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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

08 mai 2020

Matinale radio : la "capitulaïsation" du mariage de la carpe et du lapin…

Le vendredi 8 mai voit se terminer sur la RTBF une expérience (en partie) radiophonique peu commune, entamée le lundi 23 mars, premier jour de la première semaine complète de confinement en Belgique : la réalisation de l'émission Le 6-9 ensemble. Le bilan de l'expérience permet de tirer quelques leçons sur ce qui fut en quelque sorte le mariage d'une carpe et d'un lapin.

Un produit hybride

Imaginée pour n'être diffusée qu'en période de confinement, et essentiellement conçue pour continuer à produire avec de petits effectifs deux programmes à l'origine totalement différents, cette émission à la fois radiophonique et télévisuelle peut être perçue comme un produit hybride de deuxième génération, fruit d'une greffe entre la matinale de la chaîne de radio La Première et une production antérieure, elle-même déjà issue d'une hybridation entre une partie de la matinale de la radio Vivacité et une émission de télévision diffusée sous la marque Vivacité, mais dont la majeure partie n'est pas diffusée sur les ondes de ce réseau radiophonique.…

Pour rappel, ce produit audiovisuel quasiment indéfinissable était jusqu'à l'arrivée du confinement divisé en deux parties: entre 6 et 8h du matin, Le 6-8, une émission de télévision à mi-chemin entre talkshow et info service, plutôt low-cost, diffusée sur le réseau de La Une télé, mais produite sous la marque Vivacité, et réalisée sur un plateau conçu comme un mix entre studio de radio et de télévision. Et, de 8h à 10h30, la diffusion simultanée sur les ondes de Vivacité et sur La Une télé, de deux émissions réalisées sur ce même plateau: de 8 à 9h, l'émission de divertissement Le 8-9, puis jusqu'à 10h30 le talk avec les auditeurs C'est vous qui le dites.

On a déjà beaucoup commenté ce concept quasiment inédit (1), dont on ne rencontre pas beaucoup d'exemples comparables à l'extérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où se mêlent codes de la radio de la télévision, mais dont la particularité est de ne pas modifier ces codes alors que la première tranche diffusée n'est proposée qu'en télévision, et que la deuxième fait, elle, l'objet d'une transmission à la fois radiophonique et télévisuelle.

De info ou du talk-show?

L'originalité 'au carré' du 6-9 ensemble est d'ajouter une troisième dimension à ce mille-feuilles, en y intégrant jusqu'à 9h du matin la tranche matinale de La Première, qui n'a a priori aucun point commun ni avec le contenu talk-service du 6-8, ni avec celui de l'offre de divertissement du 8-9. On peut comprendre que, en situation de crise, la solution choisie par l'opérateur public ait été de réduire son offre afin de concentrer ses moyens. Au cours de la période de confinement, la même situation a été vécue dans d'autres secteurs médiatiques. En France, par exemple, de nombreux quotidiens régionaux ont drastiquement réduit leur offre d'éditions régionales pendant la période de confinement.
Mais l'option choisie ici est de nature quelque peu différente.

Le site Auvio de la RTBF situe Le 6-9 ensemble dans sa rubrique "divertissement", et classifie l'émission comme un "talk-show". Ces caractéristiques sont celles qui étaient aussi utilisées pour définir Le 6-8 et Le 8-9. Mais cette catégorisation ne correspond toutefois pas à celle de la matinale de La Première qui, sous la dénomination Matin Première, présente en fait deux tranches différentes: un 6-7h présenté par une journaliste, et un 7-9 animé par un autre journaliste. Toujours sur Auvio, la RTBF positionne elle-même cette émission dans sa rubrique "info", et la qualifie de "magazine". Ce qui ne manifeste pas vraiment une même nature que le 6-8 et le 8-9.
Il est marquant de constater que ce sont les caractéristiques de ces derniers programmes qui ont, in fine, été utilisés pour identifier Le 6-9 ensemble.

