« La devise des relations publiques ? C'est bien faire et bien le faire savoir » avait coutume de dire Vincent Levaux (1), qui avait créé l'enseignement dans ce domaine à ce qui s'appelait alors encore l'UCL. Mais aurait-il imaginé que, vue du côté de celui qui commet l'acte, cette devise pouvait aussi, avec horreur, s'appliquer au terrorisme. Et voir même en justifier l'existence.
Qu'est-ce qu'un acte terroriste, sinon une action, particulièrement spécifique, qui atteint son objectif. Et qui fait parler d'elle. Si cela se limitait au fait de commettre un acte horrible, objectivement, sa raison d'être resterait fort limitée. Ce n'est que parce que l'événement est “hérauïsé” qu'il se transforme en un événement planétaire en créant ce « sentiment d'insécurité » dont parle, par exemple, la définition du terrorisme selon Larousse (2).
TOUTES LES CASES COCHÉES
Appliquons cette réflexion à l'attentat bruxellois de lundi dernier. Assassiner deux supporters de l'équipe de foot de Suède a, semble-t-il, répondu au besoin que s'était donné l'agresseur de “punir” des ressortissants de ce pays pour avoir toléré qu'on y brûle le Coran. Ce qui constitue un acte inacceptable et répréhensible, dont l'auteur doit incontestablement répondre devant la justice. Toutefois, en lui-même, au moment où il est commis, cet acte est un crime, mais pas (encore) du terrorisme.
Cette qualification ne surviendra que parce que, au-delà de "bien faire" (de son point de vue d'agresseur), l'homme s'est aussi appliqué à "bien le faire savoir". L'ampleur de l'écho accordé à l'événement criminel l'a automatiquement transformé en acte terroriste. Et à ce propos, comme nous l'écrivions dans un texte en clin d'œil daté d'hier (3), A. L. avait coché toutes les cases. Nous ne reprendrons pas ici les indices énumérés dans notre petit article d'hier, mais il est indéniable que, en semant des petits cailloux blancs tout le long de son chemin, A. L. s'être appliqué à rendre son acte et lui-même tellement visibles qu'il devient impossible de le rater.
LA FÉE MÉDIAS
Et par quels mécanismes un acte criminel perpétré par un individu isolé se transforme-t-il automatiquement et immédiatement en un acte terroriste et son agresseur en personne terroriste ? Grâce à la fée Médias. C'est elle qui, d'un coup d'une horrible baguette magique, “anoblit" (si l'on peut dire) un double assassinat et en le transforme en une agression terroriste.
C'est elle aussi qui se focalisera sur la personnalité de l'assassin et l'adoubera du qualificatif de terroriste, usant et réutilisant tous les petits cailloux blancs semé par l'auteur des crimes, sans se demander pour quelle raison ce personnage laissait derrière lui autant d'indices. (Les mêmes questions pourraient aussi être posées à propos du comportement des autorités judiciaires et politiques.)
La raison, pourtant, est simple : c'est pour qu'on en parle. Qu'on parle de lui. Et qu'on en reparle. Qu'on l'identifie rapidement. Qu'on sache qui il est, et où il vit (et où il croyait pouvoir rentrer se coucher). Tout cela à longueur d'éditions spéciales, de jt et de jp, et même d'émissions spéciales.
COMM. GRATUITE
Sans avoir eu besoin de suivre des cours de relations publiques, A. L. a mis en pratique leur devise. À peine son acte perpétré, la machine à "bien le faire savoir" a été lancée. Et ne s'arrête pas depuis, accordant une résonance mondiale non seulement à l'acte ignoble du tueur, mais à ses motivations, à son identité islamique et islamiste.
Et bien sûr, en arrière fond, au Jihad islamique. Grâce à la technique de l'allégeance, celui-ci n'a pas besoin d'une agence de relations publiques pour faire sa publicité dans le monde entier. Les médias ne cessent de le faire gratuitement à sa place « Bien faire » ? Ou « faire mal » ? Qu'importe. L'important est de tout faire pour le faire savoir. Et déstabiliser la planète.
Les fondateurs des relations publiques n'y avaient peut-être pas pensé…
Résistant civil et volontaire de guerre engagé au mois de décembre 1944, appelé à la 2ème brigade de l’infanterie Yser en date du 19 janvier 1945, renvoyé dans ses foyers le 29 octobre 1946. Vincent Levaux est entré au Séminaire à Liège en 1947. Son inscription figure dans l’Elenchus alumnorum seminarii leodiensis ab anno 19372. On ignore à quelle date il a quitté le Séminaire de Liège. Étudiant en droit à l’Université de Liège. Président directeur général de Métal Profil S.A. Secrétaire général de Cockerill Sambre. Attaché au Secrétariat général de la Société Belge de l’Azote (SBA), 1959. Maître de conférences (en 1959), et ensuite professeur à l’Université catholique de Louvain (jusqu’en 1990), chargé de cours portant sur les relations publiques.