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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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24 octobre 2023

Metro : la mort au bout du tunnel

 

Rossel a annoncé que Metro s'arrêterait de paraître ce vendredi. Alors que, il y a quelques années encore, ce journal était le titre de presse le plus distribué en Belgique francophone. Avec la disparition du seul quotidien papier gratuit de Belgique disponible au nord comme au sud du pays, une nouvelle page de l'histoire de la presse se tourne. Au nom de la rentabilité des entreprises  et de leur désintérêt pour les expériences qui ne cadrent pas avec leur business plan. 

Il en avait fait du bruit, Metro, quand il avait vu le jour en Belgique. Les grands penseurs du journalisme se demandaient à l'époque si on pouvait vraiment considérer comme un média d'information un journal que son lecteur ne devait pas payer et qui ne se finançait que par la publicité. Ce qui semblait alors définir "la presse", c'était obligatoirement le fameux modèle économique à double versant ou, pour être plus trivial, la célèbre phrase d'Emile de Girardin : « Le journal est un bien qui se vend deux fois. » Et voilà que, avec Metro, il ne se vendait plus qu'une seule fois, et s'offrait gratis à son autre clientèle. Un journal qui, en somme, se rémunérait comme les toutes-boîtes, dont tout le monde s'accordait aussi alors pour dire que ce n'était pas de la presse, celle qu'on salue chapeau bas, qui souffre pour accomplir ses missions et à laquelle on rend hommage à tous les étages de la société pour son travail de garant de la démocratie…

FENÊTRE OUVERTE

Metro, ce n'était sans doute pas vraiment ça. De mémoire, il ne semble pas que ce journal-là ait eu un seul scoop, mené des enquêtes exclusives  en profondeur ou ait réussi, par ses révélations, à faire tomber des ministres. Métro était plutôt un suiveur de l'info, mais que lui demandait-on d'autre ? Et puis, son contenu, c'était quand même de l'info, et pas des ragots. Un tour du monde de l'actu un peu fastfood, à ingurgiter en quelques minutes seulement, certes, mais un tour du monde de l'info tout de même.

Combien de navetteurs et de jeunes, particulièrement, n'ont-ils pas bénéficié d'une petite fenêtre ouverte sur le monde en feuilletant ses petites pages ? Metro a initié à la lecture de l'info des dizaines de milliers de personnes qui, autrement, n'auraient jamais par elles-mêmes franchi la porte d'un marchand de journaux et payé pour accéder à un titre de presse. Le titre a vulgarisé l'info, et la brièveté de ses articles l'a rendue accessible à tous. On ne rappellera sans doute jamais assez la fonction de salut public que ce petit journal aura rempli pendant plus d'une vingtaine d'années.

PARTAGE vs ŒILLÈRES

En ce sens, Metro aura contribué à rajeunir le lectorat de la presse, et à le préparer à consommer d'autres médias. Jusqu'à ce qu'un autre média gratuit vienne (en partie) prendre sa place dans les transports en commun, avec le gros avantage d'être immensément plus diversifié que Metro et permettre de ne plus pouvoir lire que ce qu'on aime. Sans jamais avoir le regard brouillé par d'autres thèmes, d'autres univers que proposent, dans leur mise en page papier, tous les titres de presse.Metro vivait de la diversité de l'info. Les algorithmes d'internet ont replié ses lecteurs sur eux-mêmes, leur offrant les meilleures œillères permettant de ne pas devoir se confronter à l'éclectisme et l'imprévisibilité de ce qui fait le monde.

Metro était aussi le journal du partage. Un autre rôle que ne remplit aucun titre de presse belge. Chez nous, la presse ne circule pas de mains en mains (pour ceux qui la lisent encore sur un support papier). Chacun achète "son" journal, et le garde pour lui, ou pour sa famille. Metro, parce qu'il était gratuit, n'avait pas la valeur marchande du bien privé tel que l'a défini Samuelson dans son fameux article de 1954 (1). Bien sûr, l'appropriation d'un exemplaire privait un autre consommateur de lire le même exemplaire au même moment (notion de "rivalité") mais, bien souvent, le lecteur abandonnait son exemplaire après l'avoir lu. Ce phénomène était très visible dans les trains où de nombreux exemplaires de Metro traînaient sur les banquettes… et étaient alors repris par d'autres usagers du train. Metro était un bien qui s'utilisait plusieurs fois. Presque un "bien public".

Metro était encore un journal qui, malgré sa légèreté et son éphémérité, entretenait un lien fort avec ses lecteurs. L'idée géniale de la rubrique Kiss & ride, et son succès tout au long de la vie du quotidien, en est le plus patent exemple.

LEVE BELGIQUE, UNE KEER

Enfin, Metro était un peu une image de  "la Belgique". Il était le seul titre de presse belge publié dans les deux principales langues nationales (même Le Moniteur belge n'a pas le même nom côté flamand…). Un même titre, certes, mais pas un même contenu pour autant, comme nous nous sommes toujours évertué à l'expliquer à nos étudiants. Même maquette, mêmes pubs (souvent), même logo (sur une couleur différente)… mais pour tout le reste, chacun était maître chez soi. Pendant des années nous avons comparé avec nos étudiants des "unes" de la version francophone et néerlandophone. Leurs différences révèlent en profondeur ce qu'est la Belgique : un pays qui a une seule forme, un seul nom, des mouvements économiques et financiers communs… mais pas la même culture, les mêmes intérêts, la même façon de vivre et de comprendre le monde. Lire les deux versions de Metro parle plus que des heures de cours. Les "unes" de lundi dernier le confirment encore :

Côté francophone, la photo de "une" célèbre les beautés de l'automne. Du côté flamand, c'est le Hallowoef
Le titre de manchette est d'un côté sur le conflit palestinien. 
Et de l'autre sur le successeur de Van Quickenborne, qui divise l'Open Vld.

