User-agent: Mediapartners-Google Disallow: User-agent: * Disallow: /search Allow: / Sitemap: https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/sitemap.xml

Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
Affichage des articles dont le libellé est Ukraine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Ukraine. Afficher tous les articles

18 octobre 2022

La dictature de l'illu qui tue l'info

 

Depuis que l'info se consomme en ligne, elle est accompagnée d'une sorte d'impératif catégorique: elle doit obligatoirement être illustrée. Coûte que coûte. Au risque de voir l'illu faire dévier ou tuer le sens de l'info. Mais personne n'a l'air de s'en soucier. Cas d'école.

Le 15 octobre, une fusillade se produit dans un camp d'entrainement de l'armée russe, dans les environs de la ville de Belgorod, proche de la frontière ukrainienne. Il y a au moins 11 morts et 15 blessés, selon le ministère russe de la Défense, qui parle d'attentat. L'info est relayée par les médias du monde entier. En vertu de la "dictature de l'illu", pour la "vendre" au lectorat, elle doit impérativement être illustrée. Mais comment faire, alors que l'événement n'a, évidemment, pas été photographié par des reporters de guerre au-dessus de tout soupçon ?

UNE IMAGE, DU CONTENU

En scrollant sur les sites d'info, l'inanité de cette obsession iconique saute aux yeux. Forcés de fournir une image, les responsables des sites qui publient des articles sur cette fusillade oublient un élément-clé du journalisme : celui qui veut que toute image de presse soit porteuse d'un contenu informationnel, c'est-à-dire qu'elle contribue à l'information du lecteur. En journalisme, une image n'est pas une "simple" illustration, un élément de décoration mis à côté d'un texte pour faire joli ou attirer le regard. L'image peut bien sûr être esthétique et attractive. Mais elle doit, d'abord, apporter de l'information qui complète ce qui figure dans l'article qu'elle accompagne. Et si possible ne pas être en redondance avec le contenu de celui-ci.

Dans ce cadre, ce que montre l'image est évidemment essentiel. Mais il ne prend souvent sens que grâce à la légende qui la suit. Souvent, c'est la légende qui donne sens à l'image. Ce n'est pas tout à fait comme ça que l'envisage la sémiologie, mais on pourrait dire que, en quelque sorte, l'image est de l'ordre du signifiant, et la légende du signifié. Sans légende, l'image reste polysémique. On peut y mettre ce que l'on veut. La légende cadre la signification de l'image et lui permet d'apporter son "plus" informationnel.

LA LÉGENDE AUX OUBLIETTES

Or dans bien des cas, sur les sites d'info, le légendage des photos est désormais passé aux oubliettes.  On "tape" la photo comme ça, au-dessus du texte, au lecteur de comprendre en quoi celle-ci apporte quelque chose à celui-là. Au mieux  on misera sur le fait que le titre de l'article, qui suit souvent l'insert iconique, suffira à donner du sens à l'image, l'important n'étant pas que l'image informe mais qu'elle attire le regard et donne envie de lire le texte.  Jusqu'au point d'en pervertir ou nier le contenu?

Dans les fils info, l'absence de légende est ontologique. Le lecteur n'a à sa disposition qu'un titre court et une illu, l'essentiel étant qu'il clique pour accéder au contenu (ou au paywall…).  Exemples extraits des sites de La DH et de La Libre (qui sont, économies d'échelle obligent, quasiment similaires):



 

 

Les photos des fils infos ouvrent toujours l'article auquel on accède. Et c'est ici que l'observation de l'impératif illustratif brille par toute sa splendeur.

 UN MYSTÈRE PAS TRÈS NET


La Libre et La DH recourent à la même illu, non légendée, insérée après le chapeau de l'article. La photo montre des militaires descendant d'un hélicoptère. Quel rapport avec la fusillade dans un camp militaire près de Belgorod ? La question reste ouverte. Seul lien direct : la présence de soldats. Des militaires ukrainiens ont-ils débarqué dans le camp par hélico pour lancer une attaque ? Sont-ce les militaires russes du camp qui se protègent derrière un hélicoptère ? Mystère. L'image laisse supposer un lien entre l'événement et la présence d'un hélico, or celui-ci n'est évoqué nulle part dans l'article.

Une rapide recherche sur le web démontre que cette photo n'est pas liée à l'événement qu'elle illustre. Plusieurs sites d'info l'ont utilisée, sans la légender, avant la mi-octobre 2022 (Swiss Info, le 7/10, The Hill, le 8/10…). D'autres sites ont publié la photo en mentionnant seulement sa source (Ukrayina.pl le 06/08, Latercera.com, le 04/08…). Quelques sites ont précisé qu'il s'agisait d'une image d'illustration (Wiadomosci Gazeta, le 02/09, Ukrayina.pl, le 06/08…). Des informations déjà plus précises que ce qui figure sur les sites de La Libre et  de La DH, où il est seulement fait état d'un copyright AP. Et qui démontrent que l'image remonte au moins au 4 août, et non au moment de la fusillade.

