User-agent: Mediapartners-Google Disallow: User-agent: * Disallow: /search Allow: / Sitemap: https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/sitemap.xml

Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
Affichage des articles dont le libellé est Journalisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Journalisme. Afficher tous les articles

07 février 2021

INVITER LES SCIENTIFIQUES À ALLER SE RHABILLER, EST-CE LE RÔLE D'UN PRÉSENTATEUR D'UNE CHAÎNE ALL NEWS?

Est-il normal que, au début de son émission, un animateur d'une chaîne All News s'adresse directement aux scientifiques, et les invite en termes polis à aller se rhabiller? C'est en tout cas ce qui est arrivé près de chez nous fin janvier. Est-ce cela qu'un présentateur d'une chaîne consacrée à l'info est là pour donner son opinion ?

« Je m'adresse aussi pour terminer aux experts. Alors, messieurs les experts, ça fait un an que vous êtes sur tous les plateaux de télévision et y a rien qui a changé. Alors, s'il vous plaît, retournez dans vos laboratoires trouver nous une solution et laissez le politique qui est payé pour ça nous l'annoncer. » C'est ainsi que le présentateur (ou l'animateur, ou le journaliste?) d'une émission de LN24 a ouvert son programme le 30 janvier dernier. En termes plus un peu plus choisis, ce dernier a bien signifié aux chercheurs, aux médecins, aux épidémiologistes… de retourner à leurs casseroles et de ne plus nous embêter. Qu'à titre privé, on puisse exprimer de telles opinions est une chose. Mais que cela soit affirmé, en ouverture de programme, par celui qui le présente, peut poser davantage de questions. (le texte complet figure en fin d'article)

D'accord, l'émission en question s'appelle un "Late Show", et essaie peu ou prou de s'inspirer des talk-shows de fin de soirée des télévisions américaines. Mais, dans le cadre de l'émission précitée, cela veut-il dire qu'on n'y exercice pas le journalisme, et que la pratique déontologique appliquée dans l'ensemble des autres programmes de la chaîne, 100% info, n'est ici pas de mise? La personne qui anime cette tranche horaire est-elle dispensée des règles qui régissent le monde de l'information? 

Une question de statut

Aux USA, les présentateurs des late shows ne sévissent pas sur des chaînes d'info, et ils animent clairement leur show dans le contexte d'un programme de divertissement. Ils y jouent un rôle mêlant la fonction d'animateur-présentateur et celui d'humoriste. Ils sont là pour être des pince-sans-rire, pas des journalistes. Le stand-up qu'ils réalisent en début de chacun de leurs shows est d'ailleurs une sorte de sketch humoristique, souvent grinçant, certes basé sur de l'actu, mais dont tout le monde maîtrise le fonctionnement et les règles. Le cadre et le contexte se prêtent à ce genre d'exercice. On n'a pas là affaire à une sorte de billet d'opinion présenté en pré-programme, avant le générique de l'émission. Le québécois Dan Gagnon, lorsqu'il animait le Dan Late Show sur la RTBF, était dans cette veine américaine. Ici, c'est autre chose.

D'accord, la pratique du journalisme inclut l'éditorialisation. Et, dans les médias écrits, l'expression d'opinions par des journalistes-éditorialistes est une tradition bien ancrée. Mais est-on ici dans ce cadre-là? Est-on face à un éditorial, qui pose le pour et le contre, analyse et puis conclut par l'expression d'un avis? En entendant les propos reproduits ci-desus en ouverture de ce programme, le spectateur ne peut-il pas se demander : « Mais qui est ce personnage pour prononcer de tels propos ? D'où vient-il pour parler ainsi aux scientifiques ? Pourquoi se permet-il ce ton-là ? Sur quoi se base-t-il, par exemple, pour affirmer que rien n'a changé ? » Le présentateur de ce programme a-t-il sur la chaîne un statut d'éditorialiste? Le générique de l'émission précise-t-il que les propos du présentateur n'engagent que lui-même et pas l'identité éditoriale de la station? Sauf erreur, cette émission n'a pas de générique…

Une question de genre

D'accord, le présentateur de ce show ne manque pas de talent. Dire qu'il ne pratique ce genre d'exercice que depuis septembre dernier, et qu'il n'avait auparavant pas fréquenté les cénacles de l'audiovisuel, démontre une incontestable capacité à assimiler les codes télévisuels en un temps record et un art de la présence à l'écran que certains doivent lui envier. Mais cela ne démontre-t-il pas que ce show s'inscrit dans un registre étranger aux formats conventionnellement utilisés sur une chaîne consacrée à l'information? Si l'on se branche sur une all news, c'est parce qu'on a confiance en elle, en la qualité et en la véracité de l'info qu'elle va délivrer. Comme le disent les sociologues des médias, c'est là-dessus que repose contrat de lecture qui lie le spectateur et la station. Le programme évoqué ici correspond bien à ce qu'on appelle un talk show, c'est-à-dire un programme ‘à invités’ où tout tourne autour de la personnalité du présentateur. Sans lui, l'émission n'existerait pas. Mais ce n'est pas un talk-show d'information comme, par exemple, C'est pas tous les jours dimanche sur RTL-TVI.

La question de fond est donc de savoir si, sur une chaîne d'infos, le mélange des genres est de mise, le spectateur n'ayant qu'à se débrouiller seul devant la diversité des codes sur lesquels fonctionnent des programmes de nature différente. Une all news, ce n'est pas une télévision thématique comme les autres, où tout est bon pourvu que l'audience suive. C'est un maillon de la chaîne des connaissances qui nous permettent notre être au monde.

D'accord, on dira qu'il suffit de faire confiance à l'intelligence du spectateur, bien formé par une éducation aux médias tellement pratiquée en Belgique que le monde entier nous l'envie. N'empêche. Quand on entend le présentateur d'une émission d'une chaîne info affirmer tout de go sa propre opinion, en invitant les scientifiques à retourner dans leurs labos et foutre la paix au monde, ça cause comme un malaise…

Frédéric Antoine

Pré-Ouverture de l'émission du 30/01/2021

"Je m'adresse à vous les jeunes, pas ceux qui sont avachi devant leur télévision. Avec Netflix, les GAFA, YouPorn, Deliveroo, mais à ceux qui se rebellent, aux résistants. A nos jeunes qui aux Pays-Bas se rebellent. A ceux qui veulent se rebeller ici, en Belgique. Je devrais pas le dire, je devrais pas vous conseiller de le faire. D'ailleurs, je vous conseille pas de le faire. Mais comme dirait Frank Vandenbroucke, je ne vous l'interdis pas parce qu'on comprend votre mécontentement. Je m'adresse aussi aux pontes de l'Europe et du fédéral. Messieurs, nos séniors ont cotisé 40 ans pour se retrouver depuis un an dans une prison. Prison dorée peut être, mais une prison tout de même. Notre classe moyenne est à L'a-go-nie. Elle n'existera peut être plus après cette crise et c'est elle qui fait tourner la baraque. Je m'adresse aussi pour terminer aux experts. Alors, messieurs les experts, ça fait un an que vous êtes sur tous les plateaux de télévision et y a rien qui a changé. Alors, s'il vous plaît, retournez dans vos laboratoires trouver nous une solution et laissez le politique qui est payé pour ça nous l'annoncer. Et pourquoi pas un jour de bonnes nouvelles. Mesdames et messieurs, bienvenue dans le …"

