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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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02 octobre 2022

Économies chez IPM : pour croître, acheter ne suffit pas

IPM a-t-il vu trop grand et grandi trop vite ? Les plans d'économies 2023 que la direction a présentés à deux branches du groupe démontrent que, avec la crise, ses finances ne sont peut-être plus à la hauteur de ses ambitions.

Dans un post sur ce blog, en juillet 2020, nous nous demandions si, avec l'absorption du groupe L'Avenir, face à Rossel, IPM n'était pas "la grenouille" qui se voyait aussi forte que le bœuf, ou "le roseau" qui, contrairement au chêne, pliait mais ne se rompait pas.

Selon Belga, la semaine dernière, le groupe bruxellois a annoncé à ses deux principales branches de presse (L'Avenir et IPM) la mise sur pied pour chacune d'elles en 2023 d'un plan d'économies d'un million d'euros chacun. Motifs : les hausses de coût des matières premières, de l'énergie et les indexations salariales. Selon Belga repris par plusieurs médias (1),  la direction aurait aussi dénoncé « la fragilité du secteur médiatique, qui est en perte de lecteurs et d'abonnés ». 

Si l'on ne peut nier que toute l'économie souffre à l'heure actuelle des hausses de prix et des salaires, justifier un plan d'économies en 2023 sur base du dernier argument évoqué (l'état du marché des médias) peut paraître étonnant, tant les éléments avancés à ce propos sont, au moins en partie, endémiques au secteur. 

L'AVENIR EN MIRE ?

Ce n'est pas d'hier que les médias écrits sont à la recherche d'abonnés payants, essentiellement sur le numérique.  Mais alors que par le passé "abonnement" signifiait "sécurité", la volatilité des abonnés numériques met à mal ce principe (voir les chiffres 2021 analysés précédemment sur ce blog, et dont les tendances ont dû se confirmer début 2022). La perte de lecteurs, s'il s'agit bien de cela, est plus étonnante, les médias écrits s'étant toujours félicités davantage du nombre de personnes qui les "lisaient" (selon ce que le CIM met derrière le mot "lecteur") que de leur diffusion payante.

Entre les lignes, il semble que ces critiques visent surtout la branche L'Avenir du groupe IPM qui, effectivement, ressent de grandes difficultés à faire croître son numérique payant et dont le lectorat, vieillissant, ne connaît pas le même remplacement par de jeunes générations que d'autres titres du groupe. Et ce malgré les efforts entrepris depuis son arrivée par le nouveau rédacteur en chef du titre namurois.

ÉCONOMIQUE OPTIMUM ?

Face au colosse Rossel, IPM a depuis dix ans comme objectif de bâtir autour de ses deux titres historiques une véritable entreprise multimédiatique, visant à atteindre "l'optimum économique" grâce au rachat de divers médias. Alors que son concurrent de la rue Royale devenait copropriétaire de RTL Belgique (et que personne ne s'y opposait, contrairement à ce qui vient de se passer en France), IPM ne pouvait faire autrement qu'encore veiller à accroître sa taille. La reprise de LN24 s'inscrira clairement dans ce cadre.

Mais voilà. Tout a un prix. Et si celui-ci paraît abordable en temps d'eaux calmes, lorsque la tempête se lève, tenir haut les voiles devient tout à coup plus problématique. Le groupe IPM s'est félicité depuis plusieurs d'années avoir dépassé la période où il manquait de cashflow. Il a aussi disposé de davantage de moyens grâce à ses investissements dans les jeux et paris en ligne, même s'il a réduit ses participations dans ce secteur (et même si on peut toujours s'interroger sur les rapports entre une mission d'information et la promotion de jeux  de hasard).

MAUVAIS SOUVENIRS

À trop tirer sur la corde, celle-ci ne risque-t-elle pas de finir par se rompre ? IPM n'est est point là, mais l'apparition de programmes d'économies, qui rappelleront des souvenirs pas toujours agréables à ceux qui ont connu le groupe dans les années 1990, font en tout cas poindre l'oreille. D'autant que les solutions de réductions de dépenses dont parlent les dépêches Belga paraissent assez proches de celles que le groupe avait déjà mises en œuvre par le passé. Travailler plus sans gagner plus, ou travailler moins en gagnant moins. « Il n'est pas […] question de licenciement collectif », affirme une source syndicale dans une dépêche Belga. Mais cela veut hélas pas dire qu'il ne soit pas question de licenciement individuel.

Malgré les ouragans, IPM n'a jamais disparu, et ne disparaîtra pas de si tôt. Mais à quel prix ?

Alors que la crise n'a pas encore dit son dernier mot, il y a gros à parier que les pouvoirs politiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles vont eux aussi être interpellés à propos de ces plans. Et il n'est pas peut-être pas exclu, en toute logique, que la ministre compétente envisage d'ouvrir une nouvelle fois son portefeuille. Au nom du sauvetage du (très relatif) pluralisme des médias dans notre Communauté.

 Frédéric ANTOINE.

 

(1) Notamment: www.rtl.be/info/monde/economie/medias-un-plan-d-economies-d-un-million-d-euros-egalement-presente-chez-ipm-1405695.aspx?dt=15:54

31 décembre 2021

En 2021, la presse a sauvé la télé


2021 restera comme l'année du grand bouleversement des structures de propriété des médias de Belgique francophone. Avec cette incroyable particularité d'avoir vu des entreprises de presse se porter au secours de l'audiovisuel. Alors qu'on les croyait moribondes.

 Presque morte la presse écrite? Cela fait des années qu'on le dit. Mais pourtant, ce sont ces bons vieux éditeurs de journaux de grand-papa qui ont, en 202,  redonné un futur à des médias qui semblaient être leurs concurrents. 

Fin juin, Rossel (accompagné de DPG Media) annonçait avoir, avec 250 millions d'euros, raflé la mise pour le rachat de RTL Belgium, principal acteur de l'audiovisuel privé dans le sud du pays. Le plus grand groupe de presse devenait ainsi encore plus dominant sur le marché. 

Le 1er janvier 2021 prenait officiellement cours le rachat des Éditions de l'Avenir et de leur branche magazines par IPM, qui entrait ainsi dans la cour des grands. Mais l'éditeur de La Libre et de La DH n'avait pas dit ainsi son dernier mot. Ce 22 décembre, il devenait aussi officiellement l'actionnaire de référence et « l'opérateur industriel » de LN24, la fragile chaîne de tv all-news dont tout le monde avait prédit le crash dès la naissance, à l'automne 2018.

 DANS DES VIEILLES MARMITES

Les vieux médias en ont de la sorte sauvé de plus jeunes, en les faisant entrer dans des structures entrepreneuriales historiques reposant sur la production d'informations. LN24 trouve ainsi une place dans un groupe, ce qui lui manquait grandement. L'acquisition de l'Avenir par IPM pouvait se lire dans la même perspective : précédemment, au sein de la nébuleuse Nethys, le secteur « presse » était un électron libre, une danseuse acquise pour des raisons politiques par un conglomérat public. Celui-ci avait bien promis des rapprochements entre ses pôles télécommunications et presse, mais il ne les réalisera jamais, tant ces deux mondes sont étrangers l'un à l'autre. 

Le débarquement des tv et des radios de RTL dans la très journalistique entreprise Rossel ne se justifie pas trop par la même raison. RTL Belgium était déjà une entreprise intégrée, qui n'avait pas besoin d'un chaperon lui permettant de gérer sa vie. Rossel, par contre, rêvait de longue date de s'offrir une branche télévision. Pour choisir les meilleures séries et les télé-réalités les plus dignes des lecteurs du Soir et de Sud Info ? Pas vraiment. L'animation radio, le divertissement tv et la presse, ce n'est pas tout à fait la même boutique. Rossel en avait déjà fait l'amère expérience. Alors que, du côté de DPG Media, tv et radio commerciales, on connaissait cela plutôt pas mal.

Par ailleurs, comme on l'a écrit dès l'annonce de cette absorption, RTL Belgium représentait surtout pour ses acquéreurs un acteur important du secteur publicitaire, surtout via sa filiale IP. En faire tomber les recettes dans la poche de Rossel (et aussi, sinon surtout, de DPG Media), était du plus grand intérêt.

L'ANNÉE DE IPM 

 

Quoi qu'il en soit, la plus grande surprise de ces derniers mois aura été la rapide montée en puissance de IPM, longtemps considéré avec une certaine condescendance comme le Petit Poucet des entreprises médiatiques belges. Et dont les développements récents dans divers secteurs extramédiatiques (voyages, paris en ligne, assurances…) n'avaient pas rassuré sur les réelles intentions de se positionner comme un bastion du monde de la presse et du secteur de l'info.

Il semble toutefois que, pour IPM, ces investissements parfois sujets à questionnements étaient moins des fins en soi que considérés des leviers stratégiques (ainsi que le prouve notamment le léger désinvestissement opéré en 2020 par l'entreprise dans la société Sagevas). Ils devaient, peut-on aujourd'hui penser, lui permettre de trouver le moyen d'augmenter les ressources grâce auxquelles elle pourrait se développer dans le secteur des médias.

 
C'est grâce à cela que IPM a eu la possibilité de candidater auprès de Nethys pour la reprise de l'Avenir en 2019. Pour la première fois depuis des années, le revenu net du groupe IPM pour l'année 2018 avait été bénéficiaire (+ 1.636.206 US$), et il en sera de même en 2019 (+ 4.139.728 US$). Maja, holding faîtier du groupe (luxembourgeois) SA d'Informations et de Productions Multimedia, était alors lui aussi dans le vert. Rien ne s'opposait donc à faire grossir IPM dans la presse régionale et magazine. 
2020 sera, comme en s'en doute, moins profitable pour le groupe… mais pas catastrophique. Cette année se soldera chez IPM Group par un bénéfice net de 2.439.146 US$, soit ± 40% inférieur à 2019, mais un bénéfice tout de même, malgré la pandémie. Quant au holding Maja, il sera moins heureux. Il terminera l'année avec un déficit de 281.553 US$. Une des raisons pour lesquelles IPM n'a pas mis totalement la main sur LN24 il y a quelques jours ?

