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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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28 juin 2021

RTL BELGIUM: ROSSEL AU PAYS DE L'AUDIOVISUEL


Que faire encore quand on a déjà tout ce qui relève de son core business? Eh bien, investir ailleurs, quitte à entrer dans une jungle dont on ignorait à peu près tout. Rossel co-propriétaire de RTL Belgium, c'est un peu Rendez-vous en terre inconnue au pays des grands fauves.

Le RTL Group, DPG et Rossel ont confirmé ce lundi 28 juin au matin quel serait le futur RTL Belgium. Les supputations émises la semaine dernière sont donc confirmées. RTL Belgium is back to home, pour autant que son véritable "home" ait un jour été belge et non luxembourgeois. Demain, ses chaînes de télévision n'échapperont plus à la tutelle du CSA, et s'il vient encore à l'idée d'un·e ministre de distribuer de l'argent entre les médias de la francophonie belge, la société sera automatiquement comprise parmi les bénéficiaires.

Au niveau de la petite Belgique, ce rachat était en somme la seule solution restante pour sauver le soldat RTL. Seulse les deux plus grandes entreprises médias du pays avaient les épaules suffisamment larges pour décider de se mettre un tel fardeau sur le dos. Et ce même si, comme le rappelle L'Echo, la société est finalement plutôt en bonne santé. Et même si, comme personne ne le mentionne ou presque, ce sont surtout les bons chiffres de la régie IP qui assureront un intéressant retour sur investissement pour les copropriétaires.

Le banquet des ogres

Ce rachat est aussi l'aboutissement logique du processus de concentration des médias à l'œuvre dans tous les pays occidentaux, et auquel la Belgique n'échappe pas. Depuis une vingtaine d'années, le paysage médiatique belge se ratatine d'année en année, au nord comme au sud. Si le nombre de médias (ou de marques médias) ne diminue pas vraiment, le nombre d'opérateurs ne cesse, lui, de se réduire. Tant et si bien que les indices de concentration des médias belges sont devenus alarmants (comme ils le sont aussi ailleurs). Dans un paysage où, au Nord comme au Sud, la diversité s'est réduite à deux acteurs, que reste-t-il d'envisageable?

Des deux côtés du pays, le plus gros des acteurs de la scène des médias privés a racheté tout ce qui relevait de son core business, ancré dans les publications de presse et dont le berceau est l'édition de presse quotidienne. Ayant à peu près tout absorbé, tout en laissant de côté une partie du marché des périodiques, ces opérateurs ont, dans un premier temps, été voir ailleurs. C'est ainsi que DPG est devenu l'ogre de la presse hollandaise, mais a aussi un pied au Danemark. Rossel est parti à la conquête de la presse régionale française, secteur où ses avoirs dépassent en valeur ce qu'il possède en Belgique. Mais on ne peut pas dire que la campagne de France a été une grande victoire. A de nombreuses reprises, tout a été fait pour que l'entreprise belge rate le coche. Dame, en France, on préfère les acteurs belges plutôt que les investisseurs belges… 

L'audiovisuel par défaut

Le marché de l'écrit un peu arrivé à saturation, que restait-il, sinon l'audiovisuel? DPG y était de longue date, associé dès le début à la naissance de VTM (comme tous les éditeurs flamands) puis étant longtemps resté copropriétaire de Medialaan, avec Roularta. Jusqu'à ce qu'il décide de devenir leur seul actionnaire de cette société qui rassemble la plus grande partie de l'audiovisuel privé flamand (tv+réseaux de radio). Rossel s'est bien lancé dans la radio privée dès que celle-ci a paru devenir un marché intéressant pour les groupes de presse, dans les années 1980. Mais, comme d'autres éditeurs, la société avait alors vite compris que faire de la radio, ce n'était pas comme éditer un journal. C'est ainsi qu'il a accepté de céder ses fréquences à la société qui s'est mise sur pied pour créer Bel RTL et absorber radio Contact. En télévision, Rossel a participé comme les autres éditeurs au deal Audiopresse, naïvement imaginé par l'Etat francophone afin de 'compenser' la perte de revenus publicitaires pour la presse lors de l'autorisation dans le sud du pays d'un opérateur privé, en 1986-1987. Un beau cadeau puisque, ce fameux gâteau publicitaire, RTL Luxembourg le grignotait déjà depuis des années. Son 'arrivée' sous l'étiquette TVI n'a donc pas vraiment bousculé la presse, mais elle lui a permis de s'associer sans investir dans la télé privée. Sans investir enfin pas tout à fait. Au début, les groupes de presse ont vraiment été associés à l'éditorial chez RTL Belgium. Mais là aussi il est vite paru que faire de la bonne info de presse n'était pas identique à faire de la bonne info tv. Les éditeurs ont donc touché des dividendes sans rien faire. Et sans rien apprendre.

