Le résultat de la présence d'un public sans doute assez fidèle, qui a pris l'habitude de suivre l'émission.
Et si, pour une fois, on ne gardait pas juste pour soi les observations, les analyses, les études, les recherches, les commentaires… qu'on ne cesse de faire à titre académique, professionnel ou purement personnel ?
Regard médias
03 novembre 2020
Le retour des pics d'audience des JT
Le résultat de la présence d'un public sans doute assez fidèle, qui a pris l'habitude de suivre l'émission.
29 octobre 2020
L'audience des JT redécolle. Et celle de RTL aussi, quand le Premier parle à 19h.
Couvre-feu, confinement partiel… L'info change au jour le jour, comme les décisions officielles. Et pour essayer de comprendre, les JT rassemblent à nouveau les foules. Longtemps La Une et RTL-TVI ont tenu la corde. Mais voilà que depuis deux jours, RTL s'envole. Grâce à une 'communication gouvernementale' d'Alexander De Croo sur les réseaux sociaux…
L'audience du JT de La Une se rapprochait, voire dépassait ces dernières semaines celle du JT de RTL-TVI. La constatation, déjà posée lors d'un article précédent sur ce blog fin septembre, se confirme en octobre. Les deux courbes d'audience sont proches, et leur positionnement est clairement à la hausse.
Une 'Communication gouvernementale' hors des médias traditionnels
Les écarts deviennent alors très importants, et rappellent les époques où, pour reprendre une expression triviale, il n'y avait « pas photo » entre les audiences des deux programmes d'information. Si le déficit d'audience du JT public tourne plutôt en général autour des 40.000 téléspectateurs, il atteint près de 125.000 personnes le 26 octobre, et… 225.000 le 28! Ce jour-là, à 19h, le Premier ministre postait une sorte de "communication gouvernementale"… sur réseaux sociaux. C'est ainsi qu'il choisissait de s'adresser aux Belges: via Facebook, et non par un discours officiel à la télévision. Tout, dans sa communication, revêtait pourtant le caractère d'une prise de parole officielle de l'Etat. Sauf son créneau médiatique.
L'an dernier, le volume d'audience des deux JT était identique en septembre et octobre. Les courbes sont, tout au long de la période, à peu plus planes. En 2020, les courbes décollent à partir d'octobre. Pour RTL, le niveau de l'audience 2019 correspond à celui de 2020 jusqu'au début février. En octobre, le comportement des deux courbes commence à diverger.
24 octobre 2020
Le départ de Bertrand-Kamal de Koh-Lanta : certains savaient-ils avant la diffusion?
Lors du dernier épisode diffusé de Koh-Lanta Les 4 Terres, l'épreuve du 'jeu de confort' a fait dans le jamais vu. Le moins bon des concurrents qui y participaient y était cette fois directement éliminé de l' «aventure ». Le jeu n'était pas compliqué : à l'aide d'un grappin rattaché à une corde, il suffisait de ramener à soi trois blocs de bois. A ce sport, et la surprise générale, le Dijonnais Bertrand-Kamal, d'ordinaire parmi les plus forts (il a plusieurs fois mené sa tribu à la victoire) se révèle incroyablement à la traîne. Et finit par arriver bon dernier, bien derrière des concurrents moins forts et moins habiles. Il est 22h12. La foudre s'abat sur les téléspectateurs, ahuris. Comment la production a-t-elle pu jouer l'éventuel départ du héros de cette édition sur une épreuve aussi hasardeuse, et dont un des enjeux n'a jamais été une élimination individuelle ? Manifestement, jusque-là, le récit tel qu'écrit lors de la post-production visait à clairement valoriser ce candidat, à le mettre en avant, et à le placer du côté des historiques figures emblématiques du jeu. Et patatras, tout s'effondrait d'un coup. Impensable. Et pourtant…
TF1, dès la fin de l'épisode du jour, a diffusé une apostile comprenant une interview du père du candidat, qui est décédé le 9 septembre dernier. M. Loudrhiri y laissait bien comprendre que Bertrand-Kamal n'était pas ensuite revenu dans la course via une petite porte étroite, reprenant subitement la place d'un de ses compagnons forcé de renoncer pour raison médicale. Il n'y a donc pas eu derrière ce départ imprévu un coup scénaristique visant à créer un climax ponctuel qui aurait relancé l'intérêt de l'audience. Ou, du moins, celui-ci n'a-t-il pas pu se clôturer par un happy ending. L'édition de cet automne en perd clairement de son panache.
