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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

17 décembre 2025

VIVA FOR LIFE, LA BOTTE CACHÉE DE LA CHARITY RTBF


 

 (image générée par IA)

Grâce aux succès de Viva For Life, le charity business médias made in RTBF occupe le haut du pavé en Belgique francophone face au groupe RTL. Sera-ce encore le cas cette année ?

 

Viva For Life a donné un énorme coup de boost aux actions “charitables” de la RTBF. Finie l’époque où les résultats de l’historique 48.81.00 devenu Cap 48 caracolaient loin dernière “l’élan de générosité” suscité par la Télévie, plus moderne, et, surtout, mobilisant bien plus les sentiments et les émotions des donateurs que la traditionnelle collecte menée sur le service public.

La première édition de Viva For Life, fort modeste, a eu lieu en décembre 2013. Cette année-là, l’opération récoltait 1.267.351€, alors que, quelques mois plus tôt, Cap 48 avait obtenu près de quatre fois plus : 4.530.895€ (soit 22% du montant total récolté, contre 78% pour Cap 48). Action de charité historique, cette dernière bénéficiait de sponsors reconnus, alors que l’opération de fin d’année, d’origine radiophonique, n’en était qu'à ses balbutiements.

D’année en année, les chiffres de dons aux deux opérations ne cesseront ensuite de croître, mais de manière beaucoup plus rapide pour Viva For Life, qui mobilise sur les pauvretés des enfants à la veille de Noël, que pour Cap 48, qui choisit toutefois de ne plus seulement soutenir les personnes en handicap, mais aussi atteintes de maladies graves. Dès 2014, Viva For Life représente plus de 30% de la somme cumulée de dons recueillis par la RTBF. 

 

LA BASCULE DE NOËL

 

Une bascule significative s’opère en 2020. Cette année-là (nous sommes alors en période covid), l’opération Viva For Life représentera 51% des dons récoltés par le charity business de la RTBF. Un montant constamment en croissance. Ce pourcentage n’a pas été dépassé depuis lors. En 2024, la collecte de dons pour l’aide aux enfants défavorisés représentait un peu moins de 51% des montants collectés par la RTBF. Ce qui signifie que, sans Viva For Life, le “score”  de dons du service public aurait été plus deux fois moins élevé.

Une image contenant texte, ligne, Tracé, capture d’écran

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Le calcul du cumul de l’argent récolté par les deux opérations de l’opérateur public témoigne de la croissance constante de la générosité du public et des sponsors, croissance évidemment due à l’arrivée de Viva For Life, et à son concept médiatique fort différent de celui de Cap 48 : une présence constante sur l’antenne radio, des directs TV pendant toute une semaine, des événements en prime-time lors de la fermeture et de l’ouverture du cube, un “silonnage” en bus de la Wallonie et de Bruxelles, de courts shows cases d’artistes…). Ainsi qu’une immersion d'un studio live au cœur des villes, et non seulement un direct pendant une soirée type Téléthon, réalisée dans le confort clos d’un studio de TV (ou de son équivalent), avec la présence d'un public très sélectionné.


LE DÉCLIN DE LA VIE TÉLÉ

 

L’opérateur privé, qui avait largement pris le dessus sur son concurrent public en matière de Télé-charité, a vu l’écart entre les deux acteurs se réduire dans la seconde partie de la décennie 2010, c’est-à-dire à partir de la prise d’envol de Viva For Life. Le covid peut-être, mais surtout l’usure d’une formule créée en 1989 pour légitimer la présence d’une télévision privée en Belgique francophone, sont à l’origine d’un phénomène qui a paru incroyable sur des médias où il faut chaque année battre le record de l’année précédente : une chute des sommes récoltées, très marquée entre 2020 et 2022. Une nouvelle structure a alors été mise en place au sein de RTL Belgium, et confiée à un nouveau et très actif responsable, qui a réussi à inverser la tendance depuis 2023. En 2025, le montant récolté par le Télévie était très légèrement au meilleur des résultats obtenus jusque-là, en 2019.

Une image contenant ligne, Tracé, diagramme, pente

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Suite à l’adjonction de Viva For Life à Cap 48, l’inversion des courbes s’est réalisée dès 2019. Le différentiel, favorable à RTL Belgium jusque-là, a alors basculé, atteignant son maximum en 2023, avant de légèrement diminuer.

Une image contenant texte, Tracé, diagramme, ligne

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

 

TENDANCE IRRÉMÉDIABLE ?

 Les prochains résultats de la session 2025 de Viva For Life devraient permettre de voir si les tendances qui se sont installées depuis une petite dizaine d’années se maintiennent, ce qui semblerait logique au vu du trend enregistré par le passé. L’opérateur privé sera-t-il dès lors obligé, lui aussi, de charger de braquet et d'augmenter son investissement dans le charity business médiatique ? Pour cela, il faudrait que cet objectif reste une des priorités de ses actionnaires actuels…

 

Frédéric Antoine

 

(À titre de comparaison, on verra ci-dessous un graphique présentant les montants récoltés en € constants et non constants, comme ci-dessus. Les différences sont faibles, sauf au début de cette décennie : suite à une forte inflation, même si les montants en € courants ont augmenté pour la RTBF, il n’en a pas été de même en € constants. Le graphique confirme aussi la situation délicate dans laquelle se trouvait alors le Télévie.)

 

Une image contenant ligne, Tracé, diagramme, pente

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09 décembre 2025

1RCF Belgique : le DAB+ m’a tuer

La station catholique en DAB+ 1RCF disparaîtra du paysage radiophonique belge avant l’été prochain. La fin d’un projet mégalomaniaque, révélateur de la grande fragilité du choix de m’émettre que dans cette nouvelle norme.