 "Un" nouveau géant

Et voilà qu'aujourd'hui, Rossel devient le (co)patron d'une entreprise qui édite de la télévision, de la radio, et des contenus audiovisuels en ligne… Alors que DPG a, lui, les mains dans le cambouis depuis des années. On ne peut sans doute pas comparer Rossel à Alice au pays de l'Audiovisuel, mais l'union entre les deux plus grands acteurs médiatiques privés belges n'a-t-il pas un peu du conte du Petit chaperon rouge? Le titre du Soir, journal de référence du groupe Rossel, annonçant  ce 28/06 la naissance d'"un nouveau géant des médias en Belgique", donne une clé de lecteur de l'ensemble: ce n'est pas tant le rachat de RTL Belgium qui importe que la constitution d'un groupe "national" de médias audiovisuels privés, rassemblant à la fois des médias du nord (ceux de DPG) et du sud (propriété de PDG+Rossel). L'immense spécialiste du marché publicitaire des médias Bernard Cools ne s'y trompe pas lorsqu'il note, dans Le Soir, que le nouveau "groupe" proposera une offre publicitaire conjointe couvrant tout le pays. Et le spécialiste de parler de "fusion" de la régie  IP avec celle de DPG, et parle de "du jamais vu" en Belgique.

Le rachat de RTL Belgium paraît donc comme la part visible d'un iceberg qui pourrait voir fusionner les médias audiovisuels privés du nord et du sud. Ce qui serait, là aussi, du jamais vu. Une sorte de retour au "monde d'avant" (la fédéralisation). Comme si, lorsqu'il s'agissait de lutter contre les GAFAM, les divergences linguistiques et culturelles retournaient au vestiaire. Une bonne chose? A condition que ce grand deal dont on parle aujourd'hui serve bien tout le monde. Et qu'il n'ait pas comme premier grand but de sauver l'audiovisuel privé flamand face aux plateformes, mais aussi face à Telenet, qui n'est jamais que la filiale belge du groupe US Liberty Global.

Alors, dans tout cela, quel poids aura Rossel, et quel rôle sera confié à l'ex-RTL Belgium? L'article du Soir, très bien informé, parle de synergies profitables dans de nombreux domaines. En vertu de ce qui vient d'être évoqué, il faudra probablement vite se demander: profitable oui, mais pour qui d'abord?

Frédéric ANTOINE.

 

26 mars 2021

TÉLÉPRO 100% CHEZ ROULARTA. UN CHANGEMENT BIEN PLUS QU'ANECDOTIQUE

Roularta a racheté les 50% du magazine Télépro, que conservait jusqu'à présent jalousement le très catholique groupe parisien Bayard. Fin d'une époque. Et du "principautarisme" du magazine?

Il y a un an, en mars 2020, le groupe flamand Roularta rachetait les 50% que le groupe Bayard détenait dans Senior Publications, l'éditeur en Belgique de Plus Magazine, mensuel pour 55+ successeur de Notre Temps/Onze Tijd, la version belge du titre créé en France par le groupe Bayard. On se demandait alors pourquoi Télépro, autre copropriété de la religieuse maison parisienne et du groupe roulersois, n'avait pas suivi le même chemin, et n'était pas, lui aussi tombé à 100% dans l'escarcelle du groupe flamand. Roularta truste en effet actuellement tout (ou presque) ce qui est possible de racheter dans le monde de la presse magazine en Belgique, tout en s'étendant dans le même créneau à l'étranger.