En effet, sous la coupe de IPM, LN24 conserve, au rang de petits actionnaires, ses partenaires d'origine, à l'exception d'un des fondateurs de la chaîne, qui avait mis ses maigres économies en jeu dans ce pari risqué [pour mieux lire le tableau à ce propos, il suffit de cliquer dessus]. 
Lors du rachat de l'Avenir, l'éditeur de presse bruxellois avait aussi accepté une entrée dans le jeu de la fameuse coopérative créée au sein du groupe namurois au plus fort de sa crise. Une part symbolique du capital lui avait été accordée. 
IPM aime les symboles, illustration de sa volonté de ne pas (trop) marquer sa toute-puissance. Pourra-t-il poursuivre sur cette lancée? Une de ses 'nouvelles' sources de revenus, sa participation dans la société Sagevas, n'était pas en bonne forme récemment. L'entreprise avait terminé l'exercice en perte en 2019 et 2020. On ne sait bien sûr pas encore ce qu'il en fut en 2021.
Par contre, Turf Belgium tient la forme. Le bénéfice annuel de cette société de paris est passé de 42.000 US$ en 2018 à 326.000 US$ en 2020. Et les paris sur les chevaux ont dû aller bon train lors des confinements de 2021…

IPM a donc peut-être encore de la marge pour croître dans le futur. Et rêver de devenir un jour (presque) aussi grosse que Rossel ?

Frédéric ANTOINE.

03 juillet 2021

DPG : FALLAIT-IL SAUVER LE SOLDAT RTL?

Mais qu'est venu faire l'ex-Persgroep dans la galère du sauvetage de RTL Belgium? Une interview des auteurs du "deal média de l'année" publiée L'Echo (1) lève un léger coin du voile. Mais laisse pantois à plusieurs points de vue, et notamment sur ce qui y dit du public de Belgique francophone. Etonnant.

 Le journal L'Echo (2) publie ce samedi 3/6 une intéressante interview croisée des "patrons" (3) de Rossel et de DPG qui y déclarent, dès le titre, qu'ils discutaient d'alliances "bien avant l'arrivée du dossier RTL". On supposera toutefois que ce "bien avant" ne remonte pas à de nombreuses années. Et en tout cas pas à octobre 2017 lorsque, lors d'un grand deal (encore un) entre groupes de presse flamands, Roularta avait cédé ses parts dans Medialaan au Persgroep, qui devenait le seul propriétaire de cette entreprise de médias audiovisuels, mais acquérait les 50% de Mediafin dont disposait le Persgroep. Rossel était en effet alors au balcon d'une transaction qui le faisait changer de partenaire au sein de la société éditrice de De Tijd et L'Echo, dont il était coactionnaire avec le Pergroep depuis 2005. Mediafin s'était alors créé sur base d'une joint-venture entre les éditeurs Uitgeversbedrijf Tijd (De Tijd) et Editeco (L’Echo) (4), constituant ainsi un des seuls ponts transcommunautaires dans le monde des médias belges. Rêver d'alliances alors qu'on laisse tomber son partenaire dans une joint-venture paraît plutôt étrange…

Une vieille amitié

Sans doute donc les idées de projets communs entre DPG et Rossel sont-elles tout de même plutôt récentes. Et ce même si les deux patrons disent se fréquenter de longue date. "On se connaît depuis plus de 40 ans, avant qu’il ne rencontre sa femme et entre dans le secteur des médias il y a 20 ans", déclare le patron de DPG dans l'interview, celui de Rossel précisant que cela s'était passé à Knokke "dans un bar ou au bord de la mer en faisant de la voile". La création de Mediafin, quelques années seulement après l'arrivée du patron de Rossel à la tête de l'entreprise, n'était donc peut-être pas due au hasard, mais bien à un jeu de relations. On notera que ce petit commentaire permet aussi à l'ex-CEO de DPG de rappeler qu'il n'y a que vingt ans que son alter-ego est dans le monde de la presse (5), alors que lui est tombé dedans quand il était petit (6). Et laisser comprendre que ce n'est que par sa femme, héritière Hurbain de l'empire Rossel, que l'actuel patron du groupe est entré dans le secteur de la gestion des médias…

S'ils se connaissent, on ne sait toutefois si, en vingt ans, les hommes se sont vraiment beaucoup fréquentés. Le coup de jarnac du départ de Mediafin peut laisser quelques doutes à ce propos. On sait que, dès le rachat par le RTL Group des parts d'Audiopresse dans RTL Belgium, le patron de Rossel n'avait pas caché être intéressé par un autre type de présence dans l'actionnariat de l'entreprise. L'interview confirme aussi que c'est bien lors du constat du stand alone auquel était réduit RTL Belgium que l'idée d'un rachat s'est matérialisée. Mais impossible de savoir ici comment et quand est surgie l'idée d'y associer l'ex-Persgroep. D'autant que, comme on l'a déjà écrit, les choix récents de DGP n'étaient pas vraiment de s'intéresser à la petite Belgique francophone, mais plutôt aux Pays-Bas où il règne en maître (7).

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"On a remarqué que l'on pouvait apporter notre expertise à RTL Belgium, avoir une valeur ajoutée", déclare le président du comité exécutif de DPG. Une information digne d'intérêt, car elle confirme bien que l'entreprise flamande n'entend pas rester en retrait de l'opération et compte jouer un rôle déterminant, au moins dans l'avenir de RTL Belgique. Et ce même si, dans cette interview, la notion de "géant belge de l'audiovisuel privé" n'est prudemment pas employée par les interlocuteurs, alors que c'est ainsi que le rachat de RTL Belgium a été présenté lundi dernier. Et l'ex-CEO de DPG d'ajouter: "De plus, les annonceurs en appelaient au changement dans le sud du pays - un tout autre marché - fort d'un désir d'une offre digitale conséquente en matière de vidéo". Cette phrase un peu sibylline est suivie, quelques lignes plus bas, de précisions du patron de Rossel sur les synergies envisagées dans le secteur publicitaire. Rassurant, il explique ne pas vouloir "une grande régie qui intégrerait tout". Mais il déclare: "Nous avons intérêt à partager les outils et à développer des offres nationales cohérentes." Rossel et DPG disent-ils tout à fait la même chose? Les rapprochements envisagés ne concernent-ils que l'audiovisuel? Ou fait-on référence ici à l'ensemble des structures de DPG et de Rossel? Le commentaire de l'ex-PDG de DPG apporte une partie de réponse: "La convergence entre texte, audio et vidéo en ligne, est devenu un moteur aussi bien pour le consommateur que pour l'annonceur. Nous optons donc désormais pour un nouveau modèle cross-média au nord comme au sud." Reste à savoir si le cross-médias ne sera que publicitaire ou si, comme le dit le président du comité exécutif de DPG, l'expertise du groupe flamand s'étendra bien au-delà.

Terra incognita

Un des éléments étonnants de cette interview concerne la manière dont les deux hauts responsables de groupes appréhendent le rapport du public aux médias, et en particulier dans l'audiovisuel. Le président du comité exécutif de DPG fait ainsi des révélations étonnantes: "C'est assez paradoxal, dit-il, mais si je connais beaucoup de gens dans le sud du pays, je sais finalement peu ce qu'ils pensent, lisent, regardent…" Etrange aveu pour quelqu'un qui vient de se lancer et d'investir largement dans une aventure de grande taille, avec des enjeux immenses. L'ex-CEO de DPG reconnaît ne pas connaître le public francophone, et en est à se demander pourquoi, en Wallonie, un contenu "étranger" "performe" mieux quand il est doublé plutôt que sous-titré, alors que ce n'est pas le cas en Flandre. Un type de question que l'on débat depuis des années dans les cours et les études sur les médias en Belgique…

On pourrait de même quelque peu s'interroger sur la perception des médias qu'a le CEO de Rossel lorsque, à propos de la consommation de la télévision en Belgique francophone, il daclare: "Le public n’est pas naturellement attiré par la France." Pour le patron de Rossel, tout est question d'offre. Lorsque VTM est apparu en Flandre, explique-t-il, il n'y a plus eu dans cette région de débordement des chaînes hollandaises. "Si la proposition de programmes belges francophones est meilleure et répond plus aux attentes, le public suivra; en cela il n’est pas différent du flamand." Cette vision est-elle confirmée par l'histoire, et est-elle exacte? Ne perd-telle pas de vue que, en Flandre, c'est la VRT et non la télévision privée qui domine le marché de l'audiovisuel (en télé, 37% de PDM en 2020 pour la VRT [dont 31% pour Een] contre 29% pour les chaînes VTM. Et en radio 59% de PDM pour la VRT en 2020). N'omet-il pas de dire que les PDM des chaînes hollandaises ont certes existé par le passé, mais n'ont jamais été comparables à celles des chaînes françaises en Wallonie-Bruxelles (31,4% de PDM en 2020). Ne précise-t-il pas que, au niveau de langue, Néerlandais et Flamands ne se comprennent pas même lorsqu'ils s'expriment en ABN? Alors que, accent excepté, un Wallon et un Marseillais parle bien une langue identique. Ne faut-il pas se souvenir que, dès que la télévision est apparue en France, les Belges l'ont regardée? N'importe-t-il pas de mettre dans la balance l'audience radio de Radio Luxembourg puis de RTL Paris, qui ont toujours attiré les Belges? Ni prendre en compte l'histoire belge et les chiffres de vente de la presse magazine française en Belgique?Ne faut-il pas prendre en compte la taille des marchés? Avec ses 17,4 millions d'habitants en 2020, la population hollandaise est certes ± 2,5 x supérieure à celle de la Flandre. Mais la population de Belgique francophone est, elle, quinze fois plus petite à celle de la France, ce qui infère obligatoirement sur la taille du marché publicitaire (même 'nationalisé') et sur les montants disponibles pour gérer les coûts des grilles. Les "bons programmes" ne résolvent pas tout, d'autant qu'ils sont coûteux à produire. Si RTL Belgium recourt autant aux produits M6 et à ceux de RTL Paris, ce n'est pas par incompétence gestionnaire…

L'interview de L'Echo confère naturellement au rachat de RTL Belgium la même image rassurante, ambitieuse et prometteuse que les autres discours de responsables entendus ces derniers jours qu'ils viennent du groupe RTL ou des acheteurs de l'entreprise. Une fois l'opération réelllement réalisée (et des fusions opérées?), le vrai visage de cette ambitieuse opération de sauvetage apparaîtra peut-être sous un autre jour…

 Frédéric ANTOINE


(1) https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/on-discutait-d-alliances-bien-avant-l-arrivee-du-dossier-rtl/10317654.html

(2) Nous mettons le terme entre guillemets car, depuis février 2000, celui que l'on présente comme le "patron" de DPG en est en fait le président  du comité exécutif. A ce moment, il a en effet cédé le poste de CEO à un Néerlandais

(3) Dont on saluera le titre de l'éditorial du 29/6 (https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-belgium-l-union-fera-t-elle-la-force/10316638.html), qui partage avec le titre de notre article du 22/6 une commune référence à la devise nationale belge. 