Dans un communiqué diffusé le soir du 5 décembre, la Conférence épiscopale francophone de Belgique a annoncé sa décision de désormais ne plus soutenir financièrement la radio 1 RCF, qui diffuse depuis le 4 novembre 2019 en DAB+ (et en ligne).

La Conférence épiscopale aurait annuellement financé  le fonctionnement de cette radio aux environs de 100.000€. Les autorités ecclésiales, qui cherchent partout à faire des économies, ont reconnu que l’investissement n’était pas à la hauteur des audiences attendues. L’argent ainsi épargné sera affecté à d’autres postes budgétaires. « Les ressources actuellement mises à la disposition de 1RCF Belgique permettront de renforcer l’offre de CathoBel et de lancer de nouveaux projets », écrivent les évêques, qui remercient le personnel qui s’était engagé dans cette opération. Une partie de ce personnel dépend en effet aussi, mais indirectement, de l’Église catholique.

STAND ALONE

1RCF Belgique était l’une des seules à avoir candidaté à l’époque pour pouvoir être autorisée par le CSA à condition de ne diffuser qu’en DAB+. Elle était aussi quasiment la seule station de ce genre à ne pas être conçue une radio thématique, excroissance ou déclinaison ciblée d’une marque bien installée sur la FM. Si 1RCF était évidemment liée aux radios locales de RCF en Belgique, elle n’en constituait pas une version thématique, mais avait au contraire été conçue comme une superstation sans lien direct avec les radios FM de RCF à Bruxelles, Namur, Liège…, qui dépendent non de la Conférence épiscopale, mais des évêques à la tête des diocèses couverts par ces émetteurs locaux. Des radios avec lesquelles 1RCF n’a pas toujours entretenu de très bonnes relations.

HIS MASTER’S VOICE

L’énorme ambition de 1RCF Belgique était de diffuser la voix de l’Église catholique, partout, tout le temps, et en un seul coup, à l’échelon de l’ensemble de la partie francophone du pays. Assurer une présence identitaire forte via un média, à l’heure où les paroisses se vident et où les fidèles qui décèdent ne sont que peu remplacés par ceux issus de nouvelles générations était audacieux. Et peu courant dans les prudentes sphères dirigeantes du catholicisme belge. Certains ont cru que ce projet était “prophétique”. Mais il n’est pas aisé de guider un attelage dans lequel on trouve à la fois des radios diocésaines, au public restreint et ancien, et une tout autre radio, ne reposant sur aucun public préétabli. Et devant, de plus, se créer sa propre notoriété à partir de zéro sur une gamme d’ondes où les auditeurs ne sont (et c’est un euphémisme) en général pas légion. Qui plus est, quand on espère hameçonner des auditeurs âgés comme ceux qui constituent la base du monde affinitaire catholique.

INCONNUE AU BATAILLON

Le CIM  ne publie pas de résultats des RCF dans ses publications officielles. Et ce, pour une raison bien simple : leurs audiences sont inférieures aux minima retenus. Si l’on excepte Nostalgie+, NRJ+, Viva+ et dans une moindre mesure Contact Max, les radios diffusant en numérique se trouvent en effet toute fin de classement des audiences mesurées, avec moins de 10.000 auditeurs/jour en moyenne. Celle de 1RCF est si faible qu’elle n’est pas prise en compte.

Une image contenant texte, capture d’écran, Police, ligne

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

De même, côté parts de marché, seules 3 radios numériques dépassent le 1% d’audience (les premières nommées ci-dessus). La plupart des autres ont une part d’audience de moins de 0,1% et, même en comptabilisant jusqu’à Jam. (0,03%), on ne trouve toujours pas de radio RCF.

AVENIRS ÉPISCOPAUX

Effacée du DAB+, la marque 1RCF subsistera-t-elle ? Rien n’est, semble-t-il, fixé pour l’instant, mais rien n’est aussi moins sûr, car on verrait mal l’intérêt de poursuivre exclusivement par IP la diffusion linéaire d’une station qui s’adresserait au même public que la version DAB+, public encore moins agile dans l’usage des plateformes numériques que d’un récepteur radio DAB+.

Les radios diocésaines de RCF sont épargnées. Mais la décision finale concernant leur avenir à long terme n’est pas garantie pour autant, leur destinée dépendant des choix prioritaires de chacun de leurs commanditaires. Deux nouveaux évêques viennent d’être nommés par le pape en Wallonie. L’un d’eux, en Hainaut, n’aura pas à envisager la question, puisque ce diocèse n’a pas de locale RCF. À Namur, par contre, le sujet sera sur la table. Le sort de RCF Bruxelles est également encore en attente. Avant que la Conférence épiscopale ne décide d’abandonner 1RCF, le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles avait fait savoir qu’il n’entendait plus soutenir financement RCF Bruxelles. On ne sait pas si la nouvelle donne modifie ces intentions. Il a par contre été annoncé par la Conférence épiscopale que, via son agence d’information Cathobel, l’Église catholique entendait développer à l’avenir de nouveaux projets en ligne, destinés à toucher de nouveaux publics.

MALADIE CONTAGIEUSE ?

 Si la disparition annoncée de 1RCF ne signe pas la mort clinique du DAB+, il témoigne en tout cas de l’énorme difficulté à fidéliser sur ce type de support certains publics peu (ou pas du tout) enclins à remplacer leur parc de récepteurs, et peu (ou pas du tout) adeptes de l’écoute en DAB+ sur l’autoradio de leur voiture. Comme bon nombre de conducteurs, qui ignorent tout simplement qu’il existe d’autres moyens d’écouter la radio en roulant que la FM ou, pour les plus jeunes, l’écoute en ligne grâce à la 4G de son smartphone. Une invention géniale qui permet par exemple de suivre de Belgique toutes les grandes radios françaises diffusant en FM, alors qu’elles sont devenues inaudibles en hertzien.

