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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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14 octobre 2020

Mort de Poximag: de poule aux oeufs d'or à « poule de luxe »


« Proximag, c'est fini », annonçait L'avenir le 8 octobre dernier. La fin annoncée du réseau wallon de toutes-boîtes est aussi la confirmation de la fin d'un monde. Qui laisse à Rossel main libre sur ce marché.
 
Un communiqué de son propriétaire, Nethys, relayé par l'Agence Belga, a rendu publique la décision de mettre fin à l'édition du magazine toutes-boîtes édité par L'Avenir Advertising, composante du groupe L'Avenir qui n'avait pas été reprise par IPM lors du rachat de l'essentiel des activités de l'entreprise namuroise, en juillet dernier.  
 
Le choix d'IPM de ne pas se charger du fardeau Proximag (ainsi que de la régie publicitaire interne du groupe) signait déjà l'arrêt de mort de la publication: qui allait encore pouvoir être intéressé par un magazine gratuit qui, au lieu de gagner de l'argent, ne faisait qu'en perdre? 
 
Les bilans annuels de la société sont édifiants à cet égard: depuis 2009, L'Avenir Advertising (ou les sociétés antérieures concernant la même activité [1]) n'a été bénéficiaire qu'à deux reprises, au temps où il éditait le toutes-boîtes Passe-Partout. Depuis 2016, sous le régime Proximag, les pertes de l'entreprise n'ont cessé de croître année après année (2].
L'Avenir Advertising ne se préoccupe pas seulement de l'édition du toutes-boîtes, mais les bilans annuels de la société regorgent de rapports qui montrent du doigt le magazine toutes-boîtes comme étant la cause des mauvais résultats de la société. Dans les bilans, les commentaires des administrateurs affirment à chaque fois que leur copie sera revue l'année suivante et que l'équilibre sera alors atteint. Les chiffres, hélas, n'ont jamais confirmé ces affirmations optimistes.
 
Obsolète

 Comme l'a déclaré Nethys, sa décision s'explique par "la situation financière de l’entreprise et le fait qu’il ne semble plus exister de modèle économique pour la presse périodique gratuite 'toutes-boîtes'". Celui-ci reposait sur un financement par la publicité régionale et locale, mais aussi, dans une grande mesure, par la publication des petites annonces. Un business qui a été un des premiers à migrer du papier vers l'internet. Sur ce média virtuel, les concepteurs de sites d'annonces en tous genres qui, dans la plupart des cas, n'ont rien à voir avec le monde des médias classiques, n'ont cessé de faire fortune. La disparition de Proximag n'est donc qu'un épisode d'une chronique d'une mort annoncée. Un décès face auquel les éditeurs de presse ne sont pas totalement irréprochables. Si, in tempore non suspecto, ils avaient pris le train de l'internet pour la commercialisation de leur business de petites annonces, le fameux 'modèle économique' évoqué par Nethys aurait sans doute adopté une autre configuration. Mais voilà. Déjà qu'ils avaient loupé le modèle de la presse en ligne payante en misant naïvement sur une presse en ligne en accès gratuit, i ne pouvaient pas non plus imaginer que leurs chers toutes-boîtes auraient un jour une fin…

Labeur

En effet, aux heures de gloire de la presse papier, les toutes-boîtes n'étaient pas seulement un moyen de récolter une importante manne publicitaire. Ils permettaient aussi de réaliser cette opération à coût très bas, puisque, dans ce type de publication, le contenu rédactionnel, souvent consacré à de l'infra-locale, est fort réduit, et produit à peu de frais. Et puis, sinon surtout, les toutes-boîtes permettaient l'utilisation des imprimeries de presse en mode 'labeur', ce qui représentait une formidable opportunité de rentabilisation d'un outil lourd ordinairement sous-exploité, puisque ne travaillant autrement que la nuit, pour l'impression des quotidiens.

Avec des coûts de production faibles et des recettes commerciales à n'en plus finir, les toutes-boîtes étaient hyper-rentables. Seule leur diffusion dans chaque boîte aux lettres du Royaume représentait un investissement réellement important. Ce qui explique que ces périodiques ont, souvent, contribué à rééquilibrer les comptes d'entreprises de presse où les coûts de production des 'vrais' médias (les journaux) dépassaient parfois les rentrées provenant des ventes et de la publicité (le fameux 'marché biface' de la presse).

Fin d'une histoire

Depuis le début des années 2000, cet âge d'or a disparu. Les formats des pages se sont réduits, leur nombre a diminué, la diversité des éditions locales a été rabotée. Proximag avait même fait le choix de réduire sa périodicité de diffusion dans ses zones les moins rentables. Les toutes-boîtes ont fini par coûter fort cher. Comme une « poule de luxe »…
 
Ainsi disparaît ce média qui était déjà l'héritier d'un très vieux modèle de presse: celui de l'annonceur local. Le micro-titre conçu, à l'époque où il n'y avait que de l'écrit, par les imprimeurs du village, et comprenant des petites nouvelles en tout genre (donc aussi des annonces commerciales ou privées). Même si, longtemps, ces publications ont conservé leur titre original, bon nombre ont finalement été cédées. D'abord à des éditeurs régionaux, puis à des groupes plus importants. L'apparition des chaînes de toutes-boîtes signifiait déjà l'industrialisation de ce processus éditorial, qu'il ne devait plus rentable d'exploiter à la simple échelle d'une localité d'une petite région. Aujourd'hui, le village global aura fini par en avoir raison.

Enfin presque. En Belgique francophone, le Vlan du groupe Rossel (et sa cinquante de variantes d'intitulés) résiste, et reste désormais seul dans le créneau. Jouant à la fois sur des versions en ligne et papier et sur un accès premium, il occupera désormais tout le terrain. IPM a fait ainsi un beau cadeau à son concurrent, à qui il avait aussi jadis cédé son propre toutes-boîtes : Belgique N°1.

Frédéric ANTOINE.

[1]: Jusqu'en 2010, la société se dénomme Passe-Partout, du nom du toutes-boîtes éponyme des Editions de L'Avenir. Elle s'appellera ensuite Corelio Connect Sud avant de devenir L'Avenir Advertising. 

[2] Le cas de 2013, où l'entreprise subit une très forte perte de plus de 22.000.000€, doit être considéré comme atypique, car il constitue le moment de la séparation de Corelio Connect en deux branches et du rachat de la branche sud par Nethys.




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