13 juin 2020

Godefroy détruit au piolet : la télé y était


« Mesdames messieurs, bonsoir. Un seul titre aujourd’hui dans notre journal : la recrudescence des actions militantes contre Godefroid de Bouillon sur le territoire belge. Comme vous le savez, plusieurs groupements reprochent à ce personnage d’avoir été à la tête de la première croisade contre le monde arabe, et d’être ainsi responsable de la mort de centaines de milliers d’innocents, ainsi que de création d’un sentiment xénophobe à leur égard. Afin de faire disparaître ce « héros national » de la mémoire collective, ces mouvements ont déjà mené plusieurs actions : la stèle qui lui est consacrée dans l’église de Baisy-Thy a ainsi été détruite à la masse avant-hier. Et, au même moment, la statue qui le représentait sur la façade du palais des princes évêques de Liège a subi le même sort.
Dans ce journal, nous sommes fiers de pouvoir vous montrer en exclusivité une autre action d’un de ces groupements. Celle-ci s’est passée en plein milieu de la nuit dernière à Bouillon. Nos équipes y étaient, et en ont rapporté des images d’une violence inouïe. Lors de leur diffusion, nous vous inviterons d’ailleurs à écarter de l’écran les plus jeunes enfants.  Mais, avant cela, Quentin Florquet, vous avez pu assister avec toute votre équipe à la destruction de la statue de Godefroy de Bouillon qui se trouve en contrefort à quelques mètres du château de Bouillon. Expliquez-nous comment vous avez réussi recueillir ces images exclusives. »

« Eh bien, Francis, mon caméraman, mon preneur de son, mon éclairagiste et moi, nous passions alors tout à fait par hasard, dans le cul de sac que constitue à Bouillon la rue de l’hôtel de ville. C’était dans la nuit, à 2h37 du matin. A plusieurs centaines de mètres de nous, notre attention a subitement été attirée par le bruit d’un petit piolet, type « Grivel Monte Blanco Gold », d’environ 65 cm de long. C’était un son tellement caractéristique que cela nous a intrigués, et que nous avons décidé d’aller voir de quoi il s’agissait. Nous avons dû accomplir un parcours très dangereux, dans une nuit noire et sans lune, sans trop savoir où nous allions. Puis nous avons clairement vu, de loin, quelques personnes tapant sur ce qui ressemblait à un amas de pierre. Immédiatement, notre cameraman a sorti son matériel, et n’écoutant que son courage, notre éclairagiste s’est faufilé entre les rochers jusqu’au petit groupe. Sur place, il a allumé ses lampes. Nous pensions avoir affaire à des alpinistes un peu aventureux, ce qui aurait fait un beau sujet de saison pour le JT. Quelle n’a pas été notre surprise en découvrant que ces personnes s’en étaient prises à une statue. A ce moment-là, nous ignorions totalement de qui il s’agissait. J’ai alors tenté d’établir le contact. Autant vous dire que nous avons été farouchement refoulés par un des intervenants, qui nous a invité à rester à distance pour ne pas être blessés par les éclats de pierre. Mais nous nous sommes malgré tout accrochés, nous avons été de l’avant, et c’est ainsi que vous allez pouvoir voir de très gros plans de l’opération, et de la violence avec laquelle le bloc de pierre a été réduit à néant. Bien évidemment, nous sommes ensuite partis sans demander notre reste. »
« Merci Quentin, pour ces explications qui donnent tout son poids à la séquence qui va suivre. Afin d’être complet, j’ajouterai que, en toute fin de cet après-midi, nous avons bien sûr tenté de prendre contact avec le bourgmestre de Bouillon. Hélas, celui-ci était alors indisponible. Nous aurons donc sans doute son avis une prochaine fois. Quentin, comptez-vous encore nous apporter d'autres scoops aussi percutants? »
« Je me rends demain à Innsbruck. Mais cela n'a aucun rapport direct avec ce que nous avons découvert hier, bien sûr. »

F.A.
 (Toute ressemblance avec des faits, événements, ou  personnes existants ou ayant existé est évidemment purement fortuite. Merci à l'auteure du post facebook qui a inspiré ce texte de fiction.)
 

23 mai 2020

Paroles d’experts : (2) Des avis sur tout dans « Le parti pris » (Matin Première)



Les experts sont-ils toujours convoqués par les médias en raison du caractère pointu de leurs compétences dans un domaine ? Si cela s’avère être le cas dans Questions en prime (cf. article du 22/05), en est-il de même dans la séquence « Le parti pris » de Matin Première ?

« Le parti pris » est une rubrique qui existe depuis plusieurs années au sein de la matinale radio de La Première, où elle occupe actuellement un créneau quasi quotidien d’une quinzaine de minutes, débutant un peu après 8h30.

L’émission apparaît lors de la refonte de la matinale de La Première, en septembre 2017. À l’occasion de cette remise à plat, l’inaltérable séquence historique d’interview « politique » de l’émission change de journaliste. Celui qui la pilotait jusque-là devient titulaire de la plage de midi de la chaîne, avec un programme d’échange d’idées intitulé Débats Première. Au sein de la matinale, « Le parti pris » n’est programmé que le dernier jour de la semaine, après les informations de 7h, situation que traduit le slogan : « Le vendredi, c’est ‘Le Parti pris’. »
Depuis la rentrée 2019, la refonte de la programmation de La Première a supprimé l’émission de débats de mi-journée. « Le parti pris », pour sa part, est passé du début de la deuxième heure de la matinale au début de sa dernière demi-heure. Mais, surtout, son rythme est devenu presque quotidien (la séquence n’est pas proposée le vendredi).

Le principe de l’émission est de faire débattre deux invités autour de deux thèmes liés à l’actualité. Si l’on s’en réfère au titre da séquence, celle-ci promet de donner aux intervenants l’occasion de communiquer leur ‘parti pris’, c’est-à-dire leur prise de position définitive sur un sujet. Selon le dictionnaire de l’Académie française, en effet, « la locution nominale parti pris désigne une opinion préconçue ou une décision prise d’avance » (1). Il s’agirait donc moins ici de commenter que d’argumenter, de justifier sur quoi repose le ‘parti pris’, une des questions à éclaircir étant de déterminer si l’opinion ainsi exprimée l’est ou non à titre personnel.

Un rendez-vous d’habitués

À ses débuts, « Le parti pris » recourt à un nombre très restreint d’intervenants. Dans l’impossibilité matérielle de dresser ici l’inventaire complet de ceux-ci, on relèvera que François Gemenne, professeur à l’ULG et à Sciences-Po Paris, se révèle immédiatement un pilier du programme. Idem pour Alain Gerlache, journaliste et chroniqueur de la RTBF. Autour d’eux, l’un ou l’autre représentant du monde académique, dont une politologue de l’ULB, font aussi partie des invités récurrents. Ils seront rejoints par quelques journalistes, certains extérieurs au personnel de l’entreprise publique de radio-télévision.


Le passage de la séquence à un rythme quasi quotidien va entraîner un léger élargissement de ce panel relativement conventionnel. Le relevé des intervenants des vingt éditions de la séquence qui se sont déroulées du 24 février au 20 mai 2020 (2) totalise une vingtaine de noms différents. Ce qui ne signifie pas que tous ces participants ont eu la parole à parts égales, c’est-à-dire à deux reprises. Certains noms reviennent de manière très récurrente : un invité est intervenu à cinq reprises, deux à quatre, deux à trois. Le plus grand nombre n’est passé à l’antenne que de manière sporadique : six personnes deux fois, et neuf à une seule occasion.

Un parti pris journalistique ?