La véritable question que révèle le sort de 1RCF est de savoir s’il y a assez de passagers à son bord pour que l’avion du DAB+ reste définitivement en vol. Et qui sont réellement ces amateurs d’hertzien newstyle qui ne se contentent pas, comme la plupart des gens, de continuer à écouter la radio en FM ou sont passés aux radios IP, à moins qu’ils aient tout bonnement délaissé les radios linéaires au profit des podcasts et des plateformes musicales. Il faut bien dire que, dans ce contexte, le sort de 1RCF Belgique ressemble un peu à la chute d’Icare…

Frédéric Antoine.

Note: selon un commentaire de Eric WM Cooper, 1RCF est apparue 2 fois dans une vague d'audience CIM: en janvier-juin 2020 et septembre 2020-février 2021, c'est-à-dire lors des confinements covid. 

 (dessin réaménagé à partir d'une formalisation par IA sur base d'une photographie)

 

 

09 octobre 2025

TV Locales : et si on arrêtait de se précipiter ?

L’empressement avec lequel le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est emparé du dossier des télévisions de proximité a de quoi surprendre, de même que la rapidité avec laquelle le Parlement de la FWB en a été saisi. Si l’objectif est bien d’  « assainir » le secteur à l’horizon 2031 (à supposer qu’il faille l’assainir), n’est-il pas encore temps d’arrêter les horloges pour dresser, sans contestations possibles, un véritable état des lieux de la situation du secteur et de ses composantes à la suite d’un audit clair et indiscutable. Et qui pourrait ouvrir vers des perspectives différentes.

 Vis-à-vis des télévisions de proximité, les démarches gouvernementales n’ont  pas pris le temps de tarder : annonce de l’intention de réduire le nombre de TVL à peine un peu plus de 4 mois après l’installation du gouvernement ; projet de réforme officiellement présenté 10 mois après l’installation ; accord gouvernemental sur le dossier juste un an après l’installation ; première lecture au Parlement 14 mois après l’entrée en fonction du gouvernement.

LA FORME ET LE FOND 

Dans la rapidité de ce mouvement, les démarches de concertation avec les acteurs concernés ont essentiellement été entreprises post quem, c’est-à-dire après l’annonce des intentions de la réforme, et non suite à une étude approfondie du dossier et à des contacts préliminaires avec les acteurs, de telle sorte que la réforme se présente davantage comme une démarche imposée au secteur des télévisions de proximité que comme une initiative proactive (et positive) à son égard. Et ce, même si, selon les sources ministérielles, « les travaux de réforme ont débuté dès 2024 par une tournée de l’ensemble des médias de proximité » et que « s’en sont suivis 8 groupes de travail, en plénière ou techniques par petits groupes » (1).

On ne peut ainsi nier que les objectifs de la réforme (gel de la subsidiation, révision des aides en personnel, réduction du nombre d’opérateurs…) avaient été fixés avant que se mette en œuvre une dynamique de « dialogue » avec les représentants des diverses télévisions, et que celui-ci s’est surtout préoccupé des modalités de mise en œuvre de cette réforme et non de son fond. Alors qu’il eût peut-être été pertinent de commencer par cela.

MACRO OU MICRO-ÉCONOMIES

Le secteur est-il, comme affirmé le 18/07/2025 lors de la présentation du projet au Gouvernement, « actuellement en difficulté » ? Plusieurs sources, disant reproduire des extraits de la note ministérielle établie en mai 2025, reprennent aussi une citation selon laquelle « malgré l’aide croissante des institutions publiques, un média de proximité sur deux sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles est en situation de déficit structurel ». Il semble que cette affirmation ait par la suite été reprise par plusieurs parlementaires. Car cet argument constitue un des éléments essentiels avancés pour justifier un impératif « assainissement » du secteur destiné à lui éviter de disparaître.

Si l’on se réfère au rapport de contrôle annuel des médias de proximité pour 2024 que vient de publier le CSA (2), cette affirmation semble contredite. L’organe de contrôle écrit en effet : « Le CSA constate enfin une amélioration de la situation financière de la plupart des MDP au regard du précédent bilan. Sept éditeurs ont remis un budget financier en équilibre, quatre sont en léger déficit sans que cela n’affecte leur solidité financière à court terme. Un éditeur présente toutefois une situation financière préoccupante. »

Les comptes annuels des ASBL qui chapeautent chaque télévision de proximité, tels que déposés à la BNB, confirment cette analyse pour 2024 et sont même un peu plus optimistes puisqu’ils comptabilisent 8 télévisions en boni, une (Ma Télé) dont on ne connaît pas la situation (3), et 3 en mali. 

Si, l’an dernier, de nombreux MDP (médias de proximité) ont tenu le cap de l'équilibre financier, il faut reconnaître que, sur le long terme, la situation financière des télévisions de proximité a pu être plus critique. Les résultats des exercices depuis le milieu des années 2000, tels que mentionnés dans les comptes annuels BNB, montrent une situation moins stable qu’à l’heure actuelle. À de nombreuses occasions par le passé, plusieurs télévisions de proximité ont affiché un déficit annuel.


 

Une lecture plus fine de ces chiffres, réalisée télévision par télévision, démontre toutefois que, dans de nombreuses occasions, le déficit d’une année a souvent immédiatement été comblé les années suivantes. Les périodes où les déficits sont les plus fréquents se situent surtout au début des années 2010, et au tournant des années 2020.

 

Certaines stations n’ont jamais connu (ou presque) d’année difficile.