AUTOPSIE D'UNE ILLU MUETTE

En approfondissant les recherches, on découvre que plusieurs sites ont légendé l'image. Certaines de ces légendes sont peu précises, comme celle de la chaîne d'info allemande n-tv, dès le 10/08 : " Ein neues Armeekorps soll nach erheblichen russischen Verlusten mehr Soldaten in die Ukraine bringen."(1) D'autres paraissent hors sujet, comme celle de Indiatvnews (04/09) : "Local authorities “will do everything necessary to make the signing of the contracts as convenient as possible,” the official statement said." (2), ou celle figurant sur le site de la chaîne publique allemande ZDF : "In der Region halten schwere Kämpfe an. Die Anwohner leisten den Aufforderungen der Behörden zur Evakuierung des Gebietes Folge. Dafür werden Busse und Züge zur Verfügung gestellt." (3)

Mais il y a des légendes précises, qui apprennent ce qu'est réellement le contenu de cette photo (4) . Les infos les plus détaillées accompagnent souvent les publications les plus anciennes, c'est-à-dire les plus proches de l'événement qu'a réellement capté l'objectif du photographe. Le site eupennois Ostbelgien utilise l'image dès le 30/07, avec la légende suivante: "30 juillet 2022, Ukraine, --- : Dans cette vidéo encore, des soldats de l'armée russe sortent d'un hélicoptère militaire lors d'une opération dans un lieu tenu secret en Ukraine. Photo : -/Service de presse du ministère russe de la Défense/AP/dpa" (5). Le 31/07, pravda.sk (Slovaquie) reprend l'image avec une légende plus courte et descriptive: "Des soldats de l'armée russe sortent d'un hélicoptère militaire lors d'une mission dans un lieu tenu secret en Ukraine. L'image a été fournie par le service de presse du ministère russe de la Défense. / Foto: SITA/AP, Ministerstvo obrany RF". Le 1er août, le site du quotidien norvégien ABC Nyheter légende la photo comme suit : "Cette photo, publiée par le ministère russe de la Défense en juillet, montrerait des soldats russes dans la région du Donbass en Ukraine. Selon les services de renseignement britanniques, la Russie est probablement en train de déplacer des forces du Donbass vers le sud de l'Ukraine. Photo : Ministère russe de la Défense / AP / NTB Photo : NTB".

UNE PHOTO PÉRIMÉE ?

Ainsi, il apparaît que cette photo a été prise au cours du mois de juillet, et visiblement rendue publique par le ministère russe de la Défense le 30/07. Cette image est issue d'une vidéo montrant des soldats russes en action. Le journal slovaque Pravda, fondé en 1920, publie le 01/08 une « fotogaleria » de 6 images issues de cette vidéo, et mentionne qu'elles figurent  « sur les prises de la vidéo ». Le lieu où la vidéo a été tournée est "tenu secret", mais se situe en Ukraine, sans doute dans le Donbass.

On est donc très loin de l'info dont cette photo est l'illustration. Certes, elle montre des soldats russes, mais ceux-ci ne sont pas en Ukraine, ne participent pas à une fusillade, et nse sont sans doute pas dans un camp d'entrainement. De plus, il y a au moins deux mois et demi d'écart entre l'image et le texte. Enfin, la source citée, AP, est incomplète, et ne permet pas de saisir que le cliché provient du ministère russe de la Défense.

 UN INCENDIE FORT 'HORS SUJET'

L'exemple développé ici dans le cas de deux quotidiens est loin d'être le seul où un gap existe entre l'info et son illustration. L'Avenir, qui appartient au même groupe IPM, a pour sa part choisi d'illustrer l'info par une image, située sous le chapeau, et représentant un incendie. Elle est prudemment légendée : "La région de Novgorod." Si légende il y a, celle-ci a-t-elle un rapport avec l'événement ? En fait, un seul: photo et info se situent bien dans la même région. Comme si on illustrait une actu sur la gare de Liège par une photo du casino de Chaudfontaine, en légendant: "La région de Liège."

Mise à part cette relative exactitude géographique, la photo  choisie est plutôt mensongère dans son rapport à l'info, car la fusillade n'a pas suscité d'incendie. Celui-ci est lié à une "frappe" qui a touché une station électrique de la région de Novgorod le 14/10. Or, l'affaire qui nous occupe a eu lieu le 16. Selon des médias qui ont légendé cettee image (6), celle-ci aurait été prise par le gouverneur régional Viatcheslav Gladkov et diffusée sur Telegram. Aucun rapport donc avec "l'attentat" dont parle l'article.