LES MÂNES DES FONDATEURS

La réponse qui pouvait venir à l'esprit était que, peut-être, le puissant groupe catholique français, propriété de la la congrégation religieuse des Assomptionnistes, souhaitait garder un œil sur la gestion de Télépro, ce magazine étant présent sur un marché potentiellement idéologiquement sensible du côté valeurs chrétiennes : celui de la presse de programmes télé. On sait à ce propos qu'un certain "radicalisme" est en train de s'opérer dans le monde catholique français, qui préfère se replier sur lui-même et défendre des "valeurs éternelles" plutôt que de s'adapter à la société dans laquelle il vit. La presse catholique française, et en particulier celle du groupe Bayard, va dans le même sens.

Par ailleurs, la présence d'un pôle à connotation chrétienne dans l'actionnariat du titre ne pouvait que rassurer les mânes des fondateurs du magazine, tous issus de la mouvance chrétienne verviétoise. A commencer par celle du célèbre abbé Armand Pirard (1), aumônier des mouvements de jeunesse catholiques de l'endroit dans les années 1950, et qui fut à l'origine de la création de Télépro.

La nouvelle situation laisse supposer que le souhait de Bayard de se replier sur l'Hexagone a été plus fort que son désir de laisser l'Église avoir un pied dans la gouvernance du magazine belge. Le fait que, au même moment, Roularta rachète aussi à Bayard les versions de Plus Magazine aux Pays-Bas et en Allemagne confirme la volonté stratégique du groupe dit "de la rue Bayard" (2) de se défaire d'avoirs internationaux non liés à son core-business.

 

LE PÔLE CATHO

 Depuis sa fondation en 1954 par des milieux catholiques, Télépro est propriété de la société Belgomedia, située à Dison, près de Verviers (3). L'identité chrétienne du titre sera surtout manifeste au cours de ses premières années de vie. C'est lui, par exemple, qui appliquera une "cote catholique" aux programmes de télévision, afin d'en conseiller ou d'en éviter la consommation par les familles "bien pensantes" où l'on redoute ce qui "est contraire" aux principes et à la morale de la Religion.

Ce n'est donc pas un hasard si, en 1994, un des deux repreneurs de Belgomedia avec Roularta sera Bayard Presse Paris, classique pilier du catholicisme hexagonal, agissant ici via la société Bayard Presse Benelux. Confirmant le rôle qu'elle entend avoir dans la diffusion dans le pays de "bons" médias, Bayard charge aussi Belgomedia de gérer la commercialisation en Belgique de tous les titres "jeunesse" du groupe (les fameux Pomme d'Api, Astrapi, J'aime lire, etc.), publications qui constituent les poules aux œufs d'or financières du groupe français. Belgomedia est actuellement dirigée par un Malmédien, qui en est aussi l'éditeur responsable. Très actif dans diverses associations de la région, le patron de Télépro est aussi membre du lobby d'éditeurs Wemedia, qu'il représente notamment au CDJ, le Conseil de déontologie journalistique.

Le contrôle "chrétien" du magazine au sein du conseil d'administration de Belgomedia est assuré par deux représentants de Bayard, dont le directeur général de Bayard Presse à Paris, par ailleurs président du Syndicat français des éditeurs de la presse magazine. Bayard Presse Benelux, qui incarne la part française de Belgomedia, est une société implantée à Zaventem. Son conseil d'administration est composé de cinq Français. Dans les deux conseils siège une même personne de nationalité belge et habitant Campenhout: la directrice, depuis 2019, du pôle Senior de Bayard Benelux… que Roularta a absorbé il y a un an.

CAMP RETRANCHÉ

Cette reprise totale de Télépro par Roularta ne sera pas sans conséquence. Le groupe de Roulers a coutume de chercher à rentabiliser ses acquisitions au maximum. Même s'il se porte mieux que d'autres titres, et a moins perdu en diffusion papier, Télépro  se trouve dans une situation identique à celle de bien des magazines. Afin de le rentabiliser, le nouvel acquéreur doit à la fois envisager des économies d'échelle, et orienter le magazine vers de nouveaux marchés. Ces économies seront-elles possibles sans un abandon de la"principautalité" du titre? Aucun magazine belge francophone ne possède sa rédaction et son administration loin de Bruxelles. Sauf Télépro, qui a toujours conservé cette particularité typiquement liégeoise de se considérer comme un Etat à part, presque indépendant du reste de la Belgique. Et en tout cas autonome. Mais l'Histoire peut-elle résister à l'économie? Lorsque Roularta a repris le pôle "magazines féminins" de Sanoma, il a eût tôt fait de rapatrier tous les services de ces titres de Malines dans ses propres locaux. Télépro passera sans doute sous les mêmes fourches. Ce qui pourrait ne pas avoir que des conséquences humaines, déjà en elles-mêmes problématiques (à l'heure actuelle, la société déclare occuper 38,6 ETP). Dans son camp retranché de Dison, Télépro est un peu à l'écart du monde. Son autonomie lui évite d'être soumis aux mêmes agitations que les médias bruxellois. Le magazine peut ainsi se permettre de traiter divers sujets avec distance. Serait-ce encore le cas s'il devient une des sections du grand plateau "magazine" des bureaux de Roularta? 

