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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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02 janvier 2023

Adieu RTL (Grandes Ondes), on t'aimait bien, tu sais!


Ce premier janvier à 0h00, l'émetteur Ondes Longues de RTL Paris s'est éteint à jamais. Les grandes antennes de Beidweiller, au Grand-Duché, sont orphelines pour toujours. Mais des milliers d'auditeurs des quatre coins d'Europe et du fin fond du désert français éprouvent aussi du mal à sécher leurs larmes.

Depuis 1933, dans un rayon de plusieurs centaines de km autour du Grand-Duché de Luxembourg, il suffisait de se brancher sur la fréquente de 234 kHz pour tomber sur ce qui fut Radio Luxembourg, puis RTL (Paris). Le centre de diffusion de la station privée n'aura donc pas pu célébrer ses 90 ans. RTL était la seule radio généraliste française historique à encore diffuser sur ce qu'on appelait "les ondes longues" (OL) ou "les grandes ondes" (GO). 

Une bande de fréquences où le son, certes, n'était pas top, et très nombreux les grésillements radioélectriques dus notamment à des moteurs ou au passage de trains et de lignes électriques. Mais les OL portaient loin. Si loin que, dans le cas de RTL, on pouvait en écouter les programmes sur l'autoradio de son véhicule jusque haut dans le nord de l'Europe, et pas seulement en France. Quelle chance pour les routiers francophones qui retrouvaient ainsi une présence familière tout au long de leurs trajets. Max Meynier n'a pas pour rien créé Les routiers sont sympas sur une radio OL.

Déçus aussi sont sans doute les auditeurs fidèles de RTL au fin fond des campagnes françaises. Là où la direction actuelle de M6 n'a pas estimé utile d'installer des réémetteurs FM. Et je vous l'assure, ils sont nombreux ces petits coins du désert hexagonal où on ne peut capter que les radios du service public et la station locale de RCF. On comprend alors pourquoi France Culture compte potentiellement autant d'auditeurs…

(https://achdr.over-blog.com/2020/11/16-novembre-1937-radio-luxembourg-emet-toute-la-journee-sans-interruption.html)

AMIS FIDÈLES

Et puis, il y a tous les Belges. Ou en tout cas tous ces Belges francophones qui, de génération en génération depuis 1933, étaient des "amis fidèles" de la station luxembourgeoise, comme le chantait alors son générique: "Allo, allo, Amis fidèles, ici la Villa Louvigny…

Des centaines de milliers d'amateurs de musique légère, de jeux, de variétés, de récits captivants et d'humour… entrelacés de publicités dites au micro par des speakerines. Des auditeurs qui préféraient bien cela au sérieux de la radio publique monopolistique de service public belge, l'INR. Une station plutôt rébarbative, bavarde, officielle, dont la musique provenait bien d'un des meilleurs studios d'Europe (le studio 5 de la place Flagey à Bruxelles), mais était bien plus sérieuse que sur les ondes luxembourgoises. Et, surtout, une radio vachement politisée puisque, croyant ainsi respecter la notion de "service public", le législateur avait décidé que la grille de programmes y serait répartie entre les associations d'auditeurs ayant réuni le plus grand nombre d'adhérents. On rêvait de voir l'antenne partagée entre l'association des pêcheurs à la ligne, celle des joueurs de couyon (1), des amateurs de gueuze lambic ou celle des grands-mère gâteau. Il n'en fut rien. Comme par hasard, ce furent les partis politiques qui créèrent des associations, collectèrent des membres et se répartirent l'essentiel du temps d'antenne, pour le pire plus que pour le meilleur. Heureusement qu'il y avait Radio Luxembourg!


 NÉ EN  ÉCOUTANT RADIO LUXEMBOURG

À cette première génération d'écouteurs d'avant-guerre succéda celle de leurs enfants, qui découvrirent le ton de la station luxembourgeoise après la libération, au moment où ses studios quittèrent le parc de la Villa Louvigny et s'installèrent à Paris, rue Bayard. Avec pour tout lien entre le lieu de production, au cœur de la France, et celui de la diffusion, dans un pays étranger : un petit et frêle câble. C'était l'époque où l'État français avait décrété que seul un opérateur public monopolistique pourrait exister en France. Mais, que si des acteurs privés obtenaient l'autorisation d'émettre vers la France depuis l'étranger, il ne pourrait s'y opposer (2). Même si leurs studios se trouvaient sur le territoire national. C'était le temps des "radios périphériques", dont nous n'avons pas la place de trop parler ici. Radio Luxembourg était l'une d'entre elles. Et le public belge était ravi car, grâce à la station, il vivait radiophoniquement à l'heure de la Ville Lumière. Alors que le monopole belge de l'INR, bien que réformé, ne parvenait pas à être moins rasoir. Sinon du côté de ses émetteurs régionaux, créés après guerre sur les cendres de radios privées locales autorisées jusqu'en 1940. Et plus jamais ensuite…

Bref, c'est dans ce contexte que je suis né, dans une petite maison où trônait un petit poste de radio en bakélite que ma mère avait acheté avec ses premiers salaires d'assistante en pharmacie. Le son parfois un peu nasillard provenant de l'émetteur luxembourgeois a dû être un des premiers que j'ai entendus. Mes parents, nés à la fin des années 1920, avaient en commun d'être de fervents auditeurs de Radio Luxembourg. Ils appréciaient autant les émissions de variétés que l'information ou les fictions radiophoniques. Très tôt j'ai moi-même reconnu les génériques de plusieurs émissions, ou les voix de leurs présentateurs. Mon père lui-même y faisait souvent allusion, chantonnant les airs ou reprenant ce que, à l'époque, on n'appelait pas encore de jingles. Quelques-uns de ces programmes me viennent spontanément à l'esprit au moment où j'écris ces lignes (et je n'ai pas fait de recherche pour les lister ici): Sur le banc, avec Raymond Souplex et Jeanne Sourza,  Ça va bouillir, avec Zappy Max, L'homme des vœux Bartisol, le jeu de mi-journée où des candidats devaient chanter la suite d'un air à la mode dont le début leur était proposé,… etc. Sans parler des éditoriaux de Geneviève Tabouis, dont la voix était reconnaissable entre toutes, ou des reportages radio de quelques grands journalistes de l'époque.

