Dans leur traitement de l'actualité, les journalistes doivent-ils faire appel à la parole de personnes supposées compétentes? Ou, au contraire, l'occupation d'une partie de l'espace médiatique par un discours d'expertise ne contribue-t-elle pas à la mise en cause de la crédibilité des journalises, voire au rejet de leur légitimité? Et ce a fortiori dans un monde où bon nombre d'expressions de représentants de l'establishment sont, dès le départ, sujettes à suspicion?
La place que les experts occupent dans les discours médiatiques est un sujet de débat sans fin.
Sans envisager résoudre le fond de la question, portons un petit regard sur deux 'cas'parmi d'autres. Le premier, développé dans ce texte, concerne la place que les experts occupent dans l'émission de crise Questions en prime, proposée après le JT de 19h30 de La Une (RTBF).
Le second, qui fera l'objet d'un texte séparé, traitera des experts dans la séquence Le parti pris, diffusée après 8h30 dans la matinale radio de La Première (RTBF).
Comparaison n'étant évidemment pas raison, il a semblé plus utile de développer ces quelques réflexions en deux articles plutôt que des inscrire dans un seul texte. Questions en prime a en effet vu le jour en urgence face aux questionnements de la population devant la pandémie et les mesures radicales prises pour l'endiguer. Le parti pris est une rubrique qui existe depuis plusieurs années, et qui peut être considérée comme un lieu de débat remplaçant celui qui était précédemment proposé par la même chaîne de radio, mais à l'heure de midi.
Réponses d'experts
Questions en prime ne donne pas la parole qu'à des experts. Une large place y est laissée au questionnement et à la parole des téléspectateurs, ainsi que de divers acteurs de la société civile. Mais la structuration de l'émission repose bien sur la parole experte. Chaque jour, les sujets mis sur la table sont soumis aux personnalités présentes sur le plateau pour que celles-ci y apportent réponse, même si ces thématiques ne figurent pas au centre de leurs domaines de compétences.
Les experts sont ici convoqués en raison de leur légitimité. Outre l'une ou l'autre personne intervenant par visioconférence, les émissions sont quasiment à chaque fois bâties autour de deux spécialistes d'une problématique (essentiellement scientifique ou médicale) liée au covid-19. Quelques éditions, surtout en début de crise, ont accueilli un plus grand nombre d'intervenants. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs duré beaucoup plus longtemps que la moyenne du programme, qui est d'un peu plus de 30 minutes (voir l'article du blog daté du 5 mai).
Sourire et compétence
Certains experts occupent l'antenne davantage que d'autres. Entre ces 12 et le 20 mai, le professeur de santé publique de l'ULB Yves Coppieters y a ainsi pris part à cinq reprises. A cette période, il est la seule personnalité à occuper le plateau de manière récurrente. Une situation qui s'explique sans doute en fonction de son domaine de compétence, fortement sollicité en période de sortie de confinement. Mais le caractère affable, le sourire permanent et l'attitude rassurante du personnage ont aussi contribué à le rendre indispensable. Dans pareille émission, la médiagénie d'un intervenant aide à faire passer son message. Et tous autres intervenants ne disposent pas de la même aisance.
Même si, en prévision d'éventuelles autres crises, il était peut-être utile d'inclure quelques cours d'expression communicationnelle dans la formation des chercheurs et des médecins, on ne peut pas considérer que cette seule raison explique pourquoi, pendant cette période, les autres invités n'ont été présents dans l'émission qu'en 'one shot'. D'autant que, pour la plupart, ils avaient déjà pris part à des émissions antérieures.
L'accès aux archives récentes de l'opérateur public étant fortement limité dans le temps, aucun relevé systématique de l'identité de toutes les sommités convoquées depuis la mi-mars n'a pu aujourd'hui être établi. Mais la diversité des experts, et leur présence fréquente sur le plateau peuvent être confirmées sur base de coups de sonde dans les documents audiovisuels accessibles, ainsi que par l'expérience de vision personnelle. Un recensement, sûrement incomplet, permet de dresser la liste d'au moins une vingtaine de noms de personnes, essentiellement issues du monde des sciences, toutes les universités étant peu ou prou représentées, ainsi que de celui de la pratique médicale, généralement en hôpital (souvent universitaire). Un souci d'équilibre entre lieux de recherche et d'enseignement semble avoir concouru aux choix réalisés par la production.
Le panel des intervenants semble, au début de la crise, avoir été assez large, et parfois institutionnel. Les experts sont accompagnés de représentants officiels d'institutions ou de structures hospitalières, comme s'il ne s'agissait pas tant d'apporter une expertise que d'affirmer une présence. Au fur et à mesure que la crise évolue et que surgissent des questionnements sur "l'après", la parole experte devient à peu près seule à structurer le programme.
Expliquer et rassurer
Dans Questions en prime, les experts sont convoqués pour expliquer, mais aussi pour rassurer. Leur rôle est de répondre aux discours de craintes ou de doutes, ainsi que de contrer les rumeurs, en y opposant une parole scientifique, qui est aussi d'abord la leur, à titre individuel.
Dans la mesure du possible, ils étaient donc celle-ci par des données et des chiffres. Au fil du temps, ils la conforteront aussi ponctuellement en évoquant des résultats de recherches déjà menées au plan international. À certains moments, l'un ou l'autre expert ajoutera aussi parfois des avis ou des commentaires plus personnels, que le statut de leur communication aura tendance à mettre sur le même pied que les propos scientifiques. Certaines paroles reposeront aussi parfois sur leurs intuitions ou leurs impressions. A la vision du programme, on s'interroge dès lors parfois sur ce qui permet d'asseoir l'avis, parfois péremptoire, émis par l'expert. Mais on ne peut perdre de vue le risque (peut-être non calculé) qui prend ici celui qui accepte de s'exprimer 'sans filet', le programme étant diffusé en direct et sans possibilité éventuelle de rattrapage, ou de repositionnement a posteriori, de son propos.
Dans cette émission, le rôle conféré à l'expertise était assurément de (r)établir la confiance, et de soutenir avec discernement plutôt que de remettre en cause les discours et mesures de santé publique prises par la CNS. Le caractère pédagogique du programme s'inscrit d'abord dans une certaine vision de la mission de service d'éducation permanente conférée à la RTBF en tant que service public. Et moins dans celle d'informer le public, même si les deux objectifs sont fréquemment imbriqués.
L'usage classique de l'expertise qui y a été développé s'inscrit dans cette visée.
S'agissait-il toutefois là de la seule option envisageable? Lorsque viendra le temps de l'évaluation, la question sera sans doute soulevée.
Frédéric ANTOINE
Le point (2) de Paroles d'experts dans les médias fera l'objet d'un autre article très prochainement sur ce blog
Et si, pour une fois, on ne gardait pas juste pour soi les observations, les analyses, les études, les recherches, les commentaires… qu'on ne cesse de faire à titre académique, professionnel ou purement personnel ?
Regard médias
Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
22 mai 2020
21 mai 2020
Autoriser l'accès aux résidences secondaires : quand l'alerte précède l'info
« L'interdiction de séjour dans les résidences secondaires est levée avec effet immédiat. » Mercredi 20 mai à 15h29, cette info tombe sur tous les smartphones abonnés aux alertes du journal L'Echo.
En cette veille de long week-end de l'Ascension, alors que l'après-midi est à peine entamée, on imagine la joie des suiveurs du journal économique et financier, qui ne doivent pas être des clients du quotidien pour voir la nouvelle sur leur téléphone. Une partie d'entre eux étant assurément propriétaire d'une résidence de vacances en Ardenne ou à la côte, l'info tombe à pic. En quelques minutes on peut faire ses bagages, emporter éventuellement quelques vivres de réserve, rassembler la famille et hop on est partis. Depuis le temps qu'on l'attendait, cette nouvelle-là!
Ces heureux vacanciers auront-ils été arrêtés sur leur passage par les brigades mobiles de la police chargée de faire respecter le confinement? A voir le nombre de véhicules circulant, pour divers motifs, ce mercredi 20 mai sur les routes belges, elles auraient eu beaucoup à faire pour contrôler tout le monde. Mais, en cas de vérification dans l'après-midi, elles auraient sans doute rappelé aux chauffeurs et aux passagers de ces villégiateurs que, à leur connaissance, la fameuse autorisation dont ils se revendiquaient n'était pas encore de mise…
Pour que la mesure en entre en application, il faudra en effet attendre la publication, dans la quatrième édition du 20/05 du Moniteur belge, de l'arrêté ministériel "modifiant l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19"et portant le NUMAC 2020010390. L'heure de 'sortie' des éditions du Moniteur n'étant pas notifiée, impossible de déterminer le moment exact de cette parution. Mais, selon divers articles de presse, celle-ci a eu lieu "sur le coup de 20h" ou juste après.
Sur le fond, ces quelques heures de battement ne modifient pas fondamentalement les choses. Mais elles confirment que la course à l'info, surtout quand la consigne à appliquer est "mobile first", pousse parfois les médias à anticiper la nouvelle, c'est-à-dire à se limiter à une seule source (voire parfois à zéro source) avant de décider de communiquer une information. Le 20/05 c'était le cas de L'Echo, ce qui est plutôt peu banal. Un autre jour, cela aurait été un autre média.