(4) https://www.mediafin.be/fr/historique/ Les négociations entre le Persgroep et Roularta se termineront en mars 2018. C'est à ce moment que le cession réciproque deviendra officielle.

(5) En effet, il n'est devenu CEO de Rossel en juin 2001. Il était précédemment "PDG du groupe 9Telecom, filiale de Telecom Italia" (https://plus.lesoir.be/art/presse-premiere-interview-du-nouveau-patron-bernard-mar_t-20011023-Z0L2R4.html)

(6) La famille Van Thillo entre de l'actionnariat de la société familiale Hoste, éditrice du Laatste Nieuws, au début des années 1970 et en devient l'actionnaire majoritaire en  1978. La société est renommée Persgroep en 1990. L'ex-CEO du groupe en devient le patron en 1989, et il a alors 27 ans. (https://highlevelcom.be/fr/4035-christian-van-thillo-lelegant-magnat.html)

(7) Ce qui restait de francophone jusqu'ici dans DPG est 7sur7.be (dont il n'est curieusement pas fait mention dans l'interview) ainsi que des périodiques lifestyle/construction dont Roularta n'a pas voulu.

 


28 juin 2021

RTL BELGIUM: ROSSEL AU PAYS DE L'AUDIOVISUEL


Que faire encore quand on a déjà tout ce qui relève de son core business? Eh bien, investir ailleurs, quitte à entrer dans une jungle dont on ignorait à peu près tout. Rossel co-propriétaire de RTL Belgium, c'est un peu Rendez-vous en terre inconnue au pays des grands fauves.

Le RTL Group, DPG et Rossel ont confirmé ce lundi 28 juin au matin quel serait le futur RTL Belgium. Les supputations émises la semaine dernière sont donc confirmées. RTL Belgium is back to home, pour autant que son véritable "home" ait un jour été belge et non luxembourgeois. Demain, ses chaînes de télévision n'échapperont plus à la tutelle du CSA, et s'il vient encore à l'idée d'un·e ministre de distribuer de l'argent entre les médias de la francophonie belge, la société sera automatiquement comprise parmi les bénéficiaires.

Au niveau de la petite Belgique, ce rachat était en somme la seule solution restante pour sauver le soldat RTL. Seulse les deux plus grandes entreprises médias du pays avaient les épaules suffisamment larges pour décider de se mettre un tel fardeau sur le dos. Et ce même si, comme le rappelle L'Echo, la société est finalement plutôt en bonne santé. Et même si, comme personne ne le mentionne ou presque, ce sont surtout les bons chiffres de la régie IP qui assureront un intéressant retour sur investissement pour les copropriétaires.

Le banquet des ogres

Ce rachat est aussi l'aboutissement logique du processus de concentration des médias à l'œuvre dans tous les pays occidentaux, et auquel la Belgique n'échappe pas. Depuis une vingtaine d'années, le paysage médiatique belge se ratatine d'année en année, au nord comme au sud. Si le nombre de médias (ou de marques médias) ne diminue pas vraiment, le nombre d'opérateurs ne cesse, lui, de se réduire. Tant et si bien que les indices de concentration des médias belges sont devenus alarmants (comme ils le sont aussi ailleurs). Dans un paysage où, au Nord comme au Sud, la diversité s'est réduite à deux acteurs, que reste-t-il d'envisageable?

Des deux côtés du pays, le plus gros des acteurs de la scène des médias privés a racheté tout ce qui relevait de son core business, ancré dans les publications de presse et dont le berceau est l'édition de presse quotidienne. Ayant à peu près tout absorbé, tout en laissant de côté une partie du marché des périodiques, ces opérateurs ont, dans un premier temps, été voir ailleurs. C'est ainsi que DPG est devenu l'ogre de la presse hollandaise, mais a aussi un pied au Danemark. Rossel est parti à la conquête de la presse régionale française, secteur où ses avoirs dépassent en valeur ce qu'il possède en Belgique. Mais on ne peut pas dire que la campagne de France a été une grande victoire. A de nombreuses reprises, tout a été fait pour que l'entreprise belge rate le coche. Dame, en France, on préfère les acteurs belges plutôt que les investisseurs belges… 

L'audiovisuel par défaut

Le marché de l'écrit un peu arrivé à saturation, que restait-il, sinon l'audiovisuel? DPG y était de longue date, associé dès le début à la naissance de VTM (comme tous les éditeurs flamands) puis étant longtemps resté copropriétaire de Medialaan, avec Roularta. Jusqu'à ce qu'il décide de devenir leur seul actionnaire de cette société qui rassemble la plus grande partie de l'audiovisuel privé flamand (tv+réseaux de radio). Rossel s'est bien lancé dans la radio privée dès que celle-ci a paru devenir un marché intéressant pour les groupes de presse, dans les années 1980. Mais, comme d'autres éditeurs, la société avait alors vite compris que faire de la radio, ce n'était pas comme éditer un journal. C'est ainsi qu'il a accepté de céder ses fréquences à la société qui s'est mise sur pied pour créer Bel RTL et absorber radio Contact. En télévision, Rossel a participé comme les autres éditeurs au deal Audiopresse, naïvement imaginé par l'Etat francophone afin de 'compenser' la perte de revenus publicitaires pour la presse lors de l'autorisation dans le sud du pays d'un opérateur privé, en 1986-1987. Un beau cadeau puisque, ce fameux gâteau publicitaire, RTL Luxembourg le grignotait déjà depuis des années. Son 'arrivée' sous l'étiquette TVI n'a donc pas vraiment bousculé la presse, mais elle lui a permis de s'associer sans investir dans la télé privée. Sans investir enfin pas tout à fait. Au début, les groupes de presse ont vraiment été associés à l'éditorial chez RTL Belgium. Mais là aussi il est vite paru que faire de la bonne info de presse n'était pas identique à faire de la bonne info tv. Les éditeurs ont donc touché des dividendes sans rien faire. Et sans rien apprendre.

 "Un" nouveau géant

Et voilà qu'aujourd'hui, Rossel devient le (co)patron d'une entreprise qui édite de la télévision, de la radio, et des contenus audiovisuels en ligne… Alors que DPG a, lui, les mains dans le cambouis depuis des années. On ne peut sans doute pas comparer Rossel à Alice au pays de l'Audiovisuel, mais l'union entre les deux plus grands acteurs médiatiques privés belges n'a-t-il pas un peu du conte du Petit chaperon rouge? Le titre du Soir, journal de référence du groupe Rossel, annonçant  ce 28/06 la naissance d'"un nouveau géant des médias en Belgique", donne une clé de lecteur de l'ensemble: ce n'est pas tant le rachat de RTL Belgium qui importe que la constitution d'un groupe "national" de médias audiovisuels privés, rassemblant à la fois des médias du nord (ceux de DPG) et du sud (propriété de PDG+Rossel). L'immense spécialiste du marché publicitaire des médias Bernard Cools ne s'y trompe pas lorsqu'il note, dans Le Soir, que le nouveau "groupe" proposera une offre publicitaire conjointe couvrant tout le pays. Et le spécialiste de parler de "fusion" de la régie  IP avec celle de DPG, et parle de "du jamais vu" en Belgique.

Le rachat de RTL Belgium paraît donc comme la part visible d'un iceberg qui pourrait voir fusionner les médias audiovisuels privés du nord et du sud. Ce qui serait, là aussi, du jamais vu. Une sorte de retour au "monde d'avant" (la fédéralisation). Comme si, lorsqu'il s'agissait de lutter contre les GAFAM, les divergences linguistiques et culturelles retournaient au vestiaire. Une bonne chose? A condition que ce grand deal dont on parle aujourd'hui serve bien tout le monde. Et qu'il n'ait pas comme premier grand but de sauver l'audiovisuel privé flamand face aux plateformes, mais aussi face à Telenet, qui n'est jamais que la filiale belge du groupe US Liberty Global.

Alors, dans tout cela, quel poids aura Rossel, et quel rôle sera confié à l'ex-RTL Belgium? L'article du Soir, très bien informé, parle de synergies profitables dans de nombreux domaines. En vertu de ce qui vient d'être évoqué, il faudra probablement vite se demander: profitable oui, mais pour qui d'abord?

Frédéric ANTOINE.

 

23 juin 2021

RTL : BELGIUM STANDS ALONE

Demain, RTL Belgique ne sera finalement pas associé à  RTL Nederland. John de Mol a raflé la mise à DPG. L'avenir de TVI sera donc uniquement belge. Plus que jamais, il faudra que "Eendracht maakt macht" (L'union
fait la force).  (1)

Un aimable (et compétent!) lecteur de ce modeste blog, que je remercie, m'a transmis hier soir une information du Hollywood Reporter selon laquelle RTL Nederland tomberait dans l'escarcelle de John de Mol (cocréateur de la télé-réalité) et de son groupe Talpa, déjà bien implanté aux Pays-Bas autour de la marque Veronica (2). Bref, comme l'écrit le média américain, de Mol a comme but de créer un "Dutch Tv Giant" à l'image de la fusion M6-TF1. Adieu donc l'hypothèse évoquée ici ce 22/3 de voir DPG remporter la mise sur le sol batave et ainsi parvenir à constituer un petit empire audiovisuel belgo-hollandais à dominante flamande.

