Lors du dernier épisode diffusé de Koh-Lanta Les 4 Terres, l'épreuve du 'jeu de confort' a fait dans le jamais vu. Le moins bon des concurrents qui y participaient y était cette fois directement éliminé de l' «aventure ». Le jeu n'était pas compliqué : à l'aide d'un grappin rattaché à une corde, il suffisait de ramener à soi trois blocs de bois. A ce sport, et la surprise générale, le Dijonnais Bertrand-Kamal, d'ordinaire parmi les plus forts (il a plusieurs fois mené sa tribu à la victoire) se révèle incroyablement à la traîne. Et finit par arriver bon dernier, bien derrière des concurrents moins forts et moins habiles. Il est 22h12. La foudre s'abat sur les téléspectateurs, ahuris. Comment la production a-t-elle pu jouer l'éventuel départ du héros de cette édition sur une épreuve aussi hasardeuse, et dont un des enjeux n'a jamais été une élimination individuelle ? Manifestement, jusque-là, le récit tel qu'écrit lors de la post-production visait à clairement valoriser ce candidat, à le mettre en avant, et à le placer du côté des historiques figures emblématiques du jeu. Et patatras, tout s'effondrait d'un coup. Impensable. Et pourtant…
TF1, dès la fin de l'épisode du jour, a diffusé une apostile comprenant une interview du père du candidat, qui est décédé le 9 septembre dernier. M. Loudrhiri y laissait bien comprendre que Bertrand-Kamal n'était pas ensuite revenu dans la course via une petite porte étroite, reprenant subitement la place d'un de ses compagnons forcé de renoncer pour raison médicale. Il n'y a donc pas eu derrière ce départ imprévu un coup scénaristique visant à créer un climax ponctuel qui aurait relancé l'intérêt de l'audience. Ou, du moins, celui-ci n'a-t-il pas pu se clôturer par un happy ending. L'édition de cet automne en perd clairement de son panache.
Prémonition
Ce qui est étonnant est l'instantanéité (voire la devancement) entre l'événement télévisuel que constitue ce départ en fin de 'jeu de confort' et l'arrivée de l'info sur internet. On sait les 'journalistes' web rapide. Mais ce point…
Grâce aux heures automatiques de postage enregistrées par les logiciels d'édition et/ou par Google, il est ainsi apparu que, ce vendredi, le site madamebuzz.fr avait annoncé l'élimination de Bertrand-Kamal… dès 21h27, soit plus de quarante minutes avant l'événement. Si l'on fait confiance à cet horodatage, ce média en ligne qui se targue de proposer « toute l'actualité des stars, des médias et des séries » aurait ainsi réussi à précéder l'événement. Mais pas seulement. Dans son article, il est aussi déjà capable de diffuser le message de réaction des parents du candidat face à ce départ ! On le concédera, il s'agit-là d'un véritable tour de force journalistique, pour ne pas dire un 'coup de Poudlard'. Nous aurions aimé savoir qui se cachait derrière ce site, s'il avait des liens avec des médias ou des sociétés associées à la production du programme, ou à TF1. Las. Les mentions légales du site sont plus que laconiques et aucun nom ou adresse ne permet de remonter la piste. Et, lorsqu'on a recours aux outils numériques qui permettent ce traçage, on en a vite pour ses frais. Tout au plus apprend-on que la version actuelle du site a été créée il y a un peu plus de quatre ans par la société OVH, domiciliée à Roubaix, et qu'elle est hébergée sur un serveur californien. Pour le reste : rien, par respect pour la 'privacy'. Pas de quoi faire fondamentalement avancer l'enquête…
Préméditation
On appréciera de la même manière la dextérité du site programme-tv.net qui réussit à mettre en ligne, au moment même de la défaite du candidat, un article qui annonce déjà que les autres aventuriers sont sous le choc et inconsolables. La parfaite concordance temporelle entre le temps de l'événement télévisuel et celui de sa mise en ligne (22h12) est remarquable de précision. Ce site là est moins difficile à identifier. Il est implanté en Hesse (RFA), à la même adresse IP que les versions en ligne de Voici, Gala, Femme Actuelle ou Capital. C'est-à-dire chez Prisma Presse, la branche française de Gruner+Jahr, le secteur 'magazines' de Bertelsmann. Avoir non seulement perçu le désarroi des autres concurrents au moment de la fin du jeu, mais réussir à la fois à écrire au même moment un texte à ce propos et le mettre en ligne à la même seconde est purement prodigieux !
On pourrait presque en dire autant de l'exploit réalisé par non-stop-peole.com (site associé au groupe Non Stop éditions, propriété du groupe audiovisuel Banijay) à qui il faut moins de six minutes pour récolter les premiers commentaires déçus postés sur Tweeter (cf. bas du tableau ci-dessus), écrire un texte à partir d'eux et passer le tout sur le web. Même à supposer que le texte se soit réellement basé sur des tweets publiés, peut-il pour autant titrer des quelques messages récoltés : « Twitter sous le choc et en larmes » ?
Face à tout cela, on féliciterait presque le webmaster de la version en ligne du journal gratuit 20 Minutes, à qui il a quand même fallu quatre minutes pour écrire un texte de commentaire, estimant que, désormais, Bertrand-Kamal s'inscrivait dans la lignée des héros de l'émission. Le voilà le vrai journalisme. Celui qui sait prendre son temps, marquer la distance, et apprécier l'événement en profondeur. (1)
Ah, il n'est pas mort le rêve lucky-luckeien des médias d'arriver à « tirer plus vite que son ombre ». Jusqu'à ce que, à force de vouloir précéder l'info 'réelle', on n'ait plus besoin qu'elle arrive pour diffuser une nouvelle sur le web.
Comment ? Ah oui, oups, désolé. J'oubliais que cela s'appelait déjà une fakenews (2)…
Frédéric ANTOINE.
(1) Même si le titre de cette info est, en partie inexact, car contrairement à ce qui est écrit le candidat a bien élé éliminé. Mais ne l'a pas été lors d'un Conseil…
(2) Tout ceci ne remet évidemment pas en cause le travail journalistique de médias qui ont réellement pris le temps de traiter la nouvelle, et qui ont publié leurs articles plusieurs heures après les faits, souvent le samedi 24 en matinée…