 

MÊLI-MÊLO D'INFOS

L'Avenir n'est pas le seul à faire cette association erronée, qui pousse à la confusion. Ainsi, par exemple, à l'autre bout de la planète, le Bangkok Post illustre par la même image un article intitulé "Russia says 11 killed in 'terrorist attack' at military site". La légende de la photo entend ici éviter la confusion, en expliquant que le gouverneur de Belgorod a diffusé des photos des dégâts causés par 'une attaque' sur une sous-station électrique. Bel effort de nuance, sauf que le type d'attaque dans les deux cas n'a rien de commun… 
Autre exemple : le quotidien parisien La Croix, qui illustre par cette fameuse photo d'incendie, à première vue non légendée, un article titrant sur les nouvelles frappes dans la région de Belgorod, en ouvrant son article en parlant des frappes ayant eu lieu le dimanche, alors que la photo remonte au vendredi. Si on clique sur la photo, une légende apparaît et cela change tout! Car elle explique que la photo a été prise le 14/10 par le gouverneur et concerne une centrale en feu suite aux frappes. Pour avoir l'explication, il faut donc d'abord disposer d'un mode d'emploi, ou être un habitué. Néophytes de La Croix, s'abstenir…
 
 JUSTE UNE IMAGE ?

L'illu de 7sur7.be représente un soldat à lunettes, portant un écusson russe, à l'affût, braquant son arme. Sa légende a le mérite du laconisme. En mention nan seulement "Archives d'illustration" (avec un 's' étrange à archives), on se prémunit de toute critique. Personne ne saura exactement ce que la photo représente, mais on se doute que "c'est juste une image", et pas "une image juste", comme Jean-Luc Godard se plaisait à le dire. Une image amplement utilisée ces derniers jours pour illustrer des articles sur la guerre d'Ukraine, plusieurs médias l'utilisant, tout comme 7sur7, pour accompagner un article sur la fusillade, souvent sans légende, comme le Moscownewsnet, Connexionblog,  ou  le site du Irish Sun
 
En quelques heures de recherches, il a été impossible de déterminer davantage l'histoire de ce cliché et son origine. Il semble avoir surgi au moment de l'événement, on en tout cas ne pas avoir été utilisé précédemment. Mais d'où vient-il?

Son usage dans ce cas-ci pose la question de l'apport de l'image à l'info. On parle en effet de fusillade ou d'attentat envers des soldats russes. Est-ce ce que l'image laisse supposer? Elle représente un soldat russe en position de combat, et non en situation d'agressé.
 
 DE FAMEUX AGRESSEURS…
 
Deux médias belges francophones ont choisi la même photo pour illustrer l'événement : Le Soir et la RTBF. Dans les deux cas, nous sommes dans l'après-événement. Ici, pas de personnage, mais ce que l'on considère être l'aftermath de l'attaque: des bâtiments calcinés, voire détruits. Ce qui semble à première vue un fameux succès pour une agression menée par seulement deux "terroristes", selon les termes russes.

Formellement, les deux pages se ressemblent plutôt : exactement le même titre, et même absence de légende pour un cliché, lui aussi totalement identique… mais impossible à identifier. La même présentation se retrouve notamment sur le site belgium.dayfr, qui dépend de l'opérateur israélien On 24 News. Il reprend en légende de la même photo… le titre de l'article, sans plus. Cette même image sera aussi reprise, sans plus de légende, pour illustrer un article du site roumain d'information stiripesurse.ro intitulé "Des dizaines de localités en Ukraine ont été touchées par les Russes au cours des dernières 24 heures". Ce qui n'a aucun rapport avec la fusillade d'un camp militaire russe. 

Les recherches avec Google Lens ne permettent pas d'approfondir davantage la question de l'origine de cette photo. Il semble, par contre, qu'elle ait été très très peu utilisée pour illustrer l'événement, hormis par les deux médias belges et le site california18 fondé par l'acteur indien Tarun Kumar. Un site qui a eu l'honnêteté de mentionner sous la photo : "Default author image".

TOMBE LA NEIGE…

Dans notre classement des décrochages les plus marquants entre un article et son illustration, la palme reviendra dans ce cas-ci à RTL Info, où la photo choisie a de quoi faire rêver à plus d'un titre (si l'on peut dire). Paysage de villages sous la neige, bulbe de clocher doré… On est loin des horreurs de la guerre. Quand, subtilement, le graphisme insère dans ce paysage de carte postale une citation qui fait figure de sous-titre à l'article, annonçant que, suite à l'attentat "près de la frontière ukrainienne" (avec un U majuscule à l'adjectif…), les deux terroristes ont été abattus. Le tout entre guillemets. 
 