Mais, sur ce coup-là, la plupart des autres pourvoyeurs d'information ont manifesté davantage de prudence.C'est une dépêche Belga, diffusée aux environs de 15h, qui informe d'un accord du CNS à propos de la levée d'interdiction. La nouvelle peut étonner car aucune réunion physique du Conseil n'a été annoncée à la veille du week-end de l'Ascension. Il apparaît alors que celle-ci s'est réalisée à distance en visioconférence, dans la matinée. La teneur des alertes lancées par les applications de plusieurs médias se limite alors à l'annonce d'un accord, mais ne parle pas de sa mise en œuvre. En dénouant le fil des événements, il apparaîtra que la nouvelle de l'accord a été communiquée sur le temps de midi par le ministre-président du gouvernement flamand devant le Parlement flamand, et que c'est à celle occasion que celui-ci aurait annoncé que la décision entrait en application immédiatement.
C'est en tout cas ce qui ressort d'un article publié dès 13h25 par Het Laatste Nieuws, qui sur son site titre: "Lang verwarring, maar nu officieel: Belgen mogen met onmiddellijke ingang weer naar tweede verblijf". Les sources qui y sont citées par HLN.be sont Belga et VTM Nieuws. Le chapeau de l'article est encore plus clair: "Belgen met een tweede huis aan bijvoorbeeld de kust of in de Ardennen
mogen daar vanaf nu weer heen. Dat is na veel verwarring woensdag nu ook
officieel. Het Belgisch Staatsblad heeft het nieuwe Ministerieel
Besluit gepubliceerd."On y précise que le journal officiel de l'Etat a publié la nouvelle. Dans le début du texte, l'auteur précise ensuite que "Die opheffing gold volgens Jambon “met onmiddellijke ingang”".
7sur7.be étant en cheville avec HLN.be, on s'étonnera qu'il ait mis près de deux heures à relayer l'information, tout en lui conférant un caractère moins affirmatif à propos de la mise en œuvre immédiate de la mesure. La première info tombe sur le site francophone à 14h20. L'alerte pour mobiles est plus tardive, et n'informe que sur la conclusion d'un accord. La version définitive du texte sera réajustée à 15h49, en se référant aux sources HLN et Belga. La même prudence figure dans son contenu. Sous l'intertire "C'est pour quand?", l'auteur écrit notamment: "Selon Jan Jambon, la mesure prend effet sur le champ. Or, hier, la
Première ministre Sophie Wilmès avait annoncé qu’en cas d’aval du GEES
(le groupe d’experts qui conseillent le gouvernement durant la crise
sanitaire), l’interdiction serait levée, mais elle n’avait pas voulu
apposer de date à ce nouvel assouplissement des mesures de restriction." Et le paragraphe se conclut par la phrase: "Mais jusqu’ici, le centre de crise n’a pas encore
officialisé ni daté l’accord évoqué par Jan Jambon."
Les médias francophones qui publient des alertes pour smartphone dans la suite de l'après-midi conservent cette prudence. On parle de "bientôt", ou on se demande "à quelle date". Seule La Libre semble confirmer à demi-mot dans son alerte l'immédiateté de la mesure, en expliquant en fin d'après-midi que l'interdiction était devenue disproportionnée.
Toujours en se référant aux alertes, ce n'est qu'un peu avant 21h que la plupart des médias francophones confirmeront la nouvelle et lui conféreront un côté officiel, c'est-à-dire après la publication du Moniteur.
Indépendamment de la question de l'urgence de diffuser une information, l'ordre dans lequel les médias francophones ont rédigé leur alerte-smartphone ne manque aussi pas d'intérêt. Par rapport à la question du recoupement de la vérification des sources, on s'étonnera peut-être que ce soit La Libre qui ait brûlé la politesse à tout le monde. Mais, comme ceux de L'Echo, ses lecteurs ne sont-ils pas particulièrement concernés par cette mesure? Ce cas mis à part, les supports qui s'empresseront de communiquer sur le sujet seront des médias populaires et/ou régionaux. L'audiovisuel ne réagira que plus tardivement, et la RTBF avant RTL. Une question de stratégie rédactionnelle ou d'organisation de veille numérique?
Quant au Soir, selon l'inventaire à notre disposition des alertes envoyées le mercredi 20, il ne postera un message que lorsque la nouvelle est réellement officielle…
Frédéric ANTOINE.
19 mai 2020
JT de soirée : l'étau se resserre entre RTL et la RTBF
La différence d'audience entre le journal télévisé de 19h de RTL-TVI et le 19h30 de la RTBF se réduit depuis l'année dernière. Une analyse des data CIM (Live+vosdal) se basant sur la moyenne/jour/semaine pour les deux JT révèle que, à cette heure de grande écoute, l'auditoire de la télévision publique se rapproche de plus en plus en plus de celui de la chaîne privée. La tendance s'est clairement affirmée tout au long de 2019. Elle s'est légèrement inversée début 2020, mais est à nouveau manifeste depuis la crise du covid.
Début de l'année dernière, le différentiel d'audience moyen entre les deux émissions d'informations était de plus de 160.000 spectateurs. Fin 2019, cette différence moyenne était tombée aux environs de 40.000 personnes. Cette situation ne s'est pas maintenue au cours des deux premiers mois de 2020 mais se retrouve dès le mois de mars, alors que les audiences totales sont en forte croissance. En avril, le différentiel a retrouvé son bas niveau de novembre 2019. Début mai (calcul sur les 18 premiers jours), il est en légère augmentation.
Les pentes des courbes d'audience mensuelle diffèrent fortement au cours des deux années. 2019 est une année 'normale' , présentant pour les deux stations une tendance en berceau, l'auditoire étant moins nombreux et moins assidu en été. Fin de l'année dernière, l'audience moyenne des deux JT était toutefois en hausse par rapport au début 2019. Si 2020 avait été une année banale, les pentes des courbes y auraient été identiques à celles de l'an dernier.
Or il n'en est rien. Les courbes croissent avec la crise, et commenceront à décroître avec son atténuation. En moyenne mensuelle, les résultats obtenus pendant cette période ne sont pas sensiblement plus élevés que ceux de fin 2019. Mais les moyennes lissent toujours des données…
Un regard au mois de janvier 2020 devait essayer de comprendre pourquoi, à cette période, il y avait eu un rebond du différentiel RTBF/RTL-TVI au profit de cette dernière. Les résultats d'audience ne confirment pas, sur l'ensemble du mois, la présence d'une tendance générale à la baisse d'audience de l'émission de la télévision publique, ou en envol de celle de la chaîne privée. L'audience 2020 est d'ailleurs alors plus faible que celle de l'an dernier. En fin de période, par contre, les écarts d'audience entre les deux JT sont beaucoup plus manifestes.
Le mois de mai confirme pour sa part que la compétition (en ce qui concerne l'audience) entre les deux émissions est aujourd'hui de plus en plus vive. L'écart de public entre les programmes est de plus en plus ténu, et RTL-TVI est parfois menacée, voire dépassée, par la chaîne publique. Là aussi, le coronavirus est peut-être en train de rebattre les cartes.
Frédéric ANTOINE.
Début de l'année dernière, le différentiel d'audience moyen entre les deux émissions d'informations était de plus de 160.000 spectateurs. Fin 2019, cette différence moyenne était tombée aux environs de 40.000 personnes. Cette situation ne s'est pas maintenue au cours des deux premiers mois de 2020 mais se retrouve dès le mois de mars, alors que les audiences totales sont en forte croissance. En avril, le différentiel a retrouvé son bas niveau de novembre 2019. Début mai (calcul sur les 18 premiers jours), il est en légère augmentation.
Les pentes des courbes d'audience mensuelle diffèrent fortement au cours des deux années. 2019 est une année 'normale' , présentant pour les deux stations une tendance en berceau, l'auditoire étant moins nombreux et moins assidu en été. Fin de l'année dernière, l'audience moyenne des deux JT était toutefois en hausse par rapport au début 2019. Si 2020 avait été une année banale, les pentes des courbes y auraient été identiques à celles de l'an dernier.
Or il n'en est rien. Les courbes croissent avec la crise, et commenceront à décroître avec son atténuation. En moyenne mensuelle, les résultats obtenus pendant cette période ne sont pas sensiblement plus élevés que ceux de fin 2019. Mais les moyennes lissent toujours des données…
Un regard au mois de janvier 2020 devait essayer de comprendre pourquoi, à cette période, il y avait eu un rebond du différentiel RTBF/RTL-TVI au profit de cette dernière. Les résultats d'audience ne confirment pas, sur l'ensemble du mois, la présence d'une tendance générale à la baisse d'audience de l'émission de la télévision publique, ou en envol de celle de la chaîne privée. L'audience 2020 est d'ailleurs alors plus faible que celle de l'an dernier. En fin de période, par contre, les écarts d'audience entre les deux JT sont beaucoup plus manifestes.
Le mois de mai confirme pour sa part que la compétition (en ce qui concerne l'audience) entre les deux émissions est aujourd'hui de plus en plus vive. L'écart de public entre les programmes est de plus en plus ténu, et RTL-TVI est parfois menacée, voire dépassée, par la chaîne publique. Là aussi, le coronavirus est peut-être en train de rebattre les cartes.
Frédéric ANTOINE.