Parfois, la différence entre les deux versions se trouve dans le détail. Ainsi, par exemple, ces deux "unes" datant de 2020. N'a-t-on pas l'impression que, là, Metro est bien un journal belge, tant les similitudes entre les deux "unes" sont marquantes, à commencer par la photo principale, celle de Kate Middelton visitant un chenil ?

Sauf que, à y regarder à plus près, si les deux versions de Metro titrent bien sur le même événement, les deux rédactions n'ont pas choisi la même photo. La princesse rit franchement dans l'édition flamande, et sourit dans l'édition francophone. En plus de cela, le titre et la légende (ou le chapeau) sont insérés dans la photo en bas à gauche côté francophone, alors qu'ils sont dans un pavé côté flamand.Et ne parlons pas des autres titres qui sont tous différents, à commencer par celui de la manchette. Le seul autre élément similaire est le cadre rouge, qui est une publicité pour Spar, qui n'occupe pas le même emplacemen dans la page dans les deux versions…

HISTOIRE BELGE

Metro Belgique a aussi été une histoire belge parce que le titre a dû beaucoup se bagarrer devant les tribunaux où il était attaqué pour plagiat par la société suédoise qui avait créé le concept. Et, paradoxalement, il a réussi à faire reconnaître sa spécificité (d'où, par exemple, le fait que le site web ne s'appelle pas metro.be mais metrotime.be).

Enfin, Metro Belgique a encore été une belge histoire parce que, de sa création à très récemment, la société qui l'éditait, Mass Transit Media, était la propriété commune d'un groupe de presse flamand et d'un groupe de presse francophone. A sa création, Concentra en possédait 51% et Rossel 49%. Les choses se sont un peu compliquées quand le groupe régional flamand a été absorbé par Corelio, et qu'ensemble ils sont devenus Mediahuis. Ne cherchant plus à s'étendre en terres francophones, Mediahuis a vendu en 2020 ses parts (50%) dans Mass Transit Media à Rossel. Fin de la belle histoire transcommunautaire. Rossel prend seul les commandes, quelque mois à peine avant de racheter le mastodonte RTL Belgium avec un autre groupe flamand, DPG. Rossel n'est pas très accoutumé à oeuvrer en Flandre. Le sort final de Metro en a peut-être dépendu…
 
DEUX GROSSES CHUTES

Metro n'allait-il pas bien ? En ce qui concerne l'audience, des titres que l'on a pu lire dans les nécrologies publiées par certains journaux ces jours-ci affirment le contraire. Soyons de bon compte : Metro n'allait pas si bien que ça.

Les belles années de Metro, c'était avant 2010. L'époque où l'édition francophone flirtait avec les 120.000 exemplaires distribués, c'est-à-dire davantage que n'importe quel titre payant de la presse quotidienne de Wallonie-Bruxelles. L'édition flamande faisait mieux encore, mais ne menaçait pas, à l'époque, les impressionnantes diffusions du Laatste Nieuws ou du Nieuwsblad. Cette période de grâce durera jusqu'en 2012. Metro n'est alors pas nécessairement une affaire qui tourne, car le volume de pubs publiées dans ses pages n'est pas extraordinaire, mais l'audience est au rendez-vous devant les distributeurs verts disséminés dans les lieux publics.
 Le premier coup porté à la diffusion du titre se situe en 2013. C'est-à-dire au moment où le web 2.0 s'est généralisé. Tout le monde dispose désormais d'un smartphone et, lors de ses déplacements ainsi que dans les transports en commun, on est désormais sur son téléphone. Et moins sur Metro. Il est frappant de constater que, jusqu'en 2018, la diffusion gratuite de Metro reste alors stable. Ce qui ne veut pas dire que, dans les gares et ailleurs, les exemplaires disparaissent chaque jour comme des petits pains, ainsi que c'était le cas précédemment. Mais la clientèle qui est restée fidèle est toujours au rendez-vous.
 
Le second coup côté diffusion est clairement lié au covid. A partir de mars 2020, inutile d'imprimer et de distribuer des exemplaires dans des endroits où il n'y a plus personne. Pour la presse gratuite "pull", le covid est une catastrophe. Alors que pour la presse gratuite "push", elle est une aubaine…
 
Ce qui est étonnant (ou pas) est que, en post-covid, en 2022, le public ne semble pas s'intéresser davantage à Metro qu'en période covid. Ou, plus clairement, en 2022 l'éditeur du titre ne retrouve pas davantage de personnes intéressées par le journal, qui a fait des efforts d'adaptation, que lors du covid. Pour la presse gratuite pull aussi, le covid aurait-il profondément changé nos habitudes ? 
 
Un autre élément n'est pas à ne pas perdre de vue : 2020, année malheureuse pour la presse, est aussi celle où Rossel reprend seul la gestion de Metro. Et voilà que, depuis lors, la diffusion se sent mal, que la direction réduit le nombre de jours où le journal est disponible, puis annonce son enterrement. Simple coïncidence ?
 
Il ne faut aussi pas oublier qu'il restait tout de même en 2022 60.000 exemplaires pris chaque jour par des candidats lecteurs dans les distributeurs francophones, et autant du côté flamand. Combien de quotidiens payants peuvent-ils revendiquer pareille diffusion papier à l'heure actuelle en Belgique, notamment côté francophone ?
 
QUELLE MISSION POUR LA PRESSE ?
 
L'argument n°1 évoqué pour justifier l'arrêt du titre ce vendredi est la difficulté à y attirer des annonceurs. Est-ce si différent du reste de la presse, que les éditeurs ne trucident pas pour autant ? Au contraire de la presse gratuite push, type Vlan, la presse gratuite pull n'a pas été créée jadis pour être la vache à lait des entreprises de presse. La fonction sociale de Metro aurait pu justifier que son propriétaire fasse un effort pour le maintenir en vie, en se reposant sur les bons résultats que le groupe enregistre dans d'autres branches. Un grand groupe de presse ne fonctionne-t-il pas selon le principe des vases communicants : certes, un secteur peut être déficitaire. Mais si on l'estime pertinent par rapport au rôle social qui a justifié sa création et son maintien, on peut le faire vivre grâce aux apports d'autres divisions de l'entreprise.
 
