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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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08 novembre 2022

L'amour n'est plus dans le pré


La quatorzième saison de L'amour est dans le pré, sur RTL TVI, sera-t-elle la dernière ? Tout montre que, sur le marché belge, la formule arrive à bout de souffle, tant côté des fermiers que de leurs prétendants.  Et, en partie, de l'audience.

L'audience 2022 de L'amour est dans le pré (AEDP) n'est pas terrible. Le volume de l'auditoire J+1 (les gens qui regardent en direct, ou en léger différé) est à peu près identique depuis le début de la diffusion. Il n'a décollé que tout récemment, lors du premier épisode de sélection finale de la prétendante. Si on ajoute ceux qui regardent jusqu'à J+7, les chiffres sont meilleurs, et moins plats.

Ces audiences 2022 sont aussi clairement  inférieures à celles des années précédentes. Que ce soit l'édition 2021, qui avait été différente des versions précédentes parce que plus courte, sans présence de Sandrine Dans, et recourant beaucoup aux voix, notamment.
Ou que ce soit celle de 2019, dernière année “normale” avec une formule traditionnelle, ± identique à celle de cette année 2022. Et ce même en J+7.

De quoi cet affaiblissement de l'audience est-il un indice ? Tentative d'analyse.

UN RÊVE DE TV  MÉDIATRICE

Elle était belle, l'ambition originelle de L'amour est dans le pré (AEDLP). Servir d'agence matrimoniale médiatique à des agriculteurs solitaires éloignés de tout cœur à prendre, n'était-ce pas là un superbe rôle pour la télévision ? Bien sûr, le programme s'immisçait dans la vie des candidats et de leurs prétendant(e)s, montrant de semaine en semaine leurs relations et sentiments, comme il se doit dans une émission de télé-réalité. Bien sûr, chaque épisode était précédé, suivi et entrecoupé de bon nombre d'écrans de pub bien remplis et chers vendus, comme cela se doit dans l'univers de la télévision privée. Mais ce programme-là revendiquait d'apporter autre chose qu'un simple spectacle et un étalage de monstration de sentiments. Il disait vouloir servir à quelque chose. Avoir une utilité. Et, qui plus est, sociale, humaine. C'est-à-dire, par exemple, sans aucun rapport avec “l'utilité" du filmage 22h/24h des candidats de la Star Academy.

Avec l'AEDLP, la télévision rentrait parfaitement dans une des configurations définies dès les années 90 (soit avant l'arrivée de la télé-réalité) par la sociologue Dominique Mehl, qui parlait déjà à l'époque de la "télé médiatrice" (1).

TROP PETIT POUR L'HEXAGONE ?

La télé-réalité aime se parer de justifications sociétales, et ici c'était plutôt réussi. Perdus au fin fond d'immenses terres campagnardes isolées de tout, vivant presque comme il y a un siècle, de pauvres célibataires endurcis par la vie des champs pouvaient ainsi rêver de trouver l'âme sœur. Et, parfois, ça marchait. 

À l'échelon de la France, pareil concept avait tout son sens, tant les zones agricoles sont dans des déserts démunis de tout.  À commencer par des occasions de rencontrer d'éventuel(les) compagnes et compagnons ailleurs qu'à un diner sanglier après une chasse, à une après-midi loto à la salle des fêtes ou lors du bal du village, toujours aussi musette en 2022 qu'en 1922.

Ayant fait un tabac en France, le concept passe la frontière, et devient tout aussi populaire en Wallonie. Les premières audiences de la version belge de l'AEDP cassent la baraque et le public urbain, médusé, découvre qu'il y a véritablement une crise de la solitude au sein d'un monde agricole déboussolé, où l'on ne cesse de travailler dur, tout en reconnaissant que, sans les aides de l'Europe, la survie aurait déjà été impossible. L'AEDP devient la face visible de l'iceberg d'un monde que l'essentiel de la population ignore d'autant plus que, aujourd'hui, le monde agricole ne représente plus qu'une dizaine de pour-cent de la population belge.

