Les éditions 2021 de Cap 48 et du Télévie ont confirmé les tendances que nous pointions déjà l'an dernier (1): Le Télévie s'essouffle, et Cap 48 continue à grimpoter d'année en année.
Il y a un an, notre analyse des résultats des opérations de solidarité des deux grands opérateurs audiovisuels belges francophones se concluait par une interrogation: après un an de covid, 2021 allait-il signer un retour aux scores antérieurs à la pandémie, ou les tendances repérées cette année-là étaient-elles durables? Les résultats de 2021 tendent plutôt à répondre dans le sens de la deuxième hypothèse. Alors que, du côté de RTL Belgique, on avait affirmé que ce que le Télévie avait produit en 2020 était de l'ordre de l'épiphénomène, cette année s'inscrit plutôt dans la suite de l'«accident industriel» vécu précédemment.
Pour rappel, l'an dernier, confinement covid oblige, la clôture du Télévie n'avait pas eu lieu en avril, comme d'ordinaire. L'opération avait été poursuivie jusqu'en septembre, ce qui avait permis sinon de combler, du moins de donner moins d'impact à la perte des recettes d'une partie des événements caritatifs initialement prévus. Les rentrées du Télévie avaient alors chuté de plus de 2 millions € par rapport à l'année précédente. Tout le monde s'en doutant, la soirée de clôture s'était déroulée dans l'intimité, au sein même de RTL House, et dans une ambiance plus mortifère qu'enthousiaste.
Mais, jurait-on du côté de RTL, ce n'était là qu'un incident de parcours, interrompant la longue série des dépassements de scores historiques célébrés chaque année. On imaginait alors 2021 rentrer dans les clous, avec une soirée de clôture en avril. Fin octobre 2020, la direction de l'opération annonçait toutefois que la finale de l'opération 2021 aurait également lieu en septembre, afin de permettre aux comités de planifier au mieux leurs activités (c'est-à-dire sur 12 mois et non sur six) (2).
Las. Au soir du 18 septembre 2021, on peut pas dire que l'opération de la chaine ex-luxembourgeoise ait réussi à conjurer le sort. Avec 10.617.189€, l'édition de cette année est quasiment au même stade que celle de 2020. Le Télévie 2021 réalise un score de 70.000€ plus élevé à peine que l'année précédente, soit 0,7% de mieux que lors de «l'année de la covid». Certes, la période octobre 2020-septembre 2021 n'a pas été totalement un long fleuve tranquille, mais la situation vécue alors n'a pas été comparable à celle de mars-juin 2020.
A contrario, Cap 48, qui n'a jamais atteint des résultats comparables à ceux de son concurrent, a pour sa part réalisé une nouvelle fois une année meilleure que la précédente (ce qui était aussi le cas en 2020). Avec plus de 7,6 millions €, l'opération de la RTBF dépasse de plus de 860.000€ son score de l'an dernier.
Tout le monde n'a pas gagné
D'un côté, RTL TVI se retrouve en 2021 avec une somme récoltée quasiment équivalente à celle qu'elle avait engrangé six ans plus tôt, en 2016. De l'autre, la RTBF augmente sur la même période son résultat de plus de 2,7 millions €.
Les raisons de cette différence d'évolution peuvent-elles être uniquement liées à la crise de la covid-19? Ne doivent-elles pas être cherchées ailleurs? L'usure ne s'est-elle pas emparée du Télévie et des comités qui le portent? Le Télévie repose sur des piliers de personnes engagées qui semblent inamovibles, mais il est évident que ce type de situation peut finir par rouiller la machine.
La situation interne à l'entreprise, en pleine interrogation sur un avenir à propos duquel rien ne perce depuis le rachat par DPG-Rossel, pousse-t-il le personnel à manifester le même enthousiasme que par le passé? Sur l'écran lors de la soirée de clôture, cette fois en public et à l'image des années avant-covid, cela n'apparaissait en tout cas pas. Il y avait même un peu plus de retenue du côté de Cap 48, un côté «private joke» entre l'animateur principal et le parrain de la soirée qui n'est pas transparu de la même manière chez RTL.
Ou alors, peut-être sont-ce les causes défendues et promues, et en particulier les grandes causes, qui tendent désormais moins à mobiliser, tandis que les questions de malheurs et de souffrances se rapprochent ces derniers temps plus de chacun. Ce que chacun met derrière «solidarité» est aussi peut-être aussi en train de changer, comme l'ont démontré les actions qui ont suivi les inondations de cet été.
Agir dans la proximité de son chez soi ? Ou soutenir la recherche, en lutte contre la mort qui rôde ?
Reste que, petit à petit, le gap entre le score de RTL et celui de la RTBF se réduit, alors que l'acteur privé semblait disposer devant lui d'un immense boulevard lié à la lutte contre les cancers, et que l'opérateur public veillait «seulement» à rendre plus vivable l'existence de ceux que le handicap avait touchés.
Petits comités
Reste aussi que, quoiqu'on fasse, les opérations de solidarité de ce type ne réaliseront jamais les scores d'audience des grands événements et des grandes causes mondiales, comme si ces émissions ne rassemblaient d'abord que celles et ceux qu'elles concernent, et non la diversité du large public. Les résultats du CIM sont éloquents à cet égard.
Et révélateurs: cette année, la soirée de direct et de récolte de «promesses de dons» qui clôture les deux opérations n'a, comme d'ordinaire, pas duré autant de temps. Sur le service public, on mettait la clé sur le paillasson à 23h40. Sur RTL, on jouait les prolongations. Mais les deux programmes ont rassemblé… un même nombre de téléspectateurs: autour des 200.000 seulement. L'an dernier, RTL était bien plus bas que ce chiffre, et la RTBF plus haut…
Le nouveau mode de communication des résultats CIM, plus discret qu'auparavant, ne permet pas de convertir ces données en PDM. Dommage…
Frédéric ANTOINE