En l'occurrence, on a dû considérer que Metro n'était plus utile, voire n'avait plus de sens à l'heure actuelle. Prendre comme une fatalité le fait que tous les jeunes (et moins jeunes) passent désormais leur temps le nez sur leur smartphone et qu'il est donc inutile de vouloir leur proposer un produit de presse qui les ferait sortir de leur(s) monde(s) est un choix. Mais est-ce le bon ?

Frédéric ANTOINE.

 

(1) Samuelson, Paul A., 1954, “The Pure Theory of Public Expenditure”, The Review of Economics and Statistics, 36(4): 387–389. doi:10.2307/1925895

16 novembre 2022

Mondial : le Palais ne botte pas en touche


Le Palais a-t-il clairement choisi de ne pas boycotter la Coupe du Monde au Qatar ? Cela pourrait être la conclusion à tirer de cette vidéo unique en son genre où il apparaît que, plus supporter des Diables que le roi Philippe à l'occasion de leur participation au Mondial qatari, tu meurs.
 
Que ce soit un super coup de comm, du jamais vu, une inscription des pas médiatiques de notre souverain dans ceux de la reine d'Angleterre, personne n'en disconviendra. On est loin des discours de Noël ou du 21 juillet, des "Mesdames et Messieurs" du roi Philippe ou des "Mesdames et Messieurs, chers compatriotes" de son père. 
Voilà un souverain qui a (enfin) franchi le Rubicon de la retenue et de la timidité, se permettant, un peu pince sans rire, des allures d'acteur. À la place des interventions officielles sur des médias qui le sont tout autant, voici une vidéo, léchée dans sa réalisation, clairement destinée à faire le buzz sur internet et les réseaux sociaux. 
 
Et cela fait mouche. Outre le tintamarre médiatique qu'elle soulève, elle a déjà recueilli en 18 heures plus de 22.000 vues sur YouTube. En comparaison, le discours de Noël 2021 du roi Philippe ne compte à ce jour que 6.700 vues, et le fameux discours du roi Albert du 21 juillet 2011, où il critiquait l'attitude de la classe politique après 400 jours de crise n'a jamais totalisé "que" 26.000 vues. Bref, ce clip diabolico-royal est une belle opération.
 
CHOIX POLITIQUE, OU CIVIQUE ? 
 
Mais fallait-il vraiment faire maintenant, et à cette occasion, cette opération médiatique ? Alors que le Palais cultive d'ordinaire la retenue, et ne s'engage (s'il s'engage…) que lorsqu'un sujet ou une opinion est unanimement partagé dans la population, comment apprécier la participation royale à ce clip présenté comme les "Derniers ajustements avant le départ pour la Coupe du monde: It’s #DEVILTIME! 😈 🇧🇪" ?
 
Une partie de la réponse est simple : l'attitude du Palais a, vraisemblablement, reçu l'assentiment du gouvernement, qui a de son côté décidé d'envoyer la ministre des Affaires étrangères au Qatar "pour supporter les Diables". Déléguer dans cet  État controversé une des personnalités les plus haut placées de la hiérarchie ministérielle démontre que la Vivaldi n'a pas choisi de boycotter le pays où se déroule la compétition. Dès lors, pourquoi empêcherait-elle le roi de prendre le même parti : non seulement être, dans l'absolu, un supporter de l'équipe nationale, mais l'encourager lors de sa participation à ce tournoi, même si cette épreuve fait l'objet de contestations de la part d'une partie de la population ?
 
SUJET CLIVANT ?
 
À notre connaissance, il n'existe pas de sondage récent permettant d'identifier l'opinion des Belges face à cette Coupe, et à la nécessité (ou non) de la contester de l'une ou l'autre manière. Un sondage a bien été mené en septembre par Amnesty International, mais il se centrait sur des thèmes connexes, sans qu'on puisse en déduire clairement une opinion de la population sur la compétition. Il indiquait en tout cas qu'une grande majorité de Belges voudrait que la FIFA indemnise les travailleurs du Qatar et souhaiterait que l'Union belge s'exprime à propos des droits humains dans ce pays. 54% des sondés se disaient aussi susceptibles de regarder au moins un match.

Ce dernier pourcentage signifie en creux qu'une partie de la population ne comptait pas suivre un seul événement du tournoi qatari. On sait que de nombreuses localités n'organiseront pas de retransmission publique de la compétition. On a aussi appris ce 16 novembre que l'Union belge annulait son fan village prévu à Vilvorde, suite au manque d'intérêt des supporters… Alors que, d'ordinaire, le Mondial enflamme tous les cœurs, cette Coupe divise visiblement la population. Assurément pas en deux parties égales, les silencieux étant sans doute nombreux à pencher pour le camp du "comme d'habitude". Mais faut-il pour autant faire fi de cette autre partie, dont on ne sait si elle est majoritaire ou minoritaire, qui a décidé de se passer de Mondial au nom de son éthique ou ses convictions ?
 
LE ROI DES BELGES
 
D'ordinaire, les Diables constituent une cause nationale. Un élément unificateur dans un pays émietté, comme le montre adroitement cette actuelle pub tv qui vise, sans le dire, à promouvoir des paris sportifs. Une équipe nationale, c'est du pain béni pour la monarchie d'un pays fédéral. D'où, sans doute aussi, l'engagement royal pour le foot. Tout le foot. Pourvu que les Diables en soient. Le foot, où qu'il se déroule, s'il permet à la Belgique de retrouver, ne serait-ce que pour un temps, une unité noir-jaune-rouge. 
 