Prémonition
Ce qui est étonnant est l'instantanéité (voire la devancement) entre l'événement télévisuel que constitue ce départ en fin de 'jeu de confort' et l'arrivée de l'info sur internet. On sait les 'journalistes' web rapide. Mais ce point…
Grâce aux heures automatiques de postage enregistrées par les logiciels d'édition et/ou par Google, il est ainsi apparu que, ce vendredi, le site madamebuzz.fr avait annoncé l'élimination de Bertrand-Kamal… dès 21h27, soit plus de quarante minutes avant l'événement. Si l'on fait confiance à cet horodatage, ce média en ligne qui se targue de proposer « toute l'actualité des stars, des médias et des séries » aurait ainsi réussi à précéder l'événement. Mais pas seulement. Dans son article, il est aussi déjà capable de diffuser le message de réaction des parents du candidat face à ce départ ! On le concédera, il s'agit-là d'un véritable tour de force journalistique, pour ne pas dire un 'coup de Poudlard'. Nous aurions aimé savoir qui se cachait derrière ce site, s'il avait des liens avec des médias ou des sociétés associées à la production du programme, ou à TF1. Las. Les mentions légales du site sont plus que laconiques et aucun nom ou adresse ne permet de remonter la piste. Et, lorsqu'on a recours aux outils numériques qui permettent ce traçage, on en a vite pour ses frais. Tout au plus apprend-on que la version actuelle du site a été créée il y a un peu plus de quatre ans par la société OVH, domiciliée à Roubaix, et qu'elle est hébergée sur un serveur californien. Pour le reste : rien, par respect pour la 'privacy'. Pas de quoi faire fondamentalement avancer l'enquête…
Préméditation
On appréciera de la même manière la dextérité du site programme-tv.net qui réussit à mettre en ligne, au moment même de la défaite du candidat, un article qui annonce déjà que les autres aventuriers sont sous le choc et inconsolables. La parfaite concordance temporelle entre le temps de l'événement télévisuel et celui de sa mise en ligne (22h12) est remarquable de précision. Ce site là est moins difficile à identifier. Il est implanté en Hesse (RFA), à la même adresse IP que les versions en ligne de Voici, Gala, Femme Actuelle ou Capital. C'est-à-dire chez Prisma Presse, la branche française de Gruner+Jahr, le secteur 'magazines' de Bertelsmann. Avoir non seulement perçu le désarroi des autres concurrents au moment de la fin du jeu, mais réussir à la fois à écrire au même moment un texte à ce propos et le mettre en ligne à la même seconde est purement prodigieux !
On pourrait presque en dire autant de l'exploit réalisé par non-stop-peole.com (site associé au groupe Non Stop éditions, propriété du groupe audiovisuel Banijay) à qui il faut moins de six minutes pour récolter les premiers commentaires déçus postés sur Tweeter (cf. bas du tableau ci-dessus), écrire un texte à partir d'eux et passer le tout sur le web. Même à supposer que le texte se soit réellement basé sur des tweets publiés, peut-il pour autant titrer des quelques messages récoltés : « Twitter sous le choc et en larmes » ?
Face à tout cela, on féliciterait presque le webmaster de la version en ligne du journal gratuit 20 Minutes, à qui il a quand même fallu quatre minutes pour écrire un texte de commentaire, estimant que, désormais, Bertrand-Kamal s'inscrivait dans la lignée des héros de l'émission. Le voilà le vrai journalisme. Celui qui sait prendre son temps, marquer la distance, et apprécier l'événement en profondeur. (1)
Ah, il n'est pas mort le rêve lucky-luckeien des médias d'arriver à « tirer plus vite que son ombre ». Jusqu'à ce que, à force de vouloir précéder l'info 'réelle', on n'ait plus besoin qu'elle arrive pour diffuser une nouvelle sur le web.
