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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

27 septembre 2022

sur La Première (RTBF), on n'est pas trop "feel"


Depuis un mois, La Première (RTBF radio) est en mode grille d'hiver.  Avec passage à la trappe de ce qui faisait tache et quelques époussetages qui renforcent le profil habituel de son offre de contenus. Étude d'un cas, peut-être parmi d'autres…

« Rendez-nous Diane Marois ! » Impossible de savoir combien d'auditeurs de La Première auront poussé ce cri depuis début septembre. Mais il y en aura sûrement eu. Même si des réactions d'auditeurs entendues çà et là, et peut-être des sondages, laissaient plutôt percevoir que Le feel de Diane, diffusé du lundi au vendredi de 14h30 à 16h00, ne correspondait pas aux attentes du cœur de cible classique de la très "radio de service public de référence" du boulevard Reyers. 

Et pourtant. Quelle originalité de remplir ce creux de l'après-midi radiophonique en créant sur les ondes une atmosphère, une tonalité inattendue. L'émission générait un climat dans lequel l'auditeur pouvait se plonger à sa guise, comme on s'enfonce mollement dans le canapé à l'heure de la sieste. Il était audacieux de délaisser à cette heure les sempiternelles obligations de diffusion de chanson française ou autres rengaines pour proposer pendant 90 minutes une couleur musicale inhabituelle et des artistes que la programmation permettait de découvrir a fil des plages. On était dans le clubbing, le laisser-aller au bord de la piscine.

ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRE…

Bien sûr, il y avait la voix de Diane. Qui collait si bien à l'ambiance suscitée par la musique. Mais qui a dû déranger bien d'un "cher auditeur". Certains la voyaient mieux animer une fin de soirée, voire une émission de nuit. Jusqu'à la comparer à la voix de feu Macha Béranger. Sauf que cette dernière animait un talk-phone-show nocturne, et non une émission d'atmosphère. Certes Diane parlait à l'oreille de l'auditeur comme si elle partageait avec lui le sofa, voire un oreiller . Mais où est le mal ? 

N'était-ce pas là aussi une des originalités de cette émission que de casser les codes de la banalité programmatique du moment où, en journée, La Première attire le moins d'audience ? Parfois, et c'est dommage pour le côté "ambiance", Diane en faisait trop, invitait des artistes, des groupes, et le blabla cultureux envahissait les ondes au lieu de laisser l'auditeur plongé dans son bain de musique. Obligation contractuelle pour satisfaire les mânes francophiles des pouvoirs publics, ou réelle volonté de l'animatrice de démontrer qu'elle n'était pas qu'une machine à murmures de désannonces ? À chacun de voir. 

 

AU  CACHOT DIGITAL

Le feel de Diane a  passé l'arme à gauche. Définitivement ? « Non, non, non ! », répond-on officiellement. Elle est toujours là… Sur Jam, le dimanche de 10h à midi. De quoi inciter la foule de récalcitrants du DAB+ de se précipiter chez le marchand de récepteurs de radio numérique ? Ceux qui aiment faire la grasse matinée et/ou bruncher au lit plutôt que d'aller à la messe dominicale, peut-être. Mais les autres. ? Le feel… a reçu un enterrement de Première… classe. Pas sûr que relayer sur des radios digitales confidentielles ce qu'on avait pris le pari de mettre sur "la" chaîne de référence du service public soit le meilleur moyen de procurer une image positive à ces nouvelles stations.