Le contenu de la vidéo montre un choix du Palais sans nuance. On pourrait le qualifier d'unilatéral. Au nom de l'unité nationale, et du respect de tous les points de vue, n'aurait-il pas été possible d'être plus diplomate ? De distinguer un engagement derrière une équipe de la compétition discutée à laquelle ils vont participer ? 
Sil eût été difficile que le souverain s'exprime dans le clip à propos des craintes concernant le respect des droits humains au Qatar (ce qui reste à voir), n'aurait-il pas été possible de glisser quelque chose à ce sujet dans le final de la vidéo, qui se contente de montrer, symboliquement unies, les armoiries de l'Union belge (…de foot) et de la Monarchie. 
Il est tard, mais il n'est pas trop tard. Une parole royale permettrait encore de dissiper d'éventuels doutes. Une prise de position lors d'un événement, quelques mots via un communiqué… Ou une autre vidéo sur YouTube ?
Notre footeux souverain redeviendrait alors vraiment le roi de tous les Belges.

Frédéric ANTOINE
(illu : capture d'écran YouTube)
 

 

25 mars 2021

RTL GROUP SE REPLIE SUR SON PRÉ CARRÉ. LE STAND-ALONE BELGE SE PRÉCISE

Il est désormais à peu près sûr que RTL Belgique ne sera pas vendu dans les valises du groupe M6. La petite société belge devra séduire seule son nouvel acquéreur. Et ce alors que le groupe RTL choisit d'opérer un "repli stratégique" sur l'Allemagne.



Le message supposé rassurant envoyé hier mardi à son personnel par le CEO de RTL Belgique, affirmant que les informations circulant sur l'avenir de l'entreprise n'étaient que des spéculations, n'a évidemment convaincu personne. Il semble bien acquis que Bertelsmann entend à l'avenir limiter le RTL Group à son pré carré, c'est-à-dire à l'Allemagne. Une déclaration du CEO du groupe, citée dans L'Echo (1), est à ce propos plus que indicative : "Nous voulons être un consolidateur en Allemagne". Et elle rejoint à demi-mots ce que le patron de RTL Belgique écrivait lui-même hier, reconnaissant que le dossier de L'Écho "confirme néanmoins le thème développé depuis plusieurs mois par le CEO de RTL Group, Thomas Rabe, à savoir « Face à l’évolution de l’industrie audiovisuelle dans le monde, le groupe RTL, dans les différents marchés dans lesquels il est présent, investiguera les possibilités de consolidation de ses activités, qui peuvent se présenter sous différentes formes.»"

NATIONAL PLUTÔT QU'EUROPÉEN

Jusqu'à présent, le RTL group avait toujours misé sur une stratégie de développement international de ses activités, celle-ci reposant essentiellement sur un pôle "diffusion de programmes" caractérisé par une implantation nationale forte (2). C'est par la création de filiales nationales, souvent leaders sur leur marché, que le groupe est devenu incontournable à l'échelon européen. Les derniers choix de son management marquent un revirement à 180° de ce type de développement. L'heure semble désormais être au "repli stratégique" sur le territoire allemand, afin d'y bâtir un empire tellement fort qu'il soit capable de rivaliser, à l'échelon d'un pays, avec les opérateurs mondiaux et les plateformes multinationales. Avec une idée claire: être si fort chez soi qu'on parvienne ainsi à bouter hors du territoire ces acteurs internationaux qui s'y sont implantés au détriment des locaux. Jouer à la Jeanne d'Arc de l'audiovisuel. Un peu comme si, du côté des pays, on décidait tout à coup d'abandonner l'option de l'Union européenne pour en revenir au États-nations et au nationalisme individuel.

Qui plus est, l'option nationaliste de Bertelsmann paraît devenir contagieuse, et inspirer d'autres marchés. Elle pourrait expliquer, par exemple, ce qui est en train de se passer en France autour de la vente de M6, dont le magazine Capital, citant Le Canard Enchaîné et La Lettre A, annonce qu'elle est entrée dans sa dernière phase (3). Et que le candidat le plus sérieux à la reprise des 49% du RTL Group dans M6 ne serait autre que… TF1! Comme l'explique le magazine économique, cette supériorité du groupe Bouygues est logique: puisqu'il est le principal concurrent de M6, il dispose des meilleures armes pour l'absorber au moindre coût.

MASTODONTES NATIONAUX

Cet éventuel rachat pose évidemment un "tout petit" problème de respect des règles de concurrence. Dans une Europe où l'on fait tout pour éviter que ne croisse encore la concentration (notamment dans les médias), voir un groupe exercer un quasi-monopole sur un marché national a de quoi quelque peu faire hausser les sourcils. S'il se réalise, le scénario évoqué en Allemagne, où Bertelsmann pourrait racheter son concurrent ProSiebenSat1, serait tout aussi anti-concurrentiel. Il va aussi sans dire que la constitution de tels conglomérats géants ne seraient pas non plus vue d'un bon œil par des consommateurs de médias de plus en plus méfiants, et déjà prêts à l'heure actuelle à n'accorder plus aucune confiance aux opérateurs classiques. Qui pourra s'étonner qu'un jour seuls les réseaux sociaux soient considérés comme dignes de confiance, si on en vient à un schéma "mastodonte privé unique vs service public"? Bien sûr, on n'en est pas là. Mais, s'il se réalise, l'éventuel avalage de M6 par son concurrent n°1 serait catastrophique à ce propos. Il conduirait aussi forcément à terme à une réduction drastique de l'offre. Et ce même au cas où, comme le prétend TF1, les deux entreprises resteraient statutairement distinctes.