Impossible d'éviter la question : quel rapport entre l'église, la neige, et l'actu ?

Non, l'attentat ne concernait pas l'église, même si on pourrait le supposer puisque nulle part dans la titraille on ne parle d'un camp d'entrainement russe. Non, les morts ne sont pas des fidèles venus assister à l'office. On pourrait le supposer, car il n'est jamais question dans la titraille de "soldats" ou de "militaires". Donc, à quoi sert cette image d'église?

Et puis, il y a la neige. Une actu "près de frontière ukrainienne", un jour de neige. Le samedi 15 octobre, faisait-il si froid dans cette région pour que la neige y tombe en masse? Alors que l'Europe de l'Ouest croule sous les vagues de chaleur, l'Est serait-il touché par une météo frigorifique, du genre de celle que les Russes attendent en détruisant tous les sites de production énergétique d'Ukraine pour tuer de froid toute la population ?

LA MÉTÉO DES PISTES

Pour en avoir le cœur net, vérifions. Quel temps fait-il actuellement à Belgorod? Les sites de prévision météo, ce n'est pas cela qui manque…

Alors d'accord, on n'a pas la météo du 15/10, puisque ce jour-là on n'avait pas encore la matière de cet article, mais en tout cas ce mardi 18/10, il devait y faire 17° max, et 7° min. Sauf erreur, pas de quoi faire tomber de la neige. Et il aurait fallu une fameuse dépression atmosphérique juste avant le 18 pour que le 15 il gèle et neige. D'ailleurs, ce n'est pas prévu dans la région en octobre, comme le démontrent les statistiques mensuelles de températures.
En moyenne, à Belgorod, le minimum est de 5° jusqu'au 20/10 puis ça descend un peu. Et les maxima ne descendent jamais sous les 8°. Selon les stats, le 15 octobre, il fait en moyenne entre 14° et 5°. Flocons pas possibles. Cette photo n'a pu être prise à cette époque. Elle n'a aucun lien avec l'actu qu'elle illustre.
 
Y A PLUS DE SAISONS

Quelques recherches avec Google Lens le confirment. On retrouve ainsi la même photo, davantage de saison, dès le 6 février 2022 pour illustrer un papier sur la site de la NPR, la radio publique des USA. Un article en italien de Swiss.info légende la même illustration de manière claire: cette photo représente "le dôme doré d'une église dans le village russe de Shebekino, à la périphérie de Belgorod et à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne, dans une image prise le 27 janvier 2022" (7). Là, tout y est. Ce n'est pas l'église de Belgorod, mais celle d'un village de la périphérie, et elle a été prise fin janvier 202é… soit avant le début des hostilités.

Beau tour de force de l'utiliser en plein mois d'octobre. Et pour illustrer un article sur une fusillade survenue dans un camp de l'armée russe. Il fallait y penser… et penser à ce que lecteur peut en retirera, au-delà d'une impression de calme et de douceur. Mais soyons de bon compte: RTL Info n'a pas été seule à taper "Belgorod" sur des banques d'images pour tomber sur cette photo.




 

Le panorama enneigé a servi à un média pour faire le bilan de bombardements pour la journée du 16/10. Sur le site du quotidien français La Dépêche, elle accompagne un papier sur l'incendie d'une station électrique (avec une légende situant la frappe "aux abords de Belgorod", donc peut-être quelque part sur la photo?). Pour Europe1, enfin, l'image est sensée illustrer un dépôt de pétrole en feu (mais avec une légende qui focalise sur "la région de Belgorod, terrain de conflits". Bref, un beau paysage, cela peut être mis à toutes les sauces. Le photographe qui s'est baladé par là avant que les Russes envahissent l'Ukraine a eu un sacré flair!

BRISER SES CHAÎNES ?

Dans plusieurs des nombreux cas évoqués ici, une simple légende aurait déjà constitué un premier pas pour que l'on comprenne le lien entre l'image et le texte. Les exemples où une légende a été ajoutée à la photo démontrent que l'illu y gagne en intérêt ou en relativisation de son importance. 

Mais, indépendamment de cela, il subsiste ce fameux diktat de l'illustration. Qui fait sûrement plaisir aux yeux, mais pas à l'info. 