Dans cette distribution figurent aux premières places des ‘piliers’ historiques du programme, mais aussi des participants arrivés plus récemment. La part des femmes est plutôt réduite (4 débattrices sur 20), déficit d’autant plus marqué que la plupart d’entre elles n’y sont pas fréquemment conviées.
Le statut de chacun de ces locuteurs n’est pas aisé à cerner. En effet, ceux-ci comptent parfois plusieurs domaines d’activité. Leur présentation telle qu’elle est exprimée à l’antenne peut bien sûr aider à les classer, mais celle-ci n’est pas toujours identique (3).
De plus, il n’est pas certain que la présence de tous les intervenants se justifie uniquement par leur domaine d’activité actuel, mais aussi par la nature de leur parcours antérieur ou de leur carrière.

Tout en reconnaissant que les classifications sont nécessairement réductrices, il a été tenté de réunir ces personnes en de grandes catégories. Il en ressort que, pour la période analysée, la majorité des débatteurs appartient aux mondes du journalisme, des médias et de la communication. Certains sont clairement journalistes, d’autres travaillent dans la communication ou sont porte-parole d’organisations.
Quelques participants peuvent être considérés comme relevant de l’univers des philosophies et des spiritualités. Les débatteurs restants sont issus d’associations liées aux mondes de l’éducation et de la culture, ou encore aux mouvances politiques ou universitaires.

En fonction du nombre d’interventions de chacune des personnes, il apparaît que la moitié des prises de parole sont le fait de journalistes et de professionnels des médias et de la communication, et un peu moins du quart de spécialistes des questions philosophiques et spirituelles. Le monde universitaire vient en troisième position.

Des champs très larges

Ces intervenants sont-ils des experts ? Leur parole est-elle convoquée en raison de la compétence particulière qu’ils possèdent sur l’un ou l’autre sujet ?
Certes, les invités du « Parti pris » le sont parfois en fonction de leur expertise par rapport à un des sujets traités (une militante féministe lors de la journée des droits des femmes, un critique de cinéma pour le septième art en crise, un associatif engagé dans un quartier d’immigration lorsque la Turquie décide d’ouvrir ses frontières aux migrants…). Mais ces cas sont plutôt rares,
Le plus souvent, le secteur de compétence de la personne n’a qu’un très lointain rapport, voire aucun lien, avec les thèmes mis en discussion. À titre de simples exemples, et sans vouloir mettre ici quiconque en cause, au cours de la période observée, un ‘expert en affaires publiques’ (pour autant que l’auditeur comprenne de quoi il s’agit) se prononcera sur la crise migratoire à la frontière turque. Le porte-parole d’une organisation soutenant des minorités sexuelles jugera le procès Fillon. Une communicatrice convertie dans la promotion de l’égalité hommes-femmes prendra parti sur le carnaval d’Alost. Un vicaire épiscopal apportera sa lecture sur la gratuité des transports en commun. Une militante laïque commentera le procès Assange, ou une ancienne responsable de presse, fondatrice d’un cercle féminin, évaluera l’avenir de Brussels Airlines après la crise du covid.
Tout le monde peut avoir un avis à exprimer sur chacun de ces sujets. Mais est-ce ici en raison d’un positionnement ou d’une expertise particuliers ? Une simple lecture ne semble pas confirmer que ce soit sur base d’une qualification particulière que la parole de ces personnalités ait toujours été sollicitée.

Spécialistes de tout

Une confirmation de cette impression ne peut que venir de la prééminence exercée dans le panel d’intervenants par la catégorie des « journalistes et de professionnels des médias et de la communication ». Bien sûr, celle-ci est vaste, et l’expertise d’un journaliste n’est pas celle d’un autre, ni n’est de même nature que celle d’un conseiller en relations publiques, ou de quelqu’un qui est passé du monde du journalisme à celui de la communication (pour parfois revenir ensuite à ses premières amours…). Mais l’importance accordée aux personnes issues de ces secteurs n’est-elle pas d’abord liée au fait que celles et ceux qui y sont actifs  sont très souvent (ou se considèrent comme) des ‘généralistes’, voire, selon l’expression un peu péjorative de Denis Ruellan, des « professionnels du flou ». Soit, dans ce contexte-ci, des personnes ayant un regard si vaste et englobant sur l’actualité qu’il leur est à peu près loisible de parler de — et de réagir sur — tout. Une sorte d’expertise quasiment universelle, en quelque sorte.

Car, dans cette séquence, c’est bien de cela qu’il s’agit. Les thématiques abordées variant au fil de l’actualité du jour, il y est attendu que l’invité ait, sur ces sujets, la capacité non seulement d’exprimer un commentaire, mais aussi celle de porter un regard. Et, normalement, d’exprimer son ‘parti pris’.

Au fond, des convictions

Une lecture à peine plus approfondie du parcours et du positionnement de chacun des intervenants du « Parti pris » suggère que le choix de ces personnes au sein du panel repose aussi sur d’autres critères. Leur diversité veille également à tenir compte de la diversité des tendances, opinions, courants philosophiques, politiques ou religieux de la société belge dans lesquels ces acteurs sont plus ou moins directement impliqués.
Fidèle à ses obligations de service public, la RTBF ne peut éviter de recourir à de savants équilibrages. Même si ceux-ci ne paraissent pas toujours relever de la précision de l’apothicaire.
Certaines et certains débattrices et débatteurs y font d’ailleurs parfois allusion dans leur prise de parole. La légitimité de leur présence peut être officiellement présentée en fonction de leur inscription dans un champ de compétence. Mais c’est aussi, sinon surtout, au départ de leurs convictions, de leur positionnement et de leurs engagements philosophiques, politiques ou idéologiques, que leur parole véhiculera un sens, un message. Un parti pris.
Toutefois, cette raison finale, il appartiendra à l’auditeur lui-même de la deviner. Sauf dans les rares cas où l’habit fait le moine, il aura à lire entre les lignes. Et comprendre lui-même ce qui se cache derrière le nom d’une société, d’une association, d’un mouvement… dont on se contentera de donner l’intitulé dans la présentation de la séquence.

Sur l’agora

À l’instar de bon nombre d’autres contenus de radio, « Le parti pris » est une émission de discussion, de partage d’idées. Mais pas un lieu où la connaissance et les compétences thématiques de certains sont convoquées pour, que, à partir d’elles, l’auditeur puisse être aidé à se forger sa propre opinion. Certes, il pourra se nourrir des propos tenus, mais en considérant qu’il s’agit d’abord là de paroles privées, exprimées à titre personnel.
Personne ne contestera  que tous celles et ceux qui prennent part à cette séquence disposent aussi, sinon d’abord, d’un statut, d’une étiquette particulière. Qu’ils bénéficient d’une certaine reconnaissance sociale. Mais celle-ci leur octroie-t-elle un droit d’expression particulier sur des sujets qui peuvent inspirer des pensées à tout un chacun ?

À moins que l'erreur soit de considérer ces intervenants comme des experts. Ne devrait-on pas plutôt les qualifier des chroniqueurs? Pour ceux dont la présence à l'antenne est fréquente, l'appellation est sans doute (aussi, voire plus) pertinente. Mais pour tous les autres ?

Frédéric ANTOINE.

(1)    http://www.academie-francaise.fr/jai-pris-le-parti-pris
(2)    La séquence n’a pas eu lieu pendant la période du 6-9 ensemble.
(3)    Notamment entre ce qui est exprimé oralement par le journaliste-animateur et ce qui s’affiche sur la version audiovisuelle diffusée en ligne.