 
UN PREMIER  CHAGRIN 
 
Oui, ma petite enfance a été bercée par tout cela. Aussi, notamment, que par Le passe-temps des dames et des demoiselles, l'émission "pour les femmes" dont le titre seul m'enchantait et voulait tout dire: quand on était une femme, on avait plus que le temps d'écouter la radio pour passer le temps. Avant d'entrer à l'école, c'était aussi mon cas…
Lorsque mes parents ont fait construire une maison et que ma mère y a installé son officine, rien n'a changé dans un premier temps pour le poste de radio familial, sinon son emplacement: sur une étagère dans le living, comme on disait alors. Il faudra attendre les années soixante pour que ce bon vieux récepteur soit remisé dans la cuisine, mon père ayant acheté un modèle Telefunken avec des grosses touches blanches sur lesquelles il fallait appuyer. Chose rare, il captait la bande FM, alors encore bien vide…
Avant l'arrivée du nouveau récepteur, radio Luxembourg était allumé presque toute la journée dans le foyer, tant et si bien que, en jouant dans cette pièce, tous les enfants étaient inconsciemment à son écoute. Y compris le jeudi matin à 11h, lorsque la station diffusait La messe des malades, depuis l'abbaye de Clervaux, au Luxembourg (forcément).

Radio Luxembourg était tellement dans ma vie que j'ai été réellement passionné lorsque, en 1963 (je pense), la station avait imaginé célébrer ses trente ans en installant ses studios dans un train. Celui-ci devait relier les trois lieux symboliques de son existence: le Luxembourg, des villes de Belgique, puis entrer en France et finir, je crois, à Paris. Cette initiative me fascinait: diffuser des émissions de radio depuis un train en marche! Je pense que ce convoi devait s'appeler Le train de l'amitié, ou quelque chose comme ça. Le jour J, je me suis mis à écouter cette étrange émission avec assiduité. Tout avait bien commencé… jusqu'à ce que le train soit immobilisé à une des frontières qu'il devait traverser. Les douaniers avaient interdit son passage. L'Europe n'existait pas encore vraiment, et tout était bloqué. Raté.  À l'antenne, les animateurs étaient désolés. Moi aussi. Cette après-midi-là, j'en ai pleuré dans les bras de ma tante, qui se demandait ce qui m'arrivait. Un chagrin causé par l'échec d'une initiative radiophonique qui m'avait captivé.

Que de souvenirs grâce aux OL! Un peu plus tard, lorsque se vulgariseront les transistors, la mode sera d'emporter son petit récepteur sur la plage. Dans la toute petite station balnéaire de Zeebrugge, sur la mer du Nord, tout le monde écoutait son transistor devant sa cabine de plage. Ma mère, qui avait reçu ce cadeau de mon père, ne se départissait pas de son petit poste en plastique rouge, au haut-parleur recouvert d'un grillage et qu'on pouvait tenir par sa lanière blanche. Chercher les stations s'y opérait en faisant tourner une aiguille autour d'un cadran circulaire. Sur Radio Luxembourg, qui devenait doucement RTL, ma mère ne ratait pas ses rendez-vous favoris.

 

PARIS, COMME SI ON Y ÉTAIT

 

Plus tard, le transistor deviendra par excellence un deces cadeaux de communion que l'on demandait aux membres de la famille invité au banquet. Le premier que j'ai reçu était un rectangulaire un peu matelassé gris. Avec les OL et les OM (ondes moyennes). Que de nuits il a passé sous mon oreiller.   On écoutait alors la radio autant, sinon plus, au fond de son lit qu'au cours de la journée. C'était lorsque l'on était malade que c'était le plus gai. Même avec de la fièvre, on pouvait alors écouter sa radio tout au long de la journée.

Ce transistor m'a permis de ne pas toujours être fidèle à l'RTL familial, et de m'en émanciper. Pour aussi de découvrir  Europe n°1, avec passion. France Inter, avec attention. Et… Alger chaîne 3, avec curiosité. Vivent les OL! (3)

Sur RTL, il me revient en mémoire des flashs d'écoutes, comme les émissions du Président Rosko, celles de Jean Yanne (qu'on écoutait en se cachant). Il y avait aussi les talk-shows de Philippe Bouvard dont, à l'époque, le RTL Non Stop me paraissait trop blablateur, filandreux et parisiens, et bien sûr Max Meynier. Georges Lang me semblait trop spécialisé et américain. Et puis il y avait les émissions matinales de vacances, avec leurs jeux qui n'ont pas changé pendant des décennies, la météo des plages et bien d'autres choses. RTL OL m'a aussi fait participer depuis mon lit aux soirées de Mai 68, à la démission de De Gaulle, ou à la mort de Pompidou et aux événements qui ont suivi.

 

LA TRAHISON DES CLERCS

 

Là je n'étais plus un enfant, et presque plus un ado. J'ai alors doucement abandonné l'écoute de RTL Paris jeunesse oblige de même que l'arrivée sur la FM de stations plus "jeune" et de AFN, la radio du Shape que l'on pouvait capter largement autour de Casteau (4)

J'ai un peu délaissé RTL OL jusqu'à ce que j'aie une voiture avec autoradio, ce qui a  tardé quelques années. Alors que les émetteurs FM des radios belges ne couvrent pas tout le territoire (5), les OL me permettaient, elles, d'écouter RTL tout au long de mes trajets, voire aux Pays-Bas ou en Allemagne. Disposer des OL sur l'autoradio de ma voiture est même devenu pour moi par la suite une condition sine qua non d'achat du véhicule.  

