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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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18 janvier 2022

Europe 1: autopsie d'un début d'agonie

Les auditeurs continuent à fuir la radio 'périphérique' française Europe 1. Sa reprise par Bolloré n'a rien amélioré. Que du contraire. À l'heure de la complémentarité des médias, la station est-elle vouée à disparaître, en se transformant en version audio de CNews ? La radio en ersatz de la télé, ça peut-il faire une bonne recette ?

Il est loin le temps où Europe 1 (ex-Europe n°1) caracolait en tête des audiences aux côtés de RTL et de France Inter Paris. Dans le dernier relevé de Médiamétrie (qui se base sur du déclaratif d'écoute "veille"), la radio dont l'émetteur historique se trouvait en Sarre se retrouve loin derrière les autres grands réseaux "généralistes", publics ou privés.

Il y a une vingtaine d'années, il en était tout autrement. Les parts d'audience d'Europe 1 et de France Inter, derrière RTL, étaient à peu près équivalentes. De nombreux commentaires ont dès lors considéré que la dégringolade prodigieuse d'Europe 1 était continue depuis dix ans. En fait, il n'en est rien.
Selon les données de Médiamétrie (période de comparaison novembre-décembre), Europe 1 a perdu ses premières parts d'audience (PDA) au tournant des années 2000. Mais, ensuite, la station (en bleu clair gras sur le graphique) s'est constamment située entre 7,5 et 9% de PDA. À peu de choses près, on pourrait parler d'une courbe d'audience plane. Jusqu'à fin 2015. À partir de 2016, la courbe plonge, connaît un léger rebond en 2019 et continue ensuite sa chute. Mais, en PDA, celle-ci est peu prononcée entre 2020 et 2021.
 
COLAPSADA
 
Si l'on tient compte de l'audience cumulée, c'est-à-dire de tous les auditeurs qui ont eu un contact avec la station, la forme de la courbe diffère quelque peu. La dégringolade depuis 2016 paraît alors encore plus manifeste en % d'audience cumulée, la perte d'auditeurs en fin 2020 et fin 2021 étant très marquée. Sa traduction en chiffres absolus d'auditoire est plus parlante encore.
Entre 2015 et 2021, la station créée par Maurice Siegel a perdu 2.551.189 auditeurs, soit plus de la moitié de ceux qu'elle possédait avant cette colapsada. Et aussi depuis le début de ce siècle, environ. Au sein de cet effondrement, la reprise en main par Bolloré depuis l'été 2021 ne constitue, en définitive, qu'une péripétie de plus dans un processus à l'œuvre depuis 2016. 
 
L'automne de cette année-là est celui du grand basculement de la programmation de la station, en dehors de sa matinale et de ses programmes de soirée. C'est alors que l'on introduit les récits de Christophe Hondelatte à 10h30 du matin, alors que ce type de programme était jusque là réservé à l'après-midi. C'est alors que Anne Roumanoff débarque à midi, moment où débutait précédemment la tranche d'infos de la mi-journée, et qu'apparaît dans cette tranche une émission intitulée "La famille Europe 1". 
C'est alors que Nikos Aliagas se voit attribuer tout le créneau de l' afternoon drive (et même le pré-afternoon) avec un talk de vedettes remplaçant à la fois une émission plutôt intimiste et féministe et le talk-show qu'animait Cyril Hanouna.  

Des bouleversements tellement à l'opposé des usages des auditeurs que toute cette grille sera revue en janvier 2017 (c'est-à-dire après la période de mesure d'audience analysée ici). Mais le mal était fait. Si les adaptations apportées permettront de stabiliser les pertes, elles ne donneront pas l'occasion de remonter la pente. 
 