Comment ? Ah oui, oups, désolé. J'oubliais que cela s'appelait déjà une fakenews (2)…
Frédéric ANTOINE.
(1) Même si le titre de cette info est, en partie inexact, car contrairement à ce qui est écrit le candidat a bien élé éliminé. Mais ne l'a pas été lors d'un Conseil…
(2) Tout ceci ne remet évidemment pas en cause le travail journalistique de médias qui ont réellement pris le temps de traiter la nouvelle, et qui ont publié leurs articles plusieurs heures après les faits, souvent le samedi 24 en matinée…
22 octobre 2020
Admise ou transférée ? Quand le récit prend la place du fait
Branle-bas de combat médiatique ce jeudi 22 au matin : l'ancienne Première ministre, hospitalisée, est en soins intensifs. L'info tombe via un média, et la presse francophone dégaine à son propos la traditionnelle formule magique "admise en soins intensifs". Admise, vraiment?
Une bonne demi-heure. En gros, c'est ce qu'il aura fallu pour que la présence de la ministre des Affaires étrangères en soins intensifs fasse le tour des médias belges. La première trace de l'info (voir tableau chronologique ci-dessous) apparaît horodatée de 10h26 sur les sites de deux médias flamands, dont celui de la VRT qui est à la source de la nouvelle via un contact avec le porte-parole de la ministre, et au même moment sur celui de Sud-Info.
Le site du groupe Sud-Presse, fidèle à son habitude, ponctue son titre, qui indique seulement la présence de la femme politique dans ce service médical, d'un point d'exclamation : "Atteinte du coronavirus, Sophie Wilmès est aux soins intensifs!". L'article précise que RTL avait annoncé sa présence à Delta dès le mercredi, et le sous-titre ajoute que, selon la VRT, l'état de l'ancienne Première ministre est stable. Dans leurs titres, les deux médias flamands utilisent la formule "op intensieve zorg", littéralement "en soins intensifs".
Deux minutes plus tard, la langue de Vondel joue davantage dans la nuance au Standaard, pour qui Mme Wilmès "ligt op intensieve zorg", que l'on traduira tout de même aussi par "est en soins intensifs", le verbe précisant ici l'état allongé dans lequel se trouve évidemment la patiente n'ayant pas de pertinence dans la langue de Victor Hugo.
Même prudence factuelle une minute plus tard dans La DH, qui la présente dans son titre comme "hospitalisée en soins intensifs". Appartenance au même groupe de presse oblige, La Libre sort l'info exactement à la même heure. Mais indique, elle, l'ancienne Première "admise" en soins intensifs. Belle formule que nous fournit-là la langue de Voltaire. Au point d'en faire une tournure entrée dans le français courant. Mais est-ce la même information que précédemment? Les premiers médias communiquant la nouvelle se contentaient de dire : Mme Wilmès "y est". Ici, on évoque son admission. "Admettre", écrit Larousse, c'est "Laisser à quelqu'un, à un animal le passage ou l'entrée quelque part". Et, "être admis", c'est (assez paradoxalement dans le cas présent) "Avoir satisfait à certaines épreuves d'un examen ; être reconnu apte". Plus proche sans doute de la réalité, la définition du "dictionnaire.sensagent.leparisien.fr" parle, lui, d' "accepter de recevoir quelqu'un".
Formule consacrée
Pour les médias, la formule est comme consacrée. En avril dernier, lorsque Boris Johnson avait subi le même mauvais sort, Le Parisien, par exemple, avait titré "Boris Johnson admis aux soins intensifs" (07/04). Mais, a contrario, Le Figaro avait, lui, écrit "Boris Johnson transféré aux soins intensifs" (06/04). Nuance.
Le subtil usage du participe passé 'admise', employé ici dans un condensé de voie passive, permet (ou ne permet pas) d'indiquer quand a eu cette admission. Au moment où tombe l'alerte sur les smartphones ou que paraît le premier papier bref sur le site web, la malade vient-elle d'être admise, est-elle admise, ou a-t-elle été admise (et depuis quand)? Et où était-elle avant? Impossible de le savoir. "Admise" laisse supposer au lecteur que la ministre a dû être amenée d'urgence à l'hôpital ce jeudi matin. Or, elle y était dès la veille…
Pour les très nombreux médias qui utilisent la formule, le récit commence au moment où l'info paraît. Et, évidemment, se vit au temps présent. Comme si cette admission-là faisait débuter l'histoire, alors que la malade avait été hospitalisée la veille…
Où est donc vraiment l'info: dans le fait qu'elle vient d'être admise? Ou dans le fait que l'on apprend qu'elle se trouve dans le service? Admission et administration de soins sont-ils synonymes, et chronologiquement concomitants?