Qu'à cela ne tienne, le royaume audiovisuel privé dirigé par DPG, et dont Rossel sera en quelque sorte le vassal, ne sera donc "que" belge. Le Hollywood Reporter pourra peut-être bientôt titrer que l'ancien Persgroep a participé au rachat de RTL Belgium afin de constituer un "Belgian Tv Giant" noir-jaune-rouge, c'est-à-dire transcommunautaire. Sauf que, dans un petit pays même "réunifié", le poids de la "forteresse belge" vis-à-vis des géants du monde des plateformes en ligne restera toujours infime. Et encore plus difficile à protéger des attaques ennemies. Les rapprochements stratégiques entre les médias du groupe VTM et ceux de l'ex-RTL Belgique deviendront donc de plus en plus impératifs.

 Panique en cuisine

Tout cela sous le regard de TF1 et de M6 qui tireront une partie des ficelles de ce petit théâtre belgo-belge auquel ils ont vendu, pour un temps limité, les licences d'exploitation de certains de leurs programmes. La durée de ces contrats terminée, à moins de les renouveler à prix d'or, les opérateurs français n'ont pas intérêt à accepter de les prolonger. Idem pour les accords de diffusion sur RTL Belgium de très nombreux programmes du groupe M6. Bien sûr, tout cela n'est pas pour demain, et ne surviendra pas avant que soit validée et réalisée la fusion TF1-M6. Mais, dans deux à trois ans, que pourront faire les petites chaînes belges sans Top Chef (3), Un diner presque parfait, Les reines du shopping, Panique en cuisine, Le meilleur pâtissier, Recherche maison ou appartement, Maison ou appart à vendre, Chasseur d'apparts… pour ne citer que les plus récents ou récurrents. Faire un petit tour sur RTL Play est plus qu'instructif pour relever la liste de toutes les productions que TVI, Club et Plug 'empruntent' à M6, mais aussi au groupe TF1. On n'ose imaginer le même RTL Play le jour où l'opérateur belge n'en aura plus les droits. Quant aux scores d'audience des émissions, il en prendra lui aussi un coup. Hormis Top Chef, ce sont plutôt les versions belges de formats aussi diffusés sur M6 qui occupent le Top 10 des audiences annuelles de TVI. Mais, en 2019 par exemple, des productions françaises trustaient presque tout le Top 10 de Plug…

Vases communicants

Alors, derrière tout cela, peut-être faut-il chercher ailleurs pour comprendre. Par exemple du côté de la régie IP, filiale à 99,99% de RTL Belgium, mais qui est la véritable vache à lait. Et dont on ne parle jamais. Non seulement elle pourrait constituer le véritable enjeu des opérations actuelles. Mais, à terme, elle pourrait contenter tout le monde. Déjà à l'heure actuelle, elle réalise le paradoxal exploit d'être à la fois la régie des chaînes de RTL Belgique et de TF1 Belgique, qui est leur concurrent direct. Ce que TVI et consorts perdent en spots pubs au profit de TF1 revient donc, au moins en partie, dans la bourse du groupe via IP. Pourquoi, demain, la régie ne deviendrait-elle pas aussi celle de M6 Belgique, si "la petite chaîne qui monte" parisienne en venait à décider de s'implanter aussi en Belgique? Ce serait finalement une bonne affaire, même si cela ne résoudrait pas la question de "comment remplir les grilles".

Ah, le principe des vases communicants, il n'y a que cela de vrai. Du moins tant que les tuyaux entre les vases ne se bouchent pas… 

Frédéric ANTOINE.

(1) Titre de l'article posté hier 22/06/2021.

(2) Oui, celle de la radio pirate éponyme qui sera ensuite un des piliers des médias publics hollandais avant de s'en retirer pour devenir un opérateur privé.

(3) Déjà actuellement diffusé sur RTL-TVI avec 5 jours de retard par rapport à M6…


22 juin 2021

RTL BELGIUM: EENDRACHT MAAKT MACHT? (1)

(1) L'Union fait la force

RTL Belgium tombera plus que probablement entre les mains d'une alliance Rossel-DPG, qui manifeste le grand retour de l'intérêt de ce groupe flamand pour la petite Belgique francophone. Avec, à terme, la possible constitution d'un groupe audiovisuel privé belgo-néerlandais où la Wallonie risque de se retrouver portion congrue. Et en lice avec M6, qui pourrait en pomper une bonne partie de l'audience…

Depuis que, en décembre dernier, le RTL Group avait racheté les parts des médias belges dans RTL Belgium, Rossel s'était dite intéressée par y reprendre une participation. Lorsque la succursale du géant allemand Bertelsmann a ensuite décidé de mettre RTL Belgium en vente, on imaginait bien que le groupe de la rue Royale serait sur les rangs pour un rachat. Mais, vu la taille de la bête, on se demandait avec qui. Le Tijd de ce 22 juin, repris par toute la presse, confirme que l'entreprise de la famille Hurbain figure bien dans le dernier carré des repreneurs potentiels. Mais en association avec DPG Media. Ce qui change un peu le regard plutôt optimiste qu'on pouvait avoir sur l'idée d'un contrôle de l'opérateur audiovisuel privé par un groupe de presse francophone belge.

Forteresse belgo-hollandaise

La Belgique s'inscrit bien là dans la tendance européenne de repli nationaliste des groupes médias traditionnels, initiée en Allemagne par le le RTL Group, sûr qu'édifier des forteresses par Etat est le bon moyen de lutter contre l'invasion des plateformes internationales en ligne. La Belgique de demain comptera donc sans doute un opérateur audiovisuel privé national fort et, chose nouvelle, transcommunautaire. De plus, comme on dit que DPG a aussi des visées sur RTL Nederland, ce serait in fine une forteresse audiovisuelle belgo-néerlandaise qui pourrait voir le jour. 

Une forteresse dans laquelle DPG aura un poids déterminant. A l'heure actuelle, l'ancien Pergroep possède déjà l'ex-Medialaan, qui édite les principales chaînes tv flamandes privées (VTM et cie), ainsi que les deux forts réseaux de radios privées du nord du pays (t un réseau au Pays-Bas). Se nourrir des possessions hollandaises du RTL Group s'inscrit dans la logique de DPG de contrôle total du marché des médias Outre-Moerdijk, lui qui est déjà le premier éditeur de presse dans ce pays. 

Francophonie, le maillon faible

Mais pourquoi y rajouter un maillon francophone, alors que le Persgroep avait quasiment rompu tout lien avec la Francophonie ces dernières années pour se focaliser sur le marché néerlandophone? Par le passé, il cocontrôlait avec Rossel Mediafin, qui éditait à la fois le Tijd et L'Echo. Il s'en est retiré en mars 2018 au profit de Roularta. A la même époque, après avoir racheté tous les magazines mis en vente par Sanoma Belgique, il s'est défait de la quasi-totalité de ceux-ci, et donc de tous ses titres francophones, au profit du même Roularta. En langue française, via Media Home Deco, DPG me possède plus que deux trois titres comme Gaël Maison ou Je vais construire dont les versions francophones sont plus que largement inspirées des éditions néerlandophones. 

Toutefois, DPG a conservé une pièce maîtresse en francophonie: le site 7sur7.be, seul véritable pure player d'information quotidienne dans le sud du pays. Et ce alors que son alter ego flamand, hln.be, n'est autre que la version en ligne de Het Laatste Nieuws, premier titre de Flandre en diffusion payante. Même si les contenus de 7sur7 diffèrent de ceux de hln, on ne peut imaginer que c'est cette seule attache qui ait incité PDG à "venir en aide" à Rossel pour déposer une offre de reprise de RTL Belgium. 

Les rênes à la Flandre?

Dans l'attelage final que DPG entend bâtir, Rossel risque de se sentir un peu seul. Le groupe bruxellois sera assurément le garant de l'identité francophone des chaînes de RTL Belgium, dont il était déjà un sleeping partner tant en tv (dans le cadre d'Audiopresse) qu'en radio (via Radio H) (2). Rossel investira sans doute dans la composante "info" de la nouvelle structure, et peut-être sera-t-il tenté de bâtir des alliances entre ses médias écrits et en ligne et l'audiovisuel. Mais quel sera le poids de ce groupe de presse  sur tout le reste de la structure, face à DPG Media qui est, lui, déjà installé dans le secteur?

En termes d'économies d'échelles, la constitution d'un pôle audiovisuel privé belgo-hollandais est très tentante sur le plan des économies d'échelles. Notamment du côté des déclinaisons de productions ou du partage de droits. On reviendra donc peut-être à l'époque des années 1990 où RTL-TVI et VTM réalisaient des émissions ensemble, organisaient de concert la diffusion de Miss Belgique ou s'associaient pour le Télévie et Leefdeslijn (l'autre n'étant que la traduction de l'un). RTL a aussi Marié au premier regard et VTM Blind getrouwd. Des mariages sont donc possibles. Au-delà de cela, DPG pourra aussi proposer à RTL des versions francophones de ses shows flamands ou néerlandais. Mais la sauce hollandaise séduira-t-elle le public de RTL-TVI? Pas sûr. D'autant que celui-ci est plutôt accro aux programmes de RTL Belgium tels qu'il les a toujours connus.

Est pris qui croyait prendre?

Alors, on ne peut penser qu'à une chose: cette union belgo-belge pourrait bien surtout profiter à… M6. On se souvient qu'aucun candidat au rachat de l'opérateur français n'avait voulu y associer celui de RTL Belgium. Et pour cause! Pour le prix de M6 seul, TF1 pourra aussi s'offrir sous peu une bonne partie du public de RTL Belgium qu'il ne contrôlait pas encore via son décrochage belge. Jusqu'à présent, une sorte de gentleman agreement entre M6 et RTL Belgium, toutes deux membres du même groupe, permettait d'éviter que M6 ne soit diffusée en Belgique. Car cela aurait mis RTL-TVI et ses petites sœurs dans de beaux draps, puisque bon nombre de programmes porteurs de M6 sont proposés sur les chaînes de RTL Belgium. Demain, libérée de tout lien familial, rien n'empêchera plus M6 de diffuser en Belgique via le câble et Pickx-Proximus, avec des décrochages publicitaires comme le fait TF1. En proposant aux Belges tous les programmes qu'ils adoraient sur RTL-TVI et consorts, et que M6 ne leur vendra évidemment plus.