Pourra-t-on un jour le surpasser? Ou peut-on espérer que les médias aient un sursaut, et trouvent le moyen d'au moins vivre avec, sans en être simplement l'esclave  prêt à (presque) tout pour satisfaire son maître?… 

Frédéric ANTOINE

------

 
(1) Un nouveau corps d'armée doit amener plus de soldats en Ukraine après d'importantes pertes russes.
(2) Les autorités locales "feront tout ce qui est nécessaire pour rendre la signature des contrats aussi pratique que possible", indique le communiqué officiel.
(3) De violents combats se poursuivent dans la région. Les résidents locaux suivent les demandes des autorités d'évacuer la zone. Des bus et des trains sont prévus à cet effet.
(4) Notamment CBC 30/08 : "In this handout photo taken from video and released by Russian Defence Ministry Press Service on July 30, Russian soldiers leave a helicopter during a mission at an undisclosed location in Ukraine. (Russian Defence Ministry Press Service/The Associated Press)". nw.de (21/08):
"Russische Soldaten verlassen einen Militärhubschrauber während eines Einsatzes an einem nicht näher genannten Ort. | © Russian Defense Ministry Press Service/AP/dpaUsnews.com". Usnews.com (08/08): "Russian Army soldiers leave a military helicopter during a mission at an undisclosed location in Ukraine, on July 30.(Russian Defense Ministry Press Service/AP)". ZDF 03/08: "In der Region halten schwere Kämpfe an. Die Anwohner leisten den Aufforderungen der Behörden zur Evakuierung des Gebietes Folge. Dafür werden Busse und Züge zur Verfügung gestellt.
(5) "30.07.2022, Ukraine, ---: Auf diesem Videostandbild verlassen Soldaten der russischen Armee einen Militärhubschrauber während eines Einsatzes an einem nicht genannten Ort in der Ukraine. Foto: -/Russian Defense Ministry Press Service/AP/dpa"
(6) Par exemple: rtbf.be, rtlinfo, Le Parisien, Le Figaro, Lapresse.ca…
(7) "La cúpula dorada de una iglesia del pueblo ruso de Shebekino, a las afueras de Belgorod y a pocos kilómetros de la frontera ucraniana, en una imagen tomada el 27 de enero de 2022".










03 mars 2022

Les médias occidentaux regardent-ils parfois les médias ukrainiens?


Si l'on veut comprendre comment un pays vit la guerre qu'on lui impose, regarder ses médias est un outil à ne pas négliger. Autant pour s'informer que pour se rapprocher de l'expérience subie par les habitants. L'Ukraine conserve des médias actifs et significatifs. Mais on regarde bien (trop) peu en Occident.

Il y a une semaine, de nombreuses chaînes d'info émettaient sur le territoire ukrainien (1). La jeunesse de la démocratie locale et ses soubresauts n'y sont sans doute pas étrangers. On se souvient en effet de la "révolution européenne" née lors des événements de février 2014 place Maïdan, mais on oublie que, depuis sa sortie de l'URSS, la démocratie locale a souvent été chancelante, et les rapports entre Kiev et Moscou de natures très différentes selon les époques (2).

L'Union fait l'info

Aujourd'hui, cette diversité de lieux d'information audiovisuels appartient presque au passé. Devant la pression de la guerre, la plupart des chaînes d'info (captables de Belgique via internet) ont désormais choisi de relayer un même signal, celui de la station Canal 24 (24 TV), la plus ancienne d'entre elles, tout en continuant à insérer leur propre logo, voire leurs propres bandeaux, dans son image.

Mobilisations, manque de moyens dans la région de Kiyv (où se trouve le siège de la plupart d'entre elles), justifient vraisemblablement cette adaptation, qui confirme toutefois aussi la pertinence de la devise nationale belge…

Sans en avoir la confirmation formelle, il ne semble pas exclu que des journalistes de plusieurs de ces chaînes contribuent désormais à ce "programme commun". Ils sont en effet nombreux à se relayer à l'image, certains en position de "standing speakers", et d'autres assis à leur bureau. Les couples de présentateurs, déjà relevés dans un précédent article (1) sont aussi toujours qu rendez-vous.

Des professionnels

Ces "anchormen" et "anchorwomen" ne donnent pas l'impression d'être en guerre, soumis à la peur ou au stress. Ils font formellement preuve d'un professionnalisme assez impressionnant, que l'on retrouve jusque dans leurs tenues vestimentaires. Les femmes sont en tailleur, les hommes ne plus souvent en costume, et portent toujours la cravate.

Toujours réalisés avec soin, ces programmes d'infos comprennent de nombreuses séquences de scènes de bombardement ou de quasi-combats, le plus souvent des réseaux sociaux (où les injures contre Poutine et les Russes que l'on pourrait entendre dans la bande-son sont soigneusement bipées). Mais tout ne provient pas de preneurs d'images anonymes. Comme en temps "normal", la télévision a ses envoyés spéciaux sur le terrain, avec lesquels elle réalise des duplex en direct. Et ceux-ci ne sont pas tournés en JRI avec des perches à selfies. Ces journalistes portent  bien sûr souvent une tenue de combat, et dans certains cas (pas illustrés ici) ils témoignent depuis des lieux touchés par des tirs. Mais sans jamais interroger qui que ce soit autour d'eux.