18 mai 2020
Covid et enseignement à distance : les (bonnes) surprises d’une petite révolution
Le covid a banalisé cette pratique depuis que,
le 13 mars, les autorités des universités décidaient de faire basculer les
cours du ‘présentiel’ vers des formules d’enseignement à distance. En invitant plus
que fortement leurs titulaires à les assurer en temps réel, en les donnant au moment
à ceux-ci étaient prévus dans l’horaire des étudiants, afin que leurs rythmes
de vie ne soient pas perturbés. Une chaude recommandation qui, selon quelques
échos provenant d’étudiants, n’aurait pas toujours été suivie à 100%…
Il est par contre acquis que, sous diverses
modalités, la pratique de l’enseignement à distance s’est, d’un coup,
généralisée, en transformant subitement en profondeur la configuration pédagogique
connue dans les universités et les institutions d’enseignement supérieur depuis
leur création, pour certaines il y a plusieurs centaines d’années. Et ce pour
le meilleur, mais peut-être pas que.
Seules de longues enquêtes approfondies qu’on
ne manquera pas de mener dans les prochains mois à titre scientifique ou pédagogique
permettront de dresser le bilan de cette petite révolution. La période de cours
de l’année académique 2019-2020 étant arrivée à son terme, les quelques lignes ci-dessous
n’auront comme seule ambition que de consigner l’une ou l’autre remarque issue
d’une expérience personnelle, que rien ne permet bien sûr de généraliser, tant
peuvent diverger d’un cas à l’autre les matières enseignées, les pratiques
enseignantes (surtout pour les plus âgés•e•s…) et les cohortes étudiantes
elles-mêmes.
ENFIN !
Il aura fallu que survienne le confinement
pour que les universités libèrent leurs étudiant•e•s d’un fardeau dont le joug
semblait ne jamais devoir disparaître : celui de l’assistance aux cours en
un endroit déterminé et à un moment précis. Une pratique obsolète pour des
générations chez qui l’essentiel de la consommation de contenus est délinéarisée,
et relève largement d’une appropriation en mode self-service. Le covid a contribué
à supprimer la contrainte de matérialité de l’enseignement universitaire. Reste
toutefois que la recommandation de conserver les cours à leurs jours et heures
habituels entretenait le maintien d’une obligation pour celles et ceux qui
voulaient y assister (tout comme pour les enseignant•e•s qui devaient le
prodiguer) : celle d’être au rendez-vous à l’heure dite.
Mais c’était sans compter sur les services
proposés par la (ou les) plateforme(s) pour gérer ces enseignements à distance.
Comme d’autres, Teams comprend en effet la possibilité d’enregistrer les
‘réunions’ qui y sont tenues et de les archiver ad vitam (chose que, pris dans la
précipitation de devoir bifurquer vers l’enseignement à distance, certains
membres du corps enseignant n’ont peut-être découvert qu’assez tardivement…).
L’enseignant qui pilote la réunion peut lui-même
actionner l’enregistrement. Mais ce choix peut aussi être commandé par les
autres utilisateurs de la réunion. Cette fonctionnalité supprime donc de facto
l’obligation de suivre l’enseignement en temps réel. Dotant d’obsolescence la linéarité
d’usage d’une séance de cours, elle rend les modalités d’apprentissage conformes
aux modes contemporains d’appropriation de contenus par les étudiant•e•s.
Cette opportunité a, semble-t-il, été assez fréquemment
saisie, notamment par des personnes qui, même confinées, n’étaient pas disponibles
au moment d’un cours. Elle a aussi permis à celles et ceux qui voulaient réviser
leurs notes de suivre plusieurs fois les mêmes enseignements. Ce qui est sans
doute davantage envisageable lorsque l’on est contraint à ne pas bouger de chez
soi qu’en période normale, où ces longues périodes de visionnement devraient être
gérées au-delà des cours, dans des agendas souvent déjà chargés.
L’assistance
La diffusion à distance d’un cours a-t-elle eu
un effet sur le volume du public que celui-ci recueillait lorsqu’il était donné
en auditoire ? L’expérience personnelle semble ne pas le confirmer : de
manière générale, l’assistance est restée la même. Lorsque la part de l’auditoire
par rapport aux inscrits était élevée, celle-ci a continué à l’être après le passage
en ligne. Et vice-versa pour les cours moins suivis.
Sur les petites cohortes, comme celles de
séminaires, l’effet a été quasiment inexistant.
Le handicap que peut avoir la présence physique
par rapport à la disponibilité sans déplacement ne paraît s’être fortement
manifesté. Le fait que le basculement soit survenu en milieu de quadrimestre,
et non au début de celui-ci, peut en partie expliquer ce phénomène.
Un élément permettant d’éclairer la question serait
de savoir si la possibilité de visionner un cours en dehors du moment où il a
été professé en a accru l’audience totale. Faute de données, la question reste,
à ce stade, ouverte.
En dialogue ?
La pertinence de maintenir en période post-covid
des enseignements en présentiel ne doit-elle pas être posée ? Quelle plus-value
apporte l’enseignement d’un cours devant un grand auditoire par rapport à la
dispense à distance du même contenu ? En ligne, les PowerPoint peuvent être
mieux vus, la voix de l’enseignant•e peut être plus claire, et, normalement, la
parole du professeur n’a aucune chance d’être couverte par le brouhaha de conversations
entre étudiant•e•s. Pour un cours ex cathedra, l’avantage est donc ténu, sinon
qu’il exige de la part du professeur•e un type d’exercice de communication pas en
tous points comparable à ce qui se passe dans un cours en salle.
Mais l’enseignement n’est-il qu’un discours à
sens unique ? Dans ses principes, même un cours donné sous forme de monologue
peut comprendre une partie dialoguée, soit suite à des invites à poser des questions
exprimées par l’enseignant•e, soit suite à une demande de prise de parole
manifestée par un•e étudiant•e via le lever d’une main. Des modes plus marqués d’interaction
en salle sont par ailleurs davantage suscités lors d’autres pratiques
pédagogiques comme les cours inversés, les séances de séminaires ou les travaux
pratiques.
Pour autant qu’il soit suivi en direct, l’enseignement
à distance n’exclut pas ces moments d’échanges et de prises de parole (cf. ci-après).
Si le cours est visionné à la carte, en dehors du temps de son déroulement, cette
éventualité disparaît par contre complètement. L’étudiant•e ‘suit’ alors l’enseignement.
Il/elle peut seulement y assister, comme à un spectacle. Si interaction il y a,
celle-ci ne pourra être, elle aussi, que différée.
Prises de parole
Les plateformes sur lesquelles les cours ont
été donnés offrent, en temps réel, d’évidentes possibilités d’interaction. À condition
que la machine de chaque participant•e soit équipée de micro et de caméra, tout
le monde est, potentiellement, capable d’intervenir lors de la ‘conférence’, et
non seulement le ou la professeur•e.
Afin de garantir des conditions correctes de
suivi, la plateforme offre aux animateurs de réunion la possibilité de couper
tous les micros de l’assistance. Cette mesure peut être considérée comme une
volonté d’y censurer l’expression. Il y a donc peu de chance qu’elle soit mise
en œuvre. L’absence de brouhaha évoquée ci-dessus peut donc s’avérer relative.
Cette possibilité de prise de parole n’est pas
anonyme. Le nom de chaque intervenant s’affiche sur l’écran. Mais, lorsque l’on
supprime son image, l’expression tout de même s’opère dans un anonymat relatif.
Et, en tout cas, loin du type de rapport de force qui organise la communication
de groupe au sein d’un auditoire physique. Chacun•e étant seul•e chez soi, les
prises de parole deviennent autonomes, et se libèrent. En l’absence d’image et
du regard des autres, on ‘ose’ s’exprimer, alors que l’on aurait hésité à le faire
‘en public’. Cette pénombre communicationnelle fait par exemple jaillir des
questions orales, surgissant au cours de l’exposé magistral. Elle dynamise le cours,
et peut parvenir à générer des échanges qui n’auraient pu voir le jour devant
un grand groupe, où s’exprimer peut provoquer la réprobation des tiers. Mais la
pénombre peut aussi inviter à d’autres types de prises de parole, en libérant
tant les contenus qu’elles véhiculent que leur mode d’expression. Jusqu’à la situation
où l’espace d’un cours se transforme en agora, avec les risques de débordement
que peut entraîner une totale liberté d’expression…
Comme sur les réseaux sociaux
Cette libération de la parole peut non seulement
se réaliser sur les plateformes par voie orale, mais aussi écrite. Les outils d’enseignement
à distance comprennent en effet un volet ‘chat’ (‘conversation’ dans les
versions françaises), sous forme de texte. Lors de ‘conférences’ en grand groupe,
ce passage par l’écriture permet de modérer les interventions. Il laisse le
pilotage à l’animateur de la réunion qui a le loisir de tenir compte ou de
répondre lorsque bon lui semble aux propos ou questions tenus dans le ‘chat’.
L’usage de ce mode d’expression est identique
à celui à l’œuvre sur les réseaux sociaux. Une intervention d’une personne peut
être suivie de réactions appréciatives de tiers sous forme d’émoticons, qui confèrent
à toute prise d’expression un aspect référendaire. Ces règles du jeu peuvent avoir
de quoi surprendre dans une configuration de communication comme celle d’un cours,
où ni la parole de l’enseignant•e, ni celle d’éventuels autres intervenant•e•s,
n’ont coutume à être ouvertement évaluées et appréciées.
Lorsque certain•e•s participant•e•s à un cours
en viennent à dialoguer entre eux/elles à coup de messages via le ‘conversation’,
le brouhaha parfois rencontré dans certains amphis physiques, peut aussi être
remplacé par celui du ‘chat’…
La révolution amenée dans l’enseignement par
la généralisation de l’enseignement en ligne n’a pas nécessairement été douce.