C'est aussi à l'automne 2020 ques formats que revêtent la programmation ont, eux aussi, changé. Lorsque, par souci d'économie, la station va multiplier en daytime les émissions de deux heures, jusque là fort peu nombreuses. Difficile de tenir 120 minutes avec un même contenu, et de garder l'audience en haleine pendant un laps de temps si long. Ce n'est pas sans raison que les formats courants des radios de rendez-vous (hors plages musicales) sont d'ordinaire plutôt d'une heure, voire au maximum de 90 minutes (1).
 
 ÊTRE DANS SES CHARENTAISES
 
Le deuxième coup de grâce de l'audience lieu lors de la saison 2019-2020, année du covid qui a eu un impact sur la consommation de la radio sur le chemin du travail (morning drive et afternoon drive). Il ne peut pas directement s'expliquer par la survenance des modifications lourdes dans les contenus de programmation. Celles-ci auront plutôt lieu à l'automne 2021, sur le ton d'un rapprochement imposé avec CNews. 
 
 Précédemment, c'étaient plutôt des paris osés sur la grille et le recours à des 'animateurs'-vedettes, ainsi des questions d'économie qui avaient piloté les changements de programme. Ainsi que le départ de certaines vedettes aspirateurs d'audience comme Laurent Ruquier, remplacé un temps par Cyril Hanouna avant que cette tranche d'avant soirée ne soit totalement modifiée plusieurs fois.

L'auditoire d'une radio est caractérisé par sa fidélité. Sur une radio de contenus (aussi appelée "de rendez-vous"), l'auditeur, en linéaire, se branche pour écouter des programmes précis. L'audience cumulée est atteinte par l'addition de publics successifs qui se rendent tour à tour sur une station afin d'y suivre leur(s) émission(s) favorite(s). Contrairement à la radio de flux, l'auditeur des radios dites 'généralistes' est fidèle à une émission, à un animateur, et non à un format ou à un type de musique. Modifier l'offre de programme ne peut que le perturber. Les glissements de programmes d'une case à l'autre de la grille le dérangent tout autant. S'il ne sent plus dans ses Charentaises, il y a toujours des risques qu'il choisisse de retrouver ailleurs les contenus que la radio qu'il écoutait ne propose plus.
 
VASES COMMUNICANTS ? 
 
Nous ne disposons pas de toutes les données précises de Médiamétrie. En analysant seulement celles en notre possession, d'intéressantes observations peuvent être réalisées à partir des tableaux ci-dessus. En ne s'intéressant plus aux courbes d'Europe 1 seule, mais à leurs interrelations avec celles des autres radios. Sur la période 2007-2021, à l'instar de RTL qui est le meilleur exemple, certaines stations peuvent être considérées comme relativement stables, tant en PDA qu'en audience cumulée. Hormis Europe 1, un seul des grands réseaux pris en compte ici connaît sur cette période une perte d'audience, mais après en avoir gagné : NRJ (2). D'autres radios affichent une des courbes en hausse. Et, particulièrement, France Inter. En parts d'audience, la radio publique est assez stable jusqu'en 2014, puis croît de manière importante. La tendance est encore plus marquée en nombre d'auditeurs.
De 2007 à 2015, le total d'auditeurs d'Europe 1 et de France Inter est relativement proche. La radio publique supplante certes la station privée, mais de quelques centaines de milliers de personnes "seulement", pourrait-on dire. Après 2015, tout change: Europe 1 plonge, France Inter décolle. La perte de l'une paraît même, à première vue, être identique au gain de l'autre. Ce n'est pas tout à fait le cas : davantage d'auditeurs d'Europe 1 la quittent que France Inter n'en accueille de nouveaux. 