22 mai 2020

Paroles d'experts dans les médias: (1) Science et rassurance dans "Questions en prime" (La Une RTBF)

Dans leur traitement de l'actualité, les journalistes doivent-ils faire appel à la parole de personnes supposées compétentes? Ou, au contraire, l'occupation d'une partie de l'espace médiatique par un discours d'expertise ne contribue-t-elle pas à la mise en cause de la crédibilité des journalises, voire au rejet de leur légitimité? Et ce a fortiori dans un monde où bon nombre d'expressions de représentants de l'establishment sont, dès le départ, sujettes à suspicion?
La place que les experts occupent dans les discours médiatiques est un sujet de débat sans fin.

Sans envisager résoudre le fond de la question, portons un petit regard sur deux 'cas'parmi d'autres. Le premier, développé dans ce texte, concerne la place que les experts occupent dans l'émission de crise Questions en prime, proposée après le JT de 19h30 de La Une (RTBF).
Le second, qui fera l'objet d'un texte séparé, traitera des experts dans la séquence Le parti pris, diffusée après 8h30 dans la matinale radio de La Première (RTBF).

Comparaison n'étant évidemment pas raison, il a semblé plus utile de développer ces quelques réflexions en deux articles plutôt que des inscrire dans un seul texte. Questions en prime a en effet vu le jour en urgence face aux questionnements de la population devant la pandémie et les mesures radicales prises pour l'endiguer.  Le parti pris est une rubrique qui existe depuis plusieurs années, et qui peut être considérée comme un lieu de débat remplaçant celui qui était précédemment proposé par la même chaîne de radio, mais à l'heure de midi.

Réponses d'experts

Questions en prime ne donne pas la parole qu'à des experts. Une large place y est laissée au questionnement et à la parole des téléspectateurs, ainsi que de divers acteurs de la société civile. Mais la structuration de l'émission repose bien sur la parole experte. Chaque jour, les sujets mis sur la table sont soumis aux personnalités présentes sur le plateau pour que celles-ci y apportent réponse, même si ces thématiques ne figurent pas au centre de leurs domaines de compétences.

Les experts sont ici convoqués en raison de leur légitimité. Outre l'une ou l'autre personne intervenant par visioconférence, les émissions sont quasiment à chaque fois bâties autour de deux spécialistes d'une problématique (essentiellement scientifique ou médicale) liée au covid-19. Quelques éditions, surtout en début de crise, ont accueilli un plus grand nombre d'intervenants. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs duré beaucoup plus longtemps que la moyenne du programme, qui est d'un peu plus de 30 minutes (voir l'article du blog daté du 5 mai).

Sourire et compétence

Certains experts occupent l'antenne davantage que d'autres. Entre ces 12 et le 20 mai, le professeur de santé publique de l'ULB Yves Coppieters y a ainsi pris part à cinq reprises. A cette période, il est la seule personnalité à occuper le plateau de manière récurrente. Une situation qui s'explique sans doute en fonction de son domaine de compétence, fortement sollicité en période de sortie de confinement. Mais le caractère affable, le sourire permanent et l'attitude rassurante du personnage ont aussi contribué à le rendre indispensable. Dans pareille émission, la médiagénie d'un intervenant aide à faire passer son message. Et tous autres intervenants ne disposent pas de la même aisance.
Même si, en prévision d'éventuelles autres crises, il était peut-être utile d'inclure quelques cours d'expression communicationnelle dans la formation des chercheurs et des médecins, on ne peut pas considérer que cette seule raison explique pourquoi, pendant cette période, les autres invités n'ont été présents dans l'émission qu'en 'one shot'. D'autant que, pour la plupart, ils avaient déjà pris part à des émissions antérieures.
L'accès aux archives récentes de l'opérateur public étant fortement limité dans le temps, aucun relevé systématique de l'identité de toutes les sommités convoquées depuis la mi-mars n'a pu aujourd'hui être établi. Mais la diversité des experts, et leur présence fréquente sur le plateau peuvent être confirmées sur base de coups de sonde dans les documents audiovisuels accessibles, ainsi que par l'expérience de vision personnelle. Un recensement, sûrement incomplet, permet de dresser la liste d'au moins une vingtaine de noms de personnes, essentiellement issues du monde des sciences, toutes les universités étant peu ou prou représentées, ainsi que de celui de la pratique médicale, généralement en hôpital (souvent universitaire). Un souci d'équilibre entre lieux de recherche et d'enseignement semble avoir concouru aux choix réalisés par la production.

Le panel des intervenants semble, au début de la crise, avoir été assez large, et parfois institutionnel. Les experts sont accompagnés de représentants officiels d'institutions ou de structures hospitalières, comme s'il ne s'agissait pas tant d'apporter une expertise que d'affirmer une présence. Au fur et à mesure que la crise évolue et que surgissent des questionnements sur "l'après", la parole experte devient à peu près seule à structurer le programme.

Expliquer et rassurer

Dans Questions en prime, les experts sont convoqués pour expliquer, mais aussi pour rassurer. Leur rôle est de répondre aux discours de craintes ou de doutes, ainsi que de contrer les rumeurs, en y opposant une parole scientifique, qui est aussi d'abord la leur, à titre individuel.
Dans la mesure du possible, ils étaient donc celle-ci par des données et des chiffres. Au fil du temps, ils la conforteront aussi ponctuellement en évoquant des résultats de recherches déjà menées au plan international. À certains moments, l'un ou l'autre expert ajoutera aussi parfois des avis ou des commentaires plus personnels, que le statut de leur communication aura tendance à mettre sur le même pied que les propos scientifiques. Certaines paroles reposeront aussi parfois sur leurs intuitions ou leurs impressions. A la vision du programme, on s'interroge dès lors parfois sur ce qui permet d'asseoir l'avis, parfois péremptoire, émis par l'expert. Mais on ne peut perdre de vue le risque (peut-être non calculé) qui prend ici celui qui accepte de s'exprimer 'sans filet', le programme étant diffusé en direct et sans possibilité éventuelle de rattrapage, ou de repositionnement a posteriori, de son propos.

Dans cette émission, le rôle conféré à l'expertise était assurément de (r)établir la confiance, et de soutenir avec discernement plutôt que de remettre en cause les discours et mesures de santé publique prises par la CNS. Le caractère pédagogique du programme s'inscrit d'abord dans une certaine vision de la mission de service d'éducation permanente conférée à la RTBF en tant que service public. Et moins dans celle d'informer le public, même si les deux objectifs sont fréquemment imbriqués.
L'usage classique de l'expertise qui y a été développé s'inscrit dans cette visée.
S'agissait-il toutefois là de la seule option envisageable? Lorsque viendra le temps de l'évaluation, la question sera sans doute soulevée.

Frédéric ANTOINE

Le point (2) de Paroles d'experts dans les médias fera l'objet d'un autre article très prochainement sur ce blog


21 mai 2020

Autoriser l'accès aux résidences secondaires : quand l'alerte précède l'info


« L'interdiction de séjour dans les résidences secondaires est levée avec effet immédiat. » Mercredi 20 mai à 15h29, cette info tombe sur tous les smartphones abonnés aux alertes du journal L'Echo.

En cette veille de long week-end de l'Ascension, alors que l'après-midi est à peine entamée, on imagine la joie des suiveurs du journal économique et financier, qui ne doivent pas être des clients du quotidien pour voir la nouvelle sur leur téléphone. Une partie d'entre eux étant assurément propriétaire d'une résidence de vacances en Ardenne ou à la côte, l'info tombe à pic. En quelques minutes on peut faire ses bagages, emporter éventuellement quelques vivres de réserve, rassembler la famille et hop on est partis. Depuis le temps qu'on l'attendait, cette nouvelle-là!