FACE À CINÉ TÉLÉREVUE

La même question concernant l'avenir du magazine peut se poser à propos du ciblage du titre, et des conséquences de celui-ci sur son projet et sa politique rédactionnelle. Pouvant se targuer de compter un pourcentage d'abonnés hors normes (76% selon les derniers chiffres 2020), le succès de Télépro repose sur la fidélité d'un lectorat d'habitués. Mais donc, et comme une partie de la presse magazine, composé de personnes plutôt âgées. 53% du lectorat de Télépro a plus de 55 ans (4). On parle parfois du "facteur héritage" pour expliquer le positionnement d'un média. Dans l'imaginaire d'une partie de son public, le Télépro d'aujourd'hui est bien l'héritier de celui d'hier. Et on continue à s'y abonner par tradition. Avec 23% de lecteurs de moins de 35 ans, le titre n'est pas tourné vers l'avenir. Et rien ne dit que les coutumes d'abonnement d'hier seront encore de mise dans un monde de médias totalement numérisés. 

Face à Télépro, Rossel possède désormais Ciné Télé Revue. Le groupe bruxellois s'efforce à l'heure actuelle de redynamiser le titre dont la diffusion payante s'est effondrée depuis dix ans. Il y a de fortes chances de Roularta veuille soumettre "son" titre tv au même régime. Ce qui ne plaira sans doute pas à une rédaction, fonctionnant semble-t-il selon d'autres principes. La fidélite du lectorat de Télépro ne l'oblige pas à bâtir un projet rédactionnel sur l'accroche à tout prix. Ce n'est pas sa Une qui doit le faire vendre, puisqu'il n'interpelle que peu son lecteur au numéro, alors que Ciné Télé Revue est dans une position totalement inverse. Mais l'avenir ne passera-t-il pas tout de même par un peu plus de peopleisation de Télépro, pour faire comme la concurrence? Ou, au contraire, Roularta misera-t-il sur le développement d'un média différent, c'est-à-dire relativement plus haut de gamme que le concurrent, plus sérieux, voire plus analytique? 

En tout cas, le bateau verviétois n'échappera peut-être pas à une petite tempête. D'autant que Roularta ne se souciera sans doute pas beaucoup de l'histoire du magazine, et de son respect tacite de la philosophie du projet de ses fondateurs.

Frédéric ANTOINE.

 (1) Décédé en 2017, l'abbé Pirard a longtemps été chroniqueur religieux à la RTBF, où il commenta tous les voyages du pape Jean-Paul II, dont il était un grand admirateur. Outre Telepro, Armand Pirard fut aussi le fondateur du CTV, le Centre de documentation sur la télévision, qui a été le créateur d'une démarche d'analyse critique de la télévision en Belgique, essentiellement au sein du monde catholique. La première vidéothèque de Belgique à visée pédagogique a été créée par l'abbé Pirard au sein du CTV.
(2) Car il est maintenant installé à Montrouge, juste de l'autre côté du périphérique parisien.
(3) En 2014, Télépro quittera ses vétustes bureaux verviétois pour Dison, où il s'installe dans de superbes nouveaux locaux.
(4). Enquête CIM 2020.

11 janvier 2021

PAYSAGE MÉDIAS : ÇA S'ÉCLAIRCIT DU CÔTÉ DES PROPRIÉTAIRES…

Participations croisées, co-actionnariat, partages nord-sud… Le marché belge des médias s'est longtemps distingué par la complexité de ses structures de propriété. En quelques mois, ça pas mal changé. Dernier élément en date : Rossel, désormais seul patron du quotidien gratuit Metro.