RTL est longtemps resté une des stations que j'écoutais le plus lors de mes déplacements. Jusqu'à ce que je la trouve ringarde, non imaginative, répétitive, usée par les mauvais sketches à répétition de Laura Guerra… Bref, destinée à de vieux un peu cons. Je lui ai alors préféré, et de loin, Europe 1. Mais je l'ai encore programmé sur mon autoradio pour pouvoir y revenir en fin de matinée, ou le soir lorsque On refait le monde redessinait à longueur de polémiques le perpétuel  futur de la France.

Tout cela grâce aux OL…

Merci donc aux décideurs, patrons, propriétaires et actionnaires de la station qui ont mis RTL OL à mort pour des raisons d'économies d'électricité (argument aussi avancé par d'autres opérateurs). Des décideurs qui ne se rendaient pas compte qu'il existait encore des écouteurs en ondes longues. des fantômes n'apparaissaient pas dans leurs sondages, ou si peu. Mais qui étaient bien là. Comme dans le clip du Thriller de Michael Jackson.

Aujourd'hui, le Belge n'a plus le choix. Devant le vide sidéral des OL, il ne peut que se rabattre en FM sur Bel RTL, l'ersatz local de RTL France à qui la station emprunte quelques programmes (6). S'il veit écouter RTL France, la seule issue est de le faire en IP. Mais cela, sur une autoradio, ce n'est pas vraiment au programme.

Qui a dit que les radios n'avaient pas de frontières, que leur propagation était universelle, qu'elles pouvaient bouleverser l'état du monde?  À l'heure du DAB+, ce n'est plus qu'une vaste foutaise. Alors que le monde est en extension, la radio, elle ne cesse de se racrapoter sur un de plus en plus réduit  et de se replier sur ses petits États-nations. Quelle tristesse!


Frédéric ANTOINE.

Lire: 

- Frédéric Antoine : La mobilité, au cœur de l’ontologie radiophonique ? dans la revue du GRER Radiomorphoses

- www.facebook.com/greradio : Sur le site internet du GRER, un début de version  brève du texte écrit ici, rédigée le 14/10/2022 quand est tombée la décision de M6 d'arrêter la diffusion OM de RTL Paris.

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(1) Jeu de cartes typiquement belge.
(2) Sauf en tentant de les contrôler en rachetant leur capital, ce à quoi servira la SOFIRAD.
(3) Je n'oublierai jamais ce dimanche matin de je ne sais plus quelle année où RTL et Europe 1 avaient décidé de réaliser ensemble leur première émission en stéréo, l'une diffusant le canal gauche, l'autre le droit, y compris lors des passages musicaux. Jean Yanne était un des initiateurs de l'opération. 
(4) AFN, American Forces Network, était la radio des militaires américains casernés en Belgique à côté du QG de l'OTAN, installé près de Mons. Cette radio, diffusant en FM, possédait un son inimitable, dus aux compresseurs utilisés par ses anciens émetteurs AM reconvertis à la modulation de fréquence. En l'écoutant, on se croyait aux USA.
(5) En Flandre notamment, écouter les radios belges francophones est quasiment impossible (ce qui n'est pas le cas des radios flamandes en territoire wallon…). 
(6) Un ersatz peu étonnant puisque le fondateur de Bel RTL était, à l'origine, le correspondant en Belgique de RTL Paris… Par un étonnant reversement de situation, lorsque une réforme trop audacieuse de RTL Paris mettra à mal ses résultats d'audience, c'est  à lui que les responsables français feront appel pour remettre de l'ordre dans leur baraque…

 

 

 

 


28 juin 2021

RTL BELGIUM: ROSSEL AU PAYS DE L'AUDIOVISUEL


Que faire encore quand on a déjà tout ce qui relève de son core business? Eh bien, investir ailleurs, quitte à entrer dans une jungle dont on ignorait à peu près tout. Rossel co-propriétaire de RTL Belgium, c'est un peu Rendez-vous en terre inconnue au pays des grands fauves.

Le RTL Group, DPG et Rossel ont confirmé ce lundi 28 juin au matin quel serait le futur RTL Belgium. Les supputations émises la semaine dernière sont donc confirmées. RTL Belgium is back to home, pour autant que son véritable "home" ait un jour été belge et non luxembourgeois. Demain, ses chaînes de télévision n'échapperont plus à la tutelle du CSA, et s'il vient encore à l'idée d'un·e ministre de distribuer de l'argent entre les médias de la francophonie belge, la société sera automatiquement comprise parmi les bénéficiaires.

Au niveau de la petite Belgique, ce rachat était en somme la seule solution restante pour sauver le soldat RTL. Seulse les deux plus grandes entreprises médias du pays avaient les épaules suffisamment larges pour décider de se mettre un tel fardeau sur le dos. Et ce même si, comme le rappelle L'Echo, la société est finalement plutôt en bonne santé. Et même si, comme personne ne le mentionne ou presque, ce sont surtout les bons chiffres de la régie IP qui assureront un intéressant retour sur investissement pour les copropriétaires.

Le banquet des ogres

Ce rachat est aussi l'aboutissement logique du processus de concentration des médias à l'œuvre dans tous les pays occidentaux, et auquel la Belgique n'échappe pas. Depuis une vingtaine d'années, le paysage médiatique belge se ratatine d'année en année, au nord comme au sud. Si le nombre de médias (ou de marques médias) ne diminue pas vraiment, le nombre d'opérateurs ne cesse, lui, de se réduire. Tant et si bien que les indices de concentration des médias belges sont devenus alarmants (comme ils le sont aussi ailleurs). Dans un paysage où, au Nord comme au Sud, la diversité s'est réduite à deux acteurs, que reste-t-il d'envisageable?