Ces heureux vacanciers auront-ils été arrêtés sur leur passage par les brigades mobiles de la police chargée de faire respecter le confinement? A voir le nombre de véhicules circulant, pour divers motifs, ce mercredi 20 mai sur les routes belges, elles auraient eu beaucoup à faire pour contrôler tout le monde. Mais, en cas de vérification dans l'après-midi, elles auraient sans doute rappelé aux chauffeurs et aux passagers de ces villégiateurs que, à leur connaissance, la fameuse autorisation dont ils se revendiquaient n'était pas encore de mise…


Sur le fond, ces quelques heures de battement ne modifient pas fondamentalement les choses. Mais elles confirment que la course à l'info, surtout quand la consigne à appliquer est "mobile first", pousse parfois les médias à anticiper la nouvelle, c'est-à-dire à se limiter à une seule source (voire parfois à zéro source) avant de décider de communiquer une information. Le 20/05 c'était le cas de L'Echo, ce qui est plutôt peu banal. Un autre jour, cela aurait été un autre média.

Mais, sur ce coup-là, la plupart des autres pourvoyeurs d'information ont manifesté davantage de prudence.
C'est une dépêche Belga, diffusée aux environs de 15h, qui informe d'un accord du CNS à propos de la levée d'interdiction. La nouvelle peut étonner car aucune réunion physique du Conseil n'a été annoncée à la veille du week-end de l'Ascension. Il apparaît alors que celle-ci s'est réalisée à distance en visioconférence,  dans la matinée. La teneur des alertes lancées par les applications de plusieurs médias se limite alors à l'annonce d'un accord, mais ne parle pas de sa mise en œuvre. En dénouant le fil des événements, il apparaîtra que la nouvelle de l'accord a été communiquée sur le temps de midi par le ministre-président du gouvernement flamand devant le Parlement flamand, et que c'est à celle occasion que celui-ci aurait annoncé que la décision entrait en application immédiatement.

C'est en tout cas ce qui ressort d'un article publié dès 13h25 par Het Laatste Nieuws, qui sur son site titre: "Lang verwarring, maar nu officieel: Belgen mogen met onmiddellijke ingang weer naar tweede verblijf". Les sources qui y sont citées par HLN.be sont Belga et VTM Nieuws. Le chapeau de l'article est encore plus clair: "Belgen met een tweede huis aan bijvoorbeeld de kust of in de Ardennen mogen daar vanaf nu weer heen. Dat is na veel verwarring woensdag nu ook officieel. Het Belgisch Staatsblad heeft het nieuwe Ministerieel Besluit gepubliceerd."On y précise que le journal officiel de l'Etat a publié la nouvelle. Dans le début du texte, l'auteur précise ensuite que "Die opheffing gold volgens Jambon “met onmiddellijke ingang”".

7sur7.be étant en cheville avec HLN.be, on s'étonnera qu'il ait mis près de deux heures à relayer l'information, tout en lui conférant un caractère moins affirmatif à propos de la mise en œuvre immédiate de la mesure. La première info tombe sur le site francophone à 14h20. L'alerte pour mobiles est plus tardive, et n'informe que sur la conclusion d'un accord. La version définitive du texte sera réajustée à 15h49, en se référant aux sources HLN et Belga. La même prudence figure dans son contenu. Sous l'intertire "C'est pour quand?", l'auteur écrit notamment: "Selon Jan Jambon, la mesure prend effet sur le champ. Or, hier, la Première ministre Sophie Wilmès avait annoncé qu’en cas d’aval du GEES (le groupe d’experts qui conseillent le gouvernement durant la crise sanitaire), l’interdiction serait levée, mais elle n’avait pas voulu apposer de date à ce nouvel assouplissement des mesures de restriction." Et le paragraphe se conclut par la phrase: "Mais jusqu’ici, le centre de crise n’a pas encore officialisé ni daté l’accord évoqué par Jan Jambon."

Les médias francophones qui publient des alertes pour smartphone dans la suite de l'après-midi conservent cette prudence. On parle de "bientôt", ou on se demande "à quelle date". Seule La Libre semble confirmer à demi-mot dans son alerte l'immédiateté de la mesure, en expliquant en fin d'après-midi que l'interdiction était devenue disproportionnée.

Toujours en se référant aux alertes, ce n'est qu'un peu avant 21h que la plupart des médias francophones confirmeront la nouvelle et lui conféreront un côté officiel, c'est-à-dire après la publication du Moniteur.

Indépendamment de la question de l'urgence de diffuser une information, l'ordre dans lequel les médias francophones ont rédigé leur alerte-smartphone ne manque aussi pas d'intérêt. Par rapport à la question du recoupement de la vérification des sources, on s'étonnera peut-être que ce soit La Libre qui ait brûlé la politesse à tout le monde. Mais, comme ceux de L'Echo, ses lecteurs ne sont-ils pas particulièrement concernés par cette mesure? Ce cas mis à part, les supports qui s'empresseront de communiquer sur le sujet seront des médias populaires et/ou régionaux. L'audiovisuel ne réagira que plus tardivement, et la RTBF avant RTL. Une question de stratégie rédactionnelle ou d'organisation de veille numérique?
Quant au Soir, selon l'inventaire à notre disposition des alertes envoyées le mercredi 20, il ne postera un message que lorsque la nouvelle est réellement officielle…

Frédéric ANTOINE.

16 mai 2020

Le « doute systématique du journaliste » face au grand incendie : Suite et fin…

(suite du récit du post précédent)

Variante 1.

Vers minuit, les flammes commencèrent à attaquer l’autoroute sud, mais elle peinèrent à traverser la large saignée que le ruban de bitume avait opéré au milieu de la forêt. L’incendie se propageait de voiture en voiture, et seules les explosions de réservoirs permettaient au feu de progresser. Quasiment tous les occupants des véhicules avaient pris la fuite lorsqu’ils avaient vu l’impossible devenir réalité. Seuls quelques-uns n’avaient pu sortir à temps. À l’extérieur, des familles entières s’étaient retrouvées cernées par l’incendie, d’autres n’avaient pas résisté et avait succombé aux fumées et au manque d’air.
À 3h du matin, un orage survint. La pluie fut torrentielle. En quelques minutes, les attaques de feu qui avaient traversé l’autoroute  s’éteignirent. À l’autre bout de la forêt, dans les tours de logements sociaux récemment rénovés qui constituaient la dernière banlieue de la ville, les habitants qui n’avaient pas fui n’avaient pas dormi. La plupart étaient restés sut leur balcon, les yeux rivés vers le sud, comme fascinés. L’orage les sortit de leur hébétement. Ils comprirent en quelques minutes que la catastrophe n’arriverait pas jusqu’à eux.
Les stations de télévision qui avaient placé des caméras sur les toits des immeubles avaient capté, de loin, l’arrêt de la tragédie. En ville aussi, ceux qui n’étaient pas partis ressentirent un immense soulagement. On se mit à sortir dans la rue. « Je savais que cela n’arriverait pas, qu’on n’aurait pas à partir ! », entendait-on souvent. « C’était impossible, ils avaient imaginé cela pour nous faire peur, pour nous forcer à fuir », disaient de leur côté des membres des comités citoyens. 
Au matin, la vie avait repris quasiment normalement. La pluie séchée, les terrasses étaient pleines, les gens faisaient leurs courses dans les magasins. À peine percevait-on au fond de l’air une très  légère odeur un peu âcre.
Au sud de la ville, le gouvernement dépêcha rapidement des forces de sécurité pour évacuer au plus vite les corps carbonisés des familles prises au piège sur ou près de l’autoroute. L’affaire fut rondement menée. La remise en circulation de la large voie rapide prit, elle, beaucoup plus de temps que prévu. Les médias, qui avaient continué à passer au crible de la critique systématique toutes les communications officielles, ne manquèrent pas de le relever. Ils s’interrogeaient sur la non-tenue d’une promesse qui entraînait des encombrements de circulation importants, tout l’accès sud de la capitale devant se reporter sur d’autres axes, ainsi que tout le trafic de transit. Plusieurs journaux mirent en avant l’incurie des pouvoirs publics et dénoncèrent le manque de moyens mis en œuvre par les autorités pour que la ‘normalité’ revienne au plus vite. On se demanda quel intérêt le gouvernement avait à faire traîner les choses.
D’autres médias s’intéressèrent plutôt à la manière dont les victimes décédées auprès et sur l’autoroute avaient été traitées, le gouvernement s’étant dès la fin de l’incendie engagé à prendre tous les frais à sa charge. L’enquête menée par un collectif de journalistes mit au jour que les  juteux contrats des mises en bière et de la fourniture des cercueils, notamment, avaient été passés en urgence, sans appel d’offre international. Et qu’ils avaient été attribués à une société dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de la ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier ministre eût beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard, l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.