Tout dans le fond

À côté de Canal 24 subsistent quelques autres chaînes d'information. La plus active et la plus professionnelle semble (d'ici) être la chaîne de télévision de Kiev (KJiv Tv) qui, à l'échelon de l'agglomération de la capitale, réalise un travail identique à celui de sa consœur Canal 24. Journalistes hommes et femmes se suivent à l'écran tout au long de la journée, sur un greenkey de fond de studio animé, mais plus que significatif. En effet, il comprend au premier plan à gauche (c'est-à-dire là où n'est pas le journaliste) un des immeubles à appartements de la capitale, dont plusieurs étages ont tout bonnement été soufflés par une bombe.

Une sorte de déclinaison "horreurs de la guerre" de ces banals arrière-plans d'écran composés d'habitations auxquels recourent tant de chaînes de télévision en mal d'imagination. Tv Kijv diffuse aussi des images prises sur smartphones aux quatre coins de la ville, mais les associe parfois à des images venues d'autres localités attaquées. 
 
Un moment particulier du programme est une séquence qui s'intitule "Sans commentaires". À l'instar de ce que propose de longue date Euronews, on y laisse les images parler d'elles-mêmes. Ce qui, en l'occurrence, est amplement suffisant… et est souvent la manière dont sont conçues toutes les séquences diffusées à l'antenne. En effet, ainsi, pas besoin de recours aux voix off qui nécessitent la présence d'autres journalistes, sauf si le présentateur fait lui-même un "à travers". On a toutefois pu noter que ce "No comment" n'était pas tout le temps "No music". La fin de la séquence peut être accompagnée d'un décor musical qui la dramatise encore davantage, et lui fournit donc tout de même une sorte de commentaire. En temps de guerre, l'information que l'on vit au fond de ses tripes peut-elle ne pas être connotée?
 
Faire entrer l'extérieur
 
 
La télévision de Kiev, mais aussi d'autres chaînes comme  la 5, emploient également beaucoup les témoignages recueillis en direct en ligne via des plateformes de type Zoom, etc. Ces chaînes ne font là que recourir elles aussi à un moyen de convoquer l'extérieur dans leurs studios qu'ont "découvert" la plupart des rédactions télévisées du monde entier à l'occasion des confinements dus à la covid. Ces interventions sont souvent celles de simples citoyens, mais il y a parfois recours à des personnes plus officielles ou plus proches du monde des spécialistes.
 
 
Quand l'intégration de l'intervenant extérieur ne peut pas se faire en régie pour produire à l'antenne un split screen, les journalistes recourent à une bonne vieille méthode : celle de tout faire à l'antenne. Les correspondants extérieurs sont alors récupérés directement sur… le smartphone de l'animateur. Il y a des moments où l'urgence n'attend pas.

De l'agit-prop?

Dans tout cela, y a-t-il de la propagande? Oui, sans doute, si l'on veut désigner ainsi une construction de l'information qui entend valoriser les défaites de l'adversaire et les victoires de son camp, et qui exploite la peur de prisonniers autorisés à téléphoner à leur famille en étant filmés. Les interventions en direct et la diffusion répétée de messages des autorités y contribuent également. Mais n'est-ce pas d'abord une réaction humaine, naturelle, et pas une injonction du pouvoir en place? De la propagande, oui, plus sûrement, dans certaines séquences diffusées comme des publicités, à répétition plus ou moins régulière, et où l'on montre sur fond musical une armée ukrainienne toute puissante, disposant de matériel à l'infini. Mas celles-là sont si grossières qu'il est difficile d'y croire. 
 
 
Une seule chaîne est plus clairement impliquée dans la propagande : UA, la station que l'État a créée pour s'adresser à l'étranger. Les programmes y sont courts, doublés en anglais.
 

 Les commentaires mettent l'accent sur le drame vécu et la nécessité d'être secouru par l'extérieur. Dimitri Kuleba, ministre des affaires étrangères d'Ukraine, apparaît à chaque fin de ce court programme proposé en boucle sous forme d'un briefing qu'il tiendrait pour les journalistes ukrainiens (mais qui est réalisé pour l'international). Il y dresse la liste des 'bonnes' nouvelles de la journée. On est là, clairement, dans un exercice de communication. Un effort d'émission d'un message… mais pour quelle cible ? Communiquer, c'est dire quelque chose à quelqu'un…
 
Ce que montrent les télés ukrainiennes, c'est d'abord le drame vécu par leur pays. En tant qu'Européens de l'Ouest, ce n'est pas à nous que s'adressent ces émissions. Leur forme si habituelle, leurs formats, leurs animateurs, sont sans doute là pour rassurer les Ukrainiens, tant que faire se peut. Mais sans cacher l'ampleur de l'horreur dans laquelle on les a fait tomber. Et sans leur donner trop de faux espoirs. Sinon, de temps en temps, par sursaut de nationalisme, quand surgit un montage d'images réalisé sur fond de l'hymne national, chanté aux quatre coins du pays.
 