Qu'importe, pourra-t-on dire. Inutile de couper les cheveux en quatre. A chacun de comprendre la nouvelle comme il le veut. Ce qui compte, c'est que c'est grave.
Mais est-ce aussi simple? Sur le fond de la nouvelle, ce n'est pas vraiment la même chose. Dans le cas présent, le "transféré" utilisé pour Johnson par Le Figaro n'eût-il pas été plus séant, approprié, et correctement informatif? Mais peut-être moins tentant pour faire mouche…
Le sens de la formule est une belle chose. Mais est-ce le cœur du journalisme?
Frédéric ANTOINE
14 octobre 2020
Mort de Poximag: de poule aux oeufs d'or à « poule de luxe »
« Proximag, c'est fini », annonçait L'avenir le 8 octobre dernier. La fin annoncée du réseau wallon de toutes-boîtes est aussi la confirmation de la fin d'un monde. Qui laisse à Rossel main libre sur ce marché.
Comme l'a déclaré Nethys, sa décision s'explique par "la situation financière de l’entreprise et le fait qu’il ne semble plus exister de modèle économique pour la presse périodique gratuite 'toutes-boîtes'". Celui-ci reposait sur un financement par la publicité régionale et locale, mais aussi, dans une grande mesure, par la publication des petites annonces. Un business qui a été un des premiers à migrer du papier vers l'internet. Sur ce média virtuel, les concepteurs de sites d'annonces en tous genres qui, dans la plupart des cas, n'ont rien à voir avec le monde des médias classiques, n'ont cessé de faire fortune. La disparition de Proximag n'est donc qu'un épisode d'une chronique d'une mort annoncée. Un décès face auquel les éditeurs de presse ne sont pas totalement irréprochables. Si, in tempore non suspecto, ils avaient pris le train de l'internet pour la commercialisation de leur business de petites annonces, le fameux 'modèle économique' évoqué par Nethys aurait sans doute adopté une autre configuration. Mais voilà. Déjà qu'ils avaient loupé le modèle de la presse en ligne payante en misant naïvement sur une presse en ligne en accès gratuit, i ne pouvaient pas non plus imaginer que leurs chers toutes-boîtes auraient un jour une fin…
[1]: Jusqu'en 2010, la société se dénomme Passe-Partout, du nom du toutes-boîtes éponyme des Editions de L'Avenir. Elle s'appellera ensuite Corelio Connect Sud avant de devenir L'Avenir Advertising.
[2] Le cas de 2013, où l'entreprise subit une très forte perte de plus de 22.000.000€, doit être considéré comme atypique, car il constitue le moment de la séparation de Corelio Connect en deux branches et du rachat de la branche sud par Nethys.
13 octobre 2020
La revanche de Cap48
« On n’imaginait pas dépasser les 6 millions, et encore moins battre le record! » Avec sa fougue habituelle, l'animateur de la Grande Soirée de Clôture de l'émission de télé-charité de la RTBF en perdait la voix, dimanche en fin de programme. L'opération avait dépassé tous ses scores, affublant sa légende d'un nouvel épisode de sa constante progression, Cap48 étant passé en moins de dix ans de quatre à près de sept millions d'euros récoltés.
Au même moment, il y a un mois, le Télévie, dont la croissance des recettes est moins régulière d'année en année que celle de Cap48 (cf. courbes polynomiales), enregistrait son premier crash historique. Étonnante situation, puisque les deux opérations ont théoriquement pâti de la même manière de la crise de la covid 19, l'action caritative de la télévision privée ayant même pu s'étendre sur plus de seize mois, alors que celle de la RTBF, comme d'habitude, était limitée à douze.