UN FORMAT EN ÉVOLUTION

Petit à petit, l'émission élargira le spectre de sa "clientèle” de cœurs perdus. Pardi, finalement, les vieux garçons perdus dans des fermes délabrées, il n'y en a pas légion. On découvre alors que le monde agricole est multifacette, et que les clichés qu'on peut avoir à son égard doivent être plus que nuancés. Au fil des années, les profils des célibataires s'élargiront à l'ensemble de l'univers lié à l'agriculture, voire même (fort) au-delà. La définition du “célibataire” évoluera elle aussi, ceux qui seront castés et retenus s'éloignant de plus en plus du profil de l'endurci. Deux ou trois dizaines de mois de solitude suffiront parfois pour répondre au critère et être pris dans l'émission. Dans un monde où tout va vite et où règne l'immédiateté, les mois ne durent-ils pas autant que des années. Alors, dans ces cas-là, faire "appel à l'équipe" (c'est-à-dire à la prod de RTL TVI) ne paraît pas illogique.

Mais, avec ces adaptations, la formule s'érode peu à peu. La quatorzième édition, qui se terminera avant la fin novembre, constitue une illustration parfaite des désagrégations successives d'un concept en définitive peut-être devenu trop difficile à exploiter correctement sur un petit territoire de 4 millions d'habitants, où il n'y a plus que 22.000 personnes qui travaillent régulièrement à la ferme, ce nombre étant encore plus réduit dans les exploitations de type familial (± 13.600 hommes et 6.200 femmes) (2).

DÉSAGRÉGATIONS

Cette difficulté de recrutement se retrouve du côté des célibataires (± endurcis, donc), qui ont envoyé leur candidature à RTL TVI et ont été retenus par la production (en tout cas est-ce comme cela qu'ils sont présentés). 

Parmi ceux-ci, deux candidates, mère et fille. Et ne sont pas directement liées au monde agricole puisqu'elles animent et dirigent… un manège. Certes, il s'agit toujours d'animaux, mais n'est-on pas là très borderline ?
Autre candidat à la frontière du genre : un jeune patron d'entreprise d'élevage de poussins, plus proche du monde entrepreneurial que de celui de l'exploitation agricole.
On se demandera aussi pourquoi la production a sélectionné dans son échantillon un jeune agriculteur de 22 ans, plutôt séduisant, qui passe toutes ses fins de semaine à s'amuser dans les fêtes que des membres de la FJA (Fédération des Jeunes Agriculteurs) semblent organiser aux quatre coins de Wallonie. À cet âge et dans ce contexte, la médiation de l'appareil télévisuel était-elle vraiment nécessaire pour sauver ce jeune homme d'un célibat qui ne devait avoir duré que quelques mois?…
 
Même si les autres candidats sont, eux, les bottes bien ancrées dans les terres agricoles, cette diversité de casting écarte le téléspectateur du cœur de cible. Bien d'autres préoccupations que celles de la ferme se mettent en effet à occuper (voire brouiller) l'écran.

COMME NEIGE AU SOLEIL
 
Tout cela ne serait pas trop grave si cet éparpillement du casting avait été sans conséquence. Or, au fil du programme, le nombre de candidat(e)s a fondu comme neige au soleil, une partie de ces “agriculteurs atypiques” rendant les armes dès le début de « l'aventure », ou presque. 
 
Cherchant à encourager la diversité, le casting comprenait un agriculteur issu à la deuxième génération d'une famille immigrée. Il se désistera avant même l'étape de la réception des courriers envoyés par les prétendants. 
 
Au manège, la candidate la moins âgée déclarera forfait avant l'arrivée des prétendants qu'elle avait sélectionnés.

Quant au jeune agriculteur de 22 ans, au moment de faire un  choix définitif entre ses prétendantes, il déclarera n'avoir rien ressenti ni pour l'une ni pour l'autre, et les renverra donc toutes les deux chez elle sans autre forme de procès. Il sera tout de même forcé d'avouer que, en fait, il en pinçait pour une autre, qui n'était pas venue aux speed dat, mais… qu'il connaissait déjà auparavant.
 