La comparaison de l'auditoire des deux stations par rapport à leur nombre d'auditeurs de 2015 confirme qu'Europe 1 perd, depuis lors, davantage d'auditeurs que la radio publique n'en gagne. Mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait s'être passé depuis cette année pivot un phénomène de vases communicants, une partie du public d'Europe 1 la délaissant au profit de France Inter. Et non de RTL. Sans doute existe-t-il des données plus précises que celles à notre disposition pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais celle-ci nous semble plausible. Plutôt urbain et proche des CSP+, l'auditeur d'Europe 1 recherche du contenu, et notamment de type 'enrichissement des connaissances'. France Inter et Europe 1 ont depuis de nombreuses années essayé de viser ce type d'audience, l'une plutôt par le haut, l'autre davantage dans une approche plus légère, allant à certains moments jusqu'à de l'infotainment (ce qui n'a pas nécessairement aidé la station).
 
Il est aussi clair qu'une partie de cet auditoire fuyant constitue aujourd'hui un des bataillons de l'audience des podcasts de Europe 1, qui sont parmi les plus écoutés de France et qui n'imposent plus à l'écouteur de se soumettre aux diktats horaires d'une grille de programmation. Mais nous n'avons pas les moyens de mesurer les flux entre l'un et l'autre.
 
LE FACTEUR "HÉRITAGE"
 
La radio publique a-t-elle siphonné le public d'Europe 1 au fur et à mesure de ses errements programmatiques, puis des appréhensions liées à la main mise du groupe Bolloré sur le média ? Si tel est le cas, le reste du public d'Europe 1 acceptera-t-il encore davantage de rapprochements entre sa radio et CNews, au risque que celle-ci ne devienne plus que "le son de la télévision"? 
On n'en est pas là. 
Ce sont ses journalistes et ses animateurs qui continuent à produire l'ADN de cette radio, et à essayer de maintenir la marque à flot. Europe 1 bénéficie d'un "facteur héritage" important. Si important sans doute que son auditoire est plutôt revêche aux changements, surtout s'ils sont motivés par des raisons économiques et financières. 
 
Force est toutefois de constater que la France pénètre (enfin?) dans le modèle des "groupes audiovisuels" tel qu'il fonctionne quasiment partout dans le monde, c'est-à-dire possédant à la fois des radios et des télévisions. Longtemps, en France, la propriété de ces deux types de médias a été distincte. Même l'audiovisuel public n'a pas, jusqu'à présent, uni ses branches radiophoniques et télévisuelles. Le rachat de RTL France par M6 a sonné le début de cette nouvelle ère. Les rapprochements entre Europe 1 et CNews en constituent une autre étape. Mais différente. Il existe une grande homologie entre M6 et RTL, que se soit sur la conception du rôle des médias, leurs projets, leurs contenus, leurs programmations et leurs publics. On peut aisément switcher de l'un à l'autre, comme le fait Julien Courbet tous les matins. 
Europe 1 est une radio généraliste et CNews une chaîne thématique d'infos. La configuration est différente. Et sans doute aussi les publics, particulièrement depuis que cette chaîne de news a pris un tournant plus politique. Autant le mariage un peu forcé entre RTL et M6 peut-il se terminer par la paix des ménages, autant celui d'Europe 1 et CNews risque de mener à une union contre nature. Mais quand on s'en apercevra, il sera sans doute trop tard : d'espèce en voie de disparition, les auditeurs d'Europe seront tout simplement passés aux abonnés absents. Et seront devenus d'habiles consommateurs de podcasts non-native. Pour toujours ?

Frédéric ANTOINE.

Traitement des données programmatiques:  à partir de la source http://radioscope.fr/grilles/europe1/europe12016.htm
 
(1) Tournant peu heureux abordé par Europe 1 pour certains de ses programmes dès sa funeste réforme de 2016 qui dérouta l'auditeur. 

(2) NRJ figure dans notre analyse parce qu'il est le premier réseau musical important.
 