Des tonalités sur tranche

Pourtant, sur Auvio, le texte de présentation de ce nouveau programme se termine par la phrase « Un rendez-vous qui sera autant informatif que "feel good". » L'intention du présent petit article n'est pas de mener une analyse de contenu approfondie de l'émission. L'inventaire des rubriques qui constituent l'essentiel des deux programmes permet toutefois d'apprécier la manière dont le 'cocktail' a été réalisé.
La première impression est que, dans Le 6-8, la tonalité des tranches 6-7 et 7-8 diffère sensiblement. La première tranche, où l'animation reste entre les mains de la présentatrice habituelle du programme télévisé, s'apparente plutôt dans sa première demi-heure à un programme de talk-show service, où la connivence est manifeste avec les invités, à qui on s'adresse de façon amicale. Au cours de la deuxième demi-heure y apparaissent par ailleurs des séquences classiques de type 'news', comme une revue de presse ou une chronique économique, qui conservent (sauf dans leur mécanique de relance) une morphologie assez conventionnelle.
Dans la seconde tranche, où l'animatrice joue en duo avec le présentateur attitré de la tranche 7-9 de Matin Première, la part d'éléments de nature informationnelle semble prépondérante, et l'adjonction du côté 'service', qui ne figure pas d'ordinaire dans la matinale de La Première, est plus faible. Dans Le 8-9, les choses s'inversent. Les chroniques légères et le divertissement prédominent largement. L'information n'est plus présente que de manière ténue. Entre 6 et 8 heures, le modèle s'apparente à un magazine d'informations, en version light par rapport au contenu habituel de la matinale de La première. De 8 à 9 heures, l'émission s'inscrit dans les rails du 8-9 habituel. Le seul élément de continuité entre les deux programmes, désormais réunis sous la seule bannière du 6-9 ensemble, est le ton de l'animation, assurée de 7 à 9 heures par la présentatrice habituelle du 6-8 et par le journaliste-présentateur de Matin Première. Mené de manière dialoguée, le ton se veut léger, enjoué, et ne mise pas trop sur le caractère 'sérieux' que l'on retrouve plutôt, du moins jusqu'à 8 heures, au sein-même des rubriques, chroniques et interviews.

Pour l'audience la plus forte

L'axe majeur de chacune des tranches ne paraît donc pas avoir été forgé en fonction de l'identité d'ensemble du produit, mais en tenant compte du volume d'audience potentiel dominant de chacune de ses composantes originelles. Dans ce cadre, la part de la consommation télévisuelle du programme restait bien inférieure à l'audience récoltée, en ce moment privilégié de prime-time radiophonique, par les deux chaînes de radio associées à l'opération.

Quelques données disponibles sur 2018-2019 situent le reach du programme télévisé à un peu plus de 80.000 spectateurs pour Le 6-8, et à un peu moins pour Le 8-9. En radio, (31/08/2019-05/01/2020), Vivacité compte près de 70.000 auditeurs à 6h du matin, plus de 200.000 aux alentours de 8h et à peine moins vers 9h. La Première en totalise plus de 65.000 à 7h, près de 90.000 à 8h et 56.000 à 9h. Entre 6 et 8h, l'audience de Vivacité radio ne concerne pas Le 6-8, puisque à ce moment-là le réseau radio est à l'heure de ses décrochages régionaux. L'audience qui prime à ce moment est celle de La Première, et il est logique que Le 6-8 se mâtine des couleurs de cette station de radio. Mais cela ne peut plus être de mise au-delà de 8h, lorsque Vivacité rejoint La Une pour la diffusion du 8-9. D'autant que, à ce moment-là, l'auditoire radio de l'émission est beaucoup plus importante que celui de la télévision.

Pâte homogène ou brouet grumelé?

Nous ne disposons pas de données permettant de confronter ces data habituelles avec la situation vécue lors de la crise covid. On ne peut toutefois s'empêcher de se demander si, au final, le mélange conçu à partir du talk-show tv et du magazine d'infos de La Première, puis entre ce dernier et le talk-show commun de Vivacité et de La Une, a contribué à produire une pâte homogène, prête à lever.
Ou si le produit final n'est pas resté grumelé, voire dans l'impossibilité de réussir le mélange de ses composantes. En raison des circonstances, on aura tendance à être positif, et à considérer que chacun a fait contre mauvaise fortune bon cœur, en donnant du sien autant que faire se peu. Mais de bonnes intentions conduisent-elles à réaliser de bonnes productions, non seulement digérables par mais aussi goûteuses pour ceux qui les consomment? Permettons-nous de laisser la question ouverte.

Entre 6 et 8h, le profil de l'auditoire de La Première est-il compatible avec celui d'un programme télévisé de La Une labélisé 'Vivacité', alors que, par exemple, c'est sur La Trois qu'est diffusée l'émission de débat QCFD d'abord proposée chaque avant-soirée sur La Première? Entre 8 et 9h, peut-on mixer de manière compatible l'auditeur de La première et celui-de Vivacité en leur proposant un programme identique, par ailleurs visible en télévision?