LA GRANDE (PETITE) FAMILLE AGRICOLE 

La deuxième perversion qui gangrène l'AEDLP est ainsi liée à l'étroitesse du monde agricole. Si le jeune éleveur de moutons ans de 22  rêvait d'une jeune femme qu'il connaissait déjà, plusieurs de ses prétendantes l'avaient aussi rencontré auparavant lors des soirées de la FJA. 
 
Le fait n'est pas propre à cette édition-ci de l'AEDLP, mais plusieurs candidats se connaissaient visiblement avant l'émission, et certains avaient incité d'autres à candidater. Il en est de même du côté des prétendant(e)s. Plusieurs sont issu(e)s du monde agricole et se connaissent. 
Des liens familiaux existent entre certaines prétendantes. La femme qui sera retenue par un des agriculteurs avait déjà fait l'émission l'année dernière, et était restée en couple plusieurs mois avec celui qui l'avait choisie à l'époque. 
Au moment du départ de la personne qu'il n'avait pas retenue, un agriculteur n'hésitera pas à lui dire "Et bien le bonjour chez toi"… 
Autant de liens et de sous-entendus qui annihilent l'impression de naturel, de légèreté et de surprise auquel le spectateur croit s'attendre. Finalement, les jeux ne sont-ils pas un peu pipés ?
 
AU SPECTACLE

Enfin, l'émission semble attirer moins de prétendant(e)s que par le passé. Les candidat(e)s séduisent-ils moins? En tout cas, les prétendant(e)s paraissent moins nombreux à envoyer le fameux courrier avenue Georgin. D'où des sélections parfois difficiles (plus de personnes = plus de choix diversifiés), et dans certains cas un nombre très limité de prétendant(e)s retenus. 
Cette année, des personnes ont même été conviées à Bruxelles à un “visionnage collectif”, au Food Market de la gare maritime de Bruxelles, le 18 avril, afin de les inciter à poser leur candidature. Une démarche différente de celle de l'envoi spontané d'une lettre d'amour à la production…

Regardant l'AEDLP, le spectateur peut par moment se dire : "Tout ça pour ça !". En fait, oui. Parce que, finalement, cette émission est aussi, sinon d'abord, un spectacle. Tant pis si les personnages se connaissent déjà ou si les longues séquences des séjours à la ferme n'aboutissent à rien, l'essentiel est dans le récit, les sentiments qu'il inspire et les sensations qu'il procure au téléspectateur. Et dans les personnages. Si ceux-ci sont typiques, tant mieux. L'émission terminée, on s'interrogera toujours sur certains des choix faits par les célibataires. Clairement, ils n'ont pas tous été faits dans l'espoir de se lancer avec lui (ou elle) dans une nouvelle vie. Mais dans le but de donner du show, de l'exotique, de l'original. 
Permettre à des personnes du monde agricole de se sentir moins seul(e)s, est-ce vraiment encore au programme ?

Frédéric Antoine
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(1) Dominique MEHL, La fenêtre et le miroir, Paris, Payot, 1992.
(2) https://etat-agriculture.wallonie.be/contents/indicatorsheets/EAW-A_I_a_2.html#

01 février 2022

The Voice Belgique : c'est la perte de voix



La RTBF a beau se réjouir des résultats de la dixième saison de The Voice Belgique, en nombre de téléspectateurs, ce n'est pas la joie. Les premiers blind n'ont pas très bien marché du tout…

Une moyenne de 342.000 téléspectateurs (J+1) en 2020 contre 435.000 en 2019. Avec une perte de près de 100.000 personnes sur les 5 premiers blind, qui attirent en général le plus de monde, The Voice risque l'extinction de voix. Si l'on prend en compte les visions décalées jusqu'à 7 jours après l'émission (1), le programme est encore plus aphone. De 2019 à 2022, sur la moyenne des spectateurs J+7 des trois premiers blind, on passe de 511.000 à 387.000 personnes. Une baisse de volume d'environ 124.000 individus. Certes, le programme a une petite audience en différé, mais celle-ci est, cette année, sans comparaison avec celles des versions passées. Et nous n'avons pas pris en compte ici la situation de 2021, où l'on était en plein covid, avec de forts scores d'audience, alors qu'en janvier-février 2019, la liberté de vivre n'avait pas encore été mise entre parenthèses…

