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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

19 septembre 2020

RTL SE DÉFILE… DE L'AIR


Un communiqué de presse tombé le 18 septembre en début d'après-midi annonçait que le Conseil d'administration RTL Belgium avait décidé de « renoncer à l’aide du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de là, au projet dans son ensemble ». La filiale belge de la multinationale luxembourgo-allemande préfère ne pas toucher le jackpot plutôt que de devoir rendre des comptes…

Alors que le 30 juin dernier RTL Belgium criait au loup et au secours, clamant haut et fort que, sans un soutien financier des pouvoirs publics belges, l'entreprise était menacée d'économies drastiques, voire de disparition, moins de trois mois plus tard, la même entreprise renverse son discours du tout au tout et dit que, finalement, eh bien elle n'a pas besoin de cet argent.

On croit rêver

On savait qu'avec le covid, des êtres fragiles pouvaient frôler la mort et, parfois, s'en sortir ensuite. Mais qu'un géant de la communication affecté par le virus s'annonce lui-même guéri quelques semaines après s'être diagnostiqué exsangue relève du miracle (industriel). La raison officielle, expliquée dans le communiqué: « Depuis le mois d’août, les signes d’une reprise économique tendent à faire disparaître une des raisons de l’accord de principe. En effet, contrairement aux prévisions, la situation financière dramatique de RTL ne semble pas s’être installée dans la durée. »

RTL était-elle donc aussi souffrante qu'elle ne disait au début de l'été? Ou sa maladie n'était-elle pas d'abord imaginaire et non 'dramatique'?

À moins que les prévisionnistes de l'entreprise n'aient été ce point aveugles qu'il leur était alors impossible de percevoir que, dès le mois d'août, les annonceurs seraient à nouveau au rendez-vous?

Il est fortement tentant de considérer le volte-face du Conseil d'administration de la société comme un aveu. Une reconnaissance du fait que sa situation financière n'avait jamais été si grave qu'elle l'avait dit. Début juillet, plusieurs voix s'étaient exprimées pour rappeler que RTL Belgique n'était pas un radeau de la Méduse isolé, mais constituait un des esquifs d'une immense flotte dont le navire amiral, le RTL Group, était largement bénéficiaire. Ces commentaires ont peut-être contribué à rappeler aux responsables de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) qu'on ne pouvait comparer cette entreprise au sort des 'petits' médias belges comme les TVLC ou LN24 touchés par le covid.

Les informations qui ont alors été révélées sur l'état des bénéfices réalisés par IP Belgique, qui est intimement associé à RTL Belgique, ont sans doute de même contribué à relativiser la réalité de la catastrophe économique qu'annonçaient les hérauts de l'entreprise.

Dividendes or not

Dans ces conditions, on peut supposer qu'une des conditions émises par la FWB pour accorder un substantiel prêt à l'opérateur privé a rapidement posé problème. Pour rappel, les aides publiques étaient subordonnées au fait que l'entreprise soutenue n'alloue par de dividendes à ses actionnaires pour l'exercice 2020. Si RTL Belgique avait été au bord du gouffre, elle aurait tout fait pour obtenir la subsidiation, quitte à aller à Canossa. Le fait de renoncer au soutien lève immédiatement une question: l'aide demandée à la FWB n'avait-elle pas comme fonction non de contribuer à maintenir des emplois, mais d'aboutir dans l'escarcelle des actionnaires de la société, c'est-à-dire in fine le RTL Group et les groupes de presse de Belgique francophone?

En l'occurrence, renoncer à l'aide est une sorte d'aveu. De refus de se soumettre aux conditions imposées par l'Etat. Inutiles donc, ces dizaines de millions d'euros que les contribuables belges francophones allaient offrir à cette société. Désormais, ce sera comme par le passé: c'est en achetant des produits en tout genre que, sans le savoir vraiment, les consommateurs financeront la société audiovisuelle, les sommes payées par les firmes pour les écrans pub sur RTL faisant bien évidemment partie des coûts compris dans le prix de vente des différentes marchandises.

On avait cru à un retour au bercail de la brebis perdue. Que nenni. RTL Belgique préfère continuer à diffuser via sa si tolérante licence luxembourgeoise, à laquelle elle s'était engagée à renoncer… mais moyennant des conditions moins dures que celles qui l'attendaient. L'entreprise aurait reçu l'argent public sans aucune contrepartie, voire peut-être simplement en abandonnant sa licence grand-ducale, elle n'aurait sans doute pas fait la fine bouche.


Reste qu'un argument avancé fin juin était que, de toutes façons, l'opérateur privé devrait un jour ou l'autre rentrer dans l'orbite de contrôle du CSA belge, suite à l'imminente adaptation de la directive européenne SMA. Visiblement, de ce côté, le géant allemand a dû obtenir quelques informations, ou quelques garanties…

Frédéric ANTOINE

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