Petite promenade du jour de l'an sur les bords de Meuse à Namur, Jambes et Wépion. Constat général : le masque n'est pas porté par un promeneur sur deux, alors qu'il est clairement obligatoire sur le halage. Une situation interpellante, qui est aussi une question de communication.Le 25 juillet dernier, le bourgmestre de Namur prenait une ordonnance imposant le port du masque dans le centre de la ville, mais aussi sur les bords de Meuse. La presse relaiera l'information le 27 juillet, reprenant une dépêche Belga qui contenait les propos du maïeur : "Ce port du masque sera également obligatoire sur l’Enjambée et sur les
berges de Meuse et de Sambre, y compris pour les cyclistes et joggeurs."
Ces mesures ayant été allégées à l'échelon national début septembre, la situation namuroise deviendra floue. Aussi, le 20 octobre, suite à une nouvelle réunion du Comité national de concertation, le bourgmestre publiera un nouveau communiqué de presse, écrit à la première personne, où il présentera les mesures complémentaires qu'il a prises (1). Celles-ci reprennent, en général, le contenu de l'ordonnance de juillet. Depuis lors, elles n'ont pas été modifiées.
L'air de rien
1er janvier 2021, début d'après-midi. Sur Namur, le soleil tente de se faire une petite place dans le ciel gris. Même près de l'eau, le froid n'est pas intense. Un moment idéal pour un peu occuper un jour de l'an plutôt maussade. On ne se bouscule pas sur les bords de Meuse, mais de petits groupes de promeneurs déambulent sur le halage. Souvent par deux: des ami(e)s, quelques fois, mais surtout des couples de tous âges, certains poussant avec poussette ou landau. Des petites familles aussi, de trois ou quatre personnes en général. Les parents et les enfants. Quelques solitaires, dont des maîtres avec leur chien. Quelques joggeurs aussi, de même qu'un petit nombre de cyclistes. Un petit peuple de promeneurs heureux de flirter avec la Meuse.
A de nombreux endroits du halage, la Ville a placé, exactement à hauteur de regard, une affiche trilingue qui reprend les mesures principales décidées par les autorités. Le document n'est pas seulement composé d'informations écrites en noir sur fond bleu, mais aussi de pictogrammes, sur fond plus clair, qui expriment clairement de quoi il s'agit. Une photographie d'un de ces panneaux figure en tête de ce texte. Le port du masque y est plus que visiblement indiqué comme obligatoire sur les bords de Meuse.
Or, dans la pratique, une bonne partie des promeneurs n'en a manifestement cure. Si les personnes plus âgées semblent avoir une propension à davantage respecter l'injonction, son déni manifeste est le fait de toutes les autres catégories d'âges. En couple, certains duo portent le masque. Mais beaucoup n'en ont pas. Dans quelques cas, madame est masquée, mais monsieur montre bien que lui, il n'en a pas besoin. La plupart des familles avec enfants caracolent presque toutes sans aucune protection sur le visage. Même chose pour une partie des personnes seules. Quelques-unes portent bien quelque chose à la main… mais c'est un parapluie pliant. Plutôt se protéger de la pluie que du coronavirus! Parfois, le promeneur tient son masque dans une de ses mains, ou le fait dépasser de sa poche. Il y en aussi qui l'ont accroché à une oreille, à laquelle le petit tissu de protection pend au gré du vent. Et on ne parlera pas ici de ceux et celles chez qui le masque ne sert qu'à protéger le menton, ou, pour d'autres, seulement la bouche… et jamais le nez. Des fois qu'il empêcherait de respirer…
Quant aux joggeurs et aux cyclistes, ils considèrent tous que le port du masque ne les concerne pas. Pas un ne court ou ne pédale avec un masque sur le nez. Le fait que le règlement leur soit imposé avait été précisé par les autorités en juillet. Si ce sujet ne figure pas explicitement dans les décisions prises en octobre, cela signifie donc que le port du masque concerne tout le monde, y compris les cyclistes et les joggeurs. A titre de confirmation, on relèvera par exemple cet échange de messages figurant sur la page facebook de la ville de Namur (2) le 21/10 où, à la question de Céline Wrn "le port du masque sur le halage également en cas de jogging ?", la réponse officielle de la ville est: "Bonjour, à ce stade, aucune exonération n'est prévue pour les joggeurs et joggeuses."
Fi ou défi?