Elle a, en tout cas, été profondément interpellante. Et, là comme ailleurs,
rien ne sera sans doute demain plus jamais pareil. Et en tout cas pour celles
et ceux qui, dans la ‘vieille’ génération des enseignant•e•s, croyaient jusqu’ici
maîtriser les codes de ce type de communication…
Frédéric ANTOINE
16 mai 2020
Plus nombreux lors du covid devant les "Douze coups de midi". Mais…
Plus nombreux devant leur écran de télé pendant les journées de confinement covid, les Belges l'ont aussi été sur le temps de midi devant le jeu de TF1 qui réalise des audiences historiques pendant cette période. Jusquà ce que…
L'audience de ce jeu quotidien, diffusé même le dimanche, est quelque peu erratique. En Belgique, elle était en moyenne d'environ 208.000 spectateurs par émission en 2019. Mais, en période de vacances scolaires, ils peuvent être beaucoup plus nombreux. L'an dernier, les émissions ayant attiré les plus grandes audiences furent diffusées les 29 et 26 décembre ( 278.000 et 272.000 personnes). Le volume de l'auditoire varie aussi selon les jours de la semaine. Si l'on peut comprendre que, en 2019, les jours ayant attiré le maximum de téléspecteurs belges étaient, le plus souvent, été ceux du week-end, la variation des niveaux d'audience des autres jours de la semaine est moins évidente à expliuer. En Belgique, des audiences plus de 240.000 personnes ont régulièrement été enregistrées l'an dernier hors des samedi-dimanche.
En 2020, avant la crise covid, l'audience moyenne était en très légère croissance (1) : +10.000 spectateurs par rapport à l'an dernier environ. Le confinement va modifier cette situation. Sur la période 18 mars - 14 mai, l'audience moyenne du programme frise les 250.000 personnes, soit environ 30.000 spectateurs/jour de plus qu'au début de l'année, et 40.000 de plus en comparaison de la moyenne 2019. Le programme dépasse même à deux reprises les 300.000 spectateurs belges (mardi de Pâques et jeudi 26/03), et se situe au-dessus des 290.000 à cinq reprises pendant la période de fin mars-début avril. Le programme a clairement conquis un nouveau public, différent de ceui qui compose l'auditoire habituel de la télévision sur le temps de midi.
Mais, comme le révèle le graphique, la courbe d'audience retombera ensuite aux environs des 250.000 personnes la dernière semaine d'avril, et s'effondrera en début mai. Le programme perd alors jusqu'à 100.00 spectateurs. Cette désaffection soudaine n'est pas étrangère au changement de programmation survenu le 29/4. A partir de cette date, faute de nouveaux enregistrements, l'émission se met en mode rediffusion. L'auditoire résiduaire est sans doute plutôt composé de membres du public additionnel que le programme avait conquis lors de la crise, une partie de ses habitués n'ayant pas souhaité revoir une seconde fois le parcours du "maître du jeu" Paul, déjà diffusé l'an dernier exctement à pareille époque.
Les victoires d'audience dues au covid peuvent s'avérer fragiles. Et peu résistantes lorsque la matière fraîche vient à manquer…
F.A.
(1) Pour autant que cette différence soit statistiquement significative dans l'échantillon de base de la mesure audimétrique.
Le « doute systématique du journaliste » face au grand incendie : Suite et fin…
(suite du récit du post précédent)
Variante 1.
Vers minuit, les flammes commencèrent à attaquer l’autoroute
sud, mais elle peinèrent à traverser la large saignée que le ruban de bitume
avait opéré au milieu de la forêt. L’incendie se propageait de voiture en
voiture, et seules les explosions de réservoirs permettaient au feu de
progresser. Quasiment tous les occupants des véhicules avaient pris la fuite
lorsqu’ils avaient vu l’impossible devenir réalité. Seuls quelques-uns
n’avaient pu sortir à temps. À l’extérieur, des familles entières s’étaient
retrouvées cernées par l’incendie, d’autres n’avaient pas résisté et avait
succombé aux fumées et au manque d’air.
À 3h du matin, un orage survint. La pluie fut torrentielle.
En quelques minutes, les attaques de feu qui avaient traversé l’autoroute s’éteignirent. À l’autre bout de la forêt,
dans les tours de logements sociaux récemment rénovés qui constituaient la
dernière banlieue de la ville, les habitants qui n’avaient pas fui n’avaient
pas dormi. La plupart étaient restés sut leur balcon, les yeux rivés vers le
sud, comme fascinés. L’orage les sortit de leur hébétement. Ils comprirent en
quelques minutes que la catastrophe n’arriverait pas jusqu’à eux.
Les stations de télévision qui avaient placé des caméras sur
les toits des immeubles avaient capté, de loin, l’arrêt de la tragédie. En
ville aussi, ceux qui n’étaient pas partis ressentirent un immense soulagement.
On se mit à sortir dans la rue. « Je savais que cela n’arriverait pas,
qu’on n’aurait pas à partir ! », entendait-on souvent. « C’était
impossible, ils avaient imaginé cela pour nous faire peur, pour nous forcer à
fuir », disaient de leur côté des membres des comités citoyens.
Au matin, la vie avait repris quasiment normalement. La
pluie séchée, les terrasses étaient pleines, les gens faisaient leurs courses
dans les magasins. À peine percevait-on au fond de l’air une très légère odeur un peu âcre.
Au sud de la ville, le gouvernement dépêcha rapidement des
forces de sécurité pour évacuer au plus vite les corps carbonisés des familles
prises au piège sur ou près de l’autoroute. L’affaire fut rondement menée. La
remise en circulation de la large voie rapide prit, elle, beaucoup plus de
temps que prévu. Les médias, qui avaient continué à passer au crible de la
critique systématique toutes les communications officielles, ne manquèrent pas
de le relever. Ils s’interrogeaient sur la non-tenue d’une promesse qui
entraînait des encombrements de circulation importants, tout l’accès sud de la
capitale devant se reporter sur d’autres axes, ainsi que tout le trafic de
transit. Plusieurs journaux mirent en avant l’incurie des pouvoirs publics et
dénoncèrent le manque de moyens mis en œuvre par les autorités pour que la
‘normalité’ revienne au plus vite. On se demanda quel intérêt le gouvernement
avait à faire traîner les choses.
D’autres médias s’intéressèrent plutôt à la manière dont les
victimes décédées auprès et sur l’autoroute avaient été traitées, le
gouvernement s’étant dès la fin de l’incendie engagé à prendre tous les frais à
sa charge. L’enquête menée par un collectif de journalistes mit au jour que les
juteux contrats des mises en bière et de
la fourniture des cercueils, notamment, avaient été passés en urgence, sans
appel d’offre international. Et qu’ils avaient été attribués à une société
dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de la
ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier
ministre eût beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on
parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement
n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le
rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un
acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les
choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard,
l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.
Variante 2.
Pendant le reste de la nuit, la force du vent décupla. Le
feu joua à saute-mouton avec les voitures immobilisées sur l’autoroute, et
passa sans embûches cette frontière naturelle, l’explosion des réservoirs lui
permettant de rebondir rapidement.
Avant l’aube, toute la forêt précédant les premières
banlieues avait été mangée. L’incendie se mit à attaquer les immeubles tours de
logements sociaux des quartiers sud. Les matériaux bon marché qui avaient servi
à leur rénovation n’étaient pas résistants au feu. Des bâtiments s’enflammèrent
comme des torches. Très longtemps, les habitants qui étaient restés sur place
avaient cru que le brasier ne les atteindrait pas. Même devant sa progression
fulgurante, certains restèrent comme hébétés. Les cages d’escaliers des
immeubles furent prises d’assaut au dernier moment. Ou s’y bouscula. Les plus
vieux furent écartés par les plus jeunes. Des enfants furent perdus. Arrivés à
l’extérieur, les occupants devaient encore trouver vers où fuir les flammes qui
ne cessaient de progresser. Tout le monde se précipitait dans la même
direction. Là aussi, il y eut des morts et des blessés. D’autant que, au fil
des minutes, la foule des fuyards était rejointe par les habitants d’autres
quartiers, d’autres rues, que les flammes commençaient aussi à attaquer. Les
comités citoyens avaient branché leurs tuyaux d’arrosage un peu partout, et
faisaient de leur mieux pour ralentir l’avance du feu. Mais la petite section
des tuyaux et la faible pression de l’eau sur le réseau rendaient ces efforts
surhumains quasiment inutiles…
Pendant tout le début de la matinée, le feu remonta la ville
vers le nord. Au milieu de la capitale, le fleuve coupait la cité en deux. Son
lit était ici particulièrement large. Seuls quelques ponts le traversaient. Les
experts consultés par le gouvernement avaient misé sur cette frontière physique
pour arrêter le sinistre. L’information avait été communiquée aux médias, mais
ceux-ci étant dans l’incapacité d’en vérifier l’exactitude, elle avait été à
peine mentionnée. Une partie de la population étant persuadée que jamais
l’incendie n’arriverait en ville, à quoi bon bâtir des scénarios liés à
l’hypothèse inverse ?
À midi, le feu était au bord du fleuve. Comme prévu, il ne
tenta de la traverser que via les ponts. Sur l’autre rive, les autorités
avaient rassemblé toutes les forces de secours disponibles, ainsi que
l’ensemble des renforts des casernes de pompiers. Le combat fut rude, mais
finit par être remporté. La progression de l’incendie se limita à une rive.