L'an dernier, l'audience J+7 avait augmenté entre le blind 1 et le 3, avec des chiffres supérieurs à 2019. Cette année-là, l'audience J+7 était stable pour les deux premiers blind, et avait crû pour le 3. Cette année, l'audience a baissé pour le blind 2 et est ± revenue pour le 3 au stade du blind 1.
En 2022, l'audience +7 finit, au blind 3, par rejoindre celle que le programme a obtenue l'an dernier. Cette année, les 3 premières émissions se sont classées aux 9e ou 10e place des meilleurs scores de leur semaine de diffusion. En 2021, pour la même période, le programme était entre 5e et 9e position. En 2019, c'était entre 3e et 6e…
 
 Interprétations diverses

Jusqu'à l'an dernier, la RMB donnait librement accès à d'intéressants détails sur le profil de l'audience de The Voice via son application RMB Insight. En 2022, c'est un étrange silence radio. Il faut donc se rabattre sur un communiqué triomphant publié en ligne par la régie ce 13 janvier (2). Si on n'y évoque pas les chiffres absolus traités ici, on peut par contre y lire que le télé-crochet attire "pas loin de 500.000 téléspectateurs par programme" (ce qui ne correspond pas aux data J+7 communiquées par le CIM, mais qui doit faire référence à une mesure de l'auditoire, c'est-à-dire de tout qui a eu contact avec le programme, et n'exploite donc pas la mesure de l'audience moyenne communiquée par le CIM).
La RMB écrit aussi que l'émission réalise "des performances inébranlables", affirmant que "la part de marché moyenne de la Saison 10 (24% sur PRP 18-54) atteint le même niveau que celle de la Saison 9 (24% sur PRP 18-54)". 
 
La dégelée de l'an neuf
 
Aucune de ces analyses ne fait référence au fait que, pour la première fois, le show a débuté au milieu  des vacances de Noël (premier blind le 28/12), ce qui aurait dû lui attirer un public plus nombreux que les saisons antérieures, où le programme avait commencé en janvier. Concrètement, cela n'a pas été le cas. L'audience de ce premier prime a été inférieure à celle des années précédentes. Les parts de marché du programme en J+7 ont, elles, été légèrement supérieures à celles des épisodes suivants (28/12 : 27,6%. 4/01 : 24,4%. 11.01 : 6,6%). 
Une première avant le 31 décembre aurait aussi pu avoir un effet d'entraînement, en poussant l'audience à rester à l'écoute pour la suite. Surtout que, cette année, les vacances de Noël étaient toujours au menu début janvier, lors de la diffusion du deuxième épisode. Or, cette semaine-là, The Voice a réalisé son pire score d'audience jusqu'à présent, et a obtenu ses plus basses parts de marché (parmi les data disponibles). Pas sûr donc que le coup des vacances de Noël ait vraiment fait mouche…
 
Premier quand même

Quel que soit l'état du nombre de spectateurs, la RTBF peut en tout cas s'enorgueillir, comme le souligne la RMB que "The Voice est le programme suivi par la plus grande part des téléspectateurs (PRA 18-54) de la soirée du mardi". L'audience de primetime étant fort morcelée en Belgique francophone, ce résultat peut aisément être atteint avec de faibles parts de marché en fonction du nombre de chaînes entre lesquelles se répartissent les téléspectateurs. Mais il faut reconnaître que, ce soir de la semaine-là, La Une dame le pion à RTL-TVI. Par la qualité de son programme. Mais aussi, peut-être parce que, le mardi soir, la chaîne privée programme (volontairement ?) une série qui ne se distingue pas trop du lot et obtient des résultats très moyens.

Mais qu'importe. Être en tête, n'est-ce pas ce dont rêve d'abord le service public?

Frédéric ANTOINE

(1) Et ce sur tous les écrans du foyer (et pas seulement sur l'écran principal).

(2) https://rmb.be/fr/actualites/647-the-voice-la-10eme-assure/

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