Variante 2.

Pendant le reste de la nuit, la force du vent décupla. Le feu joua à saute-mouton avec les voitures immobilisées sur l’autoroute, et passa sans embûches cette frontière naturelle, l’explosion des réservoirs lui permettant de rebondir rapidement.

Avant l’aube, toute la forêt précédant les premières banlieues avait été mangée. L’incendie se mit à attaquer les immeubles tours de logements sociaux des quartiers sud. Les matériaux bon marché qui avaient servi à leur rénovation n’étaient pas résistants au feu. Des bâtiments s’enflammèrent comme des torches. Très longtemps, les habitants qui étaient restés sur place avaient cru que le brasier ne les atteindrait pas. Même devant sa progression fulgurante, certains restèrent comme hébétés. Les cages d’escaliers des immeubles furent prises d’assaut au dernier moment. Ou s’y bouscula. Les plus vieux furent écartés par les plus jeunes. Des enfants furent perdus. Arrivés à l’extérieur, les occupants devaient encore trouver vers où fuir les flammes qui ne cessaient de progresser. Tout le monde se précipitait dans la même direction. Là aussi, il y eut des morts et des blessés. D’autant que, au fil des minutes, la foule des fuyards était rejointe par les habitants d’autres quartiers, d’autres rues, que les flammes commençaient aussi à attaquer. Les comités citoyens avaient branché leurs tuyaux d’arrosage un peu partout, et faisaient de leur mieux pour ralentir l’avance du feu. Mais la petite section des tuyaux et la faible pression de l’eau sur le réseau rendaient ces efforts surhumains quasiment inutiles…

Pendant tout le début de la matinée, le feu remonta la ville vers le nord. Au milieu de la capitale, le fleuve coupait la cité en deux. Son lit était ici particulièrement large. Seuls quelques ponts le traversaient. Les experts consultés par le gouvernement avaient misé sur cette frontière physique pour arrêter le sinistre. L’information avait été communiquée aux médias, mais ceux-ci étant dans l’incapacité d’en vérifier l’exactitude, elle avait été à peine mentionnée. Une partie de la population étant persuadée que jamais l’incendie n’arriverait en ville, à quoi bon bâtir des scénarios liés à l’hypothèse inverse ?

À midi, le feu était au bord du fleuve. Comme prévu, il ne tenta de la traverser que via les ponts. Sur l’autre rive, les autorités avaient rassemblé toutes les forces de secours disponibles, ainsi que l’ensemble des renforts des casernes de pompiers. Le combat fut rude, mais finit par être remporté. La progression de l’incendie se limita à une rive. L’autre fut sauvée.

Réfugiée dans un bunker ignifugé bâti jadis en cas de conflit nucléaire, la cellule ultime de crise du gouvernement essayait de suivre les événements à distance, via des caméras de surveillance encore en fonction. Celles-ci montraient aussi les foules de gens perdus, rattrapées par l’incendie, les personnes surprises dans les encoignures où elles se pensaient à l’abri, les enfants piétinés lorsque tout le monde se ruait dans la même direction…

Plusieurs entreprises de presse, dont le siège se trouvait sur la mauvaise rive du fleuve, avaient évacué leur personnel en urgence, et leurs bâtiments avaient été attaqués par le feu. Seules les grandes sociétés multimédias, qui avaient bâti de nouvelles infrastructures sur l’autre rive, purent continuer à couvrir une actualité que, de toute manière, plus personne ne pouvait suivre dans les quartiers sinistrés privés d’électricité, de téléphone et de wifi.

Le lendemain de la fin de l’incendie, le gouvernement engagea d’immenses moyens afin d’évacuer les corps des victimes brûlées, écrasées ou asphyxiées dans leur fuite. L’armée fut chargée de l’opération. Des contrats furent passés en urgence avec des entreprises de terrassement pour évacuer les parties d’immeubles effondrés, ainsi que tout ce qui avait brûlé. Des sociétés de démolition détruisirent ce qui menaçait de s’effondrer. Sauf dans les banlieues sud, que le gouvernement décida de ne pas raser mais de laisser plus ou moins en état, sous forme d’un « Parc-mémorial du souvenir ». Les journalistes ressortirent alors les vieux projets qu’ils avaient redécouverts avant l’incendie. Cela suscita un trouble dans les esprits. En effet, au même moment, le gouvernement proposait aussi de remodeler l’allure des quartiers plus centraux du sud la capitale, eux aussi touchés par le sinistre. Un nouveau plan d’aménagement fut commandé à un bureau d’experts. L’un ou l’autre média osa la formule : « Décidément, il n’y a jamais de fumée sans feu… »

Un groupe de journalistes-investigateurs éplucha aussi tous les contrats passés suite à l’incendie. Des irrégularités furent constatées à plusieurs endroits. Notamment suite à l’attribution de certains marchés à une société dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de la ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier ministre eut beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard, l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.


15 mai 2020

Le « doute systématique » du journaliste face à la menace du grand incendie


Poussé par des vents violents, impossibles à maîtriser, l’incendie de forêt s’était rapproché de hameaux situés à une cinquantaine de kilomètres au sud des premières cités de la banlieue.
« Vus la vitesse et le sens du vent, les experts estiment qu’il sera sur la capitale dans mois de 48h » a commencé par affirmer la ministre de la Sécurité dans un communiqué. Quelques heures plus tard, le Premier ministre convoquait un comité interministériel qui prenait des mesures d’urgence. À la sortie, le chef du gouvernement tenait une conférence de presse.
« Pour l’heure, il n’y a qu’un conseil à donner. Dans un rayon de 30 km autour du centre-ville, tout le monde doit arrêter ses activités et fuir son domicile, en direction du nord ou de l’est du pays. Un plan d’exode par quartier, heure par heure, a été établi. Il faut strictement s’y respecter. C’est la seule chose à faire si vous voulez échapper à la mort. »

C’est en petit nombre que les journalistes avaient assisté à la conférence de presse. Les communications du gouvernement, ils en connaissaient la musique ainsi que la propension aux ‘effets d’annonce’. Leur fréquence les rendait toutes moins intéressantes les unes que les autres. Et que cette dernière clôture une réunion spéciale n’y changeait pas grand chose.