Bien sûr, la différence entre les montants récoltés dans les deux opérations reste importante. Mais, depuis quelques années, l'écart entre les sommes collectées par l'une et l'autre se réduit quelque peu. Et de manière drastique en 2020. Cette année, la RTBF ne se trouve plus qu'à 37% du montant de RTL-TVI. Un pourcentage beaucoup plus bas que précédemment, où l'argent rassemblé par le service public représentait environ la moitié de celui de l'acteur privé.
Un public fidèle
Quelques réflexions sur les raisons de la situation vécue par RTL-TVI, et officiellement attribuée à la crise de la covid, ont déjà été évoquées sur ce blog. Comment la RTBF ne se trouve-t-elle pas dans la même configuration? Le rôle joué par le charity program que représente la diffusion de la soirée de clôture y est-il pour quelque chose? Côté audience, en tout cas, les chiffres de 2020 sont parlants. RTL-TVI a réalisé le pire audimat de l'histoire récente du Télévie. La RTBF, elle, est stable. Même si la communication officielle de l'entreprise publique se réjouit d'une PDM d'un peu moins de 20%, en nombre de téléspectateurs, la clôture de Cap48 n'a pas fait mieux que les années précédentes. Mais elle n'a pas non plus fait pire!
Quelques appuis en hausse
Frédéric ANTOINE.
01 octobre 2020
Sa Majuscule le roi
Alors, écrit-on le Roi ou le roi ? Ou les deux ? Pour le vieux prof auteur de ces lignes, qui s'est échiné pendant des années à enseigner les conventions de l'écriture journalistique, la question relève un peu du toc. Et interpelle d'autant plus que, alors qu'on s'était appliqué à faire entrer quelques règles dans la plume d'étudiants en bachelier, il apparaissait souvent que, une fois arrivés en master, ceux-ci les rangeaient vite fait au fond d'un tiroir. Et ce sans que personne, parmi les éminents professionnels chargés de les encadrer, n'y voient quoi que ce soit à redire. Mais que soit…
Le survol rapide des écrits médiatiques publiés ces derniers jours à propos de l'usage du bas-de-casse ou du haut-de-casse pour désigner un souverain en constitue un bon exemple.
Le (R)roi Philippe
De manière générale, lorsqu'il s'agit d'associer le substantif roi au nom d'un personnage connu, la plupart des journalistes appliquent la même règle : ils laissent roi débuter par une minuscule. On désigne ainsi généralement dans les médias le roi Philippe, comme on écrivait hier le roi Albert, sur base de la convention selon laquelle roi est alors un nom commun accompagné d'un nom propre.
On notera tout de même que cette convention, assez bien appliquée dans les médias, n'est pas de mise dans tous. Ainsi trouve-t-on par exemple la phrase « Un des exemples "extraordinaires", comme l'a décrit le Roi Philippe » (RTL Info, 02/09) ou, il y a quelques mois : « Le Roi Philippe s'adresse aux Belges » (RTBF, 16/03). Une insistance peut-être destinée à (re)dorer la couronne du monarque ?
Le (R)roi des Belges
La question se corse un peu si l'élément qui suit roi n'est pas son nom mais une autre manière de le désigner, par exemple en définissant de quoi ou de qui il est le souverain. Dans ces cas-là aussi, l'usage normal est de garder la minuscule. Mais, sans doute dans l'intention de bien faire, certains médias peuvent ne pas être avares de majuscules, comme dans ce « Canvas (VRT) revient sur l'enfance loin d'être rose du septième Roi des Belges » (La Meuse, 28/09). A moins que, plus simplement, ces médias ne sachent pas vraiment comment faire. Sans trop chercher, les deux versions de la graphie peuvent ainsi se retrouver dans une même publication : « Si j'étais le roi des Belges, je prononcerais l'allocution suivante » (La Libre Belgique, 29/01) et « Une première pour un Roi des Belges en fonction. » (La Libre Belgique, 30/06). A chacun de choisir la formule qu'il préfère… Parfois, on pourra même mettre la main sur un beau doublé : « Leopold II était avant tout le Roi des Belges, tout comme le Roi Philippe. » (RTBF, 12/06). Si l'on convoque une fois la majuscule, pourquoi pas deux…
Le roi tout court
Cela devient plus compliqué, quand le roi n'est pas accompagné. Et dans l'écriture, la chose est plus rare que dans la vie réelle. C'est là que les choses commencent vraiment à se discuter. En effet, la règle générale, qui est celle que l'on essaie d'abord d'inculquer dans les Ecoles, est d'appliquer ce que recommandent la plupart des auteurs, à savoir que « les noms de fonctions, titres et charges civiles sont toujours en minuscules » (1), ou autrement dit, que « les titres de civilité et titres de fonction prennent la minuscule lorsqu'on parle de quelqu'un » (2). On s'efforce ainsi de faire auprès d'étudiants trop formatés la chasse aux Prince, Ministre, Pape, Cardinal, Recteur, Député et autres Empereur que la nature humaine, par essence trop modeste (ou un peu servile), a toujours tendance à porter au pinacle.