Des (in)-cultures difficilement (re)conciliables

Au-delà de cela, les auditeurs s'y retrouvent-ils? Le mélange de journalistes, animateurs et chroniqueurs n'y contribue pas forcément. A certains moment, l'auditoire de Vivacité sera étonné du sérieux ou de l'intellectualisme de certaines chroniques. A d'autres, ce sera le cas de ceux de La première, qui ne se retrouveront sans doute pas tout à fait dans les allusions ou références culturelles évoquées, ainsi que dans les angles à partir desquels un sujet est traité ou abordé.

On s'étonnera peut-être de voir ce décalage ou cette méconnaissance culturelle exploitée par l'un des présentateurs, qui n'hésite pas à reprendre, si nécessaire, les propos de l'autre animateur en les corrigeant ou les recadrant. Le titre du présent petit texte y fait par exemple référence, lorsque le 8 mai 1945 fut dans l'émission dénommé sur le plateau le jour de la "capitulaïsation". Et ce n'est qu'un des nombreux cas où cela s'est produit, cette différenciation culturelle étant manifeste, et ayant été exploitée par les animateurs, mais aussi par certains chroniqueurs, dès les toutes premières émissions.

L'audience de la radio en matinée étant aussi morcelée, surtout quand l'auditeur ne se trouve pas sur le chemin du travail dans sa voiture, l'habitué d'un des deux programmes —et plutôt de La Première— peut aussi s'être senti perturbé par ce qui lui a été proposé au moment où il s'est branché sur le programme, ou par la couleur d'antenne (par exemple, l'identité du jingle de début de journal parlé)…

Labo en direct live

Dès le commencement, le terrain du 6-9 ensemble était manifestement miné. Ceux qui ont fait le pari de l'expérience ont tenté de désamorcer plus d'une bombe. Ils y sont souvent parvenu. Mais n'ont-ils pas aussi parfois eux-mêmes créé l'une ou l'autre petite explosion? A l'heure où le credo de la RTBF est de supprimer les silos pour prôner l'horizontalité, le pari pouvait être tenté. Seules de véritables enquêtes de réception permettraient de déterminer si l'auditeur lambda (et non celui qui occupe les réseaux sociaux) s'est à ce point senti dépaysé par le mélange qu'on lui a proposé au réveil qu'il a préféré changer de crémerie radiophonique. Tout comme il restera un jour à se demander si, tant qu'à chercher à protéger la santé de son personnel en économisant le volume des équipes mobilisables dans les studios et sur les plateaux, il n'eût pas été plus pertinent de réaliser cet objectif à des heures de relativement faible audience plutôt qu'au moment phare de la journée radiophonique qu'est la tranche matinale. A moins que la raison ultime de tout cela ait été de préserver à tout prix le soldat 6-8, ce représentant  d'une incomparable polymorphie médiatique ayant peut-être autrement dû être sacrifié sur l'autel du confinement. Le 6-9 ensemble a, en tout cas, été un très intéressant laboratoire. Notamment parce que tout s'y est déroulé en direct live. Et sans filet.

Frédéric ANTOINE.


(1) voir notamment: F. ANTOINE, "Le nouveau « 6-8 » de la RTBF : Quand la TV fait de la radio…", https://radiography.hypotheses.org/1708, 5/9/2015 et F. ANTOINE, "Neither radio nor television: multimedia radio as social media - a case study with the PMS in French-speaking Belgium",  presntation in Siena ECREA Radio Section Conference, septembre 29019.

07 mai 2020

Afflux d'aventuriers confinés sur Koh-Lanta




Qui n'a recherché de s'aérer par un peu de divertissement dans ce monde en confinement ? Face à un écran de télévision qui décline au fil de ses programmes les progrès de la pandémie et une impression d'enfermement généralisé, comment s'évader? Notamment, en regardant Koh-Lanta

Incontestablement, l'effet coronavirus a joué sur l'audience du programme, qui caracolait aux alentours des 300.000 spectateurs (Live+vosdal) lors de ses premières semaines, en février, et qui en a gagné plus de 100.000 dès le début du confinement, pour grimper jusqu'à mi-avril aux alentours des 450.000 personnes… jusqu'à la 'catastrophe industrielle' du vendredi 24 avril. Ce soir-là, l'audience du programme perd 160.000 téléspectateurs d'un coup. La faute à l'attente pendant une bonne partie de la soirée de la conférence de presse du CNS devant révéler les modalités de l'entrée en déconfinement (1). L'attente de la communication des autorités, qui occupera la première partie du prime-time,  et la conférence de presse qui arrive en fin de prime-time (voire en late-fringe) prive la télé-réalité d'aventure d'une partie de ses amateurs. Pour de bon? Ceux-ci ne seront en effet pas tous au rendez-vous la semaine suivante, puisque l'émission ne rassemblera qu'un peu plus de 400.000 personnes le 1er mai. Pourtant, ce soir-là, l'élimination des deux porteurs de colliers d'immunité avait de quoi relancer le suspens. Mais elle n'est évidemment intervenue qu'en fin de récit…