Dans l’audiovisuel, cet événement n’avait pas interrompu les programmes habituels. Séries, jeux, divertissements et musique occupaient les antennes. Au cours des flashs infos horaires, les radios se contentaient d’annoncer, de manière laconique, que le gouvernement avait tenu une conférence de presse pour inviter la population à quitter la capitale, et justifiait la mesure par la présence d’un incendie en province. Sur le fil info des quotidiens en ligne, la conférence de presse avait été traitée parmi les autres nouvelles, entre le transfert d’une vedette d’un club de foot brésilien et un accident d’autocar en Arizona, où deux habitants de Phoenix avaient trouvé la mort, une quarantaine ayant été blessés.

Le contenu de la conférence de presse était bien arrivé sur le desk de tous les médias, mais elle n’y avait pas échappé au filtre du « doute systématique » que tous les journalistes de la contrée avaient coutume d’appliquer aux communications gouvernementales. Un réflexe qu’on leur avait appris lors de leurs études, où leurs (vieux) professeurs avaient tout fait pour qu’une fameuse formule descartienne, détournée en « Dubito, ergo sum », devienne chez eux une attitude innée dès qu’ils auraient à appréhender et évaluer une source informationnelle.
« Quand une instance officielle communique, demandez-vous toujours à qui profite le crime », avait coutume de leur répéter un de ces mentors lors de ses enseignements.

La recommandation, vraisemblablement, avait fait mouche. Les générations de journalistes issues des universités et établissements d’enseignement supérieur semblaient toutes marquées au fer rouge par la maxime qu’on leur avait inculquée. Les gouvernements du pays ne faisant que passer tout en se ressemblant tous un peu, chaque fait, geste ou déclaration des ministres, hauts fonctionnaires, conseillers… bénéficiait dans les rédactions du même accueil, immanquablement dubitatif. Pour éclairer leurs doutes, les journalistes convoquaient à chaque fois les recommandations qu’on leur avait inculquées, à commencer par celle qui proposait de passer toute nouvelle à la moulinette de la critique historique. Et notamment de le soumettre à la « critique d’interprétation » qui recommande de dépasser la simple lecture factuelle  et évidente d’une nouvelle pour aller en rechercher le sens caché, en faire l’exégèse. « Ils ont dit cela. Mais que voulaient-ils réellement dire? Que se cache-t-il derrière la palissade leur communication? »

Les messages des politiques à propos de l’évacuation en 24h des cinq millions d’habitants de la région-capitale n’avaient pas échappé à la règle. Les médias n’avaient pu éviter de transmettre le contenu de la conférence de presse, mais l’avaient pris en considération au même titre que n’importe quelle autre information. En s’interrogeant sur le bien fondé de pareille évacuation. Ou en se questionnant sur les raisons réelles qui poussaient le gouvernement à faire vider la ville, en commençant par les quartiers moins favorisés de la banlieue. Le but final de la mesure était-il de réellement d’éviter qu’un grand nombre de citoyens périssent dans ou à cause des flammes?

Dans certains médias, des journalistes qui se voulaient plus aguerris ou plus foncièrement critiques disaient n’être pas prêts à relayer les injonctions des autorités. Ils avaient rapidement dressé un inventaire des moyens de lutte contre les incendies, et celui-ci démontrait qu’ils étaient peu nombreux. Un petit nombre de casernes. Des brigades de pompiers relativement peu entraînées. Et, surtout, un matériel vieillissant, pas remplacé depuis des années pour raisons d’austérité budgétaire et d’abandon des questions de défense civile par les autorités centrales. Sur base de ces premières infos issues d’enquêtes journalistiques, des chaînes de télévision s’étaient mises à réaliser des reportages dans les centres de secours. Ils révélaient leur aspect délabré et la non-préparation des équipes. Il suffisait de regarder l’une de ces séquences pour conclure que, face à la progression du feu dans des quartiers à l’abandon, les rares lances et autopompes ne feraient rapidement pas le poids. 

Ces émissions, complétées par les articles en ligne publiés sur les sites des quotidiens de la capitale, avaient été fort suivies, et avaient marqué la population. Nombreux étaient ceux qui en concluaient que, si le feu progressait et arrivait à proximité des quartiers d’habitations alors que les résidents avaient fui au loin, ils risquaient de tout perdre. Des discussions avaient ensuite pris le relais sur les réseaux sociaux. « Qui sont ceux qui sont les plus aptes à combattre en grand nombre pareille catastrophe? C’est nous, les habitants. Quand on lutte pour la défense de son bien, ne voit-on pas ses forces décupler ? Nous devons rester ici ! »

Toute la soirée et le début de la nuit, les forces de police avaient sillonné les artères de la ville et de ses banlieues pour enjoindre tout le monde de partir se réfugier ailleurs, en emportant le strict minimum. Mais, en petit nombre, les représentants de l’ordre n’avaient pas eu la force, ni les moyens, de sonner à chaque porte pour pousser chacun à passer à l’acte.

Le lendemain matin, il faisait plein soleil, l’air était pur et un léger vent rafraîchissait l’atmosphère. La circulation sur les boulevards extérieurs et les entrées d’autoroutes était plus dense que d’habitude, mais on ne recensait pas de réel blocage du trafic pour sortir de la ville.  Comme à l’accoutumée, les terrasses étaient bondées, et de nombreux chalands faisaient des courses dans les magasins. Les écoles et les bâtiments publics étaient fermés, mais cela ne semblait pas préoccuper grand monde. Les médias relataient cette étrange situation, donnant la parole à tous les citoyens : ceux qui avaient choisi de partir, la peur au ventre. Mais aussi ceux qui avaient préféré rester. Ces derniers reprenaient souvent les arguments entendus sur les réseaux sociaux, et affirmaient qu’ils allaient créer des milices civiles de protection locale qui, le cas échéant, protégeraient les maisons et les immeubles.

Dans les magasins de jardinage, le prix du mètre de tuyau d’arrosage se mit rapidement à grimper, et les extincteurs devinrent introuvables, tout comme les bêches et les pelles. Développant leur questionnement sur les véritables raisons de la décision gouvernementale, certains journalistes avaient remis la main sur des projets officiels, datant d’une dizaine d’années, qui avaient envisagé de transformer en parcs certains quartiers trop peuplés, de réaliser un lac à la place du centre d’une des banlieues de la capitale, et de transformer une cité d’anciennes maisons ouvrières en un quartier de villas avec piscine. Le dossier avait disparu lors d’un changement de majorité, et la dernière crise financière paraissait l’avoir enterré. Mais qui pouvait être sûr qu’il ne continuait pas à sommeiller dans un coin de la tête de l’un ou l’autre dirigeant ? Les articles reprenant ces projets suscitèrent un vif émoi chez tous ceux qui en avaient oublié l’existence, ou n’en avaient jamais entendu parler. C’était de plus en plus sûr : il y avait une face cachée à cette décision politique là.

