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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

22 janvier 2021

L'IN SITU DANS LES JT: VOYAGE EN ABSURDIE

 
« Nous rejoignons tout de suite notre journaliste sur place… » Ce jeudi, on a encore vécu un beau cas d'inutilité de l'usage de l'in situ dans un journal télévisé. Une maladie, elle aussi, devenue universelle et fort contagieuse. 
Dans ce cas-ci, on espère que l'envoyée spéciale n'en aura pas 'profité' pour attraper un gros refroidissement.

Il pleuvait sans cesse sur le bâtiment Charlemagne, ce soir-là. Et la journaliste était la, souriante, épanouie ravie, ruisselante Sous la pluie… Mais qu'avait-elle à y faire? Ce jeudi, à la vingtième minute de son Jt, la présentatrice annonce qu'il y a un « Sommet européen en cours à ce moment » et que « les dirigeants discutent via vidéo-conférence », notamment à propos des mesures à prendre contre les nouveaux variants de la covid. 

Ce lancement est suivi d'un billet assuré par une journaliste, en direct depuis les environs du rond-point Schuman et de l'extérieur du bâtiment de la Commission européenne. Belle occasion d'être-là au cœur de l'info se déroulant en direct. Non seulement, comme c'est généralement le cas, l'envoyé·e sur place n'est pas alors plus au courant des dernières nouvelles concernant son sujet que l'anchorwoman présente en studio. Mais ici, elle n'a, de plus, aucune raison de se trouver à cet endroit, sans le moindre parapluie, alors que l'averse débute. 

En effet, comme l'avait bien précisé sa collègue, le Sommet se déroule « en vidéo-conférence ». A moins qu'un des chefs d' État ou de gouvernement n'ait poussé le vice jusqu'à se rendre à Bruxelles, dans le bâtiment de la Commission pour s'y installer avec son PC, ou à moins qu'Alexander De Croo ait préféré passer la soirée au Berlaymont plutôt qu'à son bureau du 16 rue de la loi (ou dans le cocon de son domicile privé), il n'y a au moment-même aucun responsable européen aux alentours du rond-point Schuman. La journaliste est en train de se tremper sous la pluie totalement inutilement. Et, à la voir, elle n'en semblait pas particulièrement heureuse.

Si beau à voir

Bien sûr, il eût été plus simple de lui faire présenter son billet dans le studio du Jt, sauf que cela aurait, une fois de plus, imposé pour tous le port du masque, qui cache un peu l'expression des visages et étouffe légèrement le son des voix. Mais, à part cela, c'était la solution idéale. Mais, voyez-vous, ça fait vieille télé tout ça. Pire, on dirait même de la radio! Ce vieux média dépassé où les journalistes spécialisés lisent leurs billets en direct dans le journal parlé, à côté du présentateur (ou, souvent, l'enregistrent à l'avance). Ah, ce n'est pas eux qu'on enverrait se mouiller ou se geler l'une ou l'autre partie du corps pour les beaux yeux de l'image! C'est si beau de voir ces femmes et ces hommes sur le lieu même d'un événement, prêts à le faire vivre en direct live à leurs spectateurs. N'est-ce pas ce qui fait la quintessence de l'info télé, ce que jamais Netflix ne pourra proposer? Sans conteste, une belle mise en décor (ce que signifie en fait l'expression in situ). Toutefois, ces mises en scène en extérieur apportent-elles quelque chose de plus au contenu de l'info? Dans 99% des cas, strictement rien.

 
Ces constructions médiatiques sont juste de l'habillage, de la construction de réel. Et de l'illusion. De la production d'impressions. Celle d'une rédaction et de super-journalistes toujours sur la balle, et bien sûr celle d'être aux premières loges. C'est-à-dire devant un bâtiment où rien ne se passe, sur le trottoir du carrefour le plus proche de l' Élysée où rien ne se passe non plus, ou devant les grilles érigées autour du Capitole où il y a juste deux badauds en train de prendre une photo
 
Juste du exemple

Évoquée en tête de ce texte, cette prestation nocturne et pluvieuse sur un lieu où l'actualité ne se déroulait pas, et la compassion qu'elle inspire, nous ont poussé à écrire ces quelques lignes. Mais elles auraient déjà pu être rédigées mille fois depuis la création de ce blog. Ne serait-ce que pour rendre hommage au courage et à la détermination (ou à l'obéissance?) de ces journalistes qui ne cessent de mettre leurs nerfs, leur santé et leur ouïe en danger pour faire croire à leur audience qu'ils étaient bien au cœur de l'info.

Parfois, cela a tout de fois tout son sens. Comme lorsque à la 33ème minute de ce même Jt, quand la présentatrice a redonné l'antenne à l'envoyée spéciale se trouvant au milieu d'une ruelle sombre, présentée comme le « Palais de justice de Liège ». Là, l'information de l'inculpation d'un homme d'affaires liégeois célèbre venait de tomber en plein journal télévisé. Bravo pour le réflexe. Mais, pour une séquence comme celle-ci, combien d'autres dont on ne peut que discuter de l'utilité (de même, dans certains cas, que le coût). Mais, voyez-vous, c'est cela l'info du XXIe siècle. De l'image, du show, et de la communion en temps réel. Avec CNN, les Américains avaient donné le ton depuis les années 1980. Désormais, toute la planète est à l'unisson. Pour le meilleur. Et souvent pour le pire. Ce ne sont pas les chaînes info qui prouveront le contraire.

Frédéric ANTOINE.

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