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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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22 mars 2021

LE SPECTATEUR, PIGEON DE «ON N'EST PAS DES PIGEONS»?

Mercredi 17 mars,  On n'est pas des pigeons (ONPP), diffusé en direct et en prime-time sur La Une pour les dix ans du programme, n'était-il pas… une arnaque?

Ce soir-là, ONPP revendiquait clairement le fait d'être présenté et diffusé en direct. Pour le confirmer, dès le début de l'émission, le logo de La Une, dans le coin supérieur droit de l'image, était accompagné de la mention "Direct". Le présentateur-animateur rappellera d'ailleurs à de nombreuses reprises pendant l'émission qu'on est en direct, et que des événements vont se produire en temps réel sur le plateau. Ce que confirme une horloge électronique, située côté cuisine, et qui donne toujours l'heure exacte.

Un lancement attendu

Clou annoncé de cette émission anniversaire : un lâcher comparatif de valises depuis le haut de la tour Reyers, afin de déterminer si c'est bien la Samsonite qui, comme l'affirme sa pub, résiste le mieux aux chocs. Ce moment-show immanquable est annoncé dès  le début de l'émission, la tour Reyers figurant dans le split-screen montrant les différents lieux du tournage en direct (fig. 1). Quelques secondes plus tard, le lieu de l'expérience et les valises concernées seront filmés en gros plan tandis que le présentateur annoncera ce super-test (fig 2). 

Fig. 2

Fig. 1


Comme il se doit dans toute bonne production audiovisuelle, ce must de la soirée est diffusé à la fin du programme, ce qui devrait inciter le spectateur à ne pas zapper en cours de route. On ne manquera donc pas de lui rappeler de ne pas rater cette séquence. A la 33e minute, l'événement fera l'objet d'une présentation en direct, avec images de la tour Reyers filmée par un drone. A la 36e minute, on se retrouvera au sommet de la tour en compagnie de l'ancien présentateur de l'émission, chaudement habillé (c'est lui qui sera chargé de balancer dans le vide les valises à tester) (fig. 3). Quand on le présentera à l'antenne, il  fera même un petit signe "coucou" à la caméra.

Fig. 3


 

Une relance avec des images de la tour aura encore lieu 1h06 après le début de l'émission. Alors qu'un de ses collègues teste un plat concocté en direct, l'animateur de l'émission s'adressera au téléspectateur en ces mots: "Pendant que vous goûtez, regardez ce qui est en préparation en ce moment au sommet de la tour RTBF (…)  M. Samsonite, dans un instant, nous allons vous jeter du haut de la tour Reyers." A 1h07, l'image montre à nouveau l'ancien présentateur de l'émission saluer les téléspectateurs depuis le sommet de la tour. Aucun dialogue ne s'établit entre lui et le studio, mais le présentateur lui lance: "Salut Seb, à dans deux secondes, à l'extérieur du bâtiment." A 1h09, l'animateur ré-interpelle M. Samsonite, annonçant qu'on va le jeter de la tour. Ensuite, une voix off fait une annonce avant un écran pub: "Dans un instant, nous allons jeter plusieurs valises dans le vide (…). A tout de suite sur La Une". Le moment du lancer de valise a donc  quasiment fait l'objet d'un compte à rebours.

 Pluie et rhabillage

Après l'écran pub, on se retrouve à l'extérieur, au pied et au sommet de la tour. "Bonsoir ou rebonsoir, dit alors l'animateur. La soirée qui vous fait gagner des sous continue. On a complètement changé de décor, puisqu'on surplombe tout Bruxelles. On est sur la tour Reyers pour défier les grandes marques. Malheureusement je vous avoue, ce soir la vue est un poil bouchée". Et, comme il disait ces mots, voilà que la pluie s'abat de plus belle sur le toit de la tour. Il y pleut plus qu'à verse.

