La promesse d'un univers télévisuel lisse, heureux, léger. Que les JT s'excusent presque de venir troubler de quelques mauvaises nouvelles, qu'ils s'empressent d'emballer d'images de fêtes, de feux d'artifices, de neige, de pâtisseries et de reportages paradisiaques à l'autre bout de la terre. 
L'irréel même dans le réel. Et dire que ça marche…

Frédéric ANTOINE
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(1) Le JT de RTL TVI du jour de l'An 2020 avait frôlé les 500.000 spectateurs.
(2) De 2018 à nos jours, seul RTL TVI en propose un ce soir-là, en 2018.
(3) Selon les dictionnaires Larousse et Le Robert
(4) https://dictionnaire.lerobert.com/definition/betise
(5) Il faut aussi pointer, en 2020, l'excellente audience hors normes du programme de magie proposé en pré-prime time sur RTL TVI. 
(6) Les messes de minuit ne figurent pas dans les Top 20 des audiences transmis par le CIM. Nous ne savons donc pas quel est leur volume d'audience, ni si celui-ci se maintient au fil des ans et des horaires de diffusion. Ou fond au même rythme que les fidèles des paroisses…
 
 
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GRAPHIQUES

I. LES PLUS FORTES AUDIENCES DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
source data : www.cim.be




II. LES AUDIENCES DE PRIME TIME DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
 




 

III. LES AUDIENCES DES JT DU SOIR, LES VEILLES ET JOURS DE FÊTE







 


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