SEUL SUR L'ÉTAL


Et le petit RTL Belgique, dans tout cela? L'annonce de la clôture de la procédure de vente de M6 confirme bien qu'aucun acheteur français n'a voulu intégrer la filiale belge dans son offre. Il n'y aura donc pas de vente groupée. RTL Belgique est laissé seul sur l'étal de l'hôtel des ventes. Même si le RTL Group espère en retirer un bon prix, il y a de fortes chances pour que le petit rejeton belge soit finalement vendu à vil prix, afin que le géant allemand s'en défasse rapidement et puisse mettre en place sa stratégie de repli national. Bien sûr, RTL Belgique est à l'heure actuelle un acteur incontournable des médias en Belgique. Les audiences de plusieurs de ses émissions font rêver la concurrence. Mais certaines s'effritent. Et, surtout, l'entreprise manque cruellement de souffle depuis qu'elle s'est défaite des membres de son management qui soutenaient un ancrage local fort. RTL se répète plutôt qu'innover. Elle en est toujours à considérer que c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes (dernier exemple en date: le retour de Place Royale sur RTL TVI après avoir d'abord été relancé sur Bel RTL). Comme déjà écrit ici, on ne peut non plus oublier les apports essentiels des programmes de M6 à ses succès d'audience. Enfin, à l'heure où LN24 commence à s'installer sur le marché, son bastion dans l'info pourrait bien, lui aussi, devenir de plus en plus fragile. Et, comme il constitue la clé de voûte de ce qui fait l'identité de l'entreprise dans le petit monde des médias de chez nous, remettre cette pièce clé en cause pourrait mener à l'effondrement de l'édifice.

Les Français n'ont pas fait un cadeau à RTL Belgique en forçant l'entreprise à se vendre en stand-alone, alors qu'elle ne vit pas ces derniers temps ses plus beaux jours et qu'elle n'est pas, à l'heure actuelle, dans ses plus beaux atours. La mariée pourrait clairement être plus belle. Et, si mariage il y a, il ne sera pas "Au premier regard". Ce sera une union de raison. Ou de désillusion. Pour le meilleur ? Ou pour le pire?

Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-mise-a-l-etalage-une-operation-inscrite-dans-les-astres/10293145.html
(2) RTL a également développé un pôle "production", en rachetant des sociétés réputées au plan mondial et en invitant ses filiales à s'y fournir en programmes, mais cet élément reste marginal par rapport à la stratégie d'implantation locale (càd nationale) de la société.
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/vente-de-m6-les-dessous-de-loffre-de-tf1-1397981

07 août 2020

Des films vendredi et samedi à la tv française: les week-ends des spectateurs vont changer d'allure. En Belgique aussi


Les chaînes de télévision française sont désormais autorisées à diffuser des films les vendredis et samedis. 
Cela va changer la donne sur les petits écrans aussi pour les Belges, et pour la RTBF et RTL-TVI.

 
 
 
 
 
 
 
Le Journal Officiel de l'État français a publié jeudi 6 août (1) deux décrets concernant la télévision. L'un d'eux supprime les jours d'interdiction de diffusion de longs métrages pour les chaînes fixés jusque là le vendredi, le samedi, et le dimanche après-midi. Cette mesure, prise en janvier 1990 (2), visait à protéger les salles de cinéma de la concurrence du petit écran pendant l'essentiel de la durée du week-end. Estimant que cette interdiction ne s'appliquait de toutes façons pas aux plateformes de type Netflix, le gouvernement français a considéré qu'elle était devenue obsolète et a rendu la liberté de programmation aux chaînes. Celles-ci sont dès lors autorisées à diffuser davantage de films par an que jusqu'à présent.

Cette mesure sonne peut-être le glas de la diversité programmatique de la télévision française généraliste. Les chaînes y avaient en effet souvent coutume d'occuper leurs cases de primetime par des productions de fictions, aujourd'hui essentiellement orientées vers les séries. Mais devaient être plus imaginatives en fin de semaine.




De longue date, sur TF1, seuls les fins de semaine échappaient à la loi des fictions, les deux jours fatidiques de l'interdiction étant dans un premier temps consacrés à des variétés, puis aussi à des télé-réalités, voire des jeux. Sur France 2, l'offre au long de la semaine était plus diversifiée, quoique aussi dominée par les fictions. Le vendredi était ainsi une case de type "téléfilm", mais le samedi était réservé aux "variétés".

Zone protégée


C'est ainsi que les télévisions françaises ont conservé, contre vents et marées, une offre de programmes de divertissement et de variétés. L'interdiction des films en début de week-end a permis que perdurent des productions originales incluant des genres aussi divers que des jeux d'aventure de type Fort Boyard, des télé-réalités comme Koh-Lanta, The Voice ou la Star Academy, et des multitudes d'émissions de chanson, des Enfoirés aux Victoires de la Musique à N'oubliez pas les parole en passant par le Plus grand cabaret du monde, vestige télévisuel du temps lointain du Music-Hall. Le tout s'inscrivait dans une tradition antérieure à cette interdiction, dont l'Histoire n'oubliera jamais les célèbres shows de Gilbert et Maritie Carpentier.

Qu'adviendront ces programmes maintenant que des films peuvent capter l'audience les vendredis et samedis soirs, et que l'on sait les diffusions de films porteurs de bonnes audiences, peut-être davantage que certaines émissions de variétés? Pour les chaînes qui avaient choisi de ne pas jouer ces jours bannis la carte de la fiction, la question va se poser. Elle pourrait être moins prégnante pour les autres, sauf que la présence de films sur certaines stations concurrentes obligera forcément les autres compétiteurs à se repositionner. Le succès des soirées cinéma proposée à tire larigot pendant le confinement en a été un bon indicateur.

Dans le même cadre, les blockbusters de divertissement jusqu'ici calés en fin de semaine n'auront-ils pas intérêt à changer de jour de diffusion, l'audience globale de la tv étant traditionnellement moins forte en début de week-end? Bien sûr, il sera toujours plus tentant de proposer Koh-Lanta la veille d'un samedi plutôt qu'avant un jour d'école. Mais sera-ce le cas pour tous les programmes porteurs des vendredis et samedis?
Enfin, la télévision généraliste française ne va-t-elle pas perdre cette tradition historique du film du dimanche soir, seule case permise pour proposer un morceau de cinéma en fin de semaine, qu'avait inaugurée la première chaîne de l'ORTF dès les années 1960, que TF1 n'avait jamais abandonnée et que France 2 avait, elle aussi, choisit d'exploiter à partir des années 1990. La fin du film du dimanche soir, ce serait comme les dernières images d'une longue histoire…

En Belgique aussi…

Alors que le marché de la tv de fin de semaine était plutôt stabilisé en France, il pourrait donc bien éclater. Et en Belgique itou. Il ne faut en effet pas perdre de vue qu'un tiers des spectateurs francophones belges, en moyenne, sont chaque soir sur une chaîne française, et que les variétés et les télé-réalités de fin de semaine de TF1 sont, dans ce petit pays, des programmes forts en termes d'audience.