 Pour les 24/04 et 01/05, il sera intéressant de disposer des données Live+7, que le CIM n'a pas encore mises en ligne. Pour les semaines précédentes, celles-ci confirment que Koh-Lanta n'est pas seulement un programme que l'on suit en direct (ou en quasi-direct), mais qu'une partie des spectateurs le regarde lors d'un moment de disponibilité de son choix. L'apport de cette audience différée (en orange sur le graphique) permet à l'auditoire de Koh-Lanta de compter au total plus d'un demi-million de spectateurs lors de l'ouverture de la saison 2020, et plus de 450.000 les semaines qui suivent. A partir de l'arrivée du confinement, les deux types d'audience totalisent en moyenne 530.000 personnes, la barre des 550.000 étant dépassée à partir du début avril.



Le non-linéaire ne représente toutefois pas le même volume d'audience au cours de toute la période de diffusion de la télé-réalité. Les spectateurs regardant l'émission plus de 24h après sa diffusion étaient plus de 170.000 pour la première de l'émission. Ce nombre va ensuite décroître semaine après semaine. La diminution est constante et particulièrement sensible après le début du confinement (sauf à Pâques).
En début de saison, la part d'audience non-linéaire représente environ un tiers de l'audience totale. Cette proportion descend aux alentours de 20% lors de la crise du covid-19. Une partie de l'auditoire qui suivait d'ordinaire l'émission en catch-up tv semble alors avoir eu l'occasion de basculer sur le (quasi) direct.




 Sur l'ensemble des émissions diffusées du 21/02 au 01/05, le programme réunit en moyenne un peu moins de 380.000 spectateurs (Live+vosdal). Pendant le confinement, la moyenne de l'audience croît légèrement, mais cette mesure est perturbée par le 'cas' que représente la soirée du 24 avril. En ne tenant pas compte de ce moment d'anormalité, la moyenne de l'audience covid se situe à environ 420.000 spectateurs. 


La moyenne de l'audience belge (Live+vosdal) de Koh-Lanta était d'un peu plus de 280.000 personnes en 2019. Les résultats 2020 sont donc largement supérieurs, mais cette hausse est aussi sensible hors de période de confinement. Le graphique ci-dessus compare les audiences des semaines 1 à 7 de la télé-réalité au cours des deux années. On y relève dans les deux cas un comportement identique de l'audience en début de période (un attrait de l'émission de lancement, suivie d'une baisse d'intérêt et d'une remontée de l'audience). En 2019, le nombre de spectateurs baisse à nouveau par la suite, ce qui n'est pas le cas cette année.

Le succès de Koh-Lanta sur les petits écrans belges n'est pas neuf. En 2007, par exemple, la finale du programme, qui avait eu lieu à la mi-septembre, avait rassemblé 384.000 téléspectateurs. Fin octobre 2012, on lui comptabilisait une audience de plus de 468.000 personnes. L'attrait pour les aventuriers de la tribu perdue avait ensuite plutôt baissé. Cette année semble permettre à l'émission de renouer avec les audiences de ses bonnes années.

(1) Cf. sur ce même blog les articles sur l'audience des JT et de Questions en prime ce même vendredi 24/04.

06 mai 2020

L'errance des pigeons confinés



Comment réaliser une émission quotidienne sur la consommation alors que l'on ne consomme plus ? Le dilemme a touché le programme On n'est pas des pigeons, émission quotidienne de semaine d'access-prime-time de La Une. A partir du 24/03, les pigeons se sont donc repliés dans leur pigeonnier, avec interdiction de sortir. Et en abandonnant en bonne partie le registre 'consommation' pour se consacrer à la vie au domicile en temps de confinement. Cet accompagnement a aussi été étendu des jours de travail de la semaine au week-end. Avec des succès plutôt variables.