En fin de journée, voyant qu’une part importante de la population ne se décidait pas à abandonner son domicile, le gouvernement demanda au ministre de la Défense de faire circuler quelques convois militaires dans les artères de la ville. Leur arrivée, prévenue par des alertes citoyennes sur internet, amena sur les boulevards une foule de plusieurs milliers de personnes qui se mirent à desceller des pavés et à les jeter sur les camions en criant qu’ils défendraient leur bien et ne partiraient jamais. Les forces armées n’insistèrent pas. L’événement étant factuel et marquant, il fut retransmis dans les JT du soir. On y apprenait aussi que, selon les autorités, l’incendie de forêt avait progressé de plusieurs kilomètres. Mais les témoignages recueillis localement étaient plutôt rassurants. Des pompiers affirmaient que le feu pourrait être circonscrit. Des fermiers témoignaient qu’ils avaient l’affaire à l’œil. Personne n’était inquiet. Dans la ville, le temps était doux et sec. La soirée fut paisible.

La nuit, le vent se leva d’un coup, avec de fortes bourrasques. À 7h du matin, le gouvernement essaya de lancer un message d’urgence via les médias : des premiers indices de l’incendie avaient été repérés au bord de la grande forêt qui entourait la banlieue sud. Il fallait impérativement partir. Prises d’un doute, comme il se devait, les rédactions essayèrent de recouper l’information. Mais il était impossible d’accéder à la zone, et tout survol était interdit. On tenta d’utiliser des drones. Les images recueillies ne furent pas convaincantes. Les médias dirent donc que, selon le gouvernement, le feu était en progression, et qu’il enjoignait les citadins à partir.
Mais que l’information sur la progression de l’incendie ne pouvait être vérifiée.

À midi, le vent fit planer une légère odeur de bois brûlé au-dessus des premières cités. Dans l’après-midi, des photos postées sur les réseaux sociaux et reprises par les sites des médias montraient un peu de fumée s’élever dans le lointain du ciel. Vers 18h, des journalistes dépêchés dans la zone confirmaient avoir vu de petites flammèches ramper dans quelques coins de la forêt. Vers 20h, des relents de feu commença à pénétrer dans la ville. Les citoyens qui avaient proposé de constituer des milices lancèrent via le web des appels aux volontaires. Quelques dizaines de personnes se retrouvèrent à divers points de rassemblement, amenant avec eux du matériel hétéroclite, puis se mirent à chercher des points d’eau. De nombreuses portes étaient closes.

Du côté des boulevards, la circulation prit subitement une ampleur inégalée. Engorgées, les bretelles d’autoroute ne parvenaient plus à absorber le flux des voitures. Aux quatre coins de la capitale, sur des dizaines de kilomètres, des véhicules bondés étaient à l’arrêt. Rien n’avançait. Le blocage semblait total. Au sud de la capitale, dans la noirceur de la nuit, près de l’autoroute, les automobilistes naufragés pouvaient apercevoir comme une lueur orangée, un peu scintillante, qui semblait chaque minute se rapprocher davantage. Sur la brèche, les médias se mirent à couvrir la situation en direct. En studio, les éditeurs se demandaient quels conseils donner à ces milliers de citadins perdus dans leur fuite.


Quelle sera la fin de ce récit purement imaginaire ? Un autre post en imagine deux…

F.A.

04 mai 2020

Quelle audience, les JT confinés !



Les JT du soir

L'audience des JT a battu tous les records pendant la crise du coronavirus.

Selon les données CIM, plus de 800.000 téléspectateurs (Live+Vosdal) ont fréquemment suivi les journaux télévisés du soir de RTL-TVI et de La Une au cours du mois de mars. Ces scores historiques sont beaucoup moins fréquents en avril, et est alors essentiellement lié aux moments des annonces de décisions du CNS sur la sortie du confinement.

De manière assez constante, le RTL Info de 19h a, comme à l'accoutumée, rassemblé davantage d'audience que le JT de La Une. Mais les résultats des deux chaînes se sont rapprochés.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 19h de RTL-TVI a été suivi par près de 808.000 spectateurs, et le 19h30 de La Une par environ 754.500 spectateurs.
Du 1er au 29 avril, l'écart s'est réduit entre les deux chaînes, la moyenne du journal du soir de RTL-TVI étant de 724 500 et celui du 19h30 de 722.000. En tenant compte de la marge d'erreur, on peut estimer que les deux JT ont réuni le même nombre de spectateurs.

En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 19h était de 601.000 personnes et celle du 19h30 de La Une de 472.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 531.000 pour RTL-TVI et de près de 420.500 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 19h a donc été d'environ 200.000 spectateurs supérieure à 2019, et celle du 19h30 de La Une de près de 275.000.

En avril, les gains d'audience sont encore supérieurs. Le RTL Info 19h a comptabilisé en moyenne environ 193.500 spectateurs de plus qu'en 2019, et le19h30 de La Une près de 301.500. Ces résultats s'expliquent en partie au moins par l'absence cette année d'un effet "vacances de Pâques", qui diminue toujours l'audience moyenne de la télévision pendant cette période. Mais cet effet ne concerne qu'une partie du mois.

Les pics absolus d'audience des JT se situent en début de crise, lors de l'entrée en confinement. 
Tout au long de cette période, les journaux télévisés de RTL-TVI continuent comme d'ordinaire à recueillir davantage de spectateurs que ceux de la RTBF. Mais celle-ci réalise parfois des audiences plus élevées que sa concurrente privée lors de moments liés à la communication de décisions du CNS.

Les JT de 13h

Sur le temps de midi, les JT de la RTBF réalisent d'ordinaire des résultats d'audience meilleurs que RTL-TVI. La chose est moins évidente pendant cette période de crise, les deux émissions d'information comptabilisant souvent un nombre de spectateurs presque équivalent (hormis les cas des dimanches, où RTL-TVI est traditionnellement plus suivie que La Une). En fin de période, l'audience des JT de 13h de RTL-TVI précède à de nombreuses reprises celle des JT de la RTBF.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 13h de RTL-TVI a été suivi par près de 390.500 spectateurs, et le 13h de La Une par environ 414.500  spectateurs.
Mais, du 1er au 29 avril, la moyenne du journal de 13h de RTL-TVI était de 410.000 spectateurs et celui de la RTBF de 384.000.
En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 13h était de 229.500 personnes et celle de La Une de 237.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 215.500 pour RTL-TVI et de près de 230.000 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 13h a donc été d'environ 261.000 spectateurs de plus qu'en 2019, et celle du 13h de La Une de près de 177.500.

En avril 2020, RTL Info 13h a compté environ 194.500 spectateurs en plus par rapport à 2019, et le13h de La Une près de 206.500. Mais il faut là aussi tenir compte d'une absence de l' "effet vacances de Pâques" cette année.

La crise du coronavirus a attiré vers l'information des JT belges un nombre de spectateurs plus important que d'ordinaire, celui-ci augmentant souvent en moyenne de plus de 200.000 personnes par jour et par édition du journal télévisé. Il s'agit évidemment de moyennes, qui sont influencées par les chiffres élevés d'audience les jours où des événements importants se déroulent aux alentours de l'heure des informations. En mars et avril, RTL-TVI a accru par rapport à 2019 l'audience de ses JT de plus de 25%. A 13h, l'audience moyenne de RTL a augmenté de plus de 40% en mars à un peu moins de 50% en avril.
Pour la RTBF, la hausse d'audience du JT du soir et plus marquée encore: en mars elle est d'un peu moins de 40%, et avril d'un peu plus de 40%. A 13h, le gain d'audience est de plus de 40% en mars et en avril.

Les hausses d'audience sur le temps de midi peuvent être mise en relation avec l'état de confinement, qui invite davantage de personnes à regarder la télévision en journée. La même explication ne peut pas être envisagée de manière identique pour les JT du soir.

Frédéric ANTOINE



Ce que vous avez le plus lu