LA DICTATURE DES FORMATS

Il est intéressant de voir par quoi Le feel… a été remplacé, tenant bien compte du fait que, dans ce créneau horaire, les auditeurs se comptent sur les doigts de peu de mains. Deux émissions ont repris l'horaire : un mini-programme d'une demi-heure intitulé Multitube, et un format classique d'une heure du nom de L'heure H

La Première renoue ainsi avec le mode de programmation classique des hautes radios de contenus de service public : développer au maximum les formats d'une heure. Avec, en l'occurrence, la difficulté provenant du temps d'antenne atypique de Un jour dans l'Histoire, qui ne dure pas, comme l'affirme la grille officielle (1) de 13h à 14h30, mais de ± 13h20 à 14h30. Sur La Première, les infos de 13h00 semblent rendre impossible un format sous-horaire dans cette case de la grille (13h20-14h). La Première a donc opté depuis longtemps pour un programme en extended-hour (± 1h10). Alors, si la norme est bien l'émission d'une heure (2), que faire à 14h30? Précédemment, la solution était trouvée via un programme musical de 90 minutes (3). On revient ici à la norme classique. Après un  module de 30 minutes (4), une émission occupe la case 15-16h.

1/2 HEURE POUR QUOI FAIRE ?

La première production, qui semble un peu là pour "boucher un trou" avant le retour à la norme programmatique horaire, est essentiellement musicale. On y  retrouve, dans un intéressant mix, des genres classiquement tolérés (voire adulés) sur La Première. On aurait presque l'envie de dire que ce programme court a des airs de famille avec le Pasticcio que Nicolas Blanmont présentait chaque dimanche de 10 à 11h sur la même chaîne, et qui a disparu de la grille (5). Peut-être ne sont-ce d'ailleurs pas que les airs qui sont de famille… L'association entre les éclectiques extraits musicaux y est accrochante, mais leur pertinence est peut paraître insuffisamment confirmée par le caractère apparemment fort juvénile de voix la présentatrice, présentée sur internet comme une  « actrice, musicologue et YouTubeuse belge » (6).

Si ce léger premier élément de remplacement du Feel… s'inscrit dans la logique d'occupation du temps d'antenne de La Première en début d'après-midi, on peut se poser plus de questions à propos de la production horaire qui le suit. En effet, le 15-16h accueille une émission totalement parlée, à contenus forts, qui requiert de son audience une attention soutenue tout au long de la durée de la diffusion.

DU RÉCIT À LA TONNE

L'Heure H (7) est une émission relevant du genre de la narration radiophonique, telle que l'on en trouve dans l'univers francophone sur plusieurs radios généralistes, assez couramment dans le même créneau horaire et avec le même format (Hondelatte raconte [Europe 1, 14h], Affaires sensibles [France Inter, 15h], L'heure du crime [RTL France, 14h30]…). L'acteur essentiel (et ici unique) du programme est le narrateur, qui n'en est pas à son coup d'essai. Connu comme un des piliers de l'animation de programmes de variétés de la RTBF télévision, il a récemment choisi de s'investir dans la narration d'événements historiques, et a déjà ponctuellement occupé l'antenne radio, sur des périodes courtes, avec des émissions de récits, notamment lors des programmations spéciales des fêtes de fin d'année, ou pendant les mois d'été (8). Il avait alors déclaré qu'il entendait devenir « le Pierre Bellemare de la RTBF » (9). 

L'expérience avait été limitée dans le temps, et les récits présentés n'étaient pas écrits à partir d'un hook particulier. Ici, le narrateur occupe une heure d'antenne cinq jours par semaine, en bâtissant toutes ses histoires à partir du même point d'accroche : l'heure fatidique du moment le plus important de son histoire. Bon nombre de ces épisodes sont, comme dans les programmes de même type sur d'autres radios, centrés sur des faits divers ou des affaires judiciaires. La durée de chaque récit est d'environ quarante minutes. Depuis le début des diffusions, rares sont les moments où est mentionné le nom d'un "auteur" ou d'un "collaborateur" qui aurait contribué d'une manière ou d'une autre à l'écriture de l'histoire. À quelques reprises, un auteur (ou co-auteur) est mentionné : un certain Valjean. Dans la plupart des cas, l'auteur est supposé comprendre que le récit a été documenté, construit, mis en ondes par le narrateur. 

 EXPLOIT (MAL) EXPLOITÉ ?