Inutile de deviner où ira alors l'audience. Et d'imaginer le risque de disette de spectateurs (et de recettes) pour les chaînes de l'ex-RTL Belgium. Avec, de plus, une partie du gâteau publicitaire, déjà rabougri, grinoté par les souris de M6. Dans ces circonstances, que restera-t-il à RTL-TVI? L'info, bien sûr, mais qui coûte cher à produire sur un petit marché sauf si on en mutualise les coûts avec les médias actuels de Rossel. Et, à part cela, tout ce qui est déjà produit par VTM et ses chaînes complémentaires…

Enfin, on peut se demander comment tous ces montages pourront prendre en compte l'inévitable virage numérique que RTL Belgium avait déjà eu tant de mal à amorcer. Rossel et DPG seront-ils d'une aide à ce propos? Au nom de cette logique des forteresses, pousseront-ils, par exemple, à faire entrer l'ex-RTL dans Auvio? Ou choisiront-ils la concurrence acharnée, au risque de laisser des morts et des blessés sur le champ de bataille?

Le rachat belgo-belge de RTL Belgium était sans doute la dernière solution, toutes les autres portes s'étant refermées. Mais ne risque-t-il pas de faire entrer un nouveau loup dans la petite bergerie du marché francophone belge? En cas d'avis de tempête, le vaisseau de l'avenue Georgin risque de bien devoir s'accrocher. En se rappelant peut-être que Jacques Georgin, militant FDF, avait été tué à Laeken le 12 septembre 1970 par des militants du VMO, le Vlaamse Militanten Orde…

Frédéric ANTOINE.

(2) N'oublions pas que Bel RTL fut créée sur les cendres de FM Le Soir et des radios que le groupe Rossel avait lancées dans les années 1980. On ne peut donc dire que l'histoire ne repasse jamais les plats…

 

25 mars 2021

RTL GROUP SE REPLIE SUR SON PRÉ CARRÉ. LE STAND-ALONE BELGE SE PRÉCISE

Il est désormais à peu près sûr que RTL Belgique ne sera pas vendu dans les valises du groupe M6. La petite société belge devra séduire seule son nouvel acquéreur. Et ce alors que le groupe RTL choisit d'opérer un "repli stratégique" sur l'Allemagne.



Le message supposé rassurant envoyé hier mardi à son personnel par le CEO de RTL Belgique, affirmant que les informations circulant sur l'avenir de l'entreprise n'étaient que des spéculations, n'a évidemment convaincu personne. Il semble bien acquis que Bertelsmann entend à l'avenir limiter le RTL Group à son pré carré, c'est-à-dire à l'Allemagne. Une déclaration du CEO du groupe, citée dans L'Echo (1), est à ce propos plus que indicative : "Nous voulons être un consolidateur en Allemagne". Et elle rejoint à demi-mots ce que le patron de RTL Belgique écrivait lui-même hier, reconnaissant que le dossier de L'Écho "confirme néanmoins le thème développé depuis plusieurs mois par le CEO de RTL Group, Thomas Rabe, à savoir « Face à l’évolution de l’industrie audiovisuelle dans le monde, le groupe RTL, dans les différents marchés dans lesquels il est présent, investiguera les possibilités de consolidation de ses activités, qui peuvent se présenter sous différentes formes.»"

NATIONAL PLUTÔT QU'EUROPÉEN

Jusqu'à présent, le RTL group avait toujours misé sur une stratégie de développement international de ses activités, celle-ci reposant essentiellement sur un pôle "diffusion de programmes" caractérisé par une implantation nationale forte (2). C'est par la création de filiales nationales, souvent leaders sur leur marché, que le groupe est devenu incontournable à l'échelon européen. Les derniers choix de son management marquent un revirement à 180° de ce type de développement. L'heure semble désormais être au "repli stratégique" sur le territoire allemand, afin d'y bâtir un empire tellement fort qu'il soit capable de rivaliser, à l'échelon d'un pays, avec les opérateurs mondiaux et les plateformes multinationales. Avec une idée claire: être si fort chez soi qu'on parvienne ainsi à bouter hors du territoire ces acteurs internationaux qui s'y sont implantés au détriment des locaux. Jouer à la Jeanne d'Arc de l'audiovisuel. Un peu comme si, du côté des pays, on décidait tout à coup d'abandonner l'option de l'Union européenne pour en revenir au États-nations et au nationalisme individuel.

Qui plus est, l'option nationaliste de Bertelsmann paraît devenir contagieuse, et inspirer d'autres marchés. Elle pourrait expliquer, par exemple, ce qui est en train de se passer en France autour de la vente de M6, dont le magazine Capital, citant Le Canard Enchaîné et La Lettre A, annonce qu'elle est entrée dans sa dernière phase (3). Et que le candidat le plus sérieux à la reprise des 49% du RTL Group dans M6 ne serait autre que… TF1! Comme l'explique le magazine économique, cette supériorité du groupe Bouygues est logique: puisqu'il est le principal concurrent de M6, il dispose des meilleures armes pour l'absorber au moindre coût.

MASTODONTES NATIONAUX

Cet éventuel rachat pose évidemment un "tout petit" problème de respect des règles de concurrence. Dans une Europe où l'on fait tout pour éviter que ne croisse encore la concentration (notamment dans les médias), voir un groupe exercer un quasi-monopole sur un marché national a de quoi quelque peu faire hausser les sourcils. S'il se réalise, le scénario évoqué en Allemagne, où Bertelsmann pourrait racheter son concurrent ProSiebenSat1, serait tout aussi anti-concurrentiel. Il va aussi sans dire que la constitution de tels conglomérats géants ne seraient pas non plus vue d'un bon œil par des consommateurs de médias de plus en plus méfiants, et déjà prêts à l'heure actuelle à n'accorder plus aucune confiance aux opérateurs classiques. Qui pourra s'étonner qu'un jour seuls les réseaux sociaux soient considérés comme dignes de confiance, si on en vient à un schéma "mastodonte privé unique vs service public"? Bien sûr, on n'en est pas là. Mais, s'il se réalise, l'éventuel avalage de M6 par son concurrent n°1 serait catastrophique à ce propos. Il conduirait aussi forcément à terme à une réduction drastique de l'offre. Et ce même au cas où, comme le prétend TF1, les deux entreprises resteraient statutairement distinctes.

SEUL SUR L'ÉTAL


Et le petit RTL Belgique, dans tout cela? L'annonce de la clôture de la procédure de vente de M6 confirme bien qu'aucun acheteur français n'a voulu intégrer la filiale belge dans son offre. Il n'y aura donc pas de vente groupée. RTL Belgique est laissé seul sur l'étal de l'hôtel des ventes. Même si le RTL Group espère en retirer un bon prix, il y a de fortes chances pour que le petit rejeton belge soit finalement vendu à vil prix, afin que le géant allemand s'en défasse rapidement et puisse mettre en place sa stratégie de repli national. Bien sûr, RTL Belgique est à l'heure actuelle un acteur incontournable des médias en Belgique. Les audiences de plusieurs de ses émissions font rêver la concurrence. Mais certaines s'effritent. Et, surtout, l'entreprise manque cruellement de souffle depuis qu'elle s'est défaite des membres de son management qui soutenaient un ancrage local fort. RTL se répète plutôt qu'innover. Elle en est toujours à considérer que c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes (dernier exemple en date: le retour de Place Royale sur RTL TVI après avoir d'abord été relancé sur Bel RTL). Comme déjà écrit ici, on ne peut non plus oublier les apports essentiels des programmes de M6 à ses succès d'audience. Enfin, à l'heure où LN24 commence à s'installer sur le marché, son bastion dans l'info pourrait bien, lui aussi, devenir de plus en plus fragile. Et, comme il constitue la clé de voûte de ce qui fait l'identité de l'entreprise dans le petit monde des médias de chez nous, remettre cette pièce clé en cause pourrait mener à l'effondrement de l'édifice.

Les Français n'ont pas fait un cadeau à RTL Belgique en forçant l'entreprise à se vendre en stand-alone, alors qu'elle ne vit pas ces derniers temps ses plus beaux jours et qu'elle n'est pas, à l'heure actuelle, dans ses plus beaux atours. La mariée pourrait clairement être plus belle. Et, si mariage il y a, il ne sera pas "Au premier regard". Ce sera une union de raison. Ou de désillusion. Pour le meilleur ? Ou pour le pire?

Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-mise-a-l-etalage-une-operation-inscrite-dans-les-astres/10293145.html
(2) RTL a également développé un pôle "production", en rachetant des sociétés réputées au plan mondial et en invitant ses filiales à s'y fournir en programmes, mais cet élément reste marginal par rapport à la stratégie d'implantation locale (càd nationale) de la société.
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/vente-de-m6-les-dessous-de-loffre-de-tf1-1397981

24 mars 2021

REQUIEM POUR RTL BELGIQUE

Fin d'un monde. Après en avoir racheté tout le capital, le RTL Group met sa filiale belge en vente.  

Pour la céder avec M6 est le scénario le plus logique pour RTL Belgique, mais pas pour M6 semble-t-il. Sans M6, que pourraient faire toutes seules ces petites chaînes belges? 

Il y a peut-être un autre plan…

C'est la fin d'un monde, mais le dénouement prévisible d'un scénario annoncé, que s'est mis en place depuis plusieurs années, et qui s'est accéléré l'année passée. Adieu le beau rêve du "vendeur de clous" de Charleroi Albert Frère de faire de Télé-Luxembourg une chaîne belge. En fumée l'ambition de Jean-Charles Dekeyser de créer en Belgique l'équivalent de RTL Grandes Ondes. Les logiques économiques à l'œuvre dans l'empire Bertelsmann sont implacables, et n'ont que faire des amitiés historiques belgo-françaises remontant à l'époque de Radio Luxembourg. Le RTL Group est une entreprise mondiale, et surtout germanique. Il n'a donc cure du conserver ce penchant francophile qui était lié depuis les années 1930 aux activités historiques de la CLR (Compagnie Luxembourgeoise de Radiodiffusion), devenue CLT lorsqu'elle décidera aussi de se lancer dans la tv…

RTL BELGIUM, REMY SANS FAMILLE?

