ll n’aura pas fallu huit jours pour que les deux groupes de presse quotidienne encore en présence dans le sud du pays se déclarent plus ou moins la guerre avec, comme enjeu, la suprématie définitive sur l’ensemble du territoire wallon.
Dans une interview subtilement publiée par le journal L’Avenir ce 9 janvier, jour officiel du rachat du titre par une coopérative pilotée par le groupe IPM, l'administrateur-délégué du groupe bruxellois déclarait : « Notre ambition, c’est de faire de L’Avenir le leader en Wallonie, sur le marché papier et sur le web » (1). Une phrase qui, dans le titre de l’article, et assurément avec la bénédiction du racheteur, est devenue : « Notre objectif est de faire de L’Avenir le premier titre de Wallonie », ce qui est légèrement différent. Mais qui, dans chaque cas, désigne incontestablement l’ennemi à combattre: Sud-Presse.
Dans une interview subtilement publiée par le journal L’Avenir ce 9 janvier, jour officiel du rachat du titre par une coopérative pilotée par le groupe IPM, l'administrateur-délégué du groupe bruxellois déclarait : « Notre ambition, c’est de faire de L’Avenir le leader en Wallonie, sur le marché papier et sur le web » (1). Une phrase qui, dans le titre de l’article, et assurément avec la bénédiction du racheteur, est devenue : « Notre objectif est de faire de L’Avenir le premier titre de Wallonie », ce qui est légèrement différent. Mais qui, dans chaque cas, désigne incontestablement l’ennemi à combattre: Sud-Presse.
Guerre de chiffres
Selon les données CIM actuellement disponibles, et qui se limitent à la mesure authentifiée en 2019, en cumul diffusion papier print payante + diffusion digitale payante, L’Avenir précédait déjà Sud Presse d’un peu plus de 1.900 ventes. En a-t-il été de même en 2020? Les groupes de presse le savent sans doute déjà, mais l’info n’est pas encore publiquement disponible. Partons donc sur l’idée qu’en diffusion payante, L’Avenir est déjà leader. Il n'y a pas là d'ambition à affirmer.
Oui mais voilà, en ce qui concerne le lectorat, l’AIR (Average Issue Readership) Print+Digital de Sud Presse en 2019 était de 611.738 personnes, alors que celui de L'Avenir n’était que de 495.579. En « total reach of total brand », le régional de Rossel était aussi largement au-dessus du nouveau fleuron du groupe IPM.
On sait qu’il ne s’agit-là que d’extrapolations réalisées sur base d’un sondage annuel et reposant sur des éléments déclaratifs, mais quand même: côté lecteurs, Sud-Presse l’emporte bien sur L’Avenir… Un partout donc? Pas tout à fait car, côté lectorat, les deux groupes ne jouent pas sur le même territoire. Sud-Presse comprend un titre bruxellois, La Capitale, alors que L’Avenir ne dispose pas d’édition bruxelloise. Enfin, pas vraiment. En ligne, le quotidien namurois affiche bien, dans son onglet Régions, un sous-onglet « Bruxelles », qui présente quelques informations. Mais, quand dresse l’inventaire des éditions que le quotidien affirme assurer, et qui correspond à sa présence réelle sur le terrain, on a beau chercher : parmi les dix recensées, Bruxelles n’existe pas. Mais il y a, par contre, une étrange édition Wallonie… qui ne figure pas sur la carte dressée par le journal pour illustrer ses zones de couverture.
source: https://www.lavenir.net/extra/services/qsn/presse
Carte blanche
Cette carte marque aussi les « manques » de couverture du territoire belge par le quotidien namurois. Outre le fait que la région bruxelloise n’y apparaît pas, le centre Hainaut y est coloré… en blanc, avec aux extrémités de cet espace sans couleur, des zones hachurées, certaines rattachées à la région de Tournai, l’autre à la Basse-Sambre.
En clair, ces marques signifient qu’il n’y a pas d’édition du journal en Borinage, de Mons à Charleroi, mais qu’une petite couverture (au-delà de Mons) est assurée par l’édition tournaisienne du titre, et que la région de Charleroi est, elle, « surveillée » par l’édition Basse-Sambre. Mais quel Montois se revendiquera jamais d'être du Tournaisis, et et quel Carolo de la Basse-Sambre?
Une situation presque identique se retrouve à l'autre bout de la carte. Là, étonnamment, pas de zone blanche, mais du hachuré sur la Belgique germanophone et une répartition affirmée de la couverture de la province de Liège entre l’édition Huy-Waremme et celle de Verviers, la partie ouest de la région liégeoise étant supposée être couverte par Huy, et l’est par Verviers. Mais, à nouveau, quel Liégeois se définira jamais comme hûtois ou waremmois, ou comme verviétois?
C'est en fait bien connu : il y a deux « trous » dans l’occupation du territoire wallon par L’Avenir : la région du centre et celle de Liège. Ce n’est pas que le journal n’a pas cherché à les conquérir. En 1987, il avait ainsi racheté l’exsangue journal catholique de Charleroi, Le Rappel. Mais, face au rouleau compresseur de La Nouvelle Gazette, l’édition n’a jamais décollé et on a rapidement arrêté les frais. Même scénario en janvier 2005 à Liège, sans rachat de titre cette fois, mais en cherchant d’imposer dans la Cité ardente… une édition locale du Jour de Verviers. Un an et demi plus tard, incapable de concurrencer l’impérial journal La Meuse, les patrons feront mettre clé sous le paillasson sans autre forme de procès (ou d'effort).