Est-ce bien ainsi que cela se déroule ? Ce serait un véritable exploit (d'autant que les thématiques des cinq épisodes de la semaine sont disponibles en ligne chaque lundi). Peut-être l'émission est-elle en fait produite par LDV Production, l'entreprise dont le narrateur est co-fondateur (10). Mais, dans ce qui est audible, rien ne l'indique.

On peut se demander pourquoi programmer pareil programme "phare" dans le désert d'audience de milieu d'après-midi. Sur d'autres stations, ce genre d'émissions est souvent proposé plus tôt après le temps de midi. Et en tout cas pas après une émission musicale. La séquence programmatique de l'après-midi de La Première semble peu cohérente : une émission historique à contenu fort, bâtie en deux temps ; un programme court à contenu musical ; une émission narrative à contenu historique fort. S'agit-il d'attirer sur l'antenne trois publics différents, un pour chaque émission ? Ou table-t-on sur le fait que l'amateur de contenus historiques, déjà nourri en début d'après-midi, tolérera l'écoute du programme musical pour retrouver ensuite un contenu plutôt historique présenté sous forme de récit ?

Les précédentes apparitions radiophoniques du même narrateur d'histoires avaient été programmées dans la tranche du temps de midi, sauf erreur entre 12 et 13 heures ou entre 13h15 et 14h. C'est-à-dire à la place du programme historique de début d'après-midi, ce qui paraît plus cohérent. Pourquoi ce programme aboutit-il alors dans la toundra du 15-16h ? Sinon peut-être parce que, comme sur d'autres radios, l'essentiel est moins la diffusion en linéaire que la création d'une série de podcasts mis en ligne, destinés à raffler une beaucoup plus large audience. On sait que, en France, ce type de podcasts occupe souvent les premières places des palmarès d'écoute en ligne.

La nouvelle occupation de cette case horaire d'après-midi manifeste la volonté de la RTBF de renforcer ses programmes à contenus. Mais n'aurait-il pas mieux valu placer cet exploit radiophonique dans une autre case, quitte à bousculer quelques dinosaures ?  

À moins que la RTBF elle-même n'y croie pas trop ? Dans ce cas, ne pourrait-on peut-être pas retrouver à cet endroit le Feel d'une certaine Diane ?

Frédéric ANTOINE

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(1) https://www.rtbf.be/lapremiere/grille-programme
(2) Dans la grille quotidienne de La Première, on trouve actuellement 9 formats d'une heure sur 15 émissions/jour, tenant compte du fait que les "formats info" du matin et du soir sont évidemment plus longs. 
(3) Hors émissions d'info, on ne retrouve plus ce format long qu'à partir de 10h en matinée (cette longueur, d'ailleurs, ne se justifie pas). Dans le passé, l'émission humoristique de fin d'après-midi avait ce même format, récemment ramené à 60 minutes.
(4) Format qui se développe un peu :  $on ne retrouve désormais un autre après Déclic, Eddy Caeckelberghs voyant son "antique" émission de décryptage d'info rabotée de 30 minutes et diffusée à 18h30. 
(5) Et avec moins d'accent mis sur la musique classique. « Sentiment, figure, lieu, personnage , objet, animal…, Nicolas Blanmont évoque un mot ou un thème à travers huit siècles d’histoire de la musique. Classique bien sûr, mais parfois aussi plus contemporaine comme la chanson, le rock ou la musique de film. »
(6) https://www.ivoox.com/episode-1-conversation-avec-valentine-jongen-audios-mp3_rf_92241964_1.html
(7) À noter qu'une émission au titre identique, également à contenu historique, était diffusée le lundi à 22h sur Musiq3 aux alentours de 2016…
(8) Certaines de ces émissions radio ont ensuite connu des versions télévisées. 
(9) https://lameuse.sudinfo.be/408880/article/2019-07-05/jean-louis-lahaye-veut-devenir-le-pierre-bellemare-de-la-rtbf 
(10) Cette entreprise est composée de 30 collaborateurs,  dont des "concepteurs, story boarder, copywriter" (https://www.cinergie.be/organisation/ldv-production)

 


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