Des deux côtés du pays, le plus gros des acteurs de la scène des médias privés a racheté tout ce qui relevait de son core business, ancré dans les publications de presse et dont le berceau est l'édition de presse quotidienne. Ayant à peu près tout absorbé, tout en laissant de côté une partie du marché des périodiques, ces opérateurs ont, dans un premier temps, été voir ailleurs. C'est ainsi que DPG est devenu l'ogre de la presse hollandaise, mais a aussi un pied au Danemark. Rossel est parti à la conquête de la presse régionale française, secteur où ses avoirs dépassent en valeur ce qu'il possède en Belgique. Mais on ne peut pas dire que la campagne de France a été une grande victoire. A de nombreuses reprises, tout a été fait pour que l'entreprise belge rate le coche. Dame, en France, on préfère les acteurs belges plutôt que les investisseurs belges… 

L'audiovisuel par défaut

Le marché de l'écrit un peu arrivé à saturation, que restait-il, sinon l'audiovisuel? DPG y était de longue date, associé dès le début à la naissance de VTM (comme tous les éditeurs flamands) puis étant longtemps resté copropriétaire de Medialaan, avec Roularta. Jusqu'à ce qu'il décide de devenir leur seul actionnaire de cette société qui rassemble la plus grande partie de l'audiovisuel privé flamand (tv+réseaux de radio). Rossel s'est bien lancé dans la radio privée dès que celle-ci a paru devenir un marché intéressant pour les groupes de presse, dans les années 1980. Mais, comme d'autres éditeurs, la société avait alors vite compris que faire de la radio, ce n'était pas comme éditer un journal. C'est ainsi qu'il a accepté de céder ses fréquences à la société qui s'est mise sur pied pour créer Bel RTL et absorber radio Contact. En télévision, Rossel a participé comme les autres éditeurs au deal Audiopresse, naïvement imaginé par l'Etat francophone afin de 'compenser' la perte de revenus publicitaires pour la presse lors de l'autorisation dans le sud du pays d'un opérateur privé, en 1986-1987. Un beau cadeau puisque, ce fameux gâteau publicitaire, RTL Luxembourg le grignotait déjà depuis des années. Son 'arrivée' sous l'étiquette TVI n'a donc pas vraiment bousculé la presse, mais elle lui a permis de s'associer sans investir dans la télé privée. Sans investir enfin pas tout à fait. Au début, les groupes de presse ont vraiment été associés à l'éditorial chez RTL Belgium. Mais là aussi il est vite paru que faire de la bonne info de presse n'était pas identique à faire de la bonne info tv. Les éditeurs ont donc touché des dividendes sans rien faire. Et sans rien apprendre.

 "Un" nouveau géant

Et voilà qu'aujourd'hui, Rossel devient le (co)patron d'une entreprise qui édite de la télévision, de la radio, et des contenus audiovisuels en ligne… Alors que DPG a, lui, les mains dans le cambouis depuis des années. On ne peut sans doute pas comparer Rossel à Alice au pays de l'Audiovisuel, mais l'union entre les deux plus grands acteurs médiatiques privés belges n'a-t-il pas un peu du conte du Petit chaperon rouge? Le titre du Soir, journal de référence du groupe Rossel, annonçant  ce 28/06 la naissance d'"un nouveau géant des médias en Belgique", donne une clé de lecteur de l'ensemble: ce n'est pas tant le rachat de RTL Belgium qui importe que la constitution d'un groupe "national" de médias audiovisuels privés, rassemblant à la fois des médias du nord (ceux de DPG) et du sud (propriété de PDG+Rossel). L'immense spécialiste du marché publicitaire des médias Bernard Cools ne s'y trompe pas lorsqu'il note, dans Le Soir, que le nouveau "groupe" proposera une offre publicitaire conjointe couvrant tout le pays. Et le spécialiste de parler de "fusion" de la régie  IP avec celle de DPG, et parle de "du jamais vu" en Belgique.

Le rachat de RTL Belgium paraît donc comme la part visible d'un iceberg qui pourrait voir fusionner les médias audiovisuels privés du nord et du sud. Ce qui serait, là aussi, du jamais vu. Une sorte de retour au "monde d'avant" (la fédéralisation). Comme si, lorsqu'il s'agissait de lutter contre les GAFAM, les divergences linguistiques et culturelles retournaient au vestiaire. Une bonne chose? A condition que ce grand deal dont on parle aujourd'hui serve bien tout le monde. Et qu'il n'ait pas comme premier grand but de sauver l'audiovisuel privé flamand face aux plateformes, mais aussi face à Telenet, qui n'est jamais que la filiale belge du groupe US Liberty Global.

Alors, dans tout cela, quel poids aura Rossel, et quel rôle sera confié à l'ex-RTL Belgium? L'article du Soir, très bien informé, parle de synergies profitables dans de nombreux domaines. En vertu de ce qui vient d'être évoqué, il faudra probablement vite se demander: profitable oui, mais pour qui d'abord?

Frédéric ANTOINE.

 

23 juin 2021

RTL : BELGIUM STANDS ALONE

Demain, RTL Belgique ne sera finalement pas associé à  RTL Nederland. John de Mol a raflé la mise à DPG. L'avenir de TVI sera donc uniquement belge. Plus que jamais, il faudra que "Eendracht maakt macht" (L'union
fait la force).  (1)

Un aimable (et compétent!) lecteur de ce modeste blog, que je remercie, m'a transmis hier soir une information du Hollywood Reporter selon laquelle RTL Nederland tomberait dans l'escarcelle de John de Mol (cocréateur de la télé-réalité) et de son groupe Talpa, déjà bien implanté aux Pays-Bas autour de la marque Veronica (2). Bref, comme l'écrit le média américain, de Mol a comme but de créer un "Dutch Tv Giant" à l'image de la fusion M6-TF1. Adieu donc l'hypothèse évoquée ici ce 22/3 de voir DPG remporter la mise sur le sol batave et ainsi parvenir à constituer un petit empire audiovisuel belgo-hollandais à dominante flamande.