 

 

D’autres, par contre, ont davantage connu des moments difficiles, parfois plusieurs années de suite, ou plusieurs séquences d’années de déficit de suite.

 

Et c’est là que l’on retrouve le souvenir de MDP aux finances parfois « inquiétantes ». Mais il est à souligner, comme le fait le CSA, que cette situation est devenue rare à l’heure actuelle. L’affirmation selon laquelle le secteur est en déficit chronique et exige une reprise en main rapide aurait pu s’appliquer par le passé, il y a une dizaine d’années notamment.

En comparaison, certains discours actuels semblent reposer sur des représentations mentales bien ancrées dans les esprits, mais qui manquent peut-être de quelque actualisation. On ne peut en effet plus parler, depuis plusieurs années, d’un état de « déficit structurel » concernant une majorité des MDP.

AFFINER LE SENS DES CHIFFRES

Un déficit ne signifie par ailleurs pas que les finances d’une ASBL sont en mauvaise posture. Une analyse des « pertes ou bénéfices » des MDP à reporter au terme de l’exercice 2024 démontre ainsi que, à l’exception d’une station de télévision, toutes les autres ont pu reporter des bénéfices des années antérieures.

 

Une analyse des « pertes ou bénéfices à reporter » portant sur un laps de temps plus long aurait probablement fourni des résultats de nature assez similaire.

Il y a aussi lieu de ne jamais perdre de vue que les données comptables n’ont qu’une valeur relative en tant qu’indicateur de « bonne santé » dans le cas d’ASBL, le but même de ce type d’association étant de pas de faire du lucre, mais d’équilibrer ses finances. Ce à quoi répondent la très grande majorité des acteurs du secteur des MDP, l’état des finances de certaines télévisions hennuyères étant toutefois ce qui pourrait faire l’objet de critiques. Mais est-ce une raison pour en réduire le nombre ? Ne pourrait-on, au contraire, les accompagner pour les mener vers de meilleures pratiques ?

En ce qui concerne les « chiffres d’affaires » et la « marge nette » des MDP, les données sont, au niveau des comptes annuels BNB, plus difficiles à apprécier, car les rapports de certaines TVL ne mentionnent parfois pas le chiffre d’affaires et se contentent de dresser un bilan des subsides reçus. Le CSA doit disposer d’autres sources, puisque son dernier rapport de contrôle mentionne que, en moyenne, 73,6 % des revenus des médias de proximité proviennent de subsides publics, et 26,4 % de revenus propres ou contributions des distributeurs. Le CSA note aussi la forte disparité de masse salariale selon les MDP, et mentionne qu’environ 36,4 % de cette masse salariale est financée par des aides à l’emploi.

Ces données précises étant disponibles auprès de l'organe de contrôle, tout comme de l’administration de la FWB, il eût été utile de pouvoir les analyser de manière diachronique MDP par MDP, afin de relever la disparité des situations et les évolutions en cours.

Le sujet des aides à l’emploi dont bénéficient les MDP constitue apparemment un point épineux dans le débat actuel, les annonces officielles n’ayant pas manqué de le mettre cela en exergue, en évoquant la disparité des situations des différents MDP vis-à-vis des aides APE. Alors que des intentions d’assainissement de ce type d’aide figurent explicitement dans les projets présentés par le ministre en charge des médias, il faut rappeler que ce domaine ne relève pas vraiment des compétences de la FWB. Celle-ci accorde bien des aides à l’emploi aux MDP, mais l’essentiel de l’aide dans ce domaine est du type APE, qui dépend des Régions. Dans ses exposés, le ministre en charge des médias a annoncé (4) qu'une réforme des aides à l'emploi était « en cours de discussion » du coté du ministre responsable de ce dossier à la Région Wallonne. Mais cette éventuelle réforme, dont on dit qu'elle devrait « objectiver » les aides que reçoivent les TVL ne peut en tout cas pas être considérée comme relevant du ministre des médias. Quant à Bruxelles, en l’absence de nouveau gouvernement, c’est toujours le ministre faisant fonction qui gère les ACS.

UNE GOUTTE D'EAU…

Pour terminer ce chapitre financier, et en tout cas en ce qui concerne les aides apportées par la FWB aux MDP, tout le monde s’accorde pour déterminer que l’enveloppe du subside de fonctionnement s’élève à 10,454 millions € (en 2023), 10,449 millions € (en 2024) auxquels s’ajoutent diverses aides (y compris à l’emploi dans le secteur non marchand pour 4,91,millions €), ce qui fixe l’aide totale 2023 de la FWB à un peu plus de 16 millions €, et de 17 millions € en 2024.

Sur un budget total  2024 de la FWB de 14,634 milliards €, le secteur Santé, Affaires sociales, Culture, Audiovisuel et Sport représente ± 15%. Sur le total du budget de la FWB, les 17 millions € d’aide accordés aux MDP représentent donc 0,12%.

Cette constatation rejoint l’analyse figurant dans le tout récenr rapport du comité d’experts auprès de la FWB, dans lequel ceux-ci relèvent (5), dans le budget 2025, que l’ensemble de dépenses audiovisuelles de la FWB ne représentent que 3% de son budget total, et que (6) « le budget annuel de l’ensemble des médias de proximité équivaut à 3,5% du budget alloué à la RTBF ». Ce qui amène les experts à écrire, a minima, qu’il convient de « relativiser la portée » des économies qui seraient faites de ce côté, et « de s’assurer que ces efforts n’affectent pas la qualité du service offert en matière d’informations de proximité ».