L’autre fut sauvée.
Réfugiée dans un bunker ignifugé bâti jadis en cas de conflit
nucléaire, la cellule ultime de crise du gouvernement essayait de suivre
les événements à distance, via des caméras de surveillance encore en fonction. Celles-ci
montraient aussi les foules de gens perdus, rattrapées par l’incendie, les personnes
surprises dans les encoignures où elles se pensaient à l’abri, les enfants
piétinés lorsque tout le monde se ruait dans la même direction…
Plusieurs entreprises de presse, dont le siège se trouvait
sur la mauvaise rive du fleuve, avaient évacué leur personnel en urgence, et
leurs bâtiments avaient été attaqués par le feu. Seules les grandes sociétés
multimédias, qui avaient bâti de nouvelles infrastructures sur l’autre rive,
purent continuer à couvrir une actualité que, de toute manière, plus personne
ne pouvait suivre dans les quartiers sinistrés privés d’électricité, de
téléphone et de wifi.
Le lendemain de la fin de l’incendie, le gouvernement
engagea d’immenses moyens afin d’évacuer les corps des victimes brûlées,
écrasées ou asphyxiées dans leur fuite. L’armée fut chargée de l’opération. Des
contrats furent passés en urgence avec des entreprises de terrassement pour évacuer
les parties d’immeubles effondrés, ainsi que tout ce qui avait brûlé. Des
sociétés de démolition détruisirent ce qui menaçait de s’effondrer. Sauf dans
les banlieues sud, que le gouvernement décida de ne pas raser mais de laisser
plus ou moins en état, sous forme d’un « Parc-mémorial du souvenir ».
Les journalistes ressortirent alors les vieux projets qu’ils avaient redécouverts
avant l’incendie. Cela suscita un trouble dans les esprits. En effet, au même
moment, le gouvernement proposait aussi de remodeler l’allure des quartiers
plus centraux du sud la capitale, eux aussi touchés par le sinistre. Un nouveau
plan d’aménagement fut commandé à un bureau d’experts. L’un ou l’autre média
osa la formule : « Décidément, il n’y a jamais de fumée sans
feu… »
Un groupe de journalistes-investigateurs éplucha aussi tous
les contrats passés suite à l’incendie. Des irrégularités furent constatées à
plusieurs endroits. Notamment suite à l’attribution de certains marchés à une
société dirigée par le frère de la cousine de la sœur du nouveau compagnon de
la ministre de l’Enseignement. L’affaire fit énormément de bruit. Le Premier
ministre eut beau déclarer que, cette liaison étant très très récente (on
parlait de trois à quatre jours avant l’incendie), personne au gouvernement
n’en avait connaissance. Il affirmait qu’il était impossible de faire le
rapprochement. Rares furent ceux qui le crurent. La collusion de l’État avec un
acteur privé, voire l’intérêt que le gouvernement avait dû avoir à ce que les
choses se passent ainsi, était sur toutes les lèvres. Quelques mois plus tard,
l’équipe ministérielle le paya cash lorsque se tinrent des élections.
15 mai 2020
Le « doute systématique » du journaliste face à la menace du grand incendie
Poussé par des
vents violents, impossibles à maîtriser, l’incendie de forêt s’était rapproché
de hameaux situés à une cinquantaine de kilomètres au sud des premières cités
de la banlieue.
« Vus la vitesse et le sens du vent, les experts estiment
qu’il sera sur la capitale dans mois de 48h » a commencé par affirmer la
ministre de la Sécurité dans un communiqué. Quelques heures plus tard, le
Premier ministre convoquait un comité interministériel qui prenait des mesures
d’urgence. À la sortie, le chef du gouvernement tenait une conférence de
presse.
« Pour l’heure, il n’y a qu’un conseil à donner. Dans un rayon de 30
km autour du centre-ville, tout le monde doit arrêter ses activités et fuir son
domicile, en direction du nord ou de l’est du pays. Un plan d’exode par
quartier, heure par heure, a été établi. Il faut strictement s’y respecter.
C’est la seule chose à faire si vous voulez échapper à la mort. »
C’est en petit
nombre que les journalistes avaient assisté à la conférence de presse. Les
communications du gouvernement, ils en connaissaient la musique ainsi que la propension
aux ‘effets d’annonce’. Leur fréquence les rendait toutes moins intéressantes
les unes que les autres. Et que cette dernière clôture une réunion spéciale n’y
changeait pas grand chose.
Dans
l’audiovisuel, cet événement n’avait pas interrompu les programmes habituels.
Séries, jeux, divertissements et musique occupaient les antennes. Au cours des
flashs infos horaires, les radios se contentaient d’annoncer, de manière
laconique, que le gouvernement avait tenu une conférence de presse pour inviter
la population à quitter la capitale, et justifiait la mesure par la présence
d’un incendie en province. Sur le fil info des quotidiens en ligne, la
conférence de presse avait été traitée parmi les autres nouvelles, entre le
transfert d’une vedette d’un club de foot brésilien et un accident d’autocar en
Arizona, où deux habitants de Phoenix avaient trouvé la mort, une quarantaine ayant
été blessés.
Le contenu de la
conférence de presse était bien arrivé sur le desk de tous les médias, mais
elle n’y avait pas échappé au filtre du « doute systématique » que tous les
journalistes de la contrée avaient coutume d’appliquer aux communications
gouvernementales. Un réflexe qu’on leur avait appris lors de leurs études, où
leurs (vieux) professeurs avaient tout fait pour qu’une fameuse formule
descartienne, détournée en « Dubito, ergo sum », devienne chez eux une attitude
innée dès qu’ils auraient à appréhender et évaluer une source informationnelle.
« Quand une instance officielle communique, demandez-vous toujours à qui
profite le crime », avait coutume de leur répéter un de ces mentors lors de
ses enseignements.
La
recommandation, vraisemblablement, avait fait mouche. Les générations de
journalistes issues des universités et établissements d’enseignement supérieur
semblaient toutes marquées au fer rouge par la maxime qu’on leur avait inculquée.
Les gouvernements du pays ne faisant que passer tout en se ressemblant tous un
peu, chaque fait, geste ou déclaration des ministres, hauts fonctionnaires,
conseillers… bénéficiait dans les rédactions du même accueil, immanquablement
dubitatif. Pour éclairer leurs doutes, les journalistes convoquaient à chaque fois
les recommandations qu’on leur avait inculquées, à commencer par celle qui
proposait de passer toute nouvelle à la moulinette de la critique historique.
Et notamment de le soumettre à la « critique d’interprétation » qui recommande
de dépasser la simple lecture factuelle et évidente d’une nouvelle pour aller en
rechercher le sens caché, en faire l’exégèse. « Ils ont dit cela. Mais que
voulaient-ils réellement dire? Que se cache-t-il derrière la palissade leur
communication? »
Les messages des
politiques à propos de l’évacuation en 24h des cinq millions d’habitants de la
région-capitale n’avaient pas échappé à la règle. Les médias n’avaient pu
éviter de transmettre le contenu de la conférence de presse, mais l’avaient pris
en considération au même titre que n’importe quelle autre information. En
s’interrogeant sur le bien fondé de pareille évacuation. Ou en se questionnant
sur les raisons réelles qui poussaient le gouvernement à faire vider la ville,
en commençant par les quartiers moins favorisés de la banlieue. Le but final de
la mesure était-il de réellement d’éviter qu’un grand nombre de citoyens
périssent dans ou à cause des flammes?
Dans certains
médias, des journalistes qui se voulaient plus aguerris ou plus foncièrement
critiques disaient n’être pas prêts à relayer les injonctions des autorités. Ils
avaient rapidement dressé un inventaire des moyens de lutte contre les
incendies, et celui-ci démontrait qu’ils étaient peu nombreux. Un petit nombre
de casernes. Des brigades de pompiers relativement peu entraînées. Et, surtout,
un matériel vieillissant, pas remplacé depuis des années pour raisons
d’austérité budgétaire et d’abandon des questions de défense civile par les
autorités centrales. Sur base de ces premières infos issues d’enquêtes
journalistiques, des chaînes de télévision s’étaient mises à réaliser des reportages
dans les centres de secours. Ils révélaient leur aspect délabré et la
non-préparation des équipes. Il suffisait de regarder l’une de ces séquences
pour conclure que, face à la progression du feu dans des quartiers à l’abandon,
les rares lances et autopompes ne feraient rapidement pas le poids.
Ces émissions,
complétées par les articles en ligne publiés sur les sites des quotidiens de la
capitale, avaient été fort suivies, et avaient marqué la population. Nombreux
étaient ceux qui en concluaient que, si le feu progressait et arrivait à
proximité des quartiers d’habitations alors que les résidents avaient fui au
loin, ils risquaient de tout perdre. Des discussions avaient ensuite pris le
relais sur les réseaux sociaux. « Qui sont ceux qui sont les plus aptes
à combattre en grand nombre pareille catastrophe? C’est nous, les habitants.
Quand on lutte pour la défense de son bien, ne voit-on pas ses forces décupler ?
Nous devons rester ici ! »
Toute la soirée
et le début de la nuit, les forces de police avaient sillonné les artères de la
ville et de ses banlieues pour enjoindre tout le monde de partir se réfugier
ailleurs, en emportant le strict minimum. Mais, en petit nombre, les
représentants de l’ordre n’avaient pas eu la force, ni les moyens, de sonner à
chaque porte pour pousser chacun à passer à l’acte.