Ces images ne sont pas faites pour nous, certes. Mais ici, qui les regarde ? Qui s'en nourrit ? Dans le journalisme, on ne doit pas faire passer que son propre regard, voire son propre ego. Il faut aussi montrer quelle est la vérité et la subjectivité de l'autre.

Frédéric ANTOINE.
 

(1) Voir à ce propos notre article posté sur ce blog : https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2022/02/pourquoi-poutine-t-il-neglige-les.html

(2) Lire par exemple à ce sujet l'intéressante chronologie établie par le Courrier International : https://www.courrierinternational.com/article/2014/02/26/ukraine-chronologie-d-une-revolution


 


01 mars 2022

Poutine a tiré sur la tour de la télévision de Kiev

Poutine a visé la haute tour de télévision qui arrose toute la région de Kiev. Mais aujourd'hui, la diffusion hertzienne n'est plus le seul moyen d'émettre. Les médias ukrainiens continuent donc leur travail, comme si de rien n'était. Et avec sans doute encore plus de convictions arrimées au cœur.

Ci-dessous, la traduction d'informations ukrainiennes diffusées à ce propos, avec  les conseils donnés aux téléspectateurs pour continuer à rester informés. "La tour de télévision de Kiev est une tour en acier en treillis de 385 m de haut construite à Kiev, en Ukraine, pour la radiodiffusion et la télévision. C'est la plus haute construction en acier en treillis autoportant au monde. La tour n'est pas ouverte au public. Construit en 1968. Fabriquée en tuyau d'acier de différents diamètres et épaisseurs, la structure pèse 2 700 tonnes. La tour est unique en ce sens qu'aucune fixation mécanique n'est utilisée dans la structure: chaque joint, tuyau et luminaire est fixé par soudage."(wikimedia)



article : source: https://24tv.ua/vnaslidok-obstriliv-televezhi-5-zagiblih-5-poranenih_n1885725

À la suite du bombardement de la tour de télévision, 5 personnes ont été tuées et 5 autres ont été blessées

Lire les nouvelles en russe

Le sixième jour de la guerre, les occupants ont cyniquement attaqué une tour de télévision à Kiev pour laisser les Ukrainiens sans informations véridiques. À la suite du bombardement de la tour de télévision, 5 personnes ont été tuées et 5 blessées.

Des informations pertinentes ont été publiées vers 18h00 à Kiev. Les orcs ont frappé la tour de télévision vers 17 h 11 le 1er mars.

Important A Kiev, les Russes visent la tour de télévision

Des personnes sont mortes à la suite du bombardement d'une tour de télévision à Kiev

À la suite du bombardement de la tour de télévision, 5 personnes ont été tuées et 5 autres ont été blessées,  a indiqué le SES. Les sauveteurs ont déclaré qu'à partir de 18 heures le 1er mars, ils continuaient à travailler.

Vitali Klitschko a déclaré qu'il avait déjà été touché par deux roquettes. Les occupants ont endommagé le poste de transformation qui alimente en électricité la tour de télévision et le matériel de la tour de télévision elle-même.

Soit dit en passant, le bureau du président a déclaré que:

  • en raison du projectile frappant le matériel du diffuseur sur la tour de télévision, il se peut qu'il n'y ait temporairement aucune diffusion télévisée ;
  • il n'est pas nécessaire de publier une vidéo du projectile frappant la tour de télévision, car cela peut aider les occupants ;
  • vous devez utiliser la recherche de chaînes sur votre téléviseur pour accéder aux chaînes régionales.

28 février 2022

Pourquoi Poutine a-t-il négligé les médias ukrainiens ?






Et si la force de résistance des Ukrainiens provenait… de leurs médias, qui continuent à émettre jour et nuit en couvrant la guerre avec assurance. Des médias actifs comme si de rien n'était. Comme si Poutine les avait (heureusement) oubliés.

D'ordinaire, prendre ses médias constitue un des premiers objectifs d'une agression armée contre un État. Occuper la radio-télévision et ainsi empêcher toute information de la population envahie, n'est-ce pas essentiel? Miner l'état des troupes ne passe-t-il pas par le silence radio? Pas dans le cas de l'Ukraine en tout cas. L'activité, le dynamisme des médias audiovisuels de ce pays meurtri est impressionnante. Leur relais sur internet, et leur présence permanente en direct sur Youtube, participe assurément à soutenir l'état d'esprit des populations, et à le dynamiser. Si les Ukrainiens tiennent bon, cela semble aussi être grâce aux médias.