Mais l'effet français pourrait être plus fort. Car l'éventuel repositionnement des grilles des vendredis et samedis aura aussi, par ricochet, un effet sur celles des chaînes belges, qui visent plutôt actuellement à jouer la complémentarité face à l'offre forte des stations parisiennes. Après son magazine de début de soirée, La Une (RTBF) avait jusqu'ici coutume de proposer un téléfilm le vendredi et une série le samedi.Si le cinéma s'empare ces jours-là des deux chaînes françaises les plus regardées en Belgique, que fera la chaîne publique? Même question pour RTL TVI, qui n'a jamais cessé de proposer des séries le vendredi, et occupe maintenant sa case du samedi par une télé-réalité (d'ordinaire rachetée à… M6). Mais, à certains moments, comme en 2017-2018, la chaîne privée diffusait aussi des films le samedi soir! Devant une éventuelle offre plus alléchante des opérateurs français, il lui serait difficile de tenir la concurrence.

Il se passe donc toujours quelque chose sur le marché de la télé. Même si celui-ci est désormais concurrencé, dans la fiction, par l'offre des plateformes. Le secteur du divertissement restait l'une des spécificités propres à une culture, ou un pays. Une sorte d'exception culturelle. Le décret français en annonce-t-il la fin? En tout cas, dans l'éventualité d'un nouveau confinement dû au covid, il permettra aux chaînes d'Outre-Quiévrain de ne plus devoir s'arracher les cheveux pour savoir quoi diffuser les soirs de fin de semaine…

Frédéric ANTOINE.

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/
/affichTexte.do;jsessionid=AFC12F7C9471BC0F01B8665B68E091CA.tplgfr38s_3?cidTexte=JORFTEXT000042211247&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000042210887

(2)https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000342173&fastPos=1&fastReqId=938408427&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte#LEGIARTI000025883985




01 août 2020

Rentrée au pays: tous les Belges pas égaux devant le formulaire

Depuis ce 1er août, le Passenger Locator Form est imposé à tous les Belges. Il existe désormais dans les trois langues nationales, à la fois dans une version directement complétable en ligne et sous forme d'un pdf à remplir dans certaines conditions. Mais quel parcours du combattant pour le trouver! Et, surtout, un petit étonnement : les mêmes infos ne sont pas demandées selon que l'on remplit le formulaire en ligne ou via le pdf…

Le PLF est enfin disponible! Enfin, si on le trouve dans la jungle d'internet. Une recherche "plf Belgique" sur Google fait immédiatement apparaître l'intitulé "Public Health Passenger Locator Form/Coronavirus Covid 19" renvoyant au site info-coronavirus.be/fr/plf. A condition de taper les bons termes dans le moteur de recherche, la quête ne semble pas très compliquée.
Par contre, bon courage si on se rend directement sur la page de garde du portail info-coronavirus.be. Prenez votre temps, et soyez un amateur de labyrinthes.

JEUX DE PISTE

On se trouve en effet d'abord devant un page d'ouverture qui n'aide pas l'estivant en retour vers la mère patrie. Les mots "Passenger Locator Form" n'y apparaissent nulle part et il faut deviner que, dans le bas de ce qui apparaît à l'écran, c'est dans le petit cadre "Vous partez en voyage?" qu'on pourra trouver l'onglet à partir duquel arriver, sur info-coronavirus.be, à la page info-coronavirus.be/fr/voyages/ qui, elle-même, sous le titre "Voyager en Europe- surveillez le code couleur de votre destination", mentionne, sans lien avec ce titre, que "toute personne revenant en Belgique doit remplir le Public Health Passenger Locator Form dans les 48 heures précédant son retour", et renvoie à la fameuse page donnant les infos sur le formulaire.

Ces pérégrinations accomplies, disons que, finalement, on y est. Sauf que on y est pas tout de suite quand même. Ce serait trop facile! La page info-coronavirus.be/fr/plf ne comprend bien sûr pas le formulaire. Elle se contente de mentionner "le formulaire est disponible ici".

Mais, en même temps, la même page ajoute qu'il est aussi disponible sur le site du SPF Affaires étrangères et de l'Office des Etrangers.
A vous donc de choisir: y aller en ligne directe, ou plutôt d'abord faire un tour par une autre case? En cliquant sur "disponible ici", on tombera tout de suite sur le fameux formulaire. Mais, si on passe par les autres propositions (dont on s'interroge sur la raison d'être), on sera reparti pour un tour de carrousel. En effet, par exemple, sur le site des Affaires étrangères, on aboutira à la page de garde du site, et ce n'est qu'en scrollant longuement que, au beau milieu de la page, entre deux tableaux, on finira par lire que, si on revient de l'étranger, on devra remplir un formulaire "disponible ici".

PAS TOUT À FAIT FRANÇAIS

On arrive alors enfin au nirvana: la page où se trouve le formulaire! Enfin, presque. La page travel.info-coronavirus.be/fr/public-health-passenger-locator-form comprend effectivement un formulaire à remplir en ligne, et qui permet d'obtenir un "confirmation code" (en anglais dans le texte). Mais elle propose aussi, sous certaines conditions, de passer par une autre formule (cf ci-après)… Ces formulaires existent dans quatre langues. En ce qui concerne la version en ligne mais il est clair que son inspiration n'est pas d'origine francophone.