Qu'à cela ne tienne, le royaume audiovisuel privé dirigé par DPG, et dont Rossel sera en quelque sorte le vassal, ne sera donc "que" belge. Le Hollywood Reporter pourra peut-être bientôt titrer que l'ancien Persgroep a participé au rachat de RTL Belgium afin de constituer un "Belgian Tv Giant" noir-jaune-rouge, c'est-à-dire transcommunautaire. Sauf que, dans un petit pays même "réunifié", le poids de la "forteresse belge" vis-à-vis des géants du monde des plateformes en ligne restera toujours infime. Et encore plus difficile à protéger des attaques ennemies. Les rapprochements stratégiques entre les médias du groupe VTM et ceux de l'ex-RTL Belgique deviendront donc de plus en plus impératifs.

 Panique en cuisine

Tout cela sous le regard de TF1 et de M6 qui tireront une partie des ficelles de ce petit théâtre belgo-belge auquel ils ont vendu, pour un temps limité, les licences d'exploitation de certains de leurs programmes. La durée de ces contrats terminée, à moins de les renouveler à prix d'or, les opérateurs français n'ont pas intérêt à accepter de les prolonger. Idem pour les accords de diffusion sur RTL Belgium de très nombreux programmes du groupe M6. Bien sûr, tout cela n'est pas pour demain, et ne surviendra pas avant que soit validée et réalisée la fusion TF1-M6. Mais, dans deux à trois ans, que pourront faire les petites chaînes belges sans Top Chef (3), Un diner presque parfait, Les reines du shopping, Panique en cuisine, Le meilleur pâtissier, Recherche maison ou appartement, Maison ou appart à vendre, Chasseur d'apparts… pour ne citer que les plus récents ou récurrents. Faire un petit tour sur RTL Play est plus qu'instructif pour relever la liste de toutes les productions que TVI, Club et Plug 'empruntent' à M6, mais aussi au groupe TF1. On n'ose imaginer le même RTL Play le jour où l'opérateur belge n'en aura plus les droits. Quant aux scores d'audience des émissions, il en prendra lui aussi un coup. Hormis Top Chef, ce sont plutôt les versions belges de formats aussi diffusés sur M6 qui occupent le Top 10 des audiences annuelles de TVI. Mais, en 2019 par exemple, des productions françaises trustaient presque tout le Top 10 de Plug…

Vases communicants

Alors, derrière tout cela, peut-être faut-il chercher ailleurs pour comprendre. Par exemple du côté de la régie IP, filiale à 99,99% de RTL Belgium, mais qui est la véritable vache à lait. Et dont on ne parle jamais. Non seulement elle pourrait constituer le véritable enjeu des opérations actuelles. Mais, à terme, elle pourrait contenter tout le monde. Déjà à l'heure actuelle, elle réalise le paradoxal exploit d'être à la fois la régie des chaînes de RTL Belgique et de TF1 Belgique, qui est leur concurrent direct. Ce que TVI et consorts perdent en spots pubs au profit de TF1 revient donc, au moins en partie, dans la bourse du groupe via IP. Pourquoi, demain, la régie ne deviendrait-elle pas aussi celle de M6 Belgique, si "la petite chaîne qui monte" parisienne en venait à décider de s'implanter aussi en Belgique? Ce serait finalement une bonne affaire, même si cela ne résoudrait pas la question de "comment remplir les grilles".

Ah, le principe des vases communicants, il n'y a que cela de vrai. Du moins tant que les tuyaux entre les vases ne se bouchent pas… 

Frédéric ANTOINE.

(1) Titre de l'article posté hier 22/06/2021.

(2) Oui, celle de la radio pirate éponyme qui sera ensuite un des piliers des médias publics hollandais avant de s'en retirer pour devenir un opérateur privé.

(3) Déjà actuellement diffusé sur RTL-TVI avec 5 jours de retard par rapport à M6…


22 juin 2021

RTL BELGIUM: EENDRACHT MAAKT MACHT? (1)

(1) L'Union fait la force

RTL Belgium tombera plus que probablement entre les mains d'une alliance Rossel-DPG, qui manifeste le grand retour de l'intérêt de ce groupe flamand pour la petite Belgique francophone. Avec, à terme, la possible constitution d'un groupe audiovisuel privé belgo-néerlandais où la Wallonie risque de se retrouver portion congrue. Et en lice avec M6, qui pourrait en pomper une bonne partie de l'audience…

Depuis que, en décembre dernier, le RTL Group avait racheté les parts des médias belges dans RTL Belgium, Rossel s'était dite intéressée par y reprendre une participation. Lorsque la succursale du géant allemand Bertelsmann a ensuite décidé de mettre RTL Belgium en vente, on imaginait bien que le groupe de la rue Royale serait sur les rangs pour un rachat. Mais, vu la taille de la bête, on se demandait avec qui. Le Tijd de ce 22 juin, repris par toute la presse, confirme que l'entreprise de la famille Hurbain figure bien dans le dernier carré des repreneurs potentiels. Mais en association avec DPG Media. Ce qui change un peu le regard plutôt optimiste qu'on pouvait avoir sur l'idée d'un contrôle de l'opérateur audiovisuel privé par un groupe de presse francophone belge.

