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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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16 juillet 2020

Philippot à France Télévision, les souris danseraient-elles boulevard Reyers?



Dans la liste des huit candidats à la présidence de France Télévision qui seront auditionnés par le CSA français, un nom sort du lot: celui de l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot. Que
le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) avait reconduit à son poste il y a cinq mois, pour un quatrième mandat de six ans.
L'homme n'est pas encore dans le fauteuil de Delphine Ernotte, mais son départ n'arrangerait-il pas bien l'actuelle majorité politique de la FWB?

On devrait savoir pour le 24 juillet au plus tard qui succédera à Delphine Ernotte à la tête de France Télévision. Elle-même, ou l'un de ses challengers, parmi lesquels celui qui semble avoir le plus d'étoffe n'est autre que Jean-Paul Philippot. Aucun des autres candidats ne peut en effet faire preuve d'une expérience de management d'un groupe de médias de service public aussi large et longue que celle de l'administrateur général de la RTBF. Son seul défaut à l'égard de ses concurrents hexagonaux est, peut-être, qu'il ne soit pas Français. Chose qui, hormis dans le monde de l'humour, des variétés et du cinéma, reste tout de même une tare pour bon nombre de compatriotes de Descartes et de Mirabeau. Alors que l'inverse est loin d'être vrai, la RTBF n'ayant jamais rechigné, sous Jean-Paul Philippot, à faire appel à des Français pour y occuper des postes à responsabilités. En Belgique, cette stratégie a, à diverses reprises, permis de surpasser des luttes de chapelle et des ambitions personnelles de candidatures internes. Peut-être l'actuel pouvoir français pourrait-il, pour une fois, être tenté de procéder de même manière face à ce Liégeois devenu Bruxellois dans l'âme, qui vient juste de fêter ses 60 ans.

MOMENTUM

L'élection de cet ingénieur commercial Solvay, dont la carrière s'est toujours focalisée sur les soins d'urgence (dans le secteur hospitalier d'abord, dans l'audiovisuel public ensuite) n'est pas acquise. Mais imaginons qu'elle le soit. Confirmant sa candidature à France Télévision, Jean-Paul Philippot a bien veillé à faire savoir à son personnel que celle-ci n'était "aucunement un aveu de désengagement et de désintérêt pour la RTBF". Cependant, n'est-ce pas pour lui le meilleur moment pour obtenir, ailleurs que sur le petit territoire de la FWB, l'ultime bâton de maréchal qui lui manque? Ayant quitté la présidence de l'UER en 2018, après dix ans de mandat, peut-il lui rester une autre marche (accessible) à gravir?

Quitter la RTBF à ce moment précis lui permettrait aussi de ne pas devoir ferrailler à l'avenir avec un gouvernement de la FWB qui adopte, ces derniers temps, des attitudes interpellantes vis-à-vis de l'actuelle gestion du service public de l'audiovisuel. En février dernier, personne n'aurait compris que ce gouvernement ne reconduise pas, une nouvelle fois, l'administrateur général sortant. Il n'y avait pas d'autre choix. Mais cette décision était-elle un cri du cœur? Assurément non.

BACK TO PURITY

Les recommandations du gouvernement faites au CA de la RTBF lors de sa (re)nomination laissaient bien entendre que, cette fois, M. Philippot serait en liberté surveillée. Avant cela, les propos tenus dans la déclaration de politique générale de ce gouvernement avaient, elles aussi, fait comprendre que le temps de la gestion de la RTBF "à la Philippot" était révolu, et qu'il allait falloir adapter les règles du jeu.

Les décisions prises par ce même gouvernement début juillet 2020 à propos des restrictions de ressources publicitaires imposées à l'audiovisuel public n'ont, en fait, que concrétisé ces intentions. En tentant, même plutôt symboliquement, de limiter la place de la publicité sur les ondes de la RTBF, celles-ci ont comme propos de remettre sur ses rails un opérateur public plus pur, moins tenté de céder aux sirènes des marchés et de la concurrence. Le message politique est clair: l'audiovisuel public doit se recentrer sur ce qui doit faire sa spécificité, quitte à ne pas jouer dans la même cour que les opérateurs privés. Alors que, pour la première fois en 2019, les PDM de La Une dépassaient celles de RTL-TVI, le gouvernement semble indiquer que là ne réside pas l'essentiel.

Que ces restrictions publicitaires imposées à la RTBF tombent au même moment que le cadeau financier accordé par ce même gouvernement à la filiale belge d'une entreprise privée audiovisuelle luxembourgo-allemande peut aussi être lu comme une confirmation de cette volonté de recentrage du service public sur sa pureté essentielle. Au privé de faire du privé, quitte à ce qu'on lui accorde de l'argent public pour y arriver, et au public de faire du 'vrai' service public, quitte à perdre en audience, en concurrence et en moyens.

REAL POLITICS

On peut comprendre que pareils signaux ne jouent pas le rôle de sirènes pour Jean-Paul Philippot, qui a, lui, toujours milité pour et développé une vision très real politics du service public de la radio-télévision. Une vision qui tient compte de la nature économique actuelle du marché de la télévision, qui combat pour que l'audiovisuel public ait les moyens de se battre au moins à armes égales avec le privé, qui choisit d'investir pour le futur plutôt que d'épargner, et qui considère le fait d'être suivi par une audience appréciable comme le meilleur signe de légitimité possible de l'acteur public.

Comme l'UER, l'actuel administrateur général de la RTBF n'a jamais été partisan de médias publics épurés à l'extrême, fiers de leur quintessence, mais n'étant suivis que par une poignée d'auditeurs et téléspectateurs convaincus. Pas sûr que, à l'heure actuelle, ce point de vue soit unanimement partagé par les politiques.

Le 9 octobre 2019, c'est-à-dire peu de temps après l'installation du nouveau gouvernement de la FWB, le bruit d'un éventuel départ de l'administrateur général de la RTBF pour France Télévision avait déjà couru. Tant et si bien qu'on peut se demander si celui-ci ne fait pas partie d'un deal convenu entre l'intéressé et le pouvoir politique de la FWB en février dernier: une reconduction, certes, pour ne pas manifester de désaveu officiel. Mais aussi un encouragement au départ vers de plus hautes sphères, laissant dès lors aux partis politiques en place les mains libres pour penser sereinement au choix d'un·e nouvel·le patron·ne de l'audiovisuel public francophone belge. Quelqu'un (ou quelqu'une) qui correspondrait davantage à la vision plus épurée de l'institution, défendue au moins par certains des partenaires de la majorité.

Ceci n'est bien sûr qu'une hypothèse, faite en chambre, et ne reposant sur aucune confidence. C'est une pure construction intellectuelle. Mais, si l'administrateur général de la RTBF terminait bien sa carrière sur les bords de la Seine et non de la Senne, il est clair que cela permettrait aux souris du boulevard Reyers de danser d'une nouvelle manière. A commencer par celle qui, selon l'ancienne comptine enfantine, "courait dans l'herbe" et que l'on attrapait par la queue.

Frédéric ANTOINE.

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