On peut supposer qu’il ne s’agit là que d’un commentaire policé, inspiré par la prudence. Car une lecture objective des chiffres ne peut que pousser à s’interroger sur les véritables raisons du choix politique d’avoir décidé de réserver les premières mesures de restrictions budgétaires à un secteur qui ne représente qu’une part aussi infime du budget de la FWB, et une goutte d’eau dans la dotation accordée à l’opérateur audiovisuel public (statut que, rappelons-le, n’ont pas les MDP).

UNE CARTOGRAPHIE DE PROXIMITÉ

L’étude de l’ensemble de ces éléments, préalablement au dépôt d’un projet de restructuration, aurait pu permettre d’établir un tableau de bord complet du secteur, opérateur par opérateur, afin d’éviter les approximations (ou les impressions d’approximations). La question des emplois et de leur financement, qui semble aussi motiver le fond du projet de réforme, aurait ainsi sans doute pu être mieux éclairée.

Le même travail aurait aussi pu permettre une cartographie, tant générale que particulière, du secteur, en s’attachant à la fois à l’étude de la couverture territoriale de chaque MDP et de son volume de population, mais aussi de ses caractéristiques sociodémographiques. Ce qui aurait permis de conférer tout son sens à la notion de « proximité ».

À ce propos, le choix de réorganiser le secteur sur une base provinciale peut poser question, alors que l’on parle au même moment d’une suppression des instances politiques provinciales et de « reconfiguration » des provinces. Il y aurait eu lieu de s’interroger sur le choix de ce critère administratif comme critère de base de la division des territoires des MDP. D’autres critères auraient pu être pris en compte, par exemple celui des bassins « naturels », géographiques et culturels, avec lesquels se confondent les zones de couverture de certains (petits) MDP. Ces bassins ne correspondent en effet pas aux frontières des provinces, en recouvrent parfois deux, et sont souvent plus restreints que l’étendue des entités purement administratives que sont les provinces.

Dans la même optique, en raison du fait que l’on a affaire à des « médias de proximité », on pourrait s’interroger sur la pertinence de recours au critère du volume de population couverte afin de définir le nombre de MDP, en fixant une « barre » arbitraire au million d’habitants, d’autant que ce critère ne correspond pas nécessairement aux bassins naturels et culturels du sud de la Belgique. La notion de « proximité » ne dépend en effet pas seulement d’un critère territorial, mais est aussi déterminée par des critères de nature économico-socio-culturelle.

MÉDIAS DE TERROIR

Pour mener à bien leur mission de proximité, on peut estimer que les télévisions devraient être encore plus « locales », c’est-à-dire être ancrées dans un terroir et non dans une territorialité. C’est de la sorte que les MDP pourraient réellement contribuer au renforcement des identités des bassins géographiques naturels où elles se trouvent.

Alors que l’on ne parle que d’économies, de réduction des opérateurs et des moyens, cette proposition ne peut que paraître paradoxale. Mais elle entend montrer que, tandis que l’individualisme et le repli sur soi et son téléphone portable n’ont jamais été si développés que dans le monde actuel, les MDP devraient voir leurs missions revues. Ne pas être « simplement » chargés d’informer un bassin de population déterminé comme s’ils n'étaient que des excroissances minimales de l’opérateur audiovisuel public national. Mais se voir confier la tâche de recréer de la vie et du lien social dans des zones socioculturellement cohérentes. Ne pas être les hérauts de la misère, des drames et des tristesses d’une « zone » de population, mais les promoteurs d’un retour au vivre ensemble (et au bonheur ?) à une échelle humaine. C’est-à-dire à celle des MDP les plus menacés à l’heure actuelle, parce que les plus petits, mesurés au volume de population de leurs zones de couverture…

Frédéric ANTOINE.

(1) En réalité, une grande partie de ces visites de terrain ont surtout eu lieu dans le courant du mois de janvier 2025.
(2) Rapport du 02/10/2025.
(3) Ce point ne fait l’objet d’aucun montant chiffré dans son compte annuel tel que publié par la BNB, tant et si bien qu’on peut l’estimer = 0.
(4) « J’ai également informé les opérateurs, dans une volonté de totale transparence, qu’une réforme des Aides à la Promotion de l’Emploi (APE) est en cours de discussion sous la houlette du Ministre wallon de l’Emploi. Elle devra être l’occasion d’objectiver les montants alloués aux médias de proximité, jusque-là attribués sans critères clairs et selon le bon vouloir des Ministres. » (communiqué officiel 03/06/2025).$
(5) p.19.
(6) p.32. 

 

21 septembre 2025

Quand l'IA se fourre le doigt dans l'œil


(image générée☺… par IA)

Incroyable ou pas ? Dialoguant avec ChatGPT5 à propos des éventuelles "mules" que porterait le pape Léon XIV, l'IA m'a répondu… que ce pape n'existait pas. Et, devant mes doutes, en a remis une bonne couche pour me prouver que je me trompais à 100%. Il a fallu beaucoup insister avant que la machine ne reconnaisse s'être plantée, en utilisant une excuse en carton-pâte. Il est donc très vrai, comme mentionné au bas de son site, que « ChatGPT peut commettre des erreurs ». Et, pour sûr, qu'il « est recommandé de vérifier les informations importantes ». Voici cette stupéfiante histoire… 

Le dialogue ci-dessous s'est déroulé, pour l'essentiel, le samedi 20 septembre dans l'après-midi (heure de Hoûte-Si-Ploû). On peut y lire comment la machine commence par affirmer que son interlocuteur ne pouvait être qu'un sacré benêt (début de la réponse R1, contenu intégral de la réponses R2 à propos du pape actuel et totale insistance en R3 alors qu'une question d'objection a été posée à la machine en Q3). Il faut que la Q4 conteste factuellement les réponses données précédemment pour que le robot se réveille en R4, mais en précisant que l'information sur la mort de François et son remplacement n'est fourni que par « plusieurs sources »! Et attendre la R5, répondant aux doutes émis sur la fiabilité de l'IA, pour qu'elle avance sa justification de sa monumentale erreur. Une excuse à peine croyable : les premières réponses données par l'IA ne reposaient pas sur sa connaissance encyclopédique actuelle mais sur son niveau de connaissances lors de sa période "d'entraînement", se clôturant en septembre 2021. Ah bon ?