Au total, on peut estimer que, le 1er janvier après-midi, plus de la moitié des promeneurs des bords de Meuse namurois ne portaient pas de masque, alors qu'ils en avaient l'obligation et que celle-ci leur était rappelée de manière explicite tout au long du halage. On ne s'étendra pas sur ce blog sur les raisons qui poussent les citoyens à cette infraction manifeste. Les médias se penchent assez fréquemment sur la question, et il suffit de lire quelques échanges sur les raisons sociaux pour tomber sur des déferlantes de messages remettant en cause la légitimité et/ou l'efficacité de pareilles mesures. On ne discutera pas non plus s'il est ou non pertinent de porter un masque en plein air en bord de fleuve.
On se contentera de relever ici que l'obligation existe, qu'elle est légale et indiscutable, et que des moyens de communication ont été mis en œuvre pour en informer les citoyens. Sur le halage de Namur, on ne part pas du présupposé selon lequel "nul n'est sensé ignorer la loi". Non, on la lui rappelle. Il reste juste à savoir si ces messages sont suffisants en nombre tout au long du parcours, et s'ils sont bien positionnés, par exemple par rapport à la marche des promeneurs. L'information présentée l'est parfois de manière parcimonieuse, discrète. Comme s'il s'agissait de ne pas déranger, ou comme si on avait juste affaire à un rappel, tout le monde étant déjà au courant (ce qui, l'expérience le démontre, est trrrrrès loin d'être le cas).
On pourrait aussi s'interroger sur le support de communication utilisé. Des affichettes de taille réduite attirent-elles assez le regard? Ne se confondent-elles pas avec d'autres messages portés par des pancartes, panneaux et autres moyens de communication qui se trouvent déjà le long du parcours? Et puis, l'affiche est-elle si lisible que cela? Des lettres blanches sur un fond bleu, c'est joli, mais est-ce facile à lire, efficace, déchiffrable rapidement? Sur l'affiche, quel élément a été conçu pour attirer le regard, captiver (ou capturer) le lecteur? Le trilinguisme, enfin, est louable, mais n'ajoute-t-il pas du message au message?
Et puis, à qui s'adresse ce message? Joggeurs et cyclistes doivent-ils aussi s'y sentir concernés, alors que seule un dessin d'un visage en gros plan illustre l'affiche. Et, à la coiffure du personnage, on peut deviner qu'il n'est ni sur un vélo, ni en survet de course. Le personnage de l'affiche est par ailleurs manifestement de sexe masculin. Au XXIe siècle, ce genre l'emporte-t-il encore sur le féminin?
Bien sûr, il est aisé de critiquer. On doit toutefois constater que, face à des récepteurs blasés, considérant que cela ne les concerne pas, ou persuadés que, comme à la maison, on ne doit pas se masquer dans un lieu ouvert, ce type de communication n'est pas efficace. Elle pourrait même laisser croire qu'elle a été réalisée 'parce qu'il fallait bien faire quelque chose', sans trop de conviction ou de volonté de réussir à faire passer le message.
De deux choses l'une: ou la mesure prise paraît inutile, et alors la logique serait de la retirer et non d'essayer de la faire appliquer. Ou on estime cette mesure, là comme ailleurs, indispensable. Et, dans ce cas-là, il faut tout mettre en œuvre pour qu'elle devienne une routine, un réflexe, dans l'esprit des usagers. Quitte à un peu les matraquer pour faire rentrer le message. En effet, sans une grande volonté d'action et une forte conviction, dans l'état actuel de la mentalité d'une bonne partie de nos concitoyens, la cause a toute les chances d'être perdue.
Frédéric ANTOINE
(1): "A dater de demain, le port du masque sera rendu à nouveau obligatoire dans le centre-ville (c’est-à-dire toute la corbeille namuroise, y inclus le Boulevard du Nord à Bomel et l’Enjambée), et dans les principales rues commerçantes de Jambes (Avenues Bovesse et Materne), de Salzinnes (rue Patenier), de Bouge (Chaussée de Louvain) et de Saint-Servais (route de Gembloux). Il sera également obligatoire sur les berges de Sambre et de Meuse (le halage) entre les trois écluses de La Plante, des Grands Malades et de Salzinnes. Et ce sur les deux rives. Le périmètre est donc clair et circonscrit, pour que les zones les plus densément fréquentées s’accompagnent d’un port obligatoire du masque, tandis que le bon sens devra s’imposer ailleurs sur le territoire, où le port du masque reste une forte recommandation en tout état de cause, et rappelons-le, une obligation en cas de regroupement, files ou distance de sécurité ne pouvant être respectée." [Coronavirus (Covid-19) : Annonces complémentaires du Bourgmestre - 20-10-2020]
(2) https://www.facebook.com/Ville.de.Namur/posts/3289703637743907