Forteresse belgo-hollandaise

La Belgique s'inscrit bien là dans la tendance européenne de repli nationaliste des groupes médias traditionnels, initiée en Allemagne par le le RTL Group, sûr qu'édifier des forteresses par Etat est le bon moyen de lutter contre l'invasion des plateformes internationales en ligne. La Belgique de demain comptera donc sans doute un opérateur audiovisuel privé national fort et, chose nouvelle, transcommunautaire. De plus, comme on dit que DPG a aussi des visées sur RTL Nederland, ce serait in fine une forteresse audiovisuelle belgo-néerlandaise qui pourrait voir le jour. 

Une forteresse dans laquelle DPG aura un poids déterminant. A l'heure actuelle, l'ancien Pergroep possède déjà l'ex-Medialaan, qui édite les principales chaînes tv flamandes privées (VTM et cie), ainsi que les deux forts réseaux de radios privées du nord du pays (t un réseau au Pays-Bas). Se nourrir des possessions hollandaises du RTL Group s'inscrit dans la logique de DPG de contrôle total du marché des médias Outre-Moerdijk, lui qui est déjà le premier éditeur de presse dans ce pays. 

Francophonie, le maillon faible

Mais pourquoi y rajouter un maillon francophone, alors que le Persgroep avait quasiment rompu tout lien avec la Francophonie ces dernières années pour se focaliser sur le marché néerlandophone? Par le passé, il cocontrôlait avec Rossel Mediafin, qui éditait à la fois le Tijd et L'Echo. Il s'en est retiré en mars 2018 au profit de Roularta. A la même époque, après avoir racheté tous les magazines mis en vente par Sanoma Belgique, il s'est défait de la quasi-totalité de ceux-ci, et donc de tous ses titres francophones, au profit du même Roularta. En langue française, via Media Home Deco, DPG me possède plus que deux trois titres comme Gaël Maison ou Je vais construire dont les versions francophones sont plus que largement inspirées des éditions néerlandophones. 

Toutefois, DPG a conservé une pièce maîtresse en francophonie: le site 7sur7.be, seul véritable pure player d'information quotidienne dans le sud du pays. Et ce alors que son alter ego flamand, hln.be, n'est autre que la version en ligne de Het Laatste Nieuws, premier titre de Flandre en diffusion payante. Même si les contenus de 7sur7 diffèrent de ceux de hln, on ne peut imaginer que c'est cette seule attache qui ait incité PDG à "venir en aide" à Rossel pour déposer une offre de reprise de RTL Belgium. 

Les rênes à la Flandre?

Dans l'attelage final que DPG entend bâtir, Rossel risque de se sentir un peu seul. Le groupe bruxellois sera assurément le garant de l'identité francophone des chaînes de RTL Belgium, dont il était déjà un sleeping partner tant en tv (dans le cadre d'Audiopresse) qu'en radio (via Radio H) (2). Rossel investira sans doute dans la composante "info" de la nouvelle structure, et peut-être sera-t-il tenté de bâtir des alliances entre ses médias écrits et en ligne et l'audiovisuel. Mais quel sera le poids de ce groupe de presse  sur tout le reste de la structure, face à DPG Media qui est, lui, déjà installé dans le secteur?

En termes d'économies d'échelles, la constitution d'un pôle audiovisuel privé belgo-hollandais est très tentante sur le plan des économies d'échelles. Notamment du côté des déclinaisons de productions ou du partage de droits. On reviendra donc peut-être à l'époque des années 1990 où RTL-TVI et VTM réalisaient des émissions ensemble, organisaient de concert la diffusion de Miss Belgique ou s'associaient pour le Télévie et Leefdeslijn (l'autre n'étant que la traduction de l'un). RTL a aussi Marié au premier regard et VTM Blind getrouwd. Des mariages sont donc possibles. Au-delà de cela, DPG pourra aussi proposer à RTL des versions francophones de ses shows flamands ou néerlandais. Mais la sauce hollandaise séduira-t-elle le public de RTL-TVI? Pas sûr. D'autant que celui-ci est plutôt accro aux programmes de RTL Belgium tels qu'il les a toujours connus.

Est pris qui croyait prendre?

Alors, on ne peut penser qu'à une chose: cette union belgo-belge pourrait bien surtout profiter à… M6. On se souvient qu'aucun candidat au rachat de l'opérateur français n'avait voulu y associer celui de RTL Belgium. Et pour cause! Pour le prix de M6 seul, TF1 pourra aussi s'offrir sous peu une bonne partie du public de RTL Belgium qu'il ne contrôlait pas encore via son décrochage belge. Jusqu'à présent, une sorte de gentleman agreement entre M6 et RTL Belgium, toutes deux membres du même groupe, permettait d'éviter que M6 ne soit diffusée en Belgique. Car cela aurait mis RTL-TVI et ses petites sœurs dans de beaux draps, puisque bon nombre de programmes porteurs de M6 sont proposés sur les chaînes de RTL Belgium. Demain, libérée de tout lien familial, rien n'empêchera plus M6 de diffuser en Belgique via le câble et Pickx-Proximus, avec des décrochages publicitaires comme le fait TF1. En proposant aux Belges tous les programmes qu'ils adoraient sur RTL-TVI et consorts, et que M6 ne leur vendra évidemment plus.

Inutile de deviner où ira alors l'audience. Et d'imaginer le risque de disette de spectateurs (et de recettes) pour les chaînes de l'ex-RTL Belgium. Avec, de plus, une partie du gâteau publicitaire, déjà rabougri, grinoté par les souris de M6. Dans ces circonstances, que restera-t-il à RTL-TVI? L'info, bien sûr, mais qui coûte cher à produire sur un petit marché sauf si on en mutualise les coûts avec les médias actuels de Rossel. Et, à part cela, tout ce qui est déjà produit par VTM et ses chaînes complémentaires…

Enfin, on peut se demander comment tous ces montages pourront prendre en compte l'inévitable virage numérique que RTL Belgium avait déjà eu tant de mal à amorcer. Rossel et DPG seront-ils d'une aide à ce propos? Au nom de cette logique des forteresses, pousseront-ils, par exemple, à faire entrer l'ex-RTL dans Auvio? Ou choisiront-ils la concurrence acharnée, au risque de laisser des morts et des blessés sur le champ de bataille?