Le début du confinement correspond à une hausse sensible de l'audience du programme, qui compte en moyenne 178.000 spectateurs de début mars à la veille du confinement, pour dépasser les 300.000 en tout début de crise, avant que l'émission ne devienne On n'est pas des pigeons à la maison. Sur l'ensemble de la période commençant le 16 mars et se clôturant le 4 mai, la moyenne d'audience du programme est d'environ 217.000 spectateurs. La version On n'est pas des pigeons à la maison, qui ne débute pas tout de suite lors du confinement, est pour sa part suivie par en moyenne 207.000 personnes. Ce résultat est bien sûr plus élevé que la moyenne réalisée en début de mois, mais est à peine au-dessus de la moyenne d'audience de janvier 2020, qui était de 193.000 spectateurs. La première impression serait donc que la crise du Covid-19 n'a pas fortement bénéficié à ce programme, que les événements ont obligé à repositionner son projet éditorial.

la pente de la courbe d'audience de l'émission manifeste l'irrégularité des résultats non seulement au fil des semaines, mais aussi des jours de la semaine. Il ne faut pas perdre de vue que, dans sa nouvelle formule, l'émission a quotidiennement occupé son créneau, week-end compris. Et c'est souvent au cours des samedis et des dimanches que le programme rassemble ses audiences les moins importantes, alors qu'il attire ses plus hautes audiences hebdomadaires en début de semaine (lundi, mardi, plus rarement mercredi).


Dans ce contexte, une occupation continue de l'antenne ne garantit pas nécessairement une meilleure présence.
La réouverture des commerces et des services permettra-t-elle à ONPP des retrouver l'essence de son ADN?








Un jardin à l'audience (presque) extraordinaire



A l'orée des vacances de Pâques, le dimanche 4 avril, l'émission Le jardin extraordinaire s'est transformée en Notre jardin extraordinaire. Cette version 'confinée' d'un programme qui part plutôt à la découverte de la nature hors du quotidien a duré jusqu'au dimanche 3 mai. Au cours de cette période, le présentateur-producteur est parti à la découverte de son propre jardin, mais a surtout fait appel à des images récoltées par les spectateurs au sein du leur. Le programme a été conçu sur base d'un fil narratif chronologique égrenant les jours de la semaine, et reposant sur des conversations par téléconférences avec des cameramen naturalistes ou animaliers amateurs des quatre coins de la Belgique francophone, ainsi que sur la diffusion d'une sélection des images que ces personnes avaient préalablement fait parvenir à l'émission. De fenêtre ouverte sur le grand monde, le programme s'est mué en fenêtre sur l'univers restreint de tous ceux qui étaient chez eux (généralement à condition qu'ils aient un jardin et un matériel un tant soit peu capable de saisir des images de bonne qualité en gros plans).

Cette version du programme a attiré une audience plus large que celle qui le suit habituellement. Entre janvier 2020 et le début du confinement, l'audience moyenne du Jardin extraordinaire (Live+vosdal) était de 404.000 spectateurs. Celle des émissions de mars, qui ont poursuivi la formule classique de l'émission, a été de 427.000. L'audience moyenne des cinq émissions de Notre jardin extraordinaire a, elle, été de 505.000 téléspectateurs. Soit 100.000 de plus qu'en temps de non-confinement. La courbe de tendance figurant sur le graphique confirme bien cette évolution.


Pour la période pour laquelle on dispose de l'audience Live+7 (vision différée de J+1 à J+7), il apparaît que celle-ci ne diffère pas fortement de l'audience Live+vosdal (direct et différé J+1). Hors période de confinement, depuis début janvier 2020, l'émission enregistrait une part de marché moyenne de près de 25%. Pendant le reste du mois de mars, celle-ci a été de 23%. Pendant les trois dimanches de la période de diffusion de Notre jardin extraordinaire dont on dispose des chiffres, la PDM de l'émission était de 28%. La hausse du nombre de téléspectateurs du programme n'est donc pas seulement due à l'accroissement du nombre total de personnes regardant la télévision en période de confinement (cf. situation en mars avec une baisse de PDM pour une légère hausse de spectateurs) mais aussi à l'attirance plus marquée exercée par ce programme dans une version de proximité interactive où le spectateur devient (en partie) acteur de la production.



Le jardin extraordinaire est une des émissions historiques de La Une. Elle y a occupé la case de début de prime-time du samedi soir depuis octobre 1965, et est passée du samedi au dimanche au tournant des années 2000. Certains observateurs estiment que ce changement de jour (imposé par l'obligation faite à la RTBF d'alors diffuser en direct le samedi soir un jeu de la Loterie nationale) a en réalité sauvé une émission qui s'enlisait dans le documentaire animalier et perdait en audience. Le programme a alors entamé un virage écologique, qui a été suivi d'une profonde remise à neuf du concept un peu avant le cinquantième anniversaire de l'émission, en septembre 2014, en s'orientant vers l'observation, la découverte et la protection de la nature. Elle est depuis lors pilotée par Tanguy Cortier.
Avant cette période de renouvellement, selon la RTBF (1), l'émission avait une part de marché moyenne de 18,6%, et une audience moyenne de 323.067 téléspectateurs. 
Au cours de l'année 2019, l'audience moyenne de l'émission a été d'environ 350.000 personnes. Le programme est apparu à 24 reprises dans le top 20 des meilleures audiences de la semaine établi par le CIM (Live+7), avec dans ces cas-là une audience moyenne d'environ 370.000 spectateurs et une part de marché moyenne de 24%.