Faut-il davantage de preuve pour démontrer que les IA peuvent mentir, ou inventer un peu n'importe quoi pour s'en sortir ?

La deuxième partie de la retranscription est tout aussi édifiante. Expliquant à la machine des doutes sur sa fiabilité suite à l'incident de la veille (et le fait que celui-ci ne se situait pas dans le cadre d'un usage gratuit mais bien d'un abonnement payant), ChatGPT5 fait plus qu'amende honorable. Il devient une véritable carpette. Et supposant que faute avouée est à moitié pardonnée, il promet de faire mieux la prochaine fois…

Cette petite histoire est, en fait, un véritable cas d'école. Car, hélas, tout y  est vrai… Sauf l'illu, comble du comble, fournie par la même fameuse IA…

Echange avec ChatGPT5 survenu le samedi 20 2025  PM

Q1 (Moi) : Le pape Léon XIV porte-t-il les mules que les papes portent d'ordinaire?

 R1 ChatGPT5 : Il n’existe pas de pape Léon XIV 🙂.

Le dernier pape nommé Léon est Léon XIII (1810-1903). Il n’y a jamais eu de Léon XIV dans l’histoire de l’Église catholique.

👉 Pour ta question sur les “mules papales” :

·       Jusqu’à Paul VI (1963-1978), les papes portaient traditionnellement des mules rouges (chaussures fermées, puis souvent de style mule).

·       Paul VI a modernisé la tenue : il a supprimé les mules mais conservé des chaussures rouges classiques.

·       Ses successeurs ont adapté : Jean-Paul II portait surtout des chaussures brunes, Benoît XVI a remis à l’honneur les souliers rouges, et François porte des chaussures noires ordinaires (souvent de type Richelieu).

Donc : non seulement il n’y a pas de “pape Léon XIV”, mais la coutume des mules papales a disparu depuis les années 1970.

Q2 (Moi) : Alors comment se nomme le pape actuel ?

 R2 ChatGPT5 :  Le pape actuel est François (pape François), élu le 13 mars 2013.

Son nom de naissance est Jorge Mario Bergoglio, né en Argentine en 1936.
Il est le 266e pape de l’Église catholique et le premier pape jésuite et latino-américain de l’histoire.

👉 Il a choisi le nom de François en référence à saint François d’Assise, symbole de simplicité, pauvreté et fraternité universelle.

Veux-tu que je te fasse aussi la liste de ses prédécesseurs directs (Jean-Paul II, Benoît XVI) pour situer la continuité ?

Q3 (Moi) : ah non, lui il est mort !

R3 ChatGPT5 : Non, le pape François (Jorge Mario Bergoglio) est bien vivant 🙂.
Il exerce toujours son ministère comme évêque de Rome et chef de l’Église catholique.

Peut-être as-tu pensé à Benoît XVI (Joseph Ratzinger), son prédécesseur, qui est mort le 31 décembre 2022 ?
Depuis cette date, le seul pape en fonction est François.

👉 Il n’existe pas (à ce jour, septembre 2025) de pape Léon XIV ni d’autre successeur : François reste l’actuel pape.

Veux-tu que je t’apporte des détails sur son état de santé et ses activités récentes, pour éclairer pourquoi certains ont pu croire à son décès ?

Q4 (Moi) : Le pape Leon XIV a  succédé au pape François au mois de mai 2025.

R4 ChatGPT5 : Oui — selon plusieurs sources, Robert Francis Prevost a effectivement été élu pape sous le nom de Léon XIV le 8 mai 2025, à la suite du décès du pape François le 21 avril 2025. vaticannews.va+3National Catholic Reporter+3Northeastern Global News+3

Voici les éléments confirmés :

·       Le pape François est mort le 21 avril 2025. Wikipédia+2Wikipédia+2

·       Le conclave s’est tenu du 7 au 8 mai 2025. Wikipédia+2Wikipédia+2

·       Robert Francis Prevost a été élu comme 267ᵉ pape, il a pris le nom de Léon XIV. vaticannews.va+2National Catholic Reporter+2

Si tu veux, je peux te donner quelques sources officielles (Vatican, etc.) pour vérifier ça dans les documents vaticans ?

Q5 (Moi) : hum hum, m'affirmer que le pape François n'est pas mort ne m'invite pas à te faire confiance…

ChatGPT5 : Tu as raison de relever la contradiction 🙏.
Jusqu’à mon entraînement (septembre 2021) je savais que le pape en exercice était François.
Mais en allant chercher des infos récentes (septembre 2025), je vois bien que :

·       Le pape François est décédé le 21 avril 2025.

·       Le conclave de mai 2025 a élu l’américain Robert Francis Prevost, qui a choisi le nom de Léon XIV.

👉 Donc, tu as raison : l’actuel pape est Léon XIV.