Le rachat belgo-belge de RTL Belgium était sans doute la dernière solution, toutes les autres portes s'étant refermées. Mais ne risque-t-il pas de faire entrer un nouveau loup dans la petite bergerie du marché francophone belge? En cas d'avis de tempête, le vaisseau de l'avenue Georgin risque de bien devoir s'accrocher. En se rappelant peut-être que Jacques Georgin, militant FDF, avait été tué à Laeken le 12 septembre 1970 par des militants du VMO, le Vlaamse Militanten Orde…

Frédéric ANTOINE.

(2) N'oublions pas que Bel RTL fut créée sur les cendres de FM Le Soir et des radios que le groupe Rossel avait lancées dans les années 1980. On ne peut donc dire que l'histoire ne repasse jamais les plats…

 

24 mars 2021

REQUIEM POUR RTL BELGIQUE

Fin d'un monde. Après en avoir racheté tout le capital, le RTL Group met sa filiale belge en vente.  

Pour la céder avec M6 est le scénario le plus logique pour RTL Belgique, mais pas pour M6 semble-t-il. Sans M6, que pourraient faire toutes seules ces petites chaînes belges? 

Il y a peut-être un autre plan…

C'est la fin d'un monde, mais le dénouement prévisible d'un scénario annoncé, que s'est mis en place depuis plusieurs années, et qui s'est accéléré l'année passée. Adieu le beau rêve du "vendeur de clous" de Charleroi Albert Frère de faire de Télé-Luxembourg une chaîne belge. En fumée l'ambition de Jean-Charles Dekeyser de créer en Belgique l'équivalent de RTL Grandes Ondes. Les logiques économiques à l'œuvre dans l'empire Bertelsmann sont implacables, et n'ont que faire des amitiés historiques belgo-françaises remontant à l'époque de Radio Luxembourg. Le RTL Group est une entreprise mondiale, et surtout germanique. Il n'a donc cure du conserver ce penchant francophile qui était lié depuis les années 1930 aux activités historiques de la CLR (Compagnie Luxembourgeoise de Radiodiffusion), devenue CLT lorsqu'elle décidera aussi de se lancer dans la tv…

RTL BELGIUM, REMY SANS FAMILLE?

Le quotidien L'Echo, visiblement très bien renseigné sur le dossier (1), confirme ce que nous écrivions ici en décembre dernier (2) lorsque le RTL Group avait décidé de racheter les parts de RTL Belgique qui ne lui appartenaient pas, et de contrôler de la sorte à 100% sa filiale belge. A l'origine, cette récupération avait bien comme but d'être en phase avec le sort voulu par le groupe pour sa filiale française M6. Non pour fusionner la part belge avec le groupe français et low-costiser l'offre belge, mais pour faire un gros package avec les deux entreprises, et vendre l'ensemble au plus offrant. Des bruits de mise en vente de M6 avaient filtré depuis la fin janvier. Ils amenaient, évidemment, à s'interroger sur le sort réservé dans ce cas aux 100% que le RTL Group possédait désormais RTL Belgique. Tout est donc maintenant plus clair.

On comprend ainsi mieux pourquoi RTL Belgium avait si rapidement repoussé l'offre faite en mai dernier par la Fédération Wallonie Bruxelles de lui accorder une plantureuse "aide covid" en échange d'un retour des chaînes du groupe TVI sous le contrôle du CSA belge. Lorsque, en septembre 2020, la direction de RTL Belgium a donné à cette offre une fin de non-recevoir, elle savait déjà que la filiale belge était condamnée. Pourquoi aurait-elle dès lors dû acceptr de passer sous les fourches caudines du CSA belge, alors que le futur propriétaire de RTL Belgium, si futur il y a, ne serait plus dans les conditions de bénéficier également d'une licence d'émission au Luxembourg… 

LE MODELE TF1

Mais voilà… on apprend dans le même article de L'Echo que, depuis peu, le RTL Groupe aurait décidé d'abandonner l'idée du package et voulait désormais séparer les deux dossiers de cessions. Il comptait bien au départ vendre le tout en une fois… mais aucun éventuel acheteur français n'a souhaité se charger du fardeau du petit poucet belge. Et pour cause: assumer les coûts d'une télévision 'belge' relativement autonome de M6 seulement destinée à 4 millions de personnes, cela revient trop cher le téléspectateur. Le nouveau propriétaire de M6 préfère attendre que RTL Belgique disparaisse du paysage. Il pourra alors faire la même chose que TF1: destiner à la Belgique un signal de ses chaînes françaises où seul les écrans publicitaires seront différents et ciblés. Tout bénéfice pour un coût quasi nul. 

En cas de mort totale de RTL Belgium, les téléspectateurs belges auront en effet toujours envie de retrouver les programmes de M6 dont débordent les grilles de RTL TVI et de ses petites sœurs. Quoi de plus simple dès lors que de continuer à les leur proposer, mais 100% made in Paris. Avec, de temps à autre, comme sur TF1, un petit candidat belge glissé dans les émissions autant afin de faire sourire les Français que pour dire aux "clients" belges: "On ne vous oublie pas" (car c'est bien de clientèle qu'il s'agit ici).

UN AMATEUR DANS LA SALLE?

Le scénario de la mort à court terme de RTL Belgium n'emballerait toutefois pas le RTL Group. C'est vivant, et non mort, que le géant allemand veut vendre sa poussière d'empire audiovisuel, afin de faire un "max de bénef" Les sources consultées par L'Echo semblent dire que RTL espère retirer un plus haut profit en séparant les deux ventes qu'en les groupant. Est-ce bien le cas alors que le désintérêt des Français pour les avoirs belges semble avoir beaucoup pesé dans le choix des scénarios de vente? 