Lire aussi (pour les abonnés) cet article auquel ont aussi contribué des amis et collègues du GRER, le Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Radio : https://www.challenges.fr/media/radio-le-virage-editorial-de-bollore-a-europe-1-nenraye-pas-la-chute-des-audiences_796648

 




17 décembre 2020

Le covid de Macron : les Belges aussi étaient sur la balle


10h33, ce jeudi 17 décembre. Relayant un communiqué de l'Elysée, l'AFP annonce qu'Emmanuel Macron a été testé positif au coronavirus. En quelques secondes, les alertes infos s'embrasent…

Il n'aura pas fallu dix minutes pour que la nouvelle se répande à toute vitesse via les alertes infos des applis pour smartphones. Impossible évidemment de faire le tour du monde des applis pour attribuer des prix planétaires à tous les gagnants de cette course de vitesse mais, sur base d'un suivi de médias belges et français ainsi que via l'appli Breaking news qui relaie les alertes des grands médias du monde, on saluera la rapidité de Sud-Info et de 7sur7.be, qui me mettront pas deux minutes à annoncer la nouvelle (et, pour le site de Sud-Presse, pour une fois, sans y accoler un "!"). Soit, sur base de notre petit échantillon (et en faisant confiance à l'horodatage de notre smartphone), pas mieux que Bloomberg, mais aussi bien que BFM Tv, qui se paiera le luxe de lancer deux alertes au cours de la même minute, en passant dans sont tite de "testé" à "diagnostiqué".

On saluera aussi la rapidité de La Libre et de la RTBF, qui coiffent d'une poignée de secondes Le Figaro lui-même, et des spécialistes de l'info continue comme France 24 ou France Info. Sur la contamination du président Macron, y a pas à dire, les Belges aussi sont sur la balle!

Hormis les deux journaux journaux de qualité déjà cités, force est de constater que les autres titres de qualité sont en général, et comme d'habitude, un peu moins rapides à réagir. Le Soir n'enclenchera son alerte que sept minutes après l'info, tandis que Le Monde attendra… onze minutes et Libération… près d'une vingtaine (en ayant l'humour d'inscrire "à chaud" en avant titre d'une info qui, à l'heure de la diffusion de l'alerte, ne l'était plus vraiment) (1). Libé prend ainsi presque autant son temps que le New York Times. On relèvera par contre la relative rapidité de communication du Quotidien du Peuple (People's Daily) de Beijing, et du Times of India, un des plus importants quotidiens dans le monde. Du côté des grandes agences, hormis l'AFP, évidemment hors catégorie, Reuters mettra six minutes à réagir, bien avant l'Associated Press (AP).

Diagnostiquer n'est pas jouer

Côté info, la nouvelle contenue dans l'alerte est en général plus que laconique. Tout en tenant compte du fait que notre échantillon est évidemment partiel, on peut y remarquer que certains médias, essentiellement anglo-saxons, veillent à donner la source de l'info ("la Présidence") alors que les alertes françaises et belges ne se soucient en général pas de ce "détail", à part France-Info. Les variations thématiques sur le contenu portent le plus souvent sur la question de savoir si le président a été "testé" positif ou "diagnostiqué" positif. Selon Le Larousse, le premier verbe signifie "soumettre quelqu'un, un produit, un appareil, etc., à un test". Tandis que le second veut dire "faire le diagnostic d'une maladie, l'identifier d'après les symptômes". En l'occurrence, c'est un test qui a déterminé la contamination du président, même si celle-ci était déjà envisageable sur base des symptômes que manifestaient le malade…

Les sources qui s'étendent dès l'alerte-info sur la mesure d'auto-confinement prise par le président (ou qui lui a été recommandée ou imposée?) sont peu nombreuses, et seul Le Monde apporte une précision temporelle, indiquant que le diagnostic a eu lieu ce jeudi matin. Quant aux raisons qui ont incité à faire le test, rares sont les médias qui les mentionnent dès l'alerte-info. Seules quelques alertes anglo-saxonnes précisent que le président montrait des symptômes de la maladie.