Le quotidien L'Echo, visiblement très bien renseigné sur le dossier (1), confirme ce que nous écrivions ici en décembre dernier (2) lorsque le RTL Group avait décidé de racheter les parts de RTL Belgique qui ne lui appartenaient pas, et de contrôler de la sorte à 100% sa filiale belge. A l'origine, cette récupération avait bien comme but d'être en phase avec le sort voulu par le groupe pour sa filiale française M6. Non pour fusionner la part belge avec le groupe français et low-costiser l'offre belge, mais pour faire un gros package avec les deux entreprises, et vendre l'ensemble au plus offrant. Des bruits de mise en vente de M6 avaient filtré depuis la fin janvier. Ils amenaient, évidemment, à s'interroger sur le sort réservé dans ce cas aux 100% que le RTL Group possédait désormais RTL Belgique. Tout est donc maintenant plus clair.

On comprend ainsi mieux pourquoi RTL Belgium avait si rapidement repoussé l'offre faite en mai dernier par la Fédération Wallonie Bruxelles de lui accorder une plantureuse "aide covid" en échange d'un retour des chaînes du groupe TVI sous le contrôle du CSA belge. Lorsque, en septembre 2020, la direction de RTL Belgium a donné à cette offre une fin de non-recevoir, elle savait déjà que la filiale belge était condamnée. Pourquoi aurait-elle dès lors dû acceptr de passer sous les fourches caudines du CSA belge, alors que le futur propriétaire de RTL Belgium, si futur il y a, ne serait plus dans les conditions de bénéficier également d'une licence d'émission au Luxembourg… 

LE MODELE TF1

Mais voilà… on apprend dans le même article de L'Echo que, depuis peu, le RTL Groupe aurait décidé d'abandonner l'idée du package et voulait désormais séparer les deux dossiers de cessions. Il comptait bien au départ vendre le tout en une fois… mais aucun éventuel acheteur français n'a souhaité se charger du fardeau du petit poucet belge. Et pour cause: assumer les coûts d'une télévision 'belge' relativement autonome de M6 seulement destinée à 4 millions de personnes, cela revient trop cher le téléspectateur. Le nouveau propriétaire de M6 préfère attendre que RTL Belgique disparaisse du paysage. Il pourra alors faire la même chose que TF1: destiner à la Belgique un signal de ses chaînes françaises où seul les écrans publicitaires seront différents et ciblés. Tout bénéfice pour un coût quasi nul. 

En cas de mort totale de RTL Belgium, les téléspectateurs belges auront en effet toujours envie de retrouver les programmes de M6 dont débordent les grilles de RTL TVI et de ses petites sœurs. Quoi de plus simple dès lors que de continuer à les leur proposer, mais 100% made in Paris. Avec, de temps à autre, comme sur TF1, un petit candidat belge glissé dans les émissions autant afin de faire sourire les Français que pour dire aux "clients" belges: "On ne vous oublie pas" (car c'est bien de clientèle qu'il s'agit ici).

UN AMATEUR DANS LA SALLE?

Le scénario de la mort à court terme de RTL Belgium n'emballerait toutefois pas le RTL Group. C'est vivant, et non mort, que le géant allemand veut vendre sa poussière d'empire audiovisuel, afin de faire un "max de bénef" Les sources consultées par L'Echo semblent dire que RTL espère retirer un plus haut profit en séparant les deux ventes qu'en les groupant. Est-ce bien le cas alors que le désintérêt des Français pour les avoirs belges semble avoir beaucoup pesé dans le choix des scénarios de vente? 

Pour que ce souhait de plus-value se réalise, il faudrait d'abord qu'un acheteur soit intéressé par RTL Belgium. Les groupes de presse belges, tout heureux de récupérer leurs billes en cédant Audiopresse au RTL Group en décembre dernier, sont-ils cette fois prêts à mettre fortement la main au portefeuille pour glisser plus qu'un pied dans l'audiovisuel privé de notre mini sous-patrie? 

En faisant le tour du pauvre paysage médiatique de la Belgique francophone, au vu de ce que IPM a déjà dû trouver pour s'offrir les Editions de L'Avenir, il serait étonnant que le groupe de la rue des Francs ait encore le souffle de se lancer dans la course. Tous les regards se tournent dès lors vers le seul autre groupe qui nous reste: Rossel. De de côté, la chose est loin d'être exclue. Au lendemain du rachat des parts belges dans RTL Belgium par le RTL Group, une déclaration de l'administrateur général du groupe à un des journaux qui lui appartiennent laissait plus que la porte ouverte: « Il y a eu de notre part des propositions de rachat de l’ensemble des opérations mais RTL n’a pas voulu envisager une vente (…). A partir de là, il fallait juste négocier les conditions de sortie. » (3) Aujourd'hui, ce qui ne paraissait pas possible hier l'est devenu…

Le groupe de la rue Royale, qui avait jadis cédé ses radios pour créer Bel RTL, va-t-il reprendre à sa charge tout RTL Belgium? Rossel est en tout cas insatiable, et toujours en quête de secteurs pour se développer. Jusqu'à présent, on y est estimait que, en Belgique francophone, tout ce qui était à prendre avait déjà été pris (Cine-Télé-Revue clôturant le tableau de chasse, le groupe ayant bien compris qu'on ne lui aurait pas pardonné de racheter en plus les Editions de L'Avenir). Alors oui, l'audiovisuel privé belge, pourquoi pas? Mais Rossel ne se mettrait-il pas un chameau sur le dos? Les résultats actuels du groupe ne sont semble-t-il, pas très convaincants… sauf en ce qui concerne le secteur publicitaire lié à IP, qui est encore une poule aux oeufs d'or. 

Si Rossel n'entrait pas dans la danse, c'est du côté flamand que de l'intérêt pourrait se manifester. L'ogre Telenet, qui lorgne toujours sur VOO, pourrait aussi avoir envie de bourrer ses tuyaux de contenus francophones. Ce groupe américain serait alors opérateur télévisuel des deux côtés de la frontière linguistique. Il n'y a par contre pas de chance que DPG Media, ex-Pergroep, se lance dans l'aventure. Même s'il est aujourd'hui le seul propriétaire des chaînes de VTM, avec lesquelles le RTL Group a des échanges, DPG a laissé tombé tous ses avoirs écrits en francophonie. Pourquoi y reviendrait-il dans la radio-tv?

ADIEU LUXEMBOURG, ADIEU

Quel que soit le futur, une chose est sûre. Si RTL Belgium ne disparaît pas faute d'acheteur, le nouveau propriétaire sera tenu de continuer à entretenir des liens étroits avec le groupe M6 (ou son équivalent futur). RTL TVI fait ses plus fortes audiences de prime time, celles qui lui rapportent le plus par ses écrans pub, avec des produits français de M6, ou au pire grâce à leurs déclinaisons belges. Une part de ses cases d'access sont aussi occupées par des produits M6, et les émissions du groupe français nourrissent de même fortement les autres chaînes de RTL Belgium. En radio, Bel RTL 'emprunte' chaque jour plusieurs heures d'antenne à RTL Paris, dont l'émission la plus porteuse (et donc la plus rentable) de l'après-midi: Les grosses têtes. Et ne parlons pas de RTL Play, qui n'est une copie de M6 Replay. Bien sûr, RTL Belgium achetait déjà ces produits à M6. Mais dans un cadre de groupe. 

Que se passera-t-il demain? Si RTL Belgium s'en sort, il y a fort à parier que, pour réduire les coûts, son actionnaire fera passer le groupe à l'essoreuse à salade. La radio et la télévision sont des médias où les coûts fixes sont largement prédominants. Pour diminuer les dépenses, il faut donc, pardonnez l'expression, "trancher dans le gras". Réduire le nombre de chaînes et de stations radio serait le plus simple car, côté économies, la direction actuelle de RTL Belgium a déjà été bien loin à l'os dans ce qui était imaginable, et ce pour satisfaire au mieux le RTL Group. Et pour que celui-ci, en échange de tous ces sacrifices, finisse par simplement décider de s'en défaire… On peut donc redouter que, à terme, les effectifs du groupe ne fondent comme chocolat glacé au soleil.

En tout cas, si RTL Belgium subsiste demain, le groupe et ses médias ne porteront sans doute plus le nom "RTL". C'est donc bien la fin d'un monde. Et les dernières pages de la chronique d'une mort annoncée.

Frédéric ANTOINE.


(1)Michel SEPHIHA, Peter HAECK, "RTL Belgique est à vendre", L'Echo 24/03, 3h45. (https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-belgique-est-a-vendre/10293107?utm_source=SIM&utm_medium=email&utm_campaign=&utm_content=&utm_term=&M_BT=7144010073)

(2) RTL Belgique à 100%entre les mains du RTL Group: ce n'est pas une bonne nouvelle (https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2020/12/rtl-belgique-100-aux-mains-du-groupe.html)

(3) Fin du mariage entre RTL et la presse écrite, article non signé in Le Soir (https://plus.lesoir.be/341025/article/2020-12-01/fin-du-mariage-entre-rtl-et-la-presse-ecrite)



11 janvier 2021

PAYSAGE MÉDIAS : ÇA S'ÉCLAIRCIT DU CÔTÉ DES PROPRIÉTAIRES…

Participations croisées, co-actionnariat, partages nord-sud… Le marché belge des médias s'est longtemps distingué par la complexité de ses structures de propriété. En quelques mois, ça pas mal changé. Dernier élément en date : Rossel, désormais seul patron du quotidien gratuit Metro.

Fin des histoires compliquées et de certaines des associations entre acteurs du Sud et du Nord du pays. Désormais on va y voir plus clair, et on saura qui est qui. Juste avant Noël, le groupe flamand Mediahuis annonçait ainsi avoir cédé ses 50% de Metro à son autre co-actionnaire historique, Rossel. Le groupe bruxellois devient ainsi le propriétaire unique du seul titre belge paraissant dans deux des langues nationales (mais avec des contenus plutôt différents). Le cas de 7sur7.be, édité par le groupe flamand PDG n'est donc plus unique : voilà un deuxième éditeur d'une des parties du pays à posséder seul un organe de presse quotidienne publié dans la langue de l'autre communauté.