Par rapport à l'an dernier, l'audience moyenne de l'émission depuis janvier est donc en hausse. Celle-ci a été renforcée par Notre jardin extraordinaire. Les parts de marché de l'émission, par contre, ont été relativement stables, sauf lors de la diffusion de Notre jardin extraordinaire.


Frédéric ANTOINE



(1) Source : www.rtbf.be, Le jardin extraordinaire, l'émission nature de la RTBF, a 50 ans (15/10/2015)

05 mai 2020

Questions en Prime : Une prime pour les réponses



A compter du lundi 16 mars 2020, La Une (RTBF) a fait suivre son JT de 19h30 d'une émission en direct, de type "service aux téléspectateurs", où le journaliste Sacha Daout relaye auprès de spécialistes présents sur le plateau les questions que se pose le public (et les téléspectateurs) à propos du covid-19, du confinement, et de la crise liée au nouveau coronavirus. Certaines questions sont aussi posées par les téléspectateurs eux-mêmes. A coté d'invités en studio, la parole est donnée à divers acteurs de la société belge, via visioconférence.

L'émission se déroule normalement du lundi au jeudi, en n'empiétant pas sur le week-end.
Elle dérogera à ce principe fin avril, lors de l'annonce des premières mesures de déconfinement. Le programme est alors aussi diffusé le vendredi et le week-end, dans l'annonce de et pour rendre plus compréhensibles (ou discutables) les mesures annoncées le vendredi soir après 22h.

Le mercredi 25 mars constitue aussi une exception. Ce jour de la semaine étant celui où était prévu le lancement du nouveau magazine d'investigation de la rédaction de la RTBF, une partie de l'émission est remplacée par la diffusion d'un reportage, Dans l'ombre du virus. L'audience de ce jour est la plus faibles du programme, si l'on exclut celle du mercredi 16/3, jour où  l'émission est particulièrement longue, et où RTL-TVI diffuse en parallèle un reportage : Coronavirus, la Belgique à l'arrêt.

De la mi-mars au 28 avril, l'audience moyenne de Questions en Prime a frôlé les 607.000 spectateurs quotidiens. Cette moyenne est à peu près identique au cours du mois de mars et du mois d'avril.

La courbe des audiences quotidiennes confirme ce niveau d'audience à peu près constant qui ne connaît que deux jours plus faibles et un jour avec un pic d'audience, celui-ci se situant le vendredi soir, avant la tenue de la conférence de presse du CNS annonçant les premières mesures de déconfinement. Le programme réunit alors près de 878.000 téléspectateurs, ce qui constitue une audience très élevée (à l'heure où ces lignes sont écrites, le CIM ne donne pas encore accès aux données en parts de marché permettant de mesurer à quelle part de l'ensemble de l'audience ce chiffre correspond).



Il est difficile de comparer l'audience moyenne avec les résultats d'ordinaire obtenus par La Une à la même heure, car l'émission ne correspond pas au format classique d'un programme de prime-time. Sa durée moyenne est de 22 minutes, ce format connaissant trois exceptions : le 18/03, où elle dure plus de 80 minutes (audience moyenne la plus faible enregistrée), le 25/03 (avec diffusion d'un reportage) et le vendredi 24/04, où elle participe pendant 46 minutes à la longue attente de la conférence de presse du CNS. On pourrait alors comparer l'audience de cette tranche avec celle des programmes courts de début de prime-time que La Une propose du vendredi au dimanche, mais là aussi la mise en relation serait discutable car ces jours sont, justement, ceux où l'émission n'est d'ordinaire pas diffusée.
A titre indicatif, on notera que l'audience moyenne du programme de prime-time de La Une au cours du mois de janvier (lundi-jeudi) était de 337.000 téléspectateurs. Soit un peu moins de la moitié du volume de l'auditoire que réunit en moyenne Questions en Prime.



Les données disponibles sur les parts de marché réalisées par l'émission ne concernent que la meilleure audience de chaque semaine. Ces jours où le programme a réuni la plus grande proportion de spectacteurs, la PDM du programme se situe entre 36 et 40%, et cette proportion croît en avril, semblant manifester l'accroissement d'intérêt que l'audience porte à une émission qui tend à clarifier, expliquer et faire comprendre, sans se faire le porte-parole des décideurs, et tout en conservant un esprit critique et un sens journalistique.