Le, La, ou rien du tout

Enfin, ce petit exercice comparatif confirme que l'unanimité n'est toujours pas de mise sur la manière de nommer la maladie. "Covid-19" est la façon la plus fréquente, écrit parfois tout en majuscules (2), généralement avec seulement un C majuscule, mais jamais tout en minuscules, alors que "covid" est en fait devenu un nom commun… C'est le genre du substantif dans notre belle langue française qui reste un champ de luttes non abouties. Le masculin, pas du tout recommandé par l'Académie (3), l'emporte sur "la Covid". Comme quoi les habitudes journalistiques n'ont cure des recommandations des spécialistes de la langue. En anglais, ces discussions sur le sexe des mots n'ont évidemment pas lieu d'être. Ceux qui veulent y échapper en français ont d'ailleurs, en tout cas dans cette alerte-info, souvent trouvé "la" parade. Ils ne parlent pas de covid mais du coronavirus. Sans mesurer, sans doute, que les deux termes ne sont pas synonymes, et que l'un indique la catégorie générale dans lequel l'autre s'inscrit (4)…

Une vingtaine de minutes après l'annonce de la nouvelle, dans le petit monde des alertes sur smartphones, il était déjà temps de passer à autre chose. A 10h52, BFM TV ne se préoccupait plus de la santé du président, mais de celle de son Premier ministre, "cas contact". Ainsi tourne la roue de l'info. A une alerte doit forcément succéder une autre, puis encore un autre… indéfiniment…

(1) Sur internet, l'article de Libération date son info de 10h45, soit 12 minutes après l'annonce, mais moins que la vingtaine de minutes précédant la mise en ligne de l'alerte…

(2) Cette nuance n'a pas été reprise dans le tableau ci-dessus. 

(3) "On devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie (…) Il n’en reste pas moins que l’emploi du féminin serait préférable et qu’il n’est peut-être pas trop tard pour redonner à cet acronyme le genre qui devrait être le sien" (http://www.academie-francaise.fr/le-covid-19-ou-la-covid-19)

(4) Selon Le Robert, le coronavirus est un "genre de virus à ARN responsable d'infections respiratoires et digestives chez plusieurs espèces de mammifères dont l'être humain"

07 août 2020

Des films vendredi et samedi à la tv française: les week-ends des spectateurs vont changer d'allure. En Belgique aussi


Les chaînes de télévision française sont désormais autorisées à diffuser des films les vendredis et samedis. 
Cela va changer la donne sur les petits écrans aussi pour les Belges, et pour la RTBF et RTL-TVI.

 
 
 
 
 
 
 
Le Journal Officiel de l'État français a publié jeudi 6 août (1) deux décrets concernant la télévision. L'un d'eux supprime les jours d'interdiction de diffusion de longs métrages pour les chaînes fixés jusque là le vendredi, le samedi, et le dimanche après-midi. Cette mesure, prise en janvier 1990 (2), visait à protéger les salles de cinéma de la concurrence du petit écran pendant l'essentiel de la durée du week-end. Estimant que cette interdiction ne s'appliquait de toutes façons pas aux plateformes de type Netflix, le gouvernement français a considéré qu'elle était devenue obsolète et a rendu la liberté de programmation aux chaînes. Celles-ci sont dès lors autorisées à diffuser davantage de films par an que jusqu'à présent.

Cette mesure sonne peut-être le glas de la diversité programmatique de la télévision française généraliste. Les chaînes y avaient en effet souvent coutume d'occuper leurs cases de primetime par des productions de fictions, aujourd'hui essentiellement orientées vers les séries. Mais devaient être plus imaginatives en fin de semaine.




De longue date, sur TF1, seuls les fins de semaine échappaient à la loi des fictions, les deux jours fatidiques de l'interdiction étant dans un premier temps consacrés à des variétés, puis aussi à des télé-réalités, voire des jeux. Sur France 2, l'offre au long de la semaine était plus diversifiée, quoique aussi dominée par les fictions. Le vendredi était ainsi une case de type "téléfilm", mais le samedi était réservé aux "variétés".