La bataille des Bassins
En clair, ces marques signifient qu’il n’y a pas d’édition du journal en Borinage, de Mons à Charleroi, mais qu’une petite couverture (au-delà de Mons) est assurée par l’édition tournaisienne du titre, et que la région de Charleroi est, elle, « surveillée » par l’édition Basse-Sambre. Mais quel Montois se revendiquera jamais d'être du Tournaisis, et et quel Carolo de la Basse-Sambre?
Une situation presque identique se retrouve à l'autre bout de la carte. Là, étonnamment, pas de zone blanche, mais du hachuré sur la Belgique germanophone et une répartition affirmée de la couverture de la province de Liège entre l’édition Huy-Waremme et celle de Verviers, la partie ouest de la région liégeoise étant supposée être couverte par Huy, et l’est par Verviers. Mais, à nouveau, quel Liégeois se définira jamais comme hûtois ou waremmois, ou comme verviétois?
C'est en fait bien connu : il y a deux « trous » dans l’occupation du territoire wallon par L’Avenir : la région du centre et celle de Liège. Ce n’est pas que le journal n’a pas cherché à les conquérir. En 1987, il avait ainsi racheté l’exsangue journal catholique de Charleroi, Le Rappel. Mais, face au rouleau compresseur de La Nouvelle Gazette, l’édition n’a jamais décollé et on a rapidement arrêté les frais. Même scénario en janvier 2005 à Liège, sans rachat de titre cette fois, mais en cherchant d’imposer dans la Cité ardente… une édition locale du Jour de Verviers. Un an et demi plus tard, incapable de concurrencer l’impérial journal La Meuse, les patrons feront mettre clé sous le paillasson sans autre forme de procès (ou d'effort).
La bataille des Bassins
L’Avenir est donc bien absent des deux grands bassins industriels de Wallonie, où règnent en maître les régionaux du groupe Rossel, tous deux jadis rachetés à leurs propriétaires locaux, qui ne cachaient pas être (très) proches des milieux libéraux et réactionnaires de Liège et Charleroi…
L'Avenir n'a jusqu'à présent jamais réussi à être un quotidien d'agglomération. Il s'est toujours imposé dans les villes moyennes, plutôt bourgeoises, ainsi que dans les petites villes et les zones plus rurales. C'est-à-dire là où, jadis, la pratique religieuse était importante (alors qu'elle était morte dans les conurbations industrielles) et où le clergé exerçait un réel pouvoir (ce n'est pas pour rien que les curés étaient souvent les représentants de commerce du titre dans leur paroisse). Si cela n'est plus, ou presque, l'implantation, elle, na pas changé.
L'Avenir n'a jusqu'à présent jamais réussi à être un quotidien d'agglomération. Il s'est toujours imposé dans les villes moyennes, plutôt bourgeoises, ainsi que dans les petites villes et les zones plus rurales. C'est-à-dire là où, jadis, la pratique religieuse était importante (alors qu'elle était morte dans les conurbations industrielles) et où le clergé exerçait un réel pouvoir (ce n'est pas pour rien que les curés étaient souvent les représentants de commerce du titre dans leur paroisse). Si cela n'est plus, ou presque, l'implantation, elle, na pas changé.
La « guerre » pour être le premier titre en Wallonie passera-t-elle par de nouvelles campagnes de conquête des deux sous-régions de la Wallonie industrielle historique? Si c’est le cas, cela demandera à IPM d’importants investissements et beaucoup d'efforts. Surtout que, du côté de Rossel, on semble déjà avoir prévu l’attaque. Pas plus tard que le samedi 16 janvier dernier, le groupe a en effet lancé, à Liège et Charleroi, des « éditions métropolitaines » qui ont comme but de renforcer la présence de Sud-Presse dans les deux agglomérations, en jouant davantage encore sur la proximité. Le rédacteur en chef de Sud Presse a été clair à ce propos, parlant d’une « une étape importante dans cette stratégie gagnante » et présentant ces nouvelles éditions comme « un média encore plus ancré dans la vie des Carolos, des Liégeoises et des Liégeois. Un média qui se pose clairement comme la référence indispensable et utile de la région » ainsi que « un média qui utilise les codes propres à une information métropolitaine dynamique, ambitieuse et moderne, tant sur le digital que sur le print » (2).
IPM n’a donc qu’à bien se tenir. Rossel a sorti ses Grosses Bertha et a tiré ses premières pièces. Assurément, la bataille risque d’être sanglante. Il faut juste espérer qu’elle ne fera pas trop de morts. A moins qu'elle se conclue vite par une "paix des Braves" où, sous forme d'un condominium, les deux groupes décident de se partager le territoire, pour régner seul, chacun sur ses forteresses. Vous avez dit "monopole" ou "duopole"? Non, juste une entente entre partenaires de bonne volonté, évidemment.
Frédéric ANTOINE.
(1) https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210108_01543744/video-francois-le-hodey-ipm-notre-objectif-est-de-faire-de-l-avenir-le-premier-titre-de-wallonie
(2) https://twitter.com/demetrioscag?lang=fr