Le lendemain
matin, il faisait plein soleil, l’air était pur et un léger vent rafraîchissait
l’atmosphère. La circulation sur les boulevards extérieurs et les entrées
d’autoroutes était plus dense que d’habitude, mais on ne recensait pas de réel
blocage du trafic pour sortir de la ville.
Comme à l’accoutumée, les terrasses étaient bondées, et de nombreux chalands
faisaient des courses dans les magasins. Les écoles et les bâtiments publics
étaient fermés, mais cela ne semblait pas préoccuper grand monde. Les médias
relataient cette étrange situation, donnant la parole à tous les citoyens :
ceux qui avaient choisi de partir, la peur au ventre. Mais aussi ceux qui
avaient préféré rester. Ces derniers reprenaient souvent les arguments entendus
sur les réseaux sociaux, et affirmaient qu’ils allaient créer des milices
civiles de protection locale qui, le cas échéant, protégeraient les maisons et
les immeubles.
Dans les magasins de jardinage, le prix du
mètre de tuyau d’arrosage se mit rapidement à grimper, et les extincteurs devinrent
introuvables, tout comme les bêches et les pelles. Développant leur questionnement
sur les véritables raisons de la décision gouvernementale, certains
journalistes avaient remis la main sur des projets officiels, datant d’une
dizaine d’années, qui avaient envisagé de transformer en parcs certains
quartiers trop peuplés, de réaliser un lac à la place du centre d’une des
banlieues de la capitale, et de transformer une cité d’anciennes maisons ouvrières
en un quartier de villas avec piscine. Le dossier avait disparu lors d’un
changement de majorité, et la dernière crise financière paraissait l’avoir
enterré. Mais qui pouvait être sûr qu’il ne continuait pas à sommeiller dans un
coin de la tête de l’un ou l’autre dirigeant ? Les articles reprenant ces
projets suscitèrent un vif émoi chez tous ceux qui en avaient oublié
l’existence, ou n’en avaient jamais entendu parler. C’était de plus en plus sûr
: il y avait une face cachée à cette décision politique là.
En fin de journée, voyant qu’une part
importante de la population ne se décidait pas à abandonner son domicile, le
gouvernement demanda au ministre de la Défense de faire circuler quelques
convois militaires dans les artères de la ville. Leur arrivée, prévenue par des
alertes citoyennes sur internet, amena sur les boulevards une foule de
plusieurs milliers de personnes qui se mirent à desceller des pavés et à les
jeter sur les camions en criant qu’ils défendraient leur bien et ne partiraient
jamais. Les forces armées n’insistèrent pas. L’événement étant factuel et
marquant, il fut retransmis dans les JT du soir. On y apprenait aussi que,
selon les autorités, l’incendie de forêt avait progressé de plusieurs
kilomètres. Mais les témoignages recueillis localement étaient plutôt
rassurants. Des pompiers affirmaient que le feu pourrait être circonscrit. Des
fermiers témoignaient qu’ils avaient l’affaire à l’œil. Personne n’était
inquiet. Dans la ville, le temps était doux et sec. La soirée fut paisible.
La nuit, le vent se leva d’un coup, avec de
fortes bourrasques. À 7h du matin, le gouvernement essaya de lancer un message
d’urgence via les médias : des premiers indices de l’incendie avaient été
repérés au bord de la grande forêt qui entourait la banlieue sud. Il fallait
impérativement partir. Prises d’un doute, comme il se devait, les rédactions
essayèrent de recouper l’information. Mais il était impossible d’accéder à la
zone, et tout survol était interdit. On tenta d’utiliser des drones. Les images
recueillies ne furent pas convaincantes. Les médias dirent donc que, selon le
gouvernement, le feu était en progression, et qu’il enjoignait les citadins à
partir.
Mais que l’information sur la progression de
l’incendie ne pouvait être vérifiée.
À midi, le vent fit planer une légère odeur de
bois brûlé au-dessus des premières cités. Dans l’après-midi, des photos
postées sur les réseaux sociaux et reprises par les sites des médias montraient
un peu de fumée s’élever dans le lointain du ciel. Vers 18h, des journalistes dépêchés
dans la zone confirmaient avoir vu de petites flammèches ramper dans quelques
coins de la forêt. Vers 20h, des relents de feu commença à pénétrer dans la
ville. Les citoyens qui avaient proposé de constituer des milices lancèrent via
le web des appels aux volontaires. Quelques dizaines de personnes se
retrouvèrent à divers points de rassemblement, amenant avec eux du matériel
hétéroclite, puis se mirent à chercher des points d’eau. De nombreuses portes
étaient closes.
Du côté des boulevards, la circulation prit
subitement une ampleur inégalée. Engorgées, les bretelles d’autoroute ne
parvenaient plus à absorber le flux des voitures. Aux quatre coins de la
capitale, sur des dizaines de kilomètres, des véhicules bondés étaient à
l’arrêt. Rien n’avançait. Le blocage semblait total. Au sud de la capitale,
dans la noirceur de la nuit, près de l’autoroute, les automobilistes naufragés
pouvaient apercevoir comme une lueur orangée, un peu scintillante, qui semblait
chaque minute se rapprocher davantage. Sur la brèche, les médias se mirent à
couvrir la situation en direct. En studio, les éditeurs se demandaient quels
conseils donner à ces milliers de citadins perdus dans leur fuite.
Quelle sera la fin de ce récit
purement imaginaire ? Un autre post en imagine deux…
F.A.
F.A.
10 mai 2020
Un peu de télé-réalité dans ce monde confiné
S'évader de son univers étriqué en période confinée assure évidemment en prime-time le succès de Koh-Lanta (voir un post antérieur), mais pas que. RTL-TVI décline depuis quelques années deux programmes du genre qui s'inscrivent souvent dans le peloton de tête des audiences de chaque semaine. La crise du coronavirus leur a-t-elle profité? Petit coup d'oeil sur Top Chef (lundi soir) et Marié au premier regard (mardi soir).
Top Chef est une production implantée depuis 2010 sur RTL-TVI, même si c'est en fait un programme conçu et réalisé depuis la même année pour la chaîne française M6 et que, depuis que celle-ci a choisi de le proposer en première diffusion, sa petite sœur belge ne peut l'offrir qu'avec retard à ses spectateurs (1). Afin de le rendre proche de l'audience belge, le programme intègre chaque année des candidats venant de Belgique et, la plupart du temps, on veille à en conserver au moins un jusqu'aux dernières étapes de cette télé-réalité.
Marié au premier regard, qui est comme l'autre émission une adaptation d'un format international, a entamé sa carrière sur M6 à l'automne 2016. Se basant sur la manière dont la chaîne avait formulé l'émission pour le public français, RTL-TVI a ensuite produit une première version belge francophone, diffusée à l'automne 2017. Suite aux remous suscités dans cette partie du territoire par le concept (déjà existant en Flandre), mais aussi en raison du succès d'audience de cette première édition, une deuxième série de cette télé-réalité a été proposée en 2019 et la troisième à partir de fin février 2020.
Avant et pendant la crise
L'intérêt de ces deux programmes vis-à-vis de la crise covid-19 est d'avoir entamé leur diffusion avant le confinement officiel (le mercredi 18 mars), et d'avoir occupé le prime-time de la chaîne privée chaque semaine depuis lors (ou jusqu'à la fin du 'feuilleton 2020' pour Marié au premier regard, dont l'épisode final a été proposé le mardi 21 avril).
L'audience, incontestablement, a été au rendez-vous pour les deux programmes.
De manière générale, les deux émissions rassemblent en période de crise covid entre 500.000 et 600.000 téléspectateurs, et ils dépassent clairement les 600.000 si l'on prend en compte ceux qui ont non seulement suivi ces télé-réalités au moment de leur diffusion linéaire (et J+1), mais aussi au cours des six jours qui ont suivi.
Partant du fait que ces télé-réalités sont diffusées les lundi et mardi soir et que le confinement a débuté un mercredi, il faut considérer que l'impact de l'enferment sur l'audience a été effectif à partir de la semaine suivante, soit celle commençant le 23/3. Mais il est évident que des restrictions d'accès et de circulation étaient déjà de mise au début de la semaine précédente, et ont inféré sur l'usage de la télévision par son public.
Après avoir connu plusieurs semaines de baisse, l'audience Live+vosdal de Top chef remonte dès ce premier moment au niveau de son émission de lancement, soit près de 500.000 spectateurs. Elle diminuera un peu lors de la 'vraie' première semaine de confinement, mais recommence ensuite à croître pour se stabiliser au-dessus de 500.000 spectateurs par semaine. La course de l'audience Live+7 présente une configuration identique.
Pour Marié au premier regard, la croissance de l'audience Live+vosdal se manifeste à partir de la semaine du 23/3. Auparavant, le programme avait débuté sur un mode mineur, aux alentours de 350.000 spectateurs. Il frise les 500.000 à partir du 24 mars, et dépassera les 550.000 pour ses ante-pénultième et avant-dernière diffusions. Etonnamment, l'audience de l'épisode final où réside la 'résolution' du programme ("vont-ils ou non rester mariés") attire un peu moins de spectateurs. Sans doute parce que les principaux rebondissements du scénario (et notamment le refus de se marier exprimé devant le bourgmestre par un des candidats lors de la cérémonie elle-même) avaient déjà donné le ton lors des épisodes antérieurs.