Frédéric ANTOINE

04 mai 2020

Quelle audience, les JT confinés !



Les JT du soir

L'audience des JT a battu tous les records pendant la crise du coronavirus.

Selon les données CIM, plus de 800.000 téléspectateurs (Live+Vosdal) ont fréquemment suivi les journaux télévisés du soir de RTL-TVI et de La Une au cours du mois de mars. Ces scores historiques sont beaucoup moins fréquents en avril, et est alors essentiellement lié aux moments des annonces de décisions du CNS sur la sortie du confinement.

De manière assez constante, le RTL Info de 19h a, comme à l'accoutumée, rassemblé davantage d'audience que le JT de La Une. Mais les résultats des deux chaînes se sont rapprochés.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 19h de RTL-TVI a été suivi par près de 808.000 spectateurs, et le 19h30 de La Une par environ 754.500 spectateurs.
Du 1er au 29 avril, l'écart s'est réduit entre les deux chaînes, la moyenne du journal du soir de RTL-TVI étant de 724 500 et celui du 19h30 de 722.000. En tenant compte de la marge d'erreur, on peut estimer que les deux JT ont réuni le même nombre de spectateurs.

En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 19h était de 601.000 personnes et celle du 19h30 de La Une de 472.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 531.000 pour RTL-TVI et de près de 420.500 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 19h a donc été d'environ 200.000 spectateurs supérieure à 2019, et celle du 19h30 de La Une de près de 275.000.

En avril, les gains d'audience sont encore supérieurs. Le RTL Info 19h a comptabilisé en moyenne environ 193.500 spectateurs de plus qu'en 2019, et le19h30 de La Une près de 301.500. Ces résultats s'expliquent en partie au moins par l'absence cette année d'un effet "vacances de Pâques", qui diminue toujours l'audience moyenne de la télévision pendant cette période. Mais cet effet ne concerne qu'une partie du mois.

Les pics absolus d'audience des JT se situent en début de crise, lors de l'entrée en confinement. 
Tout au long de cette période, les journaux télévisés de RTL-TVI continuent comme d'ordinaire à recueillir davantage de spectateurs que ceux de la RTBF. Mais celle-ci réalise parfois des audiences plus élevées que sa concurrente privée lors de moments liés à la communication de décisions du CNS.

Les JT de 13h

Sur le temps de midi, les JT de la RTBF réalisent d'ordinaire des résultats d'audience meilleurs que RTL-TVI. La chose est moins évidente pendant cette période de crise, les deux émissions d'information comptabilisant souvent un nombre de spectateurs presque équivalent (hormis les cas des dimanches, où RTL-TVI est traditionnellement plus suivie que La Une). En fin de période, l'audience des JT de 13h de RTL-TVI précède à de nombreuses reprises celle des JT de la RTBF.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 13h de RTL-TVI a été suivi par près de 390.500 spectateurs, et le 13h de La Une par environ 414.500  spectateurs.
Mais, du 1er au 29 avril, la moyenne du journal de 13h de RTL-TVI était de 410.000 spectateurs et celui de la RTBF de 384.000.
En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 13h était de 229.500 personnes et celle de La Une de 237.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 215.500 pour RTL-TVI et de près de 230.000 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 13h a donc été d'environ 261.000 spectateurs de plus qu'en 2019, et celle du 13h de La Une de près de 177.500.

En avril 2020, RTL Info 13h a compté environ 194.500 spectateurs en plus par rapport à 2019, et le13h de La Une près de 206.500. Mais il faut là aussi tenir compte d'une absence de l' "effet vacances de Pâques" cette année.

La crise du coronavirus a attiré vers l'information des JT belges un nombre de spectateurs plus important que d'ordinaire, celui-ci augmentant souvent en moyenne de plus de 200.000 personnes par jour et par édition du journal télévisé. Il s'agit évidemment de moyennes, qui sont influencées par les chiffres élevés d'audience les jours où des événements importants se déroulent aux alentours de l'heure des informations. En mars et avril, RTL-TVI a accru par rapport à 2019 l'audience de ses JT de plus de 25%. A 13h, l'audience moyenne de RTL a augmenté de plus de 40% en mars à un peu moins de 50% en avril.
Pour la RTBF, la hausse d'audience du JT du soir et plus marquée encore: en mars elle est d'un peu moins de 40%, et avril d'un peu plus de 40%. A 13h, le gain d'audience est de plus de 40% en mars et en avril.