Ainsi, outre la mention indiquée ci-dessus, il y est demandé trois fois d'y indiquer des dates sous la forme anglo-saxonne "dd/mm/yyyy". Une formule dont le sens, bien sûr, n'échappe à aucun ressortissant belge revenant de ses vacances.

Alors que le formulaire comprend au début une formule claire de type "je suis resté à l''étranger plus de 48 heures", la ligne suivante comprend seulement l'infinitif "voyager" précédant une liste de moyens de transport. Un infinitif dont le sens est peu compréhensible…

Autre exemple, à l'endroit où l'on demande à la personne de mentionner sa nationalité, l'onglet de réponses comprend juste une liste de pays. Ce qui signifie que le Belge répondra en somme "Je suis de nationalité Belgique", le Français "Je suis de nationalité France", etc. Pas de place ici pour les adjectifs. Mais bon, ne cherchons pas la petite bête: les mêmes anglicismes figurent dans les autres versions linguistiques du texte.

 

PAS TOUS ÉGAUX

Nuance importante annoncée ci-dessus: le formulaire en ligne ne concerne pas tout le monde. Pour pouvoir le remplir, on doit disposer d'un téléphone portable. Pour quelle raison? Impossible à savoir, le document ne l'explique pas. Magnanime, l'Etat fédéral mentionne donc que, si on ne dispose pas d’un numéro de téléphone portable, on doit compléter un autre document, vers lequel on est renvoyé, l'envoyer complété par mail à une adresse plf Belgium et en garder une copie imprimée avec soi. Le document en question est la version originale (mais en quatre langues) du plf mis en ligne le mois dernier, sous forme d'un pdf à télécharger, qu'il faut ensuite imprimer et remplir à la main.

Bonne idée, sans doute: tout le monde n'a pas un portable. Mais il est certain par contre que tous les vacanciers belges partis à l'étranger ont emporté dans leurs bagages leur imprimante, ou ont dans leur gite de montagne ou leur appartement à Marbella accès à ce service. Tout comme ils disposeront ensuite d'un scanner pour pouvoir copier le document rempli, avant de le renvoyer via ordinateur à l'adresse indiquée…

Des détails? Peut-être. Plus intéressant alors:  les informations demandées dans les deux documents ne sont pas tout à fait les mêmes. Le contrôle auquel le vacancier en voyage de retour est soumis n'est donc pas identique selon le formulaire qu'il remplit.


Ainsi, dans la version pdf, pas besoin d'indiquer de données précises  si on arrive en Belgique en bateau (alors que c'est expressément demandé dans le texte d'introduction). Aucune case du formulaire 'papier' ne concerne les navires. Dans le document en ligne, par contre, ce moyen de locomotion est à mentionner et à compléter, comme les autres.

Le formulaire pdf comprend aussi une case peu explicite où il faut indiquer à un endroit "Numéro de registre national belge/passeport ou numéro de carte d'identité". Dans la version en ligne, il y a clairement une case pour le numéro de registre national et une autre pour le passeport ou la carte d'identité. La version pdf n'invite pas à devoir indiquer distinctement les deux informations.

De même, le formulaire pdf demande d'indiquer le numéro de téléphone de son domicile ou de son bureau. Le "ou" est clairement notifié. Dans la version en ligne, il y a par contre deux cases bien distinctes pour le numéro du téléphone fixe et pour celui du bureau. On est invité à renseigner les deux, et pas un seul.

Le formulaire pdf est aussi très précis pour les enfants de moins de 16 ans. Il y a lieu de mentionner pour chacun d'eux leur identité complète et le siège occupé dans le moyen de transport utilisé. Le formulaire en ligne se contente pour sa part de demander le nombre d'enfants de moins de 16 ans. Point à la ligne.


Pour le fun, on mentionnera enfin l'habituelle absurdité à la belge: alors que le formulaire pdf doit être rempli par quiconque ne dispose pas de numéro de téléphone portable, on y demande évidemment à la personne d'indiquer… son numéro de téléphone portable…


Selon sa situation, le voyageur en retour vers la Patrie a donc intérêt à utiliser l'un ou l'autre des formulaires mis à sa disposition. Tout en sachant aussi que, pour la version pdf, il est clairement mentionné que les informations transmises seront détruites 28 jours après l'arrivée des personnes au pays. Alors que, dans le document en ligne, aucune mention n'existe à ce sujet.

Plus qu'une nuance?


Frédéric ANTOINE.

26 juillet 2020

La Première ministre monte enfin à la tribune

Il y a du changement dans l'air dans la communication de l'Etat fédéral au terme des séances du CNS, le Conseil National de Sécurité. Lors des deux dernières conférences de presse, la Première est montée à la tribune. Cela change tout!

Jusqu'à fin juin, les orateurs des conférences de presse du CNS étaient tous réunis autour d'une même table, la Première ministre se trouvant plus ou moins en son centre. Le nombre impair de chefs de gouvernements des Régions et Communautés, ajouté à la Première ministre, entraînant la présence de six personnes autour de la table, Mme Wilmès ne pouvait en effet se trouver exactement au milieu de la table, comme en témoigne cette capture d'écran de la conférence de presse du 24/06.

En plus de cette position non centrale, lors de ces conférences de presse, la Première a, jusqu'à fin juin, toujours eu coutume de s'exprimer assise. Comme nous l'avons relevé dans un article précédent (1), elle apparaissait de la sorte comme ayant le même statut que les autres personnalités présentes. Même si c'était elle qui prenait le plus la paroles, elle était en quelque sorte "une parmi d'autres", tous positionnés sur pied (ou fauteuil) d'égalité.

De la sorte, l'oratrice se trouvait aussi dans l'axe de la caméra située au fond de la salle de conférence de presse. S'adressant aux journalistes présents, elle parlait aussi fréquemment en même temps aux spectateurs suivant la diffusion de l'événement en direct ou en différé, ou en voyant des extraits lors de séquences des JT. Une confusion entre 'communication gouvernementale' et 'conférence de presse' qui nous avait interpellé dès le premier article de ce blog (2).