Des médias qui n'opèrent pas dans la clandestinité, mais qui paraissent continuer à faire le job, en particulier sur les chaînes all news, dont Ukraïna 24, qui présente sa retransmission en direct par ces mots: " Le 24 février 2022, le président Volodymyr Zelensky a déclaré la loi martiale dans le pays en lien avec une attaque militaire à grande échelle des forces armées de la Fédération de Russie contre des villes ukrainiennes. Que se passe-t-il en ce moment ? Les forces armées ukrainiennes travaillent. La direction de l'Etat appelle au calme. Tout sera l'Ukraine ! УкраїнаLIVE "Ukraine 24". Cette chaîne, comme d'autres, travaille depuis de grands studios, avec recours à des incrustations et à des split screens. Ukraïna 24 "is the first 24/7 News TV channel from the Ukraine. The channel was founded in 2006. It claims to present an objective and unbiased presentation of news, interesting and useful information for the viewer of the day" (1).


Sur la chaîne Canal 24, les journalistes, plutôt jeunes, s'y succèdent à l'antenne, parfois seuls, parfois en couple. Le programme fait l'objet d'une réelle réalisation, avec enchaînements de séquences et de témoignages (souvent recueillis par smartphones). Lors des retours studio, plans larges sur le couple de journalistes alternent avec plans plus serrés sur l'un d'entre eux. Au milieu de ces événements terribles, ils esquissent même parfois un sourire. La chaîne, "appelée à l'origine News Channel 24, fait partie de la Lux Television and Radio Company, un conglomérat de médias en Ukraine" (2). La journaliste présente dimanche en fin d'après-midi était impressionnante malgré son jeune âge. La chaîne possède un site internet (https://24tv.ua/) qui comprend un nombre considérable d'informations sur la guerre, vue par les Ukrainiens, et qui est, selon certaines sources un des plus visités du pays (2).
Kyiv, est une télévision de Kiev. Son site présente la "diffusion en direct de la chaîne de télévision de Kiev sur la défense de l'Ukraine et de Kiev contre les envahisseurs russes". Selon ce qu'elle dit d'elle-même, la chaîne a un profil plutôt généraliste, mais la guerre en a fait une chaîne d'info. "Kyiv tv est un diffuseur moderne de la capitale européenne. Nous sommes toujours les premiers à savoir quoi, où et quand se passe à Kiev. Les sujets d'actualité de la vie de la métropole métropolitaine se dévoilent dans les programmes uniques de la chaîne. Le contenu artistique de la chaîne de télévision se compose de films et de séries européens et américains."(3)

 
Le compte Telegram de la station est entièrement dédié aux événements, et se présente à la fois comme au service des habitants de la capitale, et de l'Etat ukrainien en guerre. La chaîne y écrit elle-même que "les principales nouvelles de Kiev sont exactes et proviennent de sources primaires".


 
Une des spécialités des chaînes est la diffusion de brèves interviews de soldats russes faits prisonniers par l'armée ukrainienne. Une communication qui a de quoi renforcer la détermination des populations, et qui est soutenue par un site créé par le ministère des Affaires intérieures d'Ukraine afin de présenter les documents d'identité et les photos des soldats russes capturés ou tués par l'armée du pays.


Un site évidemment destiné à être consulté par les familles concernées. Et qui peut avoir un effet réel…tant que subsistera internet entre la Russie et l'Ukraine.



Il existe encore d'autres stations qui se sont muées en news channels, et qui sont tous actifs en temps réels. Comme les autres médias ukrainiens, ils continueront à mobiliser les corps et les âmes aussi longtemps qu'ils pourront émettre, ou être reçus via l'internet.

Tant que…


Frédéric ANTOINE.


Lorsque sévissait la guerre en Serbie contre Milošević, je passais mes nuits à regarder la télévision serbe, diffusée par satellite. C'était impressionnant de propagande et de directs couvrant les bombardements de la ville. Très révélateur, instructif. Plus qu'utile quand on est journaliste. Mais en Belgique (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), personne ne s'y intéressait. En 2022, il suffit d'une liaison internet pour entrer au cœur de tous ces médias, de les voir vivre. Et de mieux comprendre. Il suffit. Mais encore faut-il le vouloir…


(1) https://wwitv.com › tv_channels › b2602.htm
(2) https://fr.abcdef.wiki/wiki/Channel_24_%28Ukraine%29
(3) https://kyiv-media.translate.goog/about?_x_tr_sl=uk&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=en&_x_tr_pto=wapp



Ce que vous avez le plus lu