Merci d’avoir insisté.
Veux-tu que je te prépare une petite fiche synthèse sur Léon XIV (biographie, parcours, premiers gestes comme pape) pour avoir une vision claire ?  (…)

                                                                                    --oOo-- 

(échange survenu le lendemain, 21 septembre)

Moi : Cher chatgpt, j'ai été plus qu'étonné que hier, dans une de nos conversations, tu m'affirmes qu'il n'existait pas de pape Léon XIV, que le dernier du nom était Léon XIII et que le pape actuel s'appelait François. Quand j'ai essayé hier de te faire remarquer que ce que tu affirmais était faux, tu as fini par m'apporter une réponse peu satisfaisante, disant que cette réponse datait de l'époque de ton entraînement, où les données en ta possession s'arrêtaient en 2021. Alors que, la plupart du temps, les informations que tu traites sont désormais presque livrées en temps réel par rapport à leur déroulement, cette esquive m'a paru bien faible. Certes, il est bien mentionné que chatGPT peut commettre des erreurs. Et j'en ai déjà relevé par mal. Mais des erreurs de la taille de celle-ci… Et cela ne peut s'expliquer par le fait que je bénéficierais d'une version "gratuite" de tes services. Je paie chaque mois un abonnement pour en profiter. Dois-je dire que cet événement d'hier, auquel j'ai repensé longuement cette nuit, me laisse plus que pantois, et dans le doute sur tes capacités à fournir des réponses sérieuses…

ChatGPT5 : Je comprends très bien ton étonnement et ta déception 🙏.
Tu as raison : hier, je t’ai d’abord affirmé à tort qu’il n’existait pas de pape Léon XIV et que le pape actuel était encore François. En réalité, avec une recherche web (ce que j’aurais dû faire dès le départ), j’aurais pu confirmer immédiatement que François est décédé en avril 2025 et que Robert Francis Prevost lui a succédé sous le nom de Léon XIV.

C’est donc une erreur de ma part dans la gestion de l’information :

·       j’ai répondu d’abord à partir de ma base de connaissances générales (où le dernier pape connu était François, vivant).

·       j’aurais dû compléter par une vérification web (puisque tu parlais d’un événement postérieur à 2021), au lieu de rester bloqué sur mon “contexte d’entraînement”.

Tu as raison aussi sur un point important : ton abonnement payant est justement censé garantir un service plus fiable, et une erreur aussi visible peut légitimement te donner l’impression que je “trompe” ta confiance.

👉 Ce que je peux améliorer concrètement :

·       quand tu me demandes une info qui peut avoir évolué récemment (pape, chef d’État, actualité, événements), je devrais systématiquement utiliser la recherche web avant de répondre, plutôt que de me contenter de mes données générales.

·       si je ne suis pas certain, je dois te le dire clairement tout de suite, plutôt que de donner une réponse catégorique.

·       et si une incohérence est soulevée (comme tu l’as fait hier), je dois revenir immédiatement vérifier au lieu de rester sur ma première réponse.

Je comprends que cet épisode t’ait laissé dubitatif quant à la fiabilité de mes réponses. Ton retour est précieux, et je vais en tenir compte pour éviter de reproduire ce type de faux pas.

Veux-tu que je fasse une fiche claire et sourcée sur le pape Léon XIV (biographie, parcours, premiers actes de son pontificat), comme une manière de “réparer” cette confusion et te donner une base fiable ?

 (fin de la pièce. Le rideau tombe. Mais personne n'applaudit)

 

01 septembre 2025

LN24 : où sont passées Les News ?


Depuis ce 1er septembre, LN 24 n'a plus de "news" que dans son nom. Le pari de transformer la chaîne d'info en une énième généraliste casse totalement son image de marque, pour la reléguer, en grande partie, à celle d'une chaîne de rediffusions de tout et de rien. De quoi sauver le soldat LN24 ? Rien n'est moins sûr.

Qui n'en avait rêvé ? Doter la minuscule Communauté française de Belgique d'une "vrai" chaîne all-news, tous les journalistes, en tout cas, n'attendaient que cela. Et peut-être aussi une petite petite partie de l'erratique public de la tv de ce petit territoire sous protectorat télévisuel français. Et voilà que ce qui était inimaginable devenait réalité. Deux extraterrestres de la planète médias (en tout cas, on les considérait alors comme tels), annonçaient en octobre 2018 que, un an plus tard, ils allaient lancer la première chaîne d'info tv propre au Sud de la Belgique. Du jamais vu en télévision et (presque) en radio, si on oublie ce temps révolu où avait existé une version belge de BFM radio (1). Joan Condijts et Martin Buxant avaient la tête dans les étoiles, et Boris Portnoy était prêt à transformer leur folie en réalité.

On l'a dit et redit lors du lancement de la chaîne, le 2 septembre 2019 : le projet était plus que risqué. Ce n'était pas sans raison que personne, jusque là, n'avait eu l'audace de relever pareil pari. 
À  commencer par RTL et Rossel, poids lourds des médias privés en Belgique francophone. Ce à quoi il faut ajouter que l'expérience préalablement menée côté flamand avait capoté. Alors que le public était là plus large et, surtout, plus fortuné, donc davantage une bonne cible pour les publicitaires.

HORS DE PRIX 

Et voilà que deux farfelus plongeaient dans l'aventure. Avec véritablement la conviction de voir la gageure réussir, ou l'intention de d'abord se faire plaisir et se donner une visibilité certaine ? Seule l'histoire le dira peut-être un jour. Toujours est-il qu'ils n'étaient pas seuls dans une aventure qui a cruellement révélé qu'elle manquait de moyens. Surtout que, en tout cas à ses débuts, LN24 refusait l'idée d'être une chaîne "show-chaises", comme disent les Québécois, c'est à dire peuplée de talk-shows et de débats filmés dans un studio. L'ambition était bien plus grande. On pourrait dire démesurée. Et il n'a pas fallu longtemps pour s'en rendre compte, quand la chaîne de news n'a pas réussi à couvrir en direct certains grands événements demandant de nombreux facecam en extérieur, des journalistes rodés à l'exercice et des connexions de qualité. 