Pour que ce souhait de plus-value se réalise, il faudrait d'abord qu'un acheteur soit intéressé par RTL Belgium. Les groupes de presse belges, tout heureux de récupérer leurs billes en cédant Audiopresse au RTL Group en décembre dernier, sont-ils cette fois prêts à mettre fortement la main au portefeuille pour glisser plus qu'un pied dans l'audiovisuel privé de notre mini sous-patrie? 

En faisant le tour du pauvre paysage médiatique de la Belgique francophone, au vu de ce que IPM a déjà dû trouver pour s'offrir les Editions de L'Avenir, il serait étonnant que le groupe de la rue des Francs ait encore le souffle de se lancer dans la course. Tous les regards se tournent dès lors vers le seul autre groupe qui nous reste: Rossel. De de côté, la chose est loin d'être exclue. Au lendemain du rachat des parts belges dans RTL Belgium par le RTL Group, une déclaration de l'administrateur général du groupe à un des journaux qui lui appartiennent laissait plus que la porte ouverte: « Il y a eu de notre part des propositions de rachat de l’ensemble des opérations mais RTL n’a pas voulu envisager une vente (…). A partir de là, il fallait juste négocier les conditions de sortie. » (3) Aujourd'hui, ce qui ne paraissait pas possible hier l'est devenu…

Le groupe de la rue Royale, qui avait jadis cédé ses radios pour créer Bel RTL, va-t-il reprendre à sa charge tout RTL Belgium? Rossel est en tout cas insatiable, et toujours en quête de secteurs pour se développer. Jusqu'à présent, on y est estimait que, en Belgique francophone, tout ce qui était à prendre avait déjà été pris (Cine-Télé-Revue clôturant le tableau de chasse, le groupe ayant bien compris qu'on ne lui aurait pas pardonné de racheter en plus les Editions de L'Avenir). Alors oui, l'audiovisuel privé belge, pourquoi pas? Mais Rossel ne se mettrait-il pas un chameau sur le dos? Les résultats actuels du groupe ne sont semble-t-il, pas très convaincants… sauf en ce qui concerne le secteur publicitaire lié à IP, qui est encore une poule aux oeufs d'or. 

Si Rossel n'entrait pas dans la danse, c'est du côté flamand que de l'intérêt pourrait se manifester. L'ogre Telenet, qui lorgne toujours sur VOO, pourrait aussi avoir envie de bourrer ses tuyaux de contenus francophones. Ce groupe américain serait alors opérateur télévisuel des deux côtés de la frontière linguistique. Il n'y a par contre pas de chance que DPG Media, ex-Pergroep, se lance dans l'aventure. Même s'il est aujourd'hui le seul propriétaire des chaînes de VTM, avec lesquelles le RTL Group a des échanges, DPG a laissé tombé tous ses avoirs écrits en francophonie. Pourquoi y reviendrait-il dans la radio-tv?

ADIEU LUXEMBOURG, ADIEU

Quel que soit le futur, une chose est sûre. Si RTL Belgium ne disparaît pas faute d'acheteur, le nouveau propriétaire sera tenu de continuer à entretenir des liens étroits avec le groupe M6 (ou son équivalent futur). RTL TVI fait ses plus fortes audiences de prime time, celles qui lui rapportent le plus par ses écrans pub, avec des produits français de M6, ou au pire grâce à leurs déclinaisons belges. Une part de ses cases d'access sont aussi occupées par des produits M6, et les émissions du groupe français nourrissent de même fortement les autres chaînes de RTL Belgium. En radio, Bel RTL 'emprunte' chaque jour plusieurs heures d'antenne à RTL Paris, dont l'émission la plus porteuse (et donc la plus rentable) de l'après-midi: Les grosses têtes. Et ne parlons pas de RTL Play, qui n'est une copie de M6 Replay. Bien sûr, RTL Belgium achetait déjà ces produits à M6. Mais dans un cadre de groupe. 

Que se passera-t-il demain? Si RTL Belgium s'en sort, il y a fort à parier que, pour réduire les coûts, son actionnaire fera passer le groupe à l'essoreuse à salade. La radio et la télévision sont des médias où les coûts fixes sont largement prédominants. Pour diminuer les dépenses, il faut donc, pardonnez l'expression, "trancher dans le gras". Réduire le nombre de chaînes et de stations radio serait le plus simple car, côté économies, la direction actuelle de RTL Belgium a déjà été bien loin à l'os dans ce qui était imaginable, et ce pour satisfaire au mieux le RTL Group. Et pour que celui-ci, en échange de tous ces sacrifices, finisse par simplement décider de s'en défaire… On peut donc redouter que, à terme, les effectifs du groupe ne fondent comme chocolat glacé au soleil.

En tout cas, si RTL Belgium subsiste demain, le groupe et ses médias ne porteront sans doute plus le nom "RTL". C'est donc bien la fin d'un monde. Et les dernières pages de la chronique d'une mort annoncée.

Frédéric ANTOINE.


(1)Michel SEPHIHA, Peter HAECK, "RTL Belgique est à vendre", L'Echo 24/03, 3h45. (https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-belgique-est-a-vendre/10293107?utm_source=SIM&utm_medium=email&utm_campaign=&utm_content=&utm_term=&M_BT=7144010073)

(2) RTL Belgique à 100%entre les mains du RTL Group: ce n'est pas une bonne nouvelle (https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2020/12/rtl-belgique-100-aux-mains-du-groupe.html)

(3) Fin du mariage entre RTL et la presse écrite, article non signé in Le Soir (https://plus.lesoir.be/341025/article/2020-12-01/fin-du-mariage-entre-rtl-et-la-presse-ecrite)



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