Roi n'échappe pas à la règle. Il n'a donc, en principe, pas droit à être élevé au rang de capitale. Et, dans la presse francophone belge, un groupe de quotidiens applique cela avec rigueur. En toutes circonstances et avec une belle constance, L'Avenir laissera le monarque débuter par du bas-de-casse. Le 06/09, il titrera par exemple : « Elia et d’autres «héros du Covid» reçus au palais par le roi ». Parlant de la crise politique, le 21/09, il explique : « Ceux-ci ont remis leur démission, qui a été refusée par le roi. » Et le 1er octobre, il mentionne que : « Ce matin, les ministres prêtent d'abord serment devant le roi: ils jurent fidélité au roi. » Le souverain est un personnage public, voir un (simple) homme (ou un homme simple), comme les autres. Inutile donc l'élever sur les autels en l'affublant de majuscule.
Le Roi tout court
Sur le petit sondage réalisé ces derniers jours, L'Avenir est le seul à agir de la sorte. A l'opposé, et avec la même constance, un autre titre a opté pour la radicalité majusculaire : dès qu'il s'agit d'un roi bien précis, et en l'occurrence celui des Belges (3), la personne désignée par le substantif roi y débute toiujours par une lettre capitale. Le Soir déroge ainsi à la règle générale. Est-ce se référant aux usages tolérés par les spécialistes dans des cas précis et explicités ici : « Lorsque, dans un texte particulier, le titre prend la place du nom du personnage qui le portait et sert à désigner, sans confusion possible, le personnage historique, on peut alors l'écrire avec une majuscule. » (4) On notera, comme le confirme cette autre recommandation, que cet usage est une possibilité, et non d'une obligation : « Lorsque ce mot est employé seul, sans ambigüité sur la personne et selon le contexte, il peut prendre valeur de nom propre et la majuscule qui sied. » (5)
La pratique du quotidien vespéral est si constante qu'elle ne nécessite pas d'exemplification. Elle est aussi de mise chez Sud-Presse (Sud-Info), mais souffre là de quelques omissions où, sans qu'on sache trop pourquoi, roi supplante Roi (par exemple, le 21/09 : « en marge de la réunion des préformateurs fédéraux avec le roi », ou le 01/10 : « Visiblement ému, celui que le roi avait nommé co-formateur aux côtés d'Alexander De Croo, a rappelé le travail accompli »). On retrouve le même usage de la majuscule à L'Echo, même si, parfois, les deux types de caractères sont exploités à fort peu de distance. Ainsi, par exemple, le journal a écrit le 21/09 : « a déclaré le préformateur Conner Rousseau après que le roi ait refusé sa démission et celle d'Egbert Lachaert »… alors l'article en question est lui-même titré de la manière suivante : « Le Roi refuse la démission des préformateurs ». Nuance difficile à comprendre…
Roi tout court et roi qui court
On retrouve cet usage majoritaire de la majuscule mâtiné de recours sporadiques à la minuscule dans d'autres publications de presse, sans toujours en saisir la substantifique raison.
Sans doute respectueuse de sa mission de Service Public et de son rapport à l'Etat, la RTBF utilise plutôt la majuscule, comme dans : « Les nouveaux ministres du nouveau gouvernement belge ont prêté serment ce matin chez le Roi » (01/10). Mais, quelques minutes plus tôt le même jour, le même site d'informations avait écrit : « Ludivine Dedonder, comme les autres ministres prêtera serment ce jeudi à 10h devant le roi. » Entre 'chez' le Roi et 'devant' le roi, seul le linguiste appréciera l'épaisseur de la différence.