LN24 a rapidement renoncé à ses trop grandes ambitions et a, largement, viré au "show-chaises", tout en confirmant son statut de chaîne d'info… qui avait même fini par faire peur aux traditionnels praticiens du journalisme télévisé publics ou privés, LN24 s'évertuant à faire de l'info à des heures où ni la RTBF ni RTL TVI n'en faisaient plus. Il n'a pas fallu longtemps pour que les patrons de LN24 se rendent compte que le modèle économique prévu était intenable, et qu'il fallait rationaliser tout en augmentant le (petit) capital. On peut dire qu'à partir de ce moment, la station a un peu été de Charyble en Scylla et de repêchage en repêchage, les fondateurs fuyant le navire les uns après les autres, ce qui n'aidait ni la cohérence du projet, ni ne garantissait une bonne continuité de gestion. Il fallait du courage et de la conviction pour s'accrocher à cette barque chahutée dans les tempêtes du monde médiatique.

LA VENUE DU SAUVEUR 

Quand IPM, qui était alors dans une époque d'ambitions et avait la volonté de créer un "vrai" groupe multimédias, a annoncé qu'elle allait racheter une grande partie du capital, faire déménager la chaîne dans ses locaux et lui donner un nouveau projet, on l'a cru sauvée. L'arrimage à un grand groupe de presse n'est-il pas la recette recommandée partout lorsqu'il s'agit d'assurer l'avenir d'un média solitaire, devant à lui seul assurer toutes les tâches ?  Les premiers mois chez IPM n'ont pas manqué d'enthousiasme. Sous la houlette d'un philosophe-professionnel de la programmation télévisuelle, qui en devient directeur début 2022, l'heure est au grands projets et aux vastes ambitions, que ce soit pour la chaîne ou pour sa version en ligne, qui doit en être la tête de pont pour le public moins âgé. Il y avait un vrai projet, audacieux, avec de nouvelles émissions qui auraient dû faire le buzz, mais n'ont pas eu le succès escompté. Ce plan aurait pu sans doute aboutir dans une entreprise aux reins solides, qui aurait donné à la chaîne le temps de s'installer et de conquérir petit à petit un public tout en se développant sur les nouveaux médias. Mais les propriétaires n'en avaient pas les moyens. Fin 2023, finis les grands projets. La direction de la chaîne reviendra à l'intérieur de l'entreprise, et la voilure sera amplement ramenée, tout ce qui était en lien avec les médias en ligne étant notamment supprimé. Mais ceux qui travaillent à LN24 y croiront toujours, remodelant la grille d'année en année, ouvrant entre autres de larges plages de l'antenne à la diffusion de vieux documentaires des télévisions françaises (qui, paradoxalement, feront de bonnes audiences).

LA MESSE EST DITE 

L'an dernier, le pari de réaliser des avant-soirées et des soirées centrées sur l'actualité avait été lancé par les derniers rescapés de LN24, qui ont tenu la barre tant qu'ils ont pu. Les rediffusions de certaines de ces émissions, qui a occupé la chaîne tout cet été, démontrent qu'un beau travail a été réalisé. Mais, une nouvelle fois, sans que les objectifs soient remplis et l'équilibre financier en vue.

Depuis quelques mois, et le naufrage des médias "papier" du groupe IPM repêchés par Rossel, la messe de LN24 (qui reste chez IPM) semblait dite. Mais imaginait-on qu'une chaîne qui s'est bâtie sur le traitement de l'info deviendrait une sorte de sous-chaîne généraliste, sans plus le moindre journal télévisé, et où ne subsisteraient que quelques émissions de plateau, plutôt de type talk-show à chroniqueurs, et quelques programmes spécialisés.

La comparaison entre la grille des programmes de septembre 2024 et de septembre 2025 parle d'elle-même : où sont les news, sinon dans le titre et… dans la diffusion télé du morning live de LNRadio ? 

 

Tous les "nouveaux" programmes (ou les rediffusions de shows et de jeux français) ne sont pas encore là, et hormis l'arrivée de la version belge d'une émission dont Eric Dupont-Moretti était la vedette en France, d'autres surprises sont annoncées. Mais, semble-t-il, soit elles seront de l'ordre de l'infotainment, soit plus vraiment du ressort de l'info au sens strict. Plus de JT, plus de news, plus de journalistes, juste des chroniqueurs et des apports du personnel d'IPM, cela permet sûrement de réduire les dépenses, tout en misant (comme d'autres acteurs médiatiques soutenus par la majorité à la FWB) sur le pactole supposé des diffusions de compétitions sportives et des magazines sportifs y attenant.

LN24 sans Les News, est-ce la bonne formule ? C'est sans doute la dernière possible, avant l'écran noir. Le public de l'info était difficile à conquérir. Soit. Mais quid du "grand public" qui regarde déjà certains de ces talks ou documentaires sur les télévisions françaises, et sont déjà abreuvés de rediffusions tant sur les chaînes de la RTBF que celles du groupe RTL, sans parler bien sûr de AB3 ou des sous-chaînes françaises accessibles sur toutes les plateformes.

Créer une nouvelle chaîne qui n'a rien (ou presque) pour se distinguer des autres à un moment où bien des augures annoncent la fin prochaine de la télévision généraliste mérite un certain courage. Celles et ceux qui ont relevé le mât écorché de LN24 n'en manquent sûrement pas. Mais pourront-ils cette fois mener leur navire à bon port, et jusqu'à quand leur armateur leur laissera-t-il la bride sur le cou ? 

Frédéric ANTOINE. 

(1)  Décrochage belge de BFM France à partir d’octobre 1994, puis mise à l’antenne sur Bruxelles en 1995 (107.6 MHz), avant extension en Wallonie. Arrêt : 14 août 2008.

 

 

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