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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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28 avril 2021

LA COVID N'A PAS IMMUNISÉ LA PRESSE PÉRIODIQUE DE SES PERTES ENDÉMIQUES

En 2020, les magazines se sont encore moins vendus que les années précédentes. Et les acheteurs n'ont pas basculé vers le digital à cause du manque quasi-total de projet de monétisation numérique de la plupart des titres. Comme si, plutôt que de lancer les canots de sauvetage, il valait mieux se laisser couler avec le navire…

Oui, certains titres de la presse magazine francophone belge ont pu voir leur audience croître en période de covid. Mais plus de lecteurs ne signifie pas plus de ventes. Alors que, désœuvrement et ennui aidant, le confinement était le moment idéal pour partir à la pêche aux nouveaux acheteurs ou à ceux qui étaient partis, les ventes des magazines n'ont pas bénéficié de l'effet pandémie. Cela fait des années que la diffusion print payante des périodiques est en baisse. Et, pour la plupart, 2020 n'a pas failli à la règle. Les brebis égarées ne sont pas revenues débourser quelques euros pour se mettre à (re)lire leur magazine préféré. 

Du côté des quotidiens, en 2020, plusieurs titres ont réussi à redresser la barre, essentiellement grâce à la monétisation numérique de leurs contenus (1). Dans le camp des magazines, ce type de stratégie est toujours aux abonnés absents. Certes, on peut consulter des contenus gratuits sur leurs sites et, quand ils en ont, sur leurs applis. Mais côté payant, rien à l'horizon. Ou presque. La descente infernale est-elle donc inexorable?

 

Tous perdants

Tenant compte du fait que les chiffres actuellement disponibles sont des déclarations d'éditeurs, mais que celles-ci sont toujours fort proches des données certifiées par le CIM, force est de constater que, pour les hebdomadaires, la diffusion totale payante (print payant + digital payant) de tous les titres était en baisse en 2020 (2). Toute diffusion payante confondue, l'ordre de préséance des titres est resté à peu près inchangé par rapport aux années précédentes. Comme par le passé, trois leaders dominent le marché, mais il n'y en a plus qu'un seul à vendre à plus de cent mille exemplaires : Ciné Télé Revue. Télépro est descendu en dessous de cette barre symbolique. Quatre titres se retrouvent ensuite, souvent dans un mouchoir de poche, entre cinquante et quarante mille exemplaires. Hormis Paris-Match, qui frise encore les trente mille, les autres titres sont tous en dessous de vingt mille ventes.

Ceux qui s'en tirent

Si tous les titres sont affectés,  le naufrage de la diffusion payante 2020 ne revêt pas partout la même importance. Nombreux sont ceux dont les pertes s'avèrent, cette année, relativement minimes.

Ainsi, avec leur -2% seulement, Femmes d'aujourd'hui, Télépro et Paris Match s'en sortent plutôt bien. Pour Paris Match, la perte est beaucoup moins sensible qu'en 2019 (le titre avait alors perdu 9% de diffusion payante par rapport à 2018). Cette même année-là, l'hebdomadaire féminin de Roularta n'avait perdu que 1% de diffusion payante, et le magazine télé verviétois 2,5%.

Les pertes atteignent environ 8% pour Ciné Télé Revue et Spirou, qui avaient déjà perdu le même pourcentage de ventes l'année précédente. Le Vif, à -9%, fait moins bien qu'en 2019, où il n'avait perdu que 5%. Aux environs de 10%, on trouve Télé Star, Télé Pocket et Le Soir Magazine. En 2019, les deux premiers titres avaient vu leurs ventes baisser de 7% et 6%, tandis que le magazine de Rossel n'avait quasiment pas perdu de clients. La descente de 2020 constitue donc là un véritable signal d'alarme. Que dire enfin de Moustique (-12%) et Flair (-14%) ? En 2019, le news magazine midmarket accusait déjà une perte de 8%, tandis que l'hebdo "jeunes femmes" était à -20%. Le titre racheté par IPM s'enfonce donc davantage, alors que celui de Roularta se porte un peu moins mal.

 Rendez-vous en terre inconnue

Ces comparaisons confirment que 2020 n'a pas apporté de nouveaux acheteurs "papier" aux magazines destinés aux Belges francophones, que du contraire. La tendance baissière, relevée sur la durée dans un précédent article de ce blog en 2020, n'a pas été endiguée. Car nous parlons bien ici du support physique. Côté digital, on doit une nouvelle fois se pincer pour être sûr de ne pas rêver devant les scores de ventes numériques affichés par les éditeurs. En monétisation numérique, les magazines sont à peu près nulle part.