C'EST MOI LE CHEF!

Le 15 juillet, puis le 23, tout change. Alors que le gouvernement qu'elle dirige ne dispose plus de pouvoirs spéciaux depuis le 1er juillet, la Première ministre change la donne, du moins dans la partie "allocution" de la conférence de presse.


La disposition de la table n'a pas changé, mais un septième lieu de parole a été ajouté à sa droite. Si elle se trouve assise à la table, la Première y occupe donc désormais la place centrale, et le cadrage de la caméra, prenant la scène dans son ensemble, ne s'y trompe pas, que ce soit le 23/07 (à gauche) ou le 15/07 (à droite). L'esthétique et l'équilibre du plan sont rétablis, et la place du milieu qui lui incombe naturellement, apparaît clairement.

Mais, surtout, lors de son allocution, moment essentiel où sont communiquées les nouvelles mesures et décisions, Mme Wilmès n'est plus une simple oratrice parmi d'autres. Elle occupe désormais la place de primus inter pares en se distinguant du lot des participants.
En l'occurrence, se distinguer, c'est se séparer.


Pour sa prise de parole, qui constitue l'essentiel de la conférence de presse, la Première se rend désormais à une tribune. Certes, elle se trouve ainsi décentrée par rapport à la table, mais ce décentrement attire sur elle tous les regards.
De plus, en étant au pupitre, flanqué du sigle .be, l'oratrice se tient du même coup debout. Et le fond de l'image se voit occupé par les drapeaux belge et européen.
Une mise en scène qu'utilisent fréquemment les chefs d'Etat lors de leurs communications officielles.

NOUVELLE STATURE

Ce changement de positionnement a tout d'un changement de stature. S'exprimer debout alors que l'assistance est assise met clairement l'orateur en évidence, et souligne l'importance de sa communication. Le fait que la tribune ne soit pas directement accolée à la table où se trouvent les chefs de gouvernements régionaux permet à l'oratrice de paraître isolée des autres intervenants. Elle n'est plus au même niveau qu'eux, elle les domine.

Télévisuellement, le dispositif permet à la caméra permet de la saisir seule à l'image. Elle est bien le capitaine du navire, et c'est elle qui commande.
Ce positionnement permet aussi, pour la première fois, que la présence de l'interprète en langue des signes ne vienne pas 'manger' une partie de l'image de l'oratrice, comme cela arrivait par le passé.

Enfin, la posture verticale procure aussi à l'oratrice l'occasion de développer une gestuelle plus large, et plus visible, qu'en position assise. Sa communication peut donc être plus variée et animée, et son discours ponctué d'attitudes plus marquées. Tous ces éléments renforcent l'impression de solennité et d'officialité de la communication, ainsi qu'une image de sérieux. Ce qui est dit ici est important, et celle qui s'exprime le fait au nom de la mission dont elle est investie. Son rôle est d'être le chef. Et elle vous le montre.

POUR LA PRESSE

Adresser un message depuis une tribune située à droite de la scène où se déroule la conférence de presse oblige l'oratrice à se tourner légèrement vers la droite pour s'adresser à son audience prioritaire, c'est-à-dire aux journalistes présents dans la salle. La plupart du temps que dure l'exposé, pour avoir ce regard tourné vers les représentants de la presse, l'oratrice doit positionner son buste de biais. En conséquence, elle n'est pas en situation de pouvoir à la fois s'adresser à la salle et à la caméra. Contrairement à ce qu'avait jadis écrit E. Veron dans son fameux article "Il est là, je le vois, il me parle" (3), il n'y a pas ici d'axe Y-Y entre l'oratrice et le téléspectateur. Ce ne sera que furtivement, presque par hasard (voir exemples ci-dessous), que la Première rencontrera l'œil de la caméra et que l'axe Y-Y deviendra un instant réalité. Précédemment, celui-ci était très fréquemment présent lorsqu'elle s'exprimait assise depuis la table (cf capture d'écran de début d'article).



Grâce à ce nouveau dispositif, la confusion entre 'communication à la presse' et 'communication à l'opinion' semble levée. Il s'agit bien ici de s'exprimer pour les journalistes, et à ceux-ci de gérer ensuite la transmission de cette communication. Les choses sont devenues claires. Sauf que… bon nombre de chaînes de télévision continuent à retransmettre en direct ces conférences de presse. Et que, sur youtube par exemple, cette captation fait office de communication officielle au terme d'un CNS. Tout n'est donc pas aussi clair…

COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE

Nous l'avions suggéré dans notre premier article sur le sujet: en pareil temps de crise, pourquoi le gouvernement ne recourt-il pas, comme par le passé, à des "communications gouvernementales" dans les médias afin de s'adresser à l'opinion? Le discours à la Nation n'est pas l'apanage du roi pour la Noël ou le 21 juillet (voire aussi lors du début de la crise covid). Et, dans d'autres Etats tout aussi démocratiques que la Belgique, c'est bien de cette manière que les messages importants des gouvernants sont transmis aux populations. Pourquoi la Belgique rechigne-t-elle à s'y engager?
La nouvelle marche du podium de la communication que la Première pourrait encore franchir serait de décider de s'adresser directement au peuple belge, via les médias, lors de discours conçus spécialement à cet effet.
Ce mode de communication ne pourrait que rendre plus officielles encore la parole du gouvernement et de la Première ministre.
Et lui conférerait incontestablement une crédibilité et une légitimité bien plus grandes que celle d'une prise de parole en conférence de presse. N'en déplaise aux journalistes… D'autant que l'un et l'autre ne sont pas inconciliables.

Frédéric ANTOINE.






(1) https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2020/06/coronavirus-rites-et-adaptations-des.html
(2) https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2020/05/conference-de-presse-ou-de-stress.html
(3) https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1983_num_38_1_1570

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