Cet éclaircissement de propriété en suit d'autres. En mars dernier, l'actionnariat de Plus Magazine s'était lui aussi remodelé. Le groupe Bayard, qui avait fondé la formule en créant jadis Notre Temps, a alors cédé ses parts à Roularta. On pourrait y ajouter le rachat des éditions luxembourgeoises St-Paul par Mediahuis, survenu en avril 2020. Mais, dans ce cas, c'est plutôt la structure qui se complique, puisque l'éditeur flamand, qui avait tout fait pour se défaire de ses avoirs francophones (hormis participation dans l'audiovisuel) s'est là retrouvé propriétaire de médias, grand-ducaux certes, mais en partie au moins publiés en langue française…

On ne peut non plus exclure de cette énumération le rachat des éditions de L'Avenir par IPM, officialisé ces derniers jours. Finis les méli-mélo autour de Nethys et de son intercommunale faîtière. Il est maintenant clair que, comme en Flandre, il n'y a plus désormais que deux groupes de presse quotidienne généraliste en Belgique francophone. De quoi gérer le marché d'une belle manière oligopolistique.

Mais la plus grande opération de clarification de 2020 restera sans doute peut-être le rachat du solde de RTL Belgium par sa maison-mère, le RTL Group. Là aussi, les embrouillamini précédents, notamment autour de la nébuleuse Audiopresse, appartiendront bientôt au passé. 

Rares seront donc bientôt les médias belges dont l'actionnariat restera entre plusieurs mains, avec des intérêts partagés entre les acteurs. Les cas les plus patents subsistant sont liés au groupe Roularta, fondamentalement flamand mais bilingue dans les faits, avec Rossel pour Mediafin (L'écho, De Tijd)   et avec Bayard pour Belgomedia (Télépro). Mais pour combien de temps encore?

Frédéric ANTOINE

05 janvier 2021

Bilan TV 2020: l'audience différée profite à TF1 et aux télé-réalités. Mais aussi à Questions en Prime

En tenant compte de l'audience jusqu'à sept jours après après la diffusion linéaire, le Top 2020 (1) des audiences télé ne change pas fondamentalement: ce sont toujours les Jt qui ont eu la cote l'année passée. De même que Questions et Prime. Mais, hormis l'info quotidienne, ce sont Les enfoirés, L'amour est dans le pré, Mariés au premier regard ou Top Chef, qui ont été pas mal regardés après leur jour de diffusion.

Les Jt, même spéciaux, ça ne se regarde pas beaucoup après leur jour de diffusion. Normal : l'info se périme vite, donc la date de validité de chaque Jt est fort proche du moment de sa production. Comme les Jt avaient cartonné en audience J+1, ils font évidemment la même chose en J+7. On retrouve dès lors dans ce Top annuel un classement identique à celui des audiences (presque) en temps réel, avec la domination des Jt et des éditions spéciales, et une présence de Questions en prime.

Conséquence logique de ce qui précède, les différences entre les scores d'audience J+1 et  J+7 sont presque nuls (2), et en tout cas sans réelle signification.

Si l'on enlève le Jt mais que l'on conserve Questions en prime (et en tenant compte de la remarque méthodologique faite à la note 2), on retrouve de nouveau une situation à peu près comparable en J+7 et J+1: la plupart des mêmes émissions ont dans les deux cas réalisés des scores fort proches. (3)
 
Enfoirés et télé-réalités 
 
 Si l'on retire Questions en prime, la situation change quelque peu.
On voit en effet entrer dans le classement des meilleures audiences un programme de TF1 (Les enfoirés), et des émission de RTL-TVI (L'amour est dans le pré et Mariés au premier regard) qui ne figuraient pas dans le Top 20 que nous avions réalisé sur les audiences J+1, ou comme Top Chef, qui n'était présent qu'à une occasion dans le classement J+1, et qui occupe ici de nombreuses places. 
Le film Ni juge ni soumise, diffusé par la RTBF, n'aurait pas tout à fait dû figurer dans ce graphique, car il occupe la 21e place de ce classement, mais nous l'y avons intégré pour son caractère très significatif pour une analyse des usages d'audience entre J+1 et J+7. Comme Les enfoirés ou les télé-réalités de prime time de RTL-TVI, ce film n'a pas réalisé des audiences remarquables au moment de sa diffusion tv ou des heures qui ont suivi. C'est sur la distance que son auditoire a crû. Les enfoirés ou Ni juge ni soumise sont de vrais programmes de stock : on pourra encore les regarder plusieurs semaines, voire plusieurs mois après leur diffusion, ils n'auront pas pris une ride. Ce n'est pas tout à fait la même chose des télé-réalités et ses variantes de type 'compétition' de RTL-TVI et M6 dans la mesure où il ne s'agit pas là d'œuvres uniques, mais bien de prototypes reproduits au cours de de plusieurs épisodes. Leur échéance de validité de vision se situe donc bien quelque part : à la fin de leur semaine de diffusion, avant l'arrivée de l'épisode suivant.
Le programme qui bénéficie le plus de ce gain d'audience différée est sans conteste le grand show annuel de divertissement de TF1 au profit des Restos su Cœur, qui récolte au-delà de 200.000 spectateurs de plus en différé par rapport à sa diffusion linéaire. Résultat d'autant plus marquant que ce programme a été émis avant le confinement. Idem pour le portrait de la juge bruxelloise Anne Gruwez par Jean Libon et Yves Hinant, qui gagne près de 150.000 personnes au cours de la semaine qui suit sa diffusion. L'amour est dans le pré (2 épisodes à + 100.000 spectateurs), par contre, a été diffusé lors de la fin du second confinement, et en période de post-confinement. Marié au premier regard et Top Chef sont, eux, des programmes du premier confinement. Tout comme le show de François Pirette, dont nous avions relevé la relativement moyenne performance lors de sa diffusion linéaire, et qui remonte ici dans le classement. Les magazines d'info de RTL-TVI ne comptabilisent qu'une audience supplémentaire assez limitée, de même que la série docu-fiction Appel d'urgence. Quant aux matchs de foot, on les regarde très peu après coup. C'est bien sur le vif que l'émotion de l'exploit captive le spectateur.
 
Frédéric ANTOINE.

 

(1) Pour le J+7, l'analyse n'a comptablisé les résultats que jusqu'au 22/12. Pour rappel, il en est à peu près de même pour les J+1

(2) L'étude ayant été menée à partir des résultats publics du CIM, elle repose pour le J+7 sur le classement des meilleurs résultats hebdomadaires, dans lesquels ne sont retenus pour les émission quotidiennes que leur meilleur score sur la semaine. Pour les Jt, ce défaut méthodologique est compensé en partie par le fait que les éditions spéciales sont comptabilisées séparément. Toutefois, comme le démontre le graphique, il y a des jours pour lesquels la comparaison est impossible, et qui ne figurent donc pas dans le premier graphique présenté dans ce texte.

(3) Pour les commentaires, cf. un article précédent analysant ce type d'audience.

01 décembre 2020

RTL BELGIQUE 100% AUX MAINS DU GROUPE RTL. CE N'EST PAS UNE BONNE NOUVELLE


Un communiqué de presse du RTL Group envoyé de Luxembourg/Cologne et daté de ce 1er décembre annonce que la société est sur le point de devenir l'unique propriétaire de RTL Belgium, en rachetant l'ensemble des parts des autres actionnaires belges. C'est non seulement un tournant dans l'histoire de RTL en Belgique mais cela ouvre désormais la possibilité d'une soumission totale de RTL Belgique à sa maison-mère, voire à son absorption par d'autres sociétés du groupe RTL, comme M6.

« RTL Group a annoncé aujourd'hui qu'il avait convenu en principe avec ses coactionnaires des activités de télévision et radio belges du Groupe d'acquérir leurs parts dans RTL Belgium contre un paiement en numéraire et en actions propres de RTL Group. Cela portera la participation de RTL Group dans RTL Belgium à 100%. Actuellement, RTL Group est déjà l'actionnaire majoritaire de RTL Belgium. »

Le premier paragraphe du communiqué de presse du RTL Group est on ne peut plus explicite. Il signe essentiellement, mais pas uniquement, la fin de la collaboration entre la filiale belge du groupe luxembourgo-allemand avec la presse écrite belge. RTL Group va en effet racheter toutes les parts d'Audiopresse dans RTL Belgique, c'est-à-dire les 36% du capital de l'entreprise que se partageaient les éditeurs Rossel, IPM et Mediahuis. Mais le géant des médias allemand libère aussi, au moins en partie les chaînes de radio de RTL Belgique de toute dépendance. Il n'est toutefois pas clair de savoir s'il met fin au montage qui, via la société Radio H, mettait aussi autour de la table le groupe Rossel et Lemaire Electronics, la société de Francis Lemaire, fondateur historique de Radio Contact avec Pierre Houtmans.

Structures de propriété simplifiée des médias RTL Belgique : Hier

On se souviendra que, à l'origine, la création d'Audiopresse avait été imposée par les autorités de la Communauté Française afin de permettre aux éditeurs de presse de Belgique francophone de récupérer, via les dividendes gérés par la société, les pertes théoriques engendrées en recettes publicitaires par l'autorisation accordée à RTL d'exploiter un réseau de télévision privée sur son territoire. A l'heure actuelle, ce mécanisme permet toujours à deux éditeurs francophones, mais aussi à un éditeur flamand, de bénéficier de cette manne. Dans les premiers temps, cet apport des groupes de presse à la télévision privée s'était aussi concrétisé dans les contenus. La couverture de l'info régionale de RTL avait ainsi été confiée à la presse, et plusieurs journalistes des quotidiens belges s'étaient alors transformés en hommes de télévision. Des émissions de RTL étaient aussi patronnées par la presse. Au fil du temps, tout cela a disparu, au profit d'un partenariat essentiellement en numéraire.