Fin des histoires compliquées et de certaines des associations entre acteurs du Sud et du Nord du pays. Désormais on va y voir plus clair, et on saura qui est qui. Juste avant Noël, le groupe flamand Mediahuis annonçait ainsi avoir cédé ses 50% de Metro à son autre co-actionnaire historique, Rossel. Le groupe bruxellois devient ainsi le propriétaire unique du seul titre belge paraissant dans deux des langues nationales (mais avec des contenus plutôt différents). Le cas de 7sur7.be, édité par le groupe flamand PDG n'est donc plus unique : voilà un deuxième éditeur d'une des parties du pays à posséder seul un organe de presse quotidienne publié dans la langue de l'autre communauté.

Cet éclaircissement de propriété en suit d'autres. En mars dernier, l'actionnariat de Plus Magazine s'était lui aussi remodelé. Le groupe Bayard, qui avait fondé la formule en créant jadis Notre Temps, a alors cédé ses parts à Roularta. On pourrait y ajouter le rachat des éditions luxembourgeoises St-Paul par Mediahuis, survenu en avril 2020. Mais, dans ce cas, c'est plutôt la structure qui se complique, puisque l'éditeur flamand, qui avait tout fait pour se défaire de ses avoirs francophones (hormis participation dans l'audiovisuel) s'est là retrouvé propriétaire de médias, grand-ducaux certes, mais en partie au moins publiés en langue française…

On ne peut non plus exclure de cette énumération le rachat des éditions de L'Avenir par IPM, officialisé ces derniers jours. Finis les méli-mélo autour de Nethys et de son intercommunale faîtière. Il est maintenant clair que, comme en Flandre, il n'y a plus désormais que deux groupes de presse quotidienne généraliste en Belgique francophone. De quoi gérer le marché d'une belle manière oligopolistique.

Mais la plus grande opération de clarification de 2020 restera sans doute peut-être le rachat du solde de RTL Belgium par sa maison-mère, le RTL Group. Là aussi, les embrouillamini précédents, notamment autour de la nébuleuse Audiopresse, appartiendront bientôt au passé. 

Rares seront donc bientôt les médias belges dont l'actionnariat restera entre plusieurs mains, avec des intérêts partagés entre les acteurs. Les cas les plus patents subsistant sont liés au groupe Roularta, fondamentalement flamand mais bilingue dans les faits, avec Rossel pour Mediafin (L'écho, De Tijd)   et avec Bayard pour Belgomedia (Télépro). Mais pour combien de temps encore?

Frédéric ANTOINE

23 juin 2020

Quel Moustique pique aujourd'hui Roularta?

Alors que Nethys espérait ne pas vendre les Editions de L'Avenir par appartements, voici que Roularta insiste, dans l'urgence, pour en reprendre les magazines. Le premier pas d'une stratégie bien réfléchie.

La vente des Editions de L'Avenir (EDA) tarde. Nethys voulait tout céder d'un bloc, pour que le repreneur embarque tout le package, quitte à lui-même trier plus tard le bon grain de l'ivraie. On le sait, les propositions déposées sur la table par les quatre candidats à la reprise n'ont pas vraiment été à la hauteur des espérances de la SA dépendant d'Enodia, ni de ses commanditaires. Brader les EDA n'arrangeant personne, on était plutôt sur le bouton "pause". Or, voici que ce 22 juin Roularta s'annonce publiquement candidat à la reprise des hebdomadaires du groupe, en veillant bien à ce que les médias francophones relaient sa communication. Est-ce une information? Le groupe flamand figure depuis le début dans le quatuor de repreneurs potentiels des EDA. Il n'y a donc là rien de neuf. Sauf que Roularta dévoile cette fois un coin d'un voile, pourtant dès le début quasiment translucide: dans son offre, le groupe de Roulers n'a jamais été intéressé que par les hebdos de L'Avenir. Pour le reste, il s'y est plutôt plié pour la forme.