Ce même léger effritement se retrouve aussi dans l'audience Live+7.
Divergences dans l'apport de spectateurs
L'impact du confinement est-elle déterminante sur le volume d'audience de ces moments de divertissement?
Sur l'ensemble des émissions diffusées de son lancement au début mai, la moyenne d'audience Live+vosdal de Top Chef est de près de 500.000 téléspectateurs. Si l'on ne prend en compte que la période de confinement, l'audience gagne 65.000 personnes par rapport au temps d'avant, soit une peu plus de 10%. Pour Marié au premier regard, la hausse est plus marquée: + 115.000 spectateurs environ, ce qui représente une peu plus de 20%. Mais il faut nuancer ces données par le fait qu'elles s'étalent sur moins de semaines, et que la période hors confinement y est plus brève.
En ce qui concerne l'apport de l'audience différée, celle-ci ne varie pas en pourcentage de manière significative. Top Chef compte une audience importante, et fidèle. Environ 15% de ses spectateurs regardent toujours l'émission plus de 24h après sa diffusion. Ne pas être présent au moment de la transmission linéaire ne paraît pas empêcher une part de l'audience de suivre le programme. Il n'y a que deux semaines, autour du début du confinement, où le public augmente d'une vingtaine de pourcent quand on tient compte de l'audience différée. Le contenu permanent de l'émission (l'élaboration des productions culinaires) peut y être considéré comme plus déterminant que les rebondissements de sa composante compétitive.
Le comportement du public de Marié au premier regard est plus erratique. L'émission est moins regardée en différé, et la part d'audience à plus de J+1 varie selon les semaines. L'audience semble réagir au fur et à mesure de l'évolution de l'histoire. Les rebondissements de la narration y jouent un rôle essentiel, et le fait de suivre ceux-ci au moment de la diffusion linéaire paraît important.
Grâce à l'enfermement?
L'audience 2020 est-elle exceptionnelle? En comparant par n° d'épisode l'audience des deux programmes cette année et celle de 2019, les résultats obtenus en fin de période, c'est-à-dire sous confinement, s'avèrent plus élevés que ceux recueillis en 2019.
Cette année-là, après une période de relative stabilité, l'audience de Top Chef avait décru, sans doute par usure et suite à la disparition de compétiteurs belges. Mais elle n'a quasiment jamais cessé de dépasser les 500.000 spectateurs. Au cours de cette année-ci, la morphologie de la courbe des première semaines est assez similaire à celle de 2019. Ensuite, l'inversion des tendances entre les deux années correspond à l'étalement de la période de confinement.
La comparaison est moins aisée pour Marié au premier regard car la télé-réalité comptait moins d'épisodes l'an dernier. Dans les deux cas, la tendance générale de la courbe est cependant identique: l'audience croît d'émission en émission, au fil de la construction du récit global et de l'entremêlement de plus en plus complexe entre les récits liés aux histoires propres aux différents couples. Une sorte de 'bouche à oreille' semble contribuer à construire la réputation du programme et à en gonfler l'audience. L'an dernier, celle-ci avait augmenté quasiment chaque semaine. En 2020, les 600.000 spectateurs atteints, ce résultat paraît constituer le plafond que l'émission ne peut dépasser.
Ces données figurent évidemment en chiffres absolus. La part de l'audience attirée par ces programmes a-t-elle suivi la même audience?
La comparaison par semaine des PDM (Live+7) de Top Chef révèle que celles-ci ne sont, la plupart du temps, pas supérieures à celles de 2019, sauf en début de confinement. L'an dernier, la moyenne de PDM était de 32%. Elle est au même niveau cette année, légèrement supérieure avant le confinement et légèrement inférieure pour la période du confinement.. La légère hausse du nombre de spectateurs n'infère que de manière infime sur la part d'audience du programme. L'intérêt pour cette production reste proportionnellement identique.
Pour Marié au premier regard, les parts d'audience 2020 avant covid sont inférieures à celles de l'an dernier. Par la suite, elles sont à peu près équivalentes. La moyenne de PDM de la télé-réalité a été de 28% cette année, soit à peine 1% de PDM de plus que l'an dernier. Mais la proportion du public de téléspectateurs ayant suivi le programme avant le confinement ne représentait que 25% de PDM, alors qu'après le début de la crise, la part de marché atteint 30%. L'intérêt pour cette émission a proportionnellement augmenté.
Si les chiffres absolus liés à la crise covid fournissent en 2020 de bons résultats à ces programmes, cet élément est, dans un des cas, à nuancer en se référant à la part de marché du programme. Mais c'est d'abord leur ADN télévisuel et narratif qui permet d'expliquer le comportement global de l'audience au cours de la diffusion de ces télé-réalités.
Hors crise covid, il n'est pas certains que les résultats d'audience 2020 auraient été aussi élevés que ceux de 2019.
Frédéric ANTOINE.
(1) sur M6, Top Chef est diffusé le mercredi à partir de 21h05, et le même épisode est proposé sur RTL-TVI le lundi suivant en début de prime-time (soit avant 21h05). Cette pré-diffusion française, inaccessible à tous les Belges qui ne peuvent pas capter M6 par TNT et sont donc 'prisonniers' d'une transmission par câble de RTL-TVI, n'empêche pas le programme de réaliser de beaux résultats d'audience. En 2010 déjà, l'émission se plaçait en 51e place dans le Top 100 des meilleures audiences belges francophones du CIM.
08 mai 2020
Matinale radio : la "capitulaïsation" du mariage de la carpe et du lapin…
Le vendredi 8 mai voit se terminer sur la RTBF une expérience (en partie) radiophonique peu commune, entamée le lundi 23 mars, premier jour de la première semaine complète de confinement en Belgique : la réalisation de l'émission Le 6-9 ensemble. Le bilan de l'expérience permet de tirer quelques leçons sur ce qui fut en quelque sorte le mariage d'une carpe et d'un lapin.
Un produit hybride
Imaginée pour n'être diffusée qu'en période de confinement, et essentiellement conçue pour continuer à produire avec de petits effectifs deux programmes à l'origine totalement différents, cette émission à la fois radiophonique et télévisuelle peut être perçue comme un produit hybride de deuxième génération, fruit d'une greffe entre la matinale de la chaîne de radio La Première et une production antérieure, elle-même déjà issue d'une hybridation entre une partie de la matinale de la radio Vivacité et une émission de télévision diffusée sous la marque Vivacité, mais dont la majeure partie n'est pas diffusée sur les ondes de ce réseau radiophonique.…
Imaginée pour n'être diffusée qu'en période de confinement, et essentiellement conçue pour continuer à produire avec de petits effectifs deux programmes à l'origine totalement différents, cette émission à la fois radiophonique et télévisuelle peut être perçue comme un produit hybride de deuxième génération, fruit d'une greffe entre la matinale de la chaîne de radio La Première et une production antérieure, elle-même déjà issue d'une hybridation entre une partie de la matinale de la radio Vivacité et une émission de télévision diffusée sous la marque Vivacité, mais dont la majeure partie n'est pas diffusée sur les ondes de ce réseau radiophonique.…
Pour rappel, ce produit audiovisuel quasiment indéfinissable était jusqu'à l'arrivée du confinement divisé en deux parties: entre 6 et 8h du matin, Le 6-8, une émission de télévision à mi-chemin entre talkshow et info service, plutôt low-cost, diffusée sur le réseau de La Une télé, mais produite sous la marque Vivacité, et réalisée sur un plateau conçu comme un mix entre studio de radio et de télévision. Et, de 8h à 10h30, la diffusion simultanée sur les ondes de Vivacité et sur La Une télé, de deux émissions réalisées sur ce même plateau: de 8 à 9h, l'émission de divertissement Le 8-9, puis jusqu'à 10h30 le talk avec les auditeurs C'est vous qui le dites.
On a déjà beaucoup commenté ce concept quasiment inédit (1), dont on ne rencontre pas beaucoup d'exemples comparables à l'extérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où se mêlent codes de la radio de la télévision, mais dont la particularité est de ne pas modifier ces codes alors que la première tranche diffusée n'est proposée qu'en télévision, et que la deuxième fait, elle, l'objet d'une transmission à la fois radiophonique et télévisuelle.
De info ou du talk-show?
L'originalité 'au carré' du 6-9 ensemble est d'ajouter une troisième dimension à ce mille-feuilles, en y intégrant jusqu'à 9h du matin la tranche matinale de La Première, qui n'a a priori aucun point commun ni avec le contenu talk-service du 6-8, ni avec celui de l'offre de divertissement du 8-9. On peut comprendre que, en situation de crise, la solution choisie par l'opérateur public ait été de réduire son offre afin de concentrer ses moyens. Au cours de la période de confinement, la même situation a été vécue dans d'autres secteurs médiatiques. En France, par exemple, de nombreux quotidiens régionaux ont drastiquement réduit leur offre d'éditions régionales pendant la période de confinement.
Mais l'option choisie ici est de nature quelque peu différente.