Zone protégée


C'est ainsi que les télévisions françaises ont conservé, contre vents et marées, une offre de programmes de divertissement et de variétés. L'interdiction des films en début de week-end a permis que perdurent des productions originales incluant des genres aussi divers que des jeux d'aventure de type Fort Boyard, des télé-réalités comme Koh-Lanta, The Voice ou la Star Academy, et des multitudes d'émissions de chanson, des Enfoirés aux Victoires de la Musique à N'oubliez pas les parole en passant par le Plus grand cabaret du monde, vestige télévisuel du temps lointain du Music-Hall. Le tout s'inscrivait dans une tradition antérieure à cette interdiction, dont l'Histoire n'oubliera jamais les célèbres shows de Gilbert et Maritie Carpentier.

Qu'adviendront ces programmes maintenant que des films peuvent capter l'audience les vendredis et samedis soirs, et que l'on sait les diffusions de films porteurs de bonnes audiences, peut-être davantage que certaines émissions de variétés? Pour les chaînes qui avaient choisi de ne pas jouer ces jours bannis la carte de la fiction, la question va se poser. Elle pourrait être moins prégnante pour les autres, sauf que la présence de films sur certaines stations concurrentes obligera forcément les autres compétiteurs à se repositionner. Le succès des soirées cinéma proposée à tire larigot pendant le confinement en a été un bon indicateur.

Dans le même cadre, les blockbusters de divertissement jusqu'ici calés en fin de semaine n'auront-ils pas intérêt à changer de jour de diffusion, l'audience globale de la tv étant traditionnellement moins forte en début de week-end? Bien sûr, il sera toujours plus tentant de proposer Koh-Lanta la veille d'un samedi plutôt qu'avant un jour d'école. Mais sera-ce le cas pour tous les programmes porteurs des vendredis et samedis?
Enfin, la télévision généraliste française ne va-t-elle pas perdre cette tradition historique du film du dimanche soir, seule case permise pour proposer un morceau de cinéma en fin de semaine, qu'avait inaugurée la première chaîne de l'ORTF dès les années 1960, que TF1 n'avait jamais abandonnée et que France 2 avait, elle aussi, choisit d'exploiter à partir des années 1990. La fin du film du dimanche soir, ce serait comme les dernières images d'une longue histoire…

En Belgique aussi…

Alors que le marché de la tv de fin de semaine était plutôt stabilisé en France, il pourrait donc bien éclater. Et en Belgique itou. Il ne faut en effet pas perdre de vue qu'un tiers des spectateurs francophones belges, en moyenne, sont chaque soir sur une chaîne française, et que les variétés et les télé-réalités de fin de semaine de TF1 sont, dans ce petit pays, des programmes forts en termes d'audience.

Mais l'effet français pourrait être plus fort. Car l'éventuel repositionnement des grilles des vendredis et samedis aura aussi, par ricochet, un effet sur celles des chaînes belges, qui visent plutôt actuellement à jouer la complémentarité face à l'offre forte des stations parisiennes. Après son magazine de début de soirée, La Une (RTBF) avait jusqu'ici coutume de proposer un téléfilm le vendredi et une série le samedi.Si le cinéma s'empare ces jours-là des deux chaînes françaises les plus regardées en Belgique, que fera la chaîne publique? Même question pour RTL TVI, qui n'a jamais cessé de proposer des séries le vendredi, et occupe maintenant sa case du samedi par une télé-réalité (d'ordinaire rachetée à… M6). Mais, à certains moments, comme en 2017-2018, la chaîne privée diffusait aussi des films le samedi soir! Devant une éventuelle offre plus alléchante des opérateurs français, il lui serait difficile de tenir la concurrence.