"Tiens? Etrange", ont peut-être alors pensé des téléspectateurs bruxellois en regardant par la fenêtre (si, à cette heure tardive, ils n'avaient pas encore baissé leurs volets). Chez nous, pas de pluie. Il doit y avoir un micro-climat près de ce cette tour." Mais bon, pas de quoi fouetter un chat. Peut-être pas sûr. Les observations relevées par l'IRM à Uccle révèlent en effet qu'il y a bien eu de fortes précipitations sur Bruxelles (8 mm sur un jour alors que la moyenne est de 1,8 mm/jour)… mais le mardi 16 mars. Le mercredi 17, il n'est tombé que 0,5 mm de pluie. Ce jour-là, le ciel s'est-il juste déversé sur la tour Reyers, et pile aux environs de 21h30?

fig. 4
A y regarder de plus près, on remarque aussi que certains des animateurs de l'émission sont de véritables champions olympiques dans la discipline "changement de tenue en un temps record". Alors que la durée de l'écran publicitaire fut extrêmement court (les annonceurs n'aiment visiblement pas ce type d'émission), la petit troupe de ONPP a non seulement réussi à se couvrir de gros manteaux et à se déplacer du studio de l'émission à l'extérieur de la tour (et, pour l'un d'entre eux, à grimper à son sommet!) mais, en plus, certain(e)s ont trouvé le temps de se déshabiller et se rhabiller. La chose est particulièrement patente (fig. 4) pour l'animatrice qui était vêtue d'un pantalon rouge particulièrement voyant lors des séquences en studio. Dehors, elle se retrouve en jeans bleu clair, en ayant aussi réussi à troquer en quelques secondes sa paire de chaussures noires à talons hauts contre des godasses plus sportives. Un autre animateur, chargé précédemment d'accomplir des tests en studio, est lui passé de chaussures brun clair à d'autres, où le noir domine largement. Quant à ce célèbre chroniqueur gastronomique, il a bien conservé la même cravate, mais il paraît avoir remplacé sa chemise blanche du studio contre une bleue (mais peut-être n'est-ce là un effet de lumière?).

Panne de logo

Ces quelques indices laissent un peu songeur. Et ne peuvent empêcher qu'on en vienne à se demander si, réellement, cette séquence de "lancer de valises" a bien été réalisée en direct à la suite de l'émission en studio, ou si elle n'aurait pas, par hasard, été pré-enregistrée. Cette mauvaise pensée quitte évidemment tout de suite les esprits honnêtes, car on ne peut envisager qu'une émission se voulant le Zorro de la consommation, dénonciatrice des arnaques en tous genres et chasseuse de vérité, ait elle-même tronqué celle-ci pour ses téléspectateurs. On ne peut pas y dire tout le temps que "on va se rendre tout de suite" à un "lancer de valises" si celui-ci a été pré-enregistré. Dans pareille émission, qui a sa réputation à tenir, on ne peut pas "faire croire" à du frais quand c'est du mis en boîte.

fig. 5
On est donc prêt à chasser ses vilaines idées quand on fait ce qu'aucun téléspectateur lambda ne fait d'ordinaire: comparer les petits logos d'identification que les chaînes collent désormais en haut de l'écran, pour que l'on sache bien à qui on a affaire. Comme dit plus haut, au cours des 70 minutes du début de l'émission, le logo "La une" est souligné par la mention "Direct". Sur Auvio, cela se voit très clairement. Qu'en est-il après ce fameux écran publicitaire-éclair? Il suffit de regarder sur Auvio. Et là, suprise. L'émission "originale" telle qu'on la voit en ligne se clôture lors de l'écran pub à 1h10 du début. Curieux tout de même. En cherchant un peu, on découvre, toujours sur Auvio, un autre fichier ONPP 17 mars, qui fait lui 16 minutes. C'est la fameuse partie avec la tour, mais qui comprend aussi d'autres séquences. Pas courant quand même qu'Auvio ait découpé ainsi cette émission en deux alors qu'elle ne fait qu'un tout. Enfin soit. Cherchons maintenant le fameux logo… Euh… eh bien il n'y a aucun logo pour cette partie de l'émission (fig. 5). Ni celui de La Une, ni la mention "direct". Tout s'est effacé. Ou n'a jamais existé. Comme TF1 retire le logo "direct" des parties de ses émissions de variétés où les artistes ont été pré-enregistrés, on peut se demander si, subtilement, il en a pas ici été de même. Et que les 16 minutes de ce deuxième fichier ne peuvent donc être considérés comme du direct.