La Libre Belgique, loin de renier pas son histoire monarchiste, choisit en règle générale de doter le monarque d'une couronne à lettre capitale ( « Le Roi refuse la démission des deux préformateurs: ils ont deux jours pour rétablir la confiance » [22/09]). Mais, parfois le même jour, les deux graphies sont utilisées simultanément. Le 29/09, le quotidien titrera « Quel rôle a joué le Roi dans la crise politique? », mais écrira aussi : « Le roi a tenu lundi, avec les formateurs, sa 36ème audience dans le cadre de la crise politique » et : « Mais le roi peut aussi tenir sa décision en suspens durant quelques jours ».
Même valse-hésitation chez le quotidien-frère de La Libre qu'est la DH. A certains moments, on y utilise la majuscule (« Formation fédérale: les négociateurs tiennent un accord sur le programme, les formateurs se rendent chez le Roi » [30/09]), à d'autres la minuscule ( « cela a permis au roi de nommer des co-formateurs »)… et à d'autres on applique les deux formules dans un seul texte ( « Le rapport fourni au Roi par les co-formateurs a fuité dans la journée de mardi, mais la note finale n’a pas encore été communiquée. Le rapport au roi offre toutefois un bel aperçu des mesures validées par le nouveau gouvernement, » [DH 30.09]).
Côté audiovisuel, RTL Info, comme la RTBF, semble privilégier un Roi majuscule. Mais de temps à autre, il est aussi ramené à la dure réalité des petites lettres. « Egbert Lachaert et Conner Rousseau, ont été désignés préformateurs par le roi. » (06/09) « Le roi est arrivé à l'issue de cet accord. » (16/09) « Lundi, le roi a contraint les actuels préformateurs » (22/09). Retranscrivant l'interview télévisée d'un expert, le 30/09, la chaine privée n'écrira aussi roi qu'en minuscules…
Une communion solennelle ?
De manière générale, une grande majorité de médias aiment affubler le substantif roi d'une majuscule. Y compris les télévisions locales, ou même 7sur7.be. Mais, à certaines occasions, la déférence ainsi de mise disparaît, et on assiste au retour des 'petites lettres'.
Sans doute l'inattention, l'absence de relecture, voire l'inexistence de règles d'usage strictes à l'intérieur de certaines rédactions expliquent-elles, au moins en partie, cette constante hésitation. Mais les moments où cette variation de graphie se manifeste pourrait aussi laisser supposer que les auteurs des textes semblent influencés par ce qu'ils estimeraient l'importance ou la solennité de l'événement dont le monarque est un des acteurs.
Si le roi intervient peu, voir est simplement évoqué, on pourra avoir tendance à ne pas lui accorder beaucoup d'importance, et rien ne s'opposera à ce que le nom n'ait pas de capitales. Voire, en le laissant en bas-de-casse, on minimisera la place royale.
Par contre, si le souverain est au cœur de la pièce et y joue un rôle essentiel, la propension à lui concéder un sceptre majuscule sera plus marqué.
Ces observations ponctuelles devraient évidemment être confirmées par des études sur la distance, et non un focus sur un seul événement. Mais elles démontrent la fragilité des règles et la difficulté que peuvent rencontrer les journalistes à maîtriser leur écriture dans un monde où, certes, on rédige beaucoup. Mais pas nécessairement avec beaucoup de systématisme…
Frédéric ANTOINE.
(1) www.lalanguefrancaise.com
(2) Recommandation de l'Université Laval qui, comme bien d'autres acteurs francophones dans ce pays majoritairement anglophone qu'est le Canada, veille tant que faire se peut à mettre des points sur les i de l'usage de langue.
(3) Selon la formule officielle puisque, rappelons-le, le monarque de ce pays n'est pas roi de Belgique mais des Belges.
(4) Selon le correcteur grammatical et orthographique Cordial.