Il se passe donc toujours quelque chose sur le marché de la télé. Même si celui-ci est désormais concurrencé, dans la fiction, par l'offre des plateformes. Le secteur du divertissement restait l'une des spécificités propres à une culture, ou un pays. Une sorte d'exception culturelle. Le décret français en annonce-t-il la fin? En tout cas, dans l'éventualité d'un nouveau confinement dû au covid, il permettra aux chaînes d'Outre-Quiévrain de ne plus devoir s'arracher les cheveux pour savoir quoi diffuser les soirs de fin de semaine…

Frédéric ANTOINE.

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/
/affichTexte.do;jsessionid=AFC12F7C9471BC0F01B8665B68E091CA.tplgfr38s_3?cidTexte=JORFTEXT000042211247&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000042210887

(2)https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000342173&fastPos=1&fastReqId=938408427&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte#LEGIARTI000025883985




16 juillet 2020

Philippot à France Télévision, les souris danseraient-elles boulevard Reyers?



Dans la liste des huit candidats à la présidence de France Télévision qui seront auditionnés par le CSA français, un nom sort du lot: celui de l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot. Que
le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) avait reconduit à son poste il y a cinq mois, pour un quatrième mandat de six ans.
L'homme n'est pas encore dans le fauteuil de Delphine Ernotte, mais son départ n'arrangerait-il pas bien l'actuelle majorité politique de la FWB?

On devrait savoir pour le 24 juillet au plus tard qui succédera à Delphine Ernotte à la tête de France Télévision. Elle-même, ou l'un de ses challengers, parmi lesquels celui qui semble avoir le plus d'étoffe n'est autre que Jean-Paul Philippot. Aucun des autres candidats ne peut en effet faire preuve d'une expérience de management d'un groupe de médias de service public aussi large et longue que celle de l'administrateur général de la RTBF. Son seul défaut à l'égard de ses concurrents hexagonaux est, peut-être, qu'il ne soit pas Français. Chose qui, hormis dans le monde de l'humour, des variétés et du cinéma, reste tout de même une tare pour bon nombre de compatriotes de Descartes et de Mirabeau. Alors que l'inverse est loin d'être vrai, la RTBF n'ayant jamais rechigné, sous Jean-Paul Philippot, à faire appel à des Français pour y occuper des postes à responsabilités. En Belgique, cette stratégie a, à diverses reprises, permis de surpasser des luttes de chapelle et des ambitions personnelles de candidatures internes. Peut-être l'actuel pouvoir français pourrait-il, pour une fois, être tenté de procéder de même manière face à ce Liégeois devenu Bruxellois dans l'âme, qui vient juste de fêter ses 60 ans.

MOMENTUM

L'élection de cet ingénieur commercial Solvay, dont la carrière s'est toujours focalisée sur les soins d'urgence (dans le secteur hospitalier d'abord, dans l'audiovisuel public ensuite) n'est pas acquise. Mais imaginons qu'elle le soit. Confirmant sa candidature à France Télévision, Jean-Paul Philippot a bien veillé à faire savoir à son personnel que celle-ci n'était "aucunement un aveu de désengagement et de désintérêt pour la RTBF". Cependant, n'est-ce pas pour lui le meilleur moment pour obtenir, ailleurs que sur le petit territoire de la FWB, l'ultime bâton de maréchal qui lui manque? Ayant quitté la présidence de l'UER en 2018, après dix ans de mandat, peut-il lui rester une autre marche (accessible) à gravir?

Quitter la RTBF à ce moment précis lui permettrait aussi de ne pas devoir ferrailler à l'avenir avec un gouvernement de la FWB qui adopte, ces derniers temps, des attitudes interpellantes vis-à-vis de l'actuelle gestion du service public de l'audiovisuel. En février dernier, personne n'aurait compris que ce gouvernement ne reconduise pas, une nouvelle fois, l'administrateur général sortant. Il n'y avait pas d'autre choix. Mais cette décision était-elle un cri du cœur? Assurément non.