Et si c'était pas vrai?

Si tel est le cas, bravo aux juristes. Jamais on ne pourra accuser l'émission de tromperie sur la marchandise, puisqu'elle n'affiche plus à ce moment la fameuse mention "Direct". Très bien. Sauf que, lors de la première partie de 1h10, les images des préparatifs du lancer étaient, elles, toutes accompagnées du logo "Direct". Pas top. Et puis, tout a été fait pendant la "première" partie pour laisser croire que la "deuxième" partie de l'émission se déroulait elle aussi en direct, et était la suite de ce qui avait été réalisé en studio. Dans les cas qu'étudie si souvent cette émission, les "promesses trompeuses" ne sont-elles pas autant dénoncées que les tromperies elles-mêmes? Faire croire à quelqu'un·e qui ne décortique pas l'image pixel par pixel que le récit montré tient bien d'une seule pièce et se situe dans la même temporalité est médiatiquement pertinent. Mais cela correspond-il à ce que l'on peut attendre d'un programme qui dit de lui qu'ONPP est "un cri du cœur et un cri de consommateur-acteur"? 

Bien sûr, tout ce qui précède n'est que suppositions et hypothèses. Il a peut-être très fort plu pendant quinze minutes sur Reyers ce soir-là. Certains membres de l'équipe ont peut-être réussi à se changer en un temps de record du monde. Et le logo "Direct" (ainsi que celui de La Une) n'ont peut-être pas été insérés pour une cause technique, ou parce qu'ils ne sont  pas "passés" lors du transfert sur Auvio, contrairement à aux mentions de la première partie. Et Auvio a peut-être découpé l'émission en deux parce qu'elle était trop longue, ou parce que le personnel en poste a cru qu'il s'agissait de deux émissions différentes, ou parce que ça faisait bien… Qui sait. On aimerait fortement espérer que ces "peut-être" soient des réalités. Car ONPP est souvent une super émission. Et on ne peut que l'aimer comme pépite du service public. Sauf, par exemple, quand, sous prétexte d'expliquer aux gens comment faire des économies, on leur apprend à arnaquer les petits commerçants du coin en négociant partout pour réduire des prix qui, en Belgique, sont fixes…

Frédéric ANTOINE.

22 janvier 2021

L'IN SITU DANS LES JT: VOYAGE EN ABSURDIE

 
« Nous rejoignons tout de suite notre journaliste sur place… » Ce jeudi, on a encore vécu un beau cas d'inutilité de l'usage de l'in situ dans un journal télévisé. Une maladie, elle aussi, devenue universelle et fort contagieuse. 
Dans ce cas-ci, on espère que l'envoyée spéciale n'en aura pas 'profité' pour attraper un gros refroidissement.

Il pleuvait sans cesse sur le bâtiment Charlemagne, ce soir-là. Et la journaliste était la, souriante, épanouie ravie, ruisselante Sous la pluie… Mais qu'avait-elle à y faire? Ce jeudi, à la vingtième minute de son Jt, la présentatrice annonce qu'il y a un « Sommet européen en cours à ce moment » et que « les dirigeants discutent via vidéo-conférence », notamment à propos des mesures à prendre contre les nouveaux variants de la covid. 

Ce lancement est suivi d'un billet assuré par une journaliste, en direct depuis les environs du rond-point Schuman et de l'extérieur du bâtiment de la Commission européenne. Belle occasion d'être-là au cœur de l'info se déroulant en direct. Non seulement, comme c'est généralement le cas, l'envoyé·e sur place n'est pas alors plus au courant des dernières nouvelles concernant son sujet que l'anchorwoman présente en studio. Mais ici, elle n'a, de plus, aucune raison de se trouver à cet endroit, sans le moindre parapluie, alors que l'averse débute. 