Les hausses d'audience sur le temps de midi peuvent être mise en relation avec l'état de confinement, qui invite davantage de personnes à regarder la télévision en journée. La même explication ne peut pas être envisagée de manière identique pour les JT du soir.

Frédéric ANTOINE



Conférence de presse ou de stress?


A propos de la conférence de presse du CNS (Comité National de Sécurité belge) du 24/4/2020


A quoi sert une conférence de presse?

a) A communiquer à des journalistes un contenu complexe, impossible à réduire au texte d'un simple communiqué de presse, par exemple, afin que les journalistes se réapproprient ce contenu, le digèrent, le contextualisent, le vulgarisent, pour le transmettre ensuite à leurs usagers (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).
b) A permettre aux journalistes, porteurs des interrogations de leurs usagers, de poser en leur nom des questions aux organisateurs, questions à la fois de compréhension, de précision, de contextualisation, mais aussi de contradiction, voire de controverse.
La conférence de presse relève d'une communication à deux niveaux, le journaliste-médiateur se situant au niveau médian du processus.
Un journaliste ne peut être le 'médiateur' de la communication d'organisateurs d'une conférence de presse que s'il en a lui-même saisi et compris tous les éléments.
Dans la panoplie des sources journalistiques, une conférence de presse est la (ou une des) matière(s) première(s) d'une production journalistique.

A qui s'adresse une conférence de presse?

Aux journalistes. A ceux qui vont relayer son contenu en se le réappropriant, contextualisant, nuançant, voire parfois en le contestant.

Que n'est pas (en général) une conférence de presse?

Un contenu clé sur porte transmissible en l'état aux destinataires finaux de la chaîne de l'information (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).

A qui ne s'adresse pas une conférence de presse?


Au 'grand public' qui ne dispose ni des outils, ni du background, ni des éléments de contexte, lui permettant non seulement à terme de se réapproprier seul ce contenu présenté, mais surtout de l'assimiler en temps réel.

Quel est le virus qui tue actuellement les conférences de presse?

L'obsession de l'immédiateté, qui vise à réduire à néant l'intervalle de temps entre la collecte d'une information et sa transmission à son destinataire final. C'est-à-dire le rêve de supprimer le rôle de médiation du journaliste. Ce virus a été inoculé par les chaînes 'all news' (CNN en premier lieu) qui ont entrepris de retransmettre en temps réel (le fameux 'direct live') des points presse et des conférences de presse destinés précédemment à n'être accessibles qu'aux instances de médiation que sont les journalistes. Cette réduction de l'écart temporel est ensuite devenu une pratique courante, voire obligatoire, suite au culte de la banalisation du vécu en temps réel exercé par les réseaux sociaux.

A qui a été transmis le virus?

A tous les médias d'information qui n'envisagent plus d'instaurer un quelconque délai entre le moment où survient l'expression d'une information (notamment en conférence de presse) et sa communication à son audience. D'où la retransmission en temps réel, sans filtre, et parfois même sans traduction simultanée.
Mais le virus a aussi été transmis aux organisateurs de conférence de presse qui confondent désormais communication à des médiateurs professionnels et communication directe avec le grand public. Et qui offrent aux médias les moyens techniques de captation leur permettant de se passer de la médiation journalistique. Et leur garantissant ainsi un accès direct à l'audience, comme s'ils s'y adressaient directement. Alors que les codes utilisés restent ceux d'une conférence der presse.
On met ainsi sur le même pied 'information pour la presse' et 'communication à la Nation'. Ce qui n'a rien à voir.
La préoccupation des responsables de conférence de presse de les organiser 'à l'heure des JT', ou à l'heure d'émissions spéciales de prime-time conforte la banalisation de cette confusion, voire la rend inévitable.

Un commentaire?

On peut ajouter à cela que, même si la conférence de presse est destinée à des 'professionnels' et des 'médiateurs' patentés, les principes de base d'une bonne transmission de message y sont les mêmes que pour toute communication. Il s'agit de véhiculer un message clair, et donc le moins ambigu possible.
Ainsi, par exemple, tout utilisateur du powerpoint sait que le rôle de pareille projection n'est pas d'apporter une information autre que celle qui est au même moment présentée oralement. Au contraire, le powerpoint doit être en partie au moins redondant par rapport au contenu exprimé oralement, et il doit venir renforcer le oral, et non le perturber.
Assimiler des contenus divergents, voire dissonants, présentés en parallèle, et dans une mise en forme peu discernable, ne peut qu'entraîner confusion et incompréhension.
Si, de plus, trois images différentes convoquent en même temps le cerveau de l'audience, de gros doutes peuvent être exprimés quant à l'efficacité de l'exercice de communication…






Frédéric ANTOINE

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