(5) www.question-orthographe.fr
28 septembre 2020
Le Tour de France en septembre: pas un succès à la télé
Ah, le spectacle de la France défilant sur fond de coureurs en plein effort ! Le divertissement télévisé traditionnel de l'été a, cette fois, eu lieu en fin de saison. Et, sur les petits écrans belges, n'a pas attiré les foules.
En 2019, les retransmissions télévisées des étapes du Tour de France avaient, en moyenne, attiré 254.000 spectateurs par jour sur la RTBF (La Une, et parfois La Deux). Cette année, toujours en moyenne, la Grande Boucle n'a rassemblé que 195.000 amateurs/jour, essentiellement sur La Une. Soit un quart d'aficionados en moins que l'an dernier. Ceux qui étaient là ont, toutefois, été particulièrement fidèles. Le graphique des audiences quotidiennes, et de manière très claire la courbe polynomiale 2020 ci-dessous en atteste : sur la télé publique belge, le nombre de spectateurs a été quasiment identique tout au long des 21 diffusions d'étapes. Les habitués ont dont répondu présents aux rendez-vous. 2019, par contre, affichait une configuration plus traditionnelle, avec des courbes fort différentes : cette année-là, comme d'habitude, les audiences variaient en fonction des jours.
27 septembre 2020
L'audience déserte le Télévie
Samedi 19 septembre, la "grande soirée de clôture" du Télévie a rassemblé à peine plus de 150.000 téléspectateurs. Un score aussi bas n'avait jamais été atteint ces dernières années…
155.515 personnes : c'est ce que donne la comptabilisation moyenne de l'audience de la soirée de clôture du Télévie 2020. Avec ce score historiquement bas, l'émission, qui a duré un peu moins de cinq heures, se place au dixième rang des audiences de cette journée de samedi, où le Téléthon de RTL-TVI est notamment dépassé par les audiences RTBF de Capitaine Marleau et de la spéciale de l'émission bruxello-wallonne Stoemp, Pecket et des rawettes, ainsi que par The Voice Kids sur TF1. Du jamais vu ces dernières années, même si, en 2018 par exemple, la célèbre capitaine séduisait déjà davantage de spectateurs que la soirée caritative.
Au cours de ces quatre dernières années, la soirée tv du Télévie n'avait jamais attiré moins de 226.000 spectateurs, soit 70.000 de plus qu'en2020. Les année 'normales', l'émission rassemble près du double de son audience de 2020.
A titre de comparaison récente, il y a dix ans exactement, le programme affichait une audience de plus de 323.000 personnes. Une décennie plus tard, il est en dessous de la moitié de ce chiffre. Mais on notera que le résultat de 2010 n'a toutefois pas été atteint chaque année. Ainsi, en 2012 et 2013, le programme a plutôt comptabilisé 224.000 et 274.000 spectateurs.
DÉSAFFECTION OU DÉSAMOUR ?
Le résultat 2020 est donc anormal, et véritablement catastrophique. L'explication provient-elle de la date de l'émission de clôture, située en septembre alors que la tradition du Télévie est de se terminer aux environs du 20 avril, voire au plus tard début mai? D'ordinaire en tout cas, si l'audience décroît en été, elle remonte plutôt en septembre.
La durée du programme ne paraît pas vraiment non plus en cause. L'émission s'étire souvent sur cinq heures de direct. Cette année, elle n'a pas occupé l'antenne autant de temps (mais l'édition 2017 avait été plus courte encore).
L'absence de public et de grandes vedettes, ainsi que l'accent mis sur les contenus (interviews, tables rondes, témoignages…) ont peut-être contribué à ne pas inciter un public moins concerné à s'associer au programme.
En tout cas, cette faible audience ne fait que renforcer les questions soulevées dans un précédent texte mis sur ce blog. Un public peu nombreux a assisté à une émission qui n'a pas clairement pas cherché à relever des défis ou battre des records.
Ce programme de clôture (mais hélas peut-être aussi l'Opération elle-même) ne parviendrait-il plus aussi bien qu'auparavant à réunir la grande famille de l'auditoire de RTL-TVI? Reste à voir si c'est simplement le covid qui est passé par là, ou si la tendance s'inscrira dans la durée.
Frédéric ANTOINE.
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