En effet, comme l'avait bien précisé sa collègue, le Sommet se déroule « en vidéo-conférence ». A moins qu'un des chefs d' État ou de gouvernement n'ait poussé le vice jusqu'à se rendre à Bruxelles, dans le bâtiment de la Commission pour s'y installer avec son PC, ou à moins qu'Alexander De Croo ait préféré passer la soirée au Berlaymont plutôt qu'à son bureau du 16 rue de la loi (ou dans le cocon de son domicile privé), il n'y a au moment-même aucun responsable européen aux alentours du rond-point Schuman. La journaliste est en train de se tremper sous la pluie totalement inutilement. Et, à la voir, elle n'en semblait pas particulièrement heureuse.

Si beau à voir

Bien sûr, il eût été plus simple de lui faire présenter son billet dans le studio du Jt, sauf que cela aurait, une fois de plus, imposé pour tous le port du masque, qui cache un peu l'expression des visages et étouffe légèrement le son des voix. Mais, à part cela, c'était la solution idéale. Mais, voyez-vous, ça fait vieille télé tout ça. Pire, on dirait même de la radio! Ce vieux média dépassé où les journalistes spécialisés lisent leurs billets en direct dans le journal parlé, à côté du présentateur (ou, souvent, l'enregistrent à l'avance). Ah, ce n'est pas eux qu'on enverrait se mouiller ou se geler l'une ou l'autre partie du corps pour les beaux yeux de l'image! C'est si beau de voir ces femmes et ces hommes sur le lieu même d'un événement, prêts à le faire vivre en direct live à leurs spectateurs. N'est-ce pas ce qui fait la quintessence de l'info télé, ce que jamais Netflix ne pourra proposer? Sans conteste, une belle mise en décor (ce que signifie en fait l'expression in situ). Toutefois, ces mises en scène en extérieur apportent-elles quelque chose de plus au contenu de l'info? Dans 99% des cas, strictement rien.

 
Ces constructions médiatiques sont juste de l'habillage, de la construction de réel. Et de l'illusion. De la production d'impressions. Celle d'une rédaction et de super-journalistes toujours sur la balle, et bien sûr celle d'être aux premières loges. C'est-à-dire devant un bâtiment où rien ne se passe, sur le trottoir du carrefour le plus proche de l' Élysée où rien ne se passe non plus, ou devant les grilles érigées autour du Capitole où il y a juste deux badauds en train de prendre une photo
 
Juste du exemple

Évoquée en tête de ce texte, cette prestation nocturne et pluvieuse sur un lieu où l'actualité ne se déroulait pas, et la compassion qu'elle inspire, nous ont poussé à écrire ces quelques lignes. Mais elles auraient déjà pu être rédigées mille fois depuis la création de ce blog. Ne serait-ce que pour rendre hommage au courage et à la détermination (ou à l'obéissance?) de ces journalistes qui ne cessent de mettre leurs nerfs, leur santé et leur ouïe en danger pour faire croire à leur audience qu'ils étaient bien au cœur de l'info.

Parfois, cela a tout de fois tout son sens. Comme lorsque à la 33ème minute de ce même Jt, quand la présentatrice a redonné l'antenne à l'envoyée spéciale se trouvant au milieu d'une ruelle sombre, présentée comme le « Palais de justice de Liège ». Là, l'information de l'inculpation d'un homme d'affaires liégeois célèbre venait de tomber en plein journal télévisé. Bravo pour le réflexe. Mais, pour une séquence comme celle-ci, combien d'autres dont on ne peut que discuter de l'utilité (de même, dans certains cas, que le coût). Mais, voyez-vous, c'est cela l'info du XXIe siècle. De l'image, du show, et de la communion en temps réel. Avec CNN, les Américains avaient donné le ton depuis les années 1980. Désormais, toute la planète est à l'unisson. Pour le meilleur. Et souvent pour le pire. Ce ne sont pas les chaînes info qui prouveront le contraire.

Frédéric ANTOINE.

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