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03 août 2020

VOO: pour Orange ou pour Telenet? Plus qu'une question d'argent, un choix politique et philosophique


Ce 29 juin, le tribunal de l'entreprise de Liège suspendait la vente de 51% de VOO à la multinationale US Providence Equity, Dans la foulée, dans son dernier numéro, Trends-Tendances consacre un intéressant article au nouvel avenir qui peut désormais s'offrir à VOO (1). Mais, si l'entreprise de télécoms passait à Orange ou à Telenet, tout serait loin d'être pareil.
Le choix que devra faire Nethys sera donc aussi philosophique et politique.

Ce n'est pas encore fait. Mais il est acquis que la procédure de cession de VOO par Nethys va être reprise à zéro, et que l'appel d'offre sera, cette fois, transparent. Selon Renaud Witmeur, directeur général ad interim du C.A. de Nethys, il n'est pas acquis non plus que la solution précédente, consistant à ne pas céder la totalité du capital de VOO, sera maintenue. Mais le futur de l'opérateur n'est clairement plus dans le giron de l'entreprise liégeoise et de son intercommunale faîtière. La décision du tribunal de l'entreprise reposant sur une plainte déposée par Orange, rejointe ensuite par Telenet, il est clair que les deux acteurs télécoms seront cette fois sur les rangs des candidats au rachat.

EXTENSIONS STRATÉGIQUES


L'un et l'autre sont déjà présents sur le marché belge, mais dans des proportions différentes. Si Orange y propose une offre Tv+Internet+Mobile, son implantation dans le pays est d'abord liée à son rachat d'un réseau de téléphonie, et moins à son insertion dans l'univers de la télévision. Reprendre VOO changerait évidemment tout, et permettrait à l'acteur français de décliner en Belgique les mêmes types d'offres que celles qu'il propose en France.
Telenet, pour sa part, est déjà l'ogre du marché des telecoms en Flandre, et en partie à Bruxelles. Davantage qu'Orange, qui est essentiellement un fournisseur d'accès et de "tuyaux" de communication, Telenet a déjà un pied bien implanté dans l'autre pendant du marché, celui des contenus. Non seulement, comme VOO avec BeTv, il y contrôle le secteur historique de la pay-tv. Mais il s'est de longue date lancé dans la conquête de la télévision commerciale et est aujourd'hui, avec Vier, Vijf et Zes, le principal concurrent de la télévision publique VRT et des chaînes privées possédées par DPG, avec qui il a conclu en février 2020 un accord afin de lancer un "Vlaamse Netflix".

En aquérant VOO, Orange ferait lui aussi son entrée dans le cercle des fournisseurs de contenus, même si, à l'heure des plateformes numériques, l'intérêt qu'il y a à détenir un bouquet de pay-tv est sans doute aujourd'hui beaucoup moins intéressant qu'hier. Pour Telenet, racheter VOO permettrait un contrôle de tout le marché belge de la télédistribution, et de mener une concurrence frontale et unique à Proximus Pickx, ainsi que, de manière générale, à l'offre quadruple play de Proximus.

Telenet part à conquête du reste du marché belge. Orange part pour sa part à la conquête d'une partie de la Belgique. Avec, peut-être, le rêve d'un jour aussi absorber la partie flamande (mais ça, ce n'est pas gagné).

POLITIQUE ET PHILOSOPHIE

Au-delà de ces projets stratégiques, une autre différence sépare les deux potentiels candidats à la reprise de VOO: la nature de l'entreprise et son projet. Certes, les deux acteurs sont des opérateurs privés, fonctionnant selon les lois du marché, dans le cadre d'une économie libérale. Mais ils n'ont pas le même profil.


Telenet est aujourd'hui contrôlé par l'entreprise américaine Liberty Global. A très faible dose, celle-ci était déjà dans le capital du câblo-opérateur flamand depuis des années. Il y est monté en puissance en 2005 et en a acquis la majorité en 2007. A l'heure actuelle, Telenet est piloté par la société américaine, un des leaders mondiaux dans la gestion des réseaux de câblodistribution. Avec ses 58%, Liberty Global ne se contente pas de contrôler, mais aussi de diriger l'opérateur flamand. Autour de ce pilier fort, de petites parts de capital sont possédées par de nombreux fonds d'investissements non-belges, surtout américains et britanniques. Certains de ces fonds sont par ailleurs aussi propriétaires d'une partie du capital de Liberty Global, qui est contrôlée par des fonds d'investissements et des mutual funds. Quelques hedge funds possèdent aussi une très petite part de la société télécoms US. Les dix fonds d'investissements et les 10% des fonds mutuels les plus présents dans le capital de la société en possèdent ensemble plus de 75%. Celui qui détient la part la plus importante, Harris  Associates, gère ses placements via diverses sociétés dont notamment Oakmark, également actionnaire de Liberty Global.

Telenet est clairement dépendante d'une entreprise multinationale américaine, fonctionnant selon les logiques propres à ce marché. Céder VOO à Telenet revient à conforter cette domination mondiale des sociétés US qui dictent leurs lois au marché.

UN VIEUX RELENT PUBLIC


Orange n'appartient pas du tout à la même galaxie. La société Orange Belgique est contrôlée à près de 53% par la société mère éponyme, située en France. De nombreux fonds de placements étrangers sont aussi propriétaires d'une petite partie du capital de la société, dont des acteurs britanniques et américains. On retrouve parmi eux certaines sociétés qui sont aussi propriétaires d'une partie de Telenet: le Vanguard Group américain, ou la société de placements des fonds de la Banque de Norvège gérant les activités pétrolières de ce pays.
Orange Belgique est aussi, pour moins de 1%, entre des mains belges, celles de Degroof Petercam Asset Management.

En France, Orange est aux telecoms quelque chose de très proche de ce qu'est Proximus en Belgique. Bien avant Proximus, il y a avait la RTT, la Régie d'Etat des Télégraphes et des Téléphones. Outre-Quiévrain, avant Orange, il y avait les PTT.  Dans les deux cas, des monopoles d'Etat chargés de gérer des systèmes de communication. A l'heure actuelle, l'Etat belge possède toujours 53% de Proximus. L'Etat français contrôle lui, directement et via sa banque publique d'investissement, près de 23% du capital de Orange. L'essentiel du reste est en bourse (freefloat), mais entre les mains d'acteurs institutionnels.

Choisir Orange, ce n'est pas retourner à l'ère du monopole public. On se souvient d'ailleurs d'une époque où France Telecom avait été montrée du doigt pour les cas de suicides dans son personnel, mis sous pression pour des raisons de rentabilité. Tout n'y est donc pas rose et désintéressé. Mais l'acteur public n'y est pas totalement absent. De plus, la société est, à l'origine, issue du même bassin linguistique et culturel que le sud de la Belgique. Enfin, Orange est une entreprise implantée en Europe, et c'est de là qu'est organisée sa gestion. Et non à Wall Street.

Au-delà de considérations financières reposant sur le montant du chèque que chaque repreneur mettra sur la table, des enjeux plus larges devraient donc ici être pris en compte. Surtout lorsqu'on se souvient que, derrière Nethys, il y a toujours une intercommunale, Enodia. Et qu'après la pose du câble électrique, son ancêtre l'ALE avait entrepris, dans le cadre de sa mission de service à la société, de placer le câble de télédistribution sur toutes les façades de la province de Liège…

Frédéric ANTOINE.



(1) https://trends.levif.be/economie/magazine/quel-avenir-pour-voo/article-normal-1314847.html

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