Côté radio, l'implication de Rossel et de Francis Lemaire dans le capital de Radio H était lié aux apports historiques de ces deux groupes dans la création des stations qui seront pilotées par RTL. L'ancêtre de Bel RTL n'est autre que Rossel FM (ou FM Le Soir), radio créée par le groupe de presse à l'époque où les éditeurs de journaux estimaient, à la suite de Radio Vers L'Avenir, ne pouvoir être absents de la libéralisation des ondes. C'est sur base du réseau FM de Rossel et des autorisations dont il disposait que s'est créée la petite sœur belge de RTL Paris. Pour Cherchant à compléter la palette par une radio populaire, RTL avait réussi la même association avec les fondateurs de radio Contact, première grande radio privée de divertissement lancée au tournant des années '80 par des proches du parti libéral dans le but avoué de concurrencer le service public.  

Structures de propriété simplifiée des médias RTL Belgique : Demain

(si RTL prend le contrôle de l'ensemble du secteur radio)


PAS UNE VRAIE SURPRISE

Des velléités de mettre fin à ces structures d'intérêts imbriqués étaient dans l'air depuis un certain temps. En radio, cela fait plus d'un an que, devant la baisse de rentrées générées parles radios de RTL Belgique, Francis Lemaire cherchait à vendre. (Reste à voir si le groupe RTL rachète simplement les parts de RTL Belgique dans radio H, ou aussi celles des autres actionnaires. L'information n'est pas tout à fait clair à ce point de vue). En télévision, certains éditeurs ne cachaient pas que les recettes qu'ils pouvaient retirer de leur participation à RTL Belgique n'étaient pas à la hauteur de leurs espoirs. 

A vrai dire, les montages financiers autour de RTL Belgique et d'Audiopresse sont complexes. Comme le montre le schéma présenté en ligne par le CSA belge (1), ils comprennent en effet à la fois des sociétés en Belgique et au Luxembourg, sociétés qui n'ont pas été intégrées dans les schémas simplifiés présentés ci-dessus. En miroir des sociétés belges, il existe ainsi au Luxembourg une société RTL Belux, une autre dénommée RTL Belux SA & Cie, ainsi qu'un Audiopresse Lux.  La société Audiopresse Belgique est, par exemple, à la fois actionnaire de RTL Belgium et de Audiopresse Lux (2). Au cours de ces dernières années, Audiopresse Belgique a souvent réalisé un bénéfice autour des six millions €, mais celui-ci était en baisse depuis 2016 et particulièrement faible (un peu plus de 34000€) l'an dernier. Une investigation approfondie de la cause de cette situation n'a pas pu être réalisée dans le cadre de la rédaction de ce présent texte.

Même sans tenir compte de cet événement 2019, on peut constater que l'apport financier que les trois groupes de presse principaux (qui possèdent environ 30% du capital de la société)  retirent de cette participation n'est pas très élevé : moins de deux millions €/an, alors que, par exemple, le groupe IPM affiche, en 2019, une chiffre d'affaires de plus de 118 millions €…

La solution retenue (vente en cash plus possibilité d'acquérir des actions du RTL Group) permettra aux entreprises de presse de disposer immédiatement d'une somme appréciable, de continuer si elles le désirent à retirer un dividende d'une éventuelle participation au RTL Group ou, si elles le préfèrent, de remettre elles-mêmes ces actions sur le marché.

LES MAINS LIBRES

L'opération paraît particulièrement stratégique pour RTL qui, bien qu'étant opérateur des sociétés belges actives tant en radio qu'en télévision, était toutefois quelque peu dépendant du bon vouloir de ses coactionnaires. Le rachat total des parts permet au groupe allemand d'avoir les mains totalement libres et donc de ne devoir rendre de compte à personne à propos de la gestion de ses télévisions (et sans doute de ses radios) et, surtout, de leur avenir. En radio, les stations du groupe n'affichent plus la forme d'hier et, en télévision, l'actionnaire jusqu'ici principal (et demain unique) de RTL Belgique n'ont jamais caché que, en raison de la petite taille et de la faible richesse du marché belge francophone, la rentabilité de la société leur posait problème. D'où les opérations de restructuration, les licenciements et le lancement du plan Evolve destinés à faire accroître la rentabilité de l'entreprise et le bénéfice que peut en retirer le groupe Bertelsmann. Dans ce contexte, l'hypothèse d'une modification en profondeur de RTL Belgique via son rattachement au groupe français M6 a déjà été évoquée. Lors du plan Evolve, certains responsables au sein de RTL Belgique n'avaient pas caché que celui-ci constituait à leurs yeux la seule solution pour éviter la cession de l'entreprise à sa grande sœur française. 

M6 BELGIQUE

En Suisse romande, il n'existe pas de RTL Suisse, mais bien un M6 Suisse, qui relaie les programmes de M6 France en y intégrant des écrans publicitaires locaux. L'histoire et la ténacité des créateurs de RTL Belgique avaient à l'époque permis que l'opérateur européen s'installe dans la patrie de celui qui était alors son principal actionnaire (Albert Frère) sans dépendre d'un acteur étranger. L'internationalisation des marchés et la voraclté financière du méga-groupe Bertelsmann pourraient modifier cette donne. Outre sa présence en Suisse, qui remonte au début des années 2000, il y a quatre ans, le groupe M6 rachetait les radios de RTL France, créant ainsi sur l'hexagone un groupe radio+tv intégré. Il pourrait fort bien récupérer RTL Belgique, soit pour l'absorber dans une configuration complète de type M6 Suisse, ce qui serait dramatique pour le personnel, soit pour réaliser une version belge de M6 comprenant, outre les écrans publicitaires, l'un ou l'autre programme spécifique pour le sud de la Belgique, comme les JT et certains magazines. En effet, il semblerait difficile de ne pas tenir compte des succès d'audience de RTL Belgique (Jt, magazines d'informations, télé-réalités 'made in Belgium'). Déjà, de nombreux programmes à succès de M6 sont achetés par RTL Belgique pour être diffusés sur ses chaînes. Et le RTLplay belge n'est qu'un couper-coller du M6Play français. Il suffirait de prolonger ces premiers pas.

 Si l'hypothèse d'un rachat ou d'une absorption devenait réalité, les coûts de production des chaînes belges du groupe RTL seraient évidemment fortement revus à la baisse, les productions propres fondant très largement, et les droits de diffusion des produits de stock, comme les fictions, seraient par ailleurs simplement négociés à une échelle légèrement plus élevée qu'ils ne le sont aujourd'hui par M6 pour la France. Mais, bien évidemment, la solution minimaliste consistant en une complète quasi-disparition des chaînes belges de RTL au profit de la simple diffusion sur le territoire belge des stations du groupe M6 parsemés d'écrans publicitaires spécifiques serait, pour le groupe, une véritable poule aux œufs d'or. Reste à voir si le spectateur, lui, y retrouverait son compte et maintiendrait avec autant de fougue sa fidélité à cet opérateur que les autorités publiques estiment être un garant de la "pluralité" sur le marché belge…

RTL PARIS

Si l'opération télévision peut paraître tentante, voire inévitable, il ne faut pas perdre de vue qu'il pourrait aussi, au moins en partie, en être de même pour les radios de RTL Belgique si le rachat de RTL Belgique entraîne la disparition complète de la société Radio H. Les radios de RTL Belgique pourraient alors, elles aussi, au moins partiellement, se franciser. Et le pied est déjà mis à l'étrier. Plusieurs programmes porteurs de RTL France, à commencer par Les Grosses Têtes, sont purement et simplement relayés par Bel-RTL. Cet été, un pas supplémentaire a été franchi lors de la diffusion, en simultané sur les deux stations, d'un même jeu de mi journée, coanimé par un ressortissant français et une ressortissante belge. Il y a donc déjà de l'intégration dans l'air. Les contenus radiophoniques sont toutefois par essence plus locaux ou nationaux, et jouent sur la proximité directe avec leur audience. De simples relais des stations françaises du groupe M6 semblent donc, en l'état, moins probable. 

Enfin, tout ceci ne concernerait que les médias audiovisuels classiques, secteur où RTL Belgique excellait jusqu'à ces dernières années. La filiale belge du groupe luxembourgo-allemand n'a jamais aussi bien réussi dans les nouvelles technologies et les formes médiatiques plus digitales. Une reprise en main par le groupe-mère pourrait signifier la possibilité d'opérer des choix drastiques de ce côté.

MISE EN VENTE

Il y a enfin une autre piste possible : l'hypothèse de la mise en vente de RTL Belgique plutôt que sa cession interne à un des acteurs du groupe. Celle-ci serait tentante si l'entreprise était en bonne forme, porteuse de projets d'avenir, et se situait sur un marché à taux de rentabilité économique élevé. Tel ne semble pas être tout à fait le cas. Depuis plusieurs années, RTL Belgique s'essouffle, ne parvient plus à innover, et décline essentiellement de vieilles recettes, dont l'usure devient visible à terme. Le marché sur lequel l'entreprise évolue n'est pas très prometteur, et son audience, importante à l'échelon d'une partie de la Belgique, est faible à un niveau macro-économique. L'entreprise est fragile, et déjà en partie tétanisée par ses craintes sur son avenir. Elle pourrait être un oiseau pour le chat. Mais si c'est pour se défaire d'une RTL Belgique malade à bas prix, son principal actionnaire devait-il pour autant d'abord en racheter toutes les parts? 

Si tel était le cas, il y aurait lieu d'identifier d'éventuels repreneurs. Peu de chances que ceux-ci soient des multinationales ou de grands acteurs français. L'hypothèse Rossel a déjà été évoquée. Mais ce groupe, qui excelle dans la déclinaison de métiers qu'il maîtrise, peut-il d'un coup se mettre sur le dos le chameau que constituent trois chaînes tv et, peut-être, deux réseaux radio? Si là aussi la poule aux œufs d'or était au rendez-vous, la question pourrait être posée. Mais, en l'état actuel, la gallinacée semble un peu avare de sa production, et ses œufs sont loin d'être en or massif. Il y a donc lieu de se demander si le groupe de presse Rossel n'a pas d'autres moyens que celui-là pour accroître ses marchés et fortifier ses avoirs.

Frédéric ANTOINE.


 


(1) www.csa.be/groupe-media/groupe-rtl/

(2) rapport de gestion à l'AG des actionnaires d'Audiopresse Belgique.

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