Continuant sur une ligne tracée depuis sa reprise par Nethys-Editions de L'Avenir, Moustique est le seul magazine à avoir une réelle stratégie de monétisation en ligne, mais celle-ci ne lui permet pas d'atteindre 8% de ventes du produit en digital. Le Vif affiche un petit 3%, le Soir Mag 2%… et c'est à peu près tout. Mis à part ces hebdos qu'on peut plus ou moins qualifier, dans des créneaux différents, de news magazines, le vide s'étire jusqu'à l'horizon. On a l'impression que, pour plusieurs titres, seuls des lecteurs vraiment écologistes, voulant ne plus consommer de papier, ont fait la démarche de quémander un abonnement digital. Mais que rien n'a été réalisé pour attirer le lecteur vers le numérique, ou y faire venir de nouveaux clients. Ciné Télé Revue vient d'entreprendre des actions dans ce domaine, notamment avec un abonnement à prix promotionnel et la création d'une appli associée. Mais le magazine de Rossel est bien seul. Comme écrit plus haut, cela ne veut pas dire que les autres titres sont inexistants en ligne, mais leurs contenus y sont gratuits, et rien n'est fait pour promotionner une version numérique, à laquelle certaines rédactions semblent n'accorder que très peu d'intérêt. Même chose sur les réseaux sociaux, où certains magazines sont très actifs, mais qui ne jouent pas le rôle de rabatteurs vers un digital payant. Quant aux applis, quelques titres y proposent de s'y abonner au repliqua du papier. Mais Flair n'a qu'une appli pour sa version en néerlandais, et le terme "appli" semble inconnu chez Télé Pocket, Télé Star et Paris Match Belgique.

Et les autres?

Du côté des bimensuels et mensuels, dont les diffusions sont plus faibles, l'année 2020 n'a pas non plus été profitable pour tout le monde. Mais les données sont difficiles à apprécier car plusieurs titres ont une part de leurs ventes réalisées "à tiers", c'est-à-dire sous forme de commercialisation non liée à une acquisition directe par un lecteur. Cette donnée grossit évidemment le volume de diffusion payante de ces magazines et brouille un peu les résultats.

Deux titres perdent énormément : ceux qui sont en tête du classement. L'ordre de préséance se modifie par ailleurs entre eux. Le mensuel le plus vendu en 2020 était le féminin Gael, qui perd néanmoins 18% de diffusion payante par rapport à 2019. Top Santé, qui dominait le marché précédemment, devient le 2e magazine le plus vendu, en perdant un tiers de sa clientèle en un an. Ce magazine déclare 5000 ventes numériques en 2020, ce qui est énorme. L'année précédente, il comptabilisait à peu près le même nombre d'abonnés digitaux (4999).

Le bimensuel Moniteur de l'automobile continue à occuper une étonnante troisième place, mais avec une perte de 25%. L'Eventail affiche des chiffres stables à tous points de vue d'un année sur l'autre. Les deux gagantes de l'année se trouvent en fin de classement. Les mensuels de Ventures, dont la diffusion est faible, accroissent leurs ventes en 2020. Elle Belgique augmente sa diffusion payante de 4% et Marie-Claire Belgique de 10% De bons scores sur des très petits volumes.

Dans cette presse là aussi, la monétisation digitale semble ne pas exister, hormis chez Top Santé et, de manière beaucoup plus modeste, au Moniteur de l'automobile. De manière générale, dans ce créneau également, covid et confinement n'ont pas incité davantage de clients à se ruer sur les magazines, ni à les consommer sous forme payante en ligne. Et rien de spécial n' été fait pour les pousser à acheter un exemplaire, papier ou numérique.

Le bateau de la presse périodique continue donc de couler doucement, tout en conservant l'idée qu'il faut faire confiance à une commercialisation "papier". Et sans que des ventes numériques viennent colmater les brèches existantes. Comme nous avons eu récemment l'occasion de le dire dans un article du magazine Pub, hormis dans de rares cas, on attend donc toujours qu'une large part de la presse magazine s'empare de l'audace qui lui permettrait de se réinventer.

Frédéric ANTOINE.

(1). Voir sur ce blog l'article consacré à la presse quotidienne en 2020.
(2). Soulignons qu'il s'agit bien ici de la diffusion totale payante, et non de la diffusion totale. Certaines titres ont en effet une diffusion gratuite impressionnante, qui viendrait gonfler les chiffres de diffusion totale, mais qui ne rapportent directement rien.
 



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