« L'interdiction de séjour dans les résidences secondaires est levée avec effet immédiat. » Mercredi 20 mai à 15h29, cette info tombe sur tous les smartphones abonnés aux alertes du journal L'Echo.
En cette veille de long week-end de l'Ascension, alors que l'après-midi est à peine entamée, on imagine la joie des suiveurs du journal économique et financier, qui ne doivent pas être des clients du quotidien pour voir la nouvelle sur leur téléphone. Une partie d'entre eux étant assurément propriétaire d'une résidence de vacances en Ardenne ou à la côte, l'info tombe à pic. En quelques minutes on peut faire ses bagages, emporter éventuellement quelques vivres de réserve, rassembler la famille et hop on est partis. Depuis le temps qu'on l'attendait, cette nouvelle-là!
Ces heureux vacanciers auront-ils été arrêtés sur leur passage par les brigades mobiles de la police chargée de faire respecter le confinement? A voir le nombre de véhicules circulant, pour divers motifs, ce mercredi 20 mai sur les routes belges, elles auraient eu beaucoup à faire pour contrôler tout le monde. Mais, en cas de vérification dans l'après-midi, elles auraient sans doute rappelé aux chauffeurs et aux passagers de ces villégiateurs que, à leur connaissance, la fameuse autorisation dont ils se revendiquaient n'était pas encore de mise…
Pour que la mesure en entre en application, il faudra en effet attendre la publication, dans la quatrième édition du 20/05 du Moniteur belge, de l'arrêté ministériel "modifiant l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19"et portant le NUMAC 2020010390. L'heure de 'sortie' des éditions du Moniteur n'étant pas notifiée, impossible de déterminer le moment exact de cette parution. Mais, selon divers articles de presse, celle-ci a eu lieu "sur le coup de 20h" ou juste après.
Sur le fond, ces quelques heures de battement ne modifient pas fondamentalement les choses. Mais elles confirment que la course à l'info, surtout quand la consigne à appliquer est "mobile first", pousse parfois les médias à anticiper la nouvelle, c'est-à-dire à se limiter à une seule source (voire parfois à zéro source) avant de décider de communiquer une information. Le 20/05 c'était le cas de L'Echo, ce qui est plutôt peu banal. Un autre jour, cela aurait été un autre média.
Mais, sur ce coup-là, la plupart des autres pourvoyeurs d'information ont manifesté davantage de prudence.C'est une dépêche Belga, diffusée aux environs de 15h, qui informe d'un accord du CNS à propos de la levée d'interdiction. La nouvelle peut étonner car aucune réunion physique du Conseil n'a été annoncée à la veille du week-end de l'Ascension. Il apparaît alors que celle-ci s'est réalisée à distance en visioconférence, dans la matinée. La teneur des alertes lancées par les applications de plusieurs médias se limite alors à l'annonce d'un accord, mais ne parle pas de sa mise en œuvre. En dénouant le fil des événements, il apparaîtra que la nouvelle de l'accord a été communiquée sur le temps de midi par le ministre-président du gouvernement flamand devant le Parlement flamand, et que c'est à celle occasion que celui-ci aurait annoncé que la décision entrait en application immédiatement.
C'est en tout cas ce qui ressort d'un article publié dès 13h25 par Het Laatste Nieuws, qui sur son site titre: "Lang verwarring, maar nu officieel: Belgen mogen met onmiddellijke ingang weer naar tweede verblijf". Les sources qui y sont citées par HLN.be sont Belga et VTM Nieuws. Le chapeau de l'article est encore plus clair: "Belgen met een tweede huis aan bijvoorbeeld de kust of in de Ardennen
mogen daar vanaf nu weer heen. Dat is na veel verwarring woensdag nu ook
officieel. Het Belgisch Staatsblad heeft het nieuwe Ministerieel
Besluit gepubliceerd."On y précise que le journal officiel de l'Etat a publié la nouvelle. Dans le début du texte, l'auteur précise ensuite que "Die opheffing gold volgens Jambon “met onmiddellijke ingang”".
7sur7.be étant en cheville avec HLN.be, on s'étonnera qu'il ait mis près de deux heures à relayer l'information, tout en lui conférant un caractère moins affirmatif à propos de la mise en œuvre immédiate de la mesure. La première info tombe sur le site francophone à 14h20. L'alerte pour mobiles est plus tardive, et n'informe que sur la conclusion d'un accord. La version définitive du texte sera réajustée à 15h49, en se référant aux sources HLN et Belga. La même prudence figure dans son contenu. Sous l'intertire "C'est pour quand?", l'auteur écrit notamment: "Selon Jan Jambon, la mesure prend effet sur le champ. Or, hier, la
Première ministre Sophie Wilmès avait annoncé qu’en cas d’aval du GEES
(le groupe d’experts qui conseillent le gouvernement durant la crise
sanitaire), l’interdiction serait levée, mais elle n’avait pas voulu
apposer de date à ce nouvel assouplissement des mesures de restriction." Et le paragraphe se conclut par la phrase: "Mais jusqu’ici, le centre de crise n’a pas encore
officialisé ni daté l’accord évoqué par Jan Jambon."
Les médias francophones qui publient des alertes pour smartphone dans la suite de l'après-midi conservent cette prudence. On parle de "bientôt", ou on se demande "à quelle date". Seule La Libre semble confirmer à demi-mot dans son alerte l'immédiateté de la mesure, en expliquant en fin d'après-midi que l'interdiction était devenue disproportionnée.
Toujours en se référant aux alertes, ce n'est qu'un peu avant 21h que la plupart des médias francophones confirmeront la nouvelle et lui conféreront un côté officiel, c'est-à-dire après la publication du Moniteur.
Indépendamment de la question de l'urgence de diffuser une information, l'ordre dans lequel les médias francophones ont rédigé leur alerte-smartphone ne manque aussi pas d'intérêt. Par rapport à la question du recoupement de la vérification des sources, on s'étonnera peut-être que ce soit La Libre qui ait brûlé la politesse à tout le monde. Mais, comme ceux de L'Echo, ses lecteurs ne sont-ils pas particulièrement concernés par cette mesure? Ce cas mis à part, les supports qui s'empresseront de communiquer sur le sujet seront des médias populaires et/ou régionaux. L'audiovisuel ne réagira que plus tardivement, et la RTBF avant RTL. Une question de stratégie rédactionnelle ou d'organisation de veille numérique?
Quant au Soir, selon l'inventaire à notre disposition des alertes envoyées le mercredi 20, il ne postera un message que lorsque la nouvelle est réellement officielle…
Frédéric ANTOINE.