Viva for Life ? Une affaire biblique qui marche du tonnerre. Et qui devient "la référence" du service public en matière d'opération de "charity business". Mais pourquoi ?
"Dans la Bible, on peut lire que le prêtre d'Israël posait ses deux mains sur la tête d'un bouc. De cette manière, on pensait que tous les pêchés commis par les juifs étaient transmis à l'animal. Celui-ci était ensuite chassé dans le désert pour servir d'émissaire et y perdre tous les pêchés" (1).
Depuis dix ans, à la veille de Noël, la RTBF ne procède pas autrement, à l'exception près que son administrateur général ne pose pas ses deux mains sur les têtes des trois "animateurs" qui accompliront le marathon radiophonique Viva for Life. Et qu'ils ne sont pas envoyés au désert, mais enfermés dans un "cube", au fond de la Belgique (en tout cas cette année-ci).
À cela près, le rôle assigné aux trois "volontaires désignés" est bien le même que celui des temps bibliques : prisonniers de leur cube (et jusqu'à récemment privés pendant une semaine de toute nourriture solide), ils sont là pour endosser tous les péchés de non-assistance commis par les Belges face à la misère des enfants.
Ils font pénitence au nom de tous, souffrent de l'isolement et de la fatigue (sans parler de l'obligation de descendre au studio par une rampe de pompier ou de manger des choses qu'ils n'aiment pas…), tout cela pour expier nos fautes collectives. Afin de pouvoir retrouver l'air libre, c'est-à-dire être défaits de cette malédiction, on ne leur a proposé qu'une solution : convaincre ces pécheurs de Belges francophones de "se racheter" en faisant des dons afin d'aider les enfants malheureux.
Colllecteurs, Sarah, Marco et Ophélie deviennent aussi fréquemment confesseurs. Ils parlent en effet souvent sur l'antenne avec les auditeurs qui les appellent pour donner de l'argent ou pour commander l'écoute d'un disque contre le paiement de 40€. Ils leur demandent alors s'ils ont eu eux-mêmes une enfance difficile, et quand c'est le cas manifestent grandement leur compassion, ces auditeurs appelant pour que, à l'avenir, ce qu'ils ont enduré ne se reproduise plus. Séquences "émotion" garanties…
D'autres auditeurs, qui n'ont pas eu une enfance malheureuse, racontent combien ils se rendent maintenant compte que la situation de misère que vivent une partie des enfants est intolérable, raison pour laquelle ils essaient ainsi, en quelque sorte, de contribuer à la réduire. Comme leur disent parfois les trois enfermés, "cela libère la conscience". Surtout lorsqu'il s'agit d'enfants, et que l'on se trouve à la veille de Noël, dont la petite enfance est le point focal, même si de moins en moins de gens se souviennent qu'on commémore alors la naissance de Jésus-Christ…
Autant de raisons (parmi d'autres) qui expliquent pourquoi Viva for Life a recueilli cette année 8.034.120€, soit plus que l'an passé et, bien sûr, que toutes les années précédentes. Avec un montant pareil, cette opération essentiellement radiophonique a cette fois dépassé le résultat de Cap 48, l'action de solidarité historique de la RTBF, qui n'a, elle, rassemblé "que" 7.733.227€. En 2021, Viva for Life avait recueilli 7.512.346 et Cap 48 7.625.014. Soit à peu près la même somme dans les deux opérations (mais Cap 48 était avant Viva…).
Une inversion de tendance plus que significative de l'évolution de l'air du temps, de la proximité différente de l'audience avec la cause, et de l'effet qu'un "matraquage" radiophonique d'une semaine, portée par la station du service public la plus écoutée, peut toujours opérer en 2022…
Joyeux Noël!
Frédéric ANTOINE,
(1)https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/bouc-emissaire/