Dans l'œil du core-business

Et pour cause: Roularta n'a aucune expertise dans le domaine de l'édition de presse quotidienne. C'est même le seul secteur des médias où il n'a jamais historiquement investi. Le seul pied qu'il a mis dans cet étrier est tout récent, lorsqu'il a racheté les parts de DPG dans Mediafin, le holding co-propriété de Rossel pour éditer L'Echo et De Tijd, afin de renforcer son emprise dans le domaine des médias économiques et financiers. Si l'on ajoute à cela que les subtilités du marché sous-régional wallon des médias sont, elles aussi, plutôt étrangères à l'entreprise, on comprend aisément qu'elle n'a pas d'intérêt à s'engager dans cette galère. Alors que, côté presse  magazine, c'est tout autre chose. Même si ce secteur n'est pas le moteur historique du groupe, il est bien, par contre, son domaine d'excellence. Avec une belle compétence à décliner plutôt avec succès des concepts de magazines flamands dans le monde francophone. Rajouter Moustique et Télé Pocket à son arc revient pour Roularta à élargir son offre de presse périodique francophone, et conforter ainsi sa place sur ce marché.

Mid-market

Dans un premier temps, on opposera bien sûr à cette lecture ce qui paraît une évidence: la place que la presse magazine de télévision occupe déjà chez Roularta, depuis le temps lointain de son rachat de 50% de Télépro. Oui mais voilà: à l'heure actuelle, Moustique n'a plus grand chose d'un magazine télé. Le faire tomber dans l'escarcelle du groupe ne risque pas de causer beaucoup d'ombre au deuxième titre le plus vendu de la presse magazine francophone.

On rétorquera peut-être que, soit, Moustique est plutôt aujourd'hui un news magazine. Mais que, dans ce cas, il risque de faire doublon avec Le Vif, dont Roularta essaie depuis plus de vingt ans d'élargir l'assiette de lectorat.
Or, là est l'originalité ce cet éventuel rachat: au lieu d'essayer sans succès de supprimer le plancher de verre qui empêche Le Vif de toucher un public un peu plus "classes moyennes", pourquoi ne pas laisser le pendant francophone de Knack dans sa niche, et chercher à toucher ce fameux lectorat mid-market par un autre magazine? Dans ce cas, inutile de devoir le créer: il suffit de racheter Moustique, et le tour sera peut-être joué. Tout au plus s'agira-t-il d'éliminer les 'scories' du passé télé qui y subsistent, et d'un peu reprofiler le produit. Restera bien sûr la question du 'replacement' des journalistes spécialisés de l'ancien magazine des éditions Dupuis, souvent plein de talents. Pas sûr qu'ils seraient accueillis à bras ouverts chez Télépro

Le segment manquant

Dernière objection à régler: la place de Télé Pocket dans pareil montage. Ne fait-il, lui aussi double emploi? Là également, la réponse coule de source: si Le Vif-L'Express est confiné dans sa niche, il en est en quelque sorte de même pour Télépro, même s'il serait ici plus pertinent de parler de "chenil" que de "niche", pour peu que l'on reste dans le cadre d'une métaphore canine. Certes, le magazine télévisuel verviétois continue à être une réussite. Mais il s'adresse à un public au profil particulier, et plutôt âgé, sans beaucoup de commune mesure avec celui de Ciné-Télé-Revue, son principal concurrent. Pourquoi ne pas installer Télé Pocket sur ce segment manquant? Roularta pourrait ainsi réussir, dans le secteur de la presse tv, la même répartition de ses publics que celle qui découlerait d'un partage du marché "news magazine" entre Le Vif et Moustique.

S'il se concrétisait, ce deal de vente des seuls magazines d'EDA à Roularta réjouirait aussi un autre candidat à la reprise des éditions de L'Avenir: Rossel, qui n'a pas vraiment cure des magazines mis en vente, Moustique étant, au moins en partie, dans le même créneau que Le Soir Mag, et Télé Pocket, à certains égards, dans la même ligne de mire que Ciné-Télé-Revue. En cas de cession des hebdos à Roularta, la porte serait alors ouverte à la seule reprise par Rossel du journal L'avenir. Il ne resterait plus alors qu'à fixer le sort du Journal des Enfants, outil pédagogique utile à l'image de marque d'un groupe de presse moderne, et éventuellement se questionner sur le futur de Proximag, sauf si celui-ci ne s'avérait pas d'office condamné, vu l'état du marché de la presse gratuite push.

Déjà, L'avenir est imprimé chez Rossel et les deux entreprises ont en commun des activités liées à la recherche publicitaire. Le pas suivant, fourni grâce à Roularta, avec qui Rossel est déjà allié, serait alors presque naturel.

Frédéric ANTOINE.



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