Le site Auvio de la RTBF situe Le 6-9 ensemble dans sa rubrique "divertissement", et classifie l'émission comme un "talk-show". Ces caractéristiques sont celles qui étaient aussi utilisées pour définir Le 6-8 et Le 8-9. Mais cette catégorisation ne correspond toutefois pas à celle de la matinale de La Première qui, sous la dénomination Matin Première, présente en fait deux tranches différentes: un 6-7h présenté par une journaliste, et un 7-9 animé par un autre journaliste. Toujours sur Auvio, la RTBF positionne elle-même cette émission dans sa rubrique "info", et la qualifie de "magazine". Ce qui ne manifeste pas vraiment une même nature que le 6-8 et le 8-9.
Il est marquant de constater que ce sont les caractéristiques de ces derniers programmes qui ont, in fine, été utilisés pour identifier Le 6-9 ensemble.
Des tonalités sur tranche
Pourtant, sur Auvio, le texte de présentation de ce nouveau programme se termine par la phrase « Un rendez-vous qui sera autant informatif que "feel good". » L'intention du présent petit article n'est pas de mener une analyse de contenu approfondie de l'émission. L'inventaire des rubriques qui constituent l'essentiel des deux programmes permet toutefois d'apprécier la manière dont le 'cocktail' a été réalisé.
La première impression est que, dans Le 6-8, la tonalité des tranches 6-7 et 7-8 diffère sensiblement. La première tranche, où l'animation reste entre les mains de la présentatrice habituelle du programme télévisé, s'apparente plutôt dans sa première demi-heure à un programme de talk-show service, où la connivence est manifeste avec les invités, à qui on s'adresse de façon amicale. Au cours de la deuxième demi-heure y apparaissent par ailleurs des séquences classiques de type 'news', comme une revue de presse ou une chronique économique, qui conservent (sauf dans leur mécanique de relance) une morphologie assez conventionnelle.
Dans la seconde tranche, où l'animatrice joue en duo avec le présentateur attitré de la tranche 7-9 de Matin Première, la part d'éléments de nature informationnelle semble prépondérante, et l'adjonction du côté 'service', qui ne figure pas d'ordinaire dans la matinale de La Première, est plus faible. Dans Le 8-9, les choses s'inversent. Les chroniques légères et le divertissement prédominent largement. L'information n'est plus présente que de manière ténue. Entre 6 et 8 heures, le modèle s'apparente à un magazine d'informations, en version light par rapport au contenu habituel de la matinale de La première. De 8 à 9 heures, l'émission s'inscrit dans les rails du 8-9 habituel. Le seul élément de continuité entre les deux programmes, désormais réunis sous la seule bannière du 6-9 ensemble, est le ton de l'animation, assurée de 7 à 9 heures par la présentatrice habituelle du 6-8 et par le journaliste-présentateur de Matin Première. Mené de manière dialoguée, le ton se veut léger, enjoué, et ne mise pas trop sur le caractère 'sérieux' que l'on retrouve plutôt, du moins jusqu'à 8 heures, au sein-même des rubriques, chroniques et interviews.
Pour l'audience la plus forte
L'axe majeur de chacune des tranches ne paraît donc pas avoir été forgé en fonction de l'identité d'ensemble du produit, mais en tenant compte du volume d'audience potentiel dominant de chacune de ses composantes originelles. Dans ce cadre, la part de la consommation télévisuelle du programme restait bien inférieure à l'audience récoltée, en ce moment privilégié de prime-time radiophonique, par les deux chaînes de radio associées à l'opération.
Quelques données disponibles sur 2018-2019 situent le reach du programme télévisé à un peu plus de 80.000 spectateurs pour Le 6-8, et à un peu moins pour Le 8-9. En radio, (31/08/2019-05/01/2020), Vivacité compte près de 70.000 auditeurs à 6h du matin, plus de 200.000 aux alentours de 8h et à peine moins vers 9h. La Première en totalise plus de 65.000 à 7h, près de 90.000 à 8h et 56.000 à 9h. Entre 6 et 8h, l'audience de Vivacité radio ne concerne pas Le 6-8, puisque à ce moment-là le réseau radio est à l'heure de ses décrochages régionaux. L'audience qui prime à ce moment est celle de La Première, et il est logique que Le 6-8 se mâtine des couleurs de cette station de radio. Mais cela ne peut plus être de mise au-delà de 8h, lorsque Vivacité rejoint La Une pour la diffusion du 8-9. D'autant que, à ce moment-là, l'auditoire radio de l'émission est beaucoup plus importante que celui de la télévision.
Pâte homogène ou brouet grumelé?
Nous ne disposons pas de données permettant de confronter ces data habituelles avec la situation vécue lors de la crise covid. On ne peut toutefois s'empêcher de se demander si, au final, le mélange conçu à partir du talk-show tv et du magazine d'infos de La Première, puis entre ce dernier et le talk-show commun de Vivacité et de La Une, a contribué à produire une pâte homogène, prête à lever.
Ou si le produit final n'est pas resté grumelé, voire dans l'impossibilité de réussir le mélange de ses composantes. En raison des circonstances, on aura tendance à être positif, et à considérer que chacun a fait contre mauvaise fortune bon cœur, en donnant du sien autant que faire se peu. Mais de bonnes intentions conduisent-elles à réaliser de bonnes productions, non seulement digérables par mais aussi goûteuses pour ceux qui les consomment? Permettons-nous de laisser la question ouverte.
Ou si le produit final n'est pas resté grumelé, voire dans l'impossibilité de réussir le mélange de ses composantes. En raison des circonstances, on aura tendance à être positif, et à considérer que chacun a fait contre mauvaise fortune bon cœur, en donnant du sien autant que faire se peu. Mais de bonnes intentions conduisent-elles à réaliser de bonnes productions, non seulement digérables par mais aussi goûteuses pour ceux qui les consomment? Permettons-nous de laisser la question ouverte.
Entre 6 et 8h, le profil de l'auditoire de La Première est-il compatible avec celui d'un programme télévisé de La Une labélisé 'Vivacité', alors que, par exemple, c'est sur La Trois qu'est diffusée l'émission de débat QCFD d'abord proposée chaque avant-soirée sur La Première? Entre 8 et 9h, peut-on mixer de manière compatible l'auditeur de La première et celui-de Vivacité en leur proposant un programme identique, par ailleurs visible en télévision?
Des (in)-cultures difficilement (re)conciliables
Au-delà de cela, les auditeurs s'y retrouvent-ils? Le mélange de journalistes, animateurs et chroniqueurs n'y contribue pas forcément. A certains moment, l'auditoire de Vivacité sera étonné du sérieux ou de l'intellectualisme de certaines chroniques. A d'autres, ce sera le cas de ceux de La première, qui ne se retrouveront sans doute pas tout à fait dans les allusions ou références culturelles évoquées, ainsi que dans les angles à partir desquels un sujet est traité ou abordé.
On s'étonnera peut-être de voir ce décalage ou cette méconnaissance culturelle exploitée par l'un des présentateurs, qui n'hésite pas à reprendre, si nécessaire, les propos de l'autre animateur en les corrigeant ou les recadrant. Le titre du présent petit texte y fait par exemple référence, lorsque le 8 mai 1945 fut dans l'émission dénommé sur le plateau le jour de la "capitulaïsation". Et ce n'est qu'un des nombreux cas où cela s'est produit, cette différenciation culturelle étant manifeste, et ayant été exploitée par les animateurs, mais aussi par certains chroniqueurs, dès les toutes premières émissions.
L'audience de la radio en matinée étant aussi morcelée, surtout quand l'auditeur ne se trouve pas sur le chemin du travail dans sa voiture, l'habitué d'un des deux programmes —et plutôt de La Première— peut aussi s'être senti perturbé par ce qui lui a été proposé au moment où il s'est branché sur le programme, ou par la couleur d'antenne (par exemple, l'identité du jingle de début de journal parlé)…
Labo en direct live
Dès le commencement, le terrain du 6-9 ensemble était manifestement miné. Ceux qui ont fait le pari de l'expérience ont tenté de désamorcer plus d'une bombe. Ils y sont souvent parvenu. Mais n'ont-ils pas aussi parfois eux-mêmes créé l'une ou l'autre petite explosion? A l'heure où le credo de la RTBF est de supprimer les silos pour prôner l'horizontalité, le pari pouvait être tenté. Seules de véritables enquêtes de réception permettraient de déterminer si l'auditeur lambda (et non celui qui occupe les réseaux sociaux) s'est à ce point senti dépaysé par le mélange qu'on lui a proposé au réveil qu'il a préféré changer de crémerie radiophonique. Tout comme il restera un jour à se demander si, tant qu'à chercher à protéger la santé de son personnel en économisant le volume des équipes mobilisables dans les studios et sur les plateaux, il n'eût pas été plus pertinent de réaliser cet objectif à des heures de relativement faible audience plutôt qu'au moment phare de la journée radiophonique qu'est la tranche matinale. A moins que la raison ultime de tout cela ait été de préserver à tout prix le soldat 6-8, ce représentant d'une incomparable polymorphie médiatique ayant peut-être autrement dû être sacrifié sur l'autel du confinement. Le 6-9 ensemble a, en tout cas, été un très intéressant laboratoire. Notamment parce que tout s'y est déroulé en direct live. Et sans filet.
Frédéric ANTOINE.
(1) voir notamment: F. ANTOINE, "Le nouveau « 6-8 » de la RTBF : Quand la TV fait de la radio…", https://radiography.hypotheses.org/1708, 5/9/2015 et F. ANTOINE, "Neither radio nor television: multimedia radio as social media - a case study with the PMS in French-speaking Belgium", presntation in Siena ECREA Radio Section Conference, septembre 29019.
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