BACK TO PURITY

Les recommandations du gouvernement faites au CA de la RTBF lors de sa (re)nomination laissaient bien entendre que, cette fois, M. Philippot serait en liberté surveillée. Avant cela, les propos tenus dans la déclaration de politique générale de ce gouvernement avaient, elles aussi, fait comprendre que le temps de la gestion de la RTBF "à la Philippot" était révolu, et qu'il allait falloir adapter les règles du jeu.

Les décisions prises par ce même gouvernement début juillet 2020 à propos des restrictions de ressources publicitaires imposées à l'audiovisuel public n'ont, en fait, que concrétisé ces intentions. En tentant, même plutôt symboliquement, de limiter la place de la publicité sur les ondes de la RTBF, celles-ci ont comme propos de remettre sur ses rails un opérateur public plus pur, moins tenté de céder aux sirènes des marchés et de la concurrence. Le message politique est clair: l'audiovisuel public doit se recentrer sur ce qui doit faire sa spécificité, quitte à ne pas jouer dans la même cour que les opérateurs privés. Alors que, pour la première fois en 2019, les PDM de La Une dépassaient celles de RTL-TVI, le gouvernement semble indiquer que là ne réside pas l'essentiel.

Que ces restrictions publicitaires imposées à la RTBF tombent au même moment que le cadeau financier accordé par ce même gouvernement à la filiale belge d'une entreprise privée audiovisuelle luxembourgo-allemande peut aussi être lu comme une confirmation de cette volonté de recentrage du service public sur sa pureté essentielle. Au privé de faire du privé, quitte à ce qu'on lui accorde de l'argent public pour y arriver, et au public de faire du 'vrai' service public, quitte à perdre en audience, en concurrence et en moyens.

REAL POLITICS

On peut comprendre que pareils signaux ne jouent pas le rôle de sirènes pour Jean-Paul Philippot, qui a, lui, toujours milité pour et développé une vision très real politics du service public de la radio-télévision. Une vision qui tient compte de la nature économique actuelle du marché de la télévision, qui combat pour que l'audiovisuel public ait les moyens de se battre au moins à armes égales avec le privé, qui choisit d'investir pour le futur plutôt que d'épargner, et qui considère le fait d'être suivi par une audience appréciable comme le meilleur signe de légitimité possible de l'acteur public.

Comme l'UER, l'actuel administrateur général de la RTBF n'a jamais été partisan de médias publics épurés à l'extrême, fiers de leur quintessence, mais n'étant suivis que par une poignée d'auditeurs et téléspectateurs convaincus. Pas sûr que, à l'heure actuelle, ce point de vue soit unanimement partagé par les politiques.

Le 9 octobre 2019, c'est-à-dire peu de temps après l'installation du nouveau gouvernement de la FWB, le bruit d'un éventuel départ de l'administrateur général de la RTBF pour France Télévision avait déjà couru. Tant et si bien qu'on peut se demander si celui-ci ne fait pas partie d'un deal convenu entre l'intéressé et le pouvoir politique de la FWB en février dernier: une reconduction, certes, pour ne pas manifester de désaveu officiel. Mais aussi un encouragement au départ vers de plus hautes sphères, laissant dès lors aux partis politiques en place les mains libres pour penser sereinement au choix d'un·e nouvel·le patron·ne de l'audiovisuel public francophone belge. Quelqu'un (ou quelqu'une) qui correspondrait davantage à la vision plus épurée de l'institution, défendue au moins par certains des partenaires de la majorité.

Ceci n'est bien sûr qu'une hypothèse, faite en chambre, et ne reposant sur aucune confidence. C'est une pure construction intellectuelle. Mais, si l'administrateur général de la RTBF terminait bien sa carrière sur les bords de la Seine et non de la Senne, il est clair que cela permettrait aux souris du boulevard Reyers de danser d'une nouvelle manière. A commencer par celle qui, selon l'ancienne comptine enfantine, "courait dans l'herbe" et que l'on attrapait par la queue.

Frédéric ANTOINE.

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