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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

01 juin 2025

Médias belges francophone : une inexorable peau de chagrin (Iere partie)


Presse écrite régionale télévision de proximités… : la réduction du nombre de médias est aujourd'hui à l'ordre du jour en Belgique francophone. Simple coïncidence, ou est-il inévitable que ce petit paysage médiatique se réduise comme une peau de chagrin ?

« La Belgique francophone ? C'est grand comme un Land allemand. Et, voyez-vous, dans un Land allemand, il n'y a qu'un seul journal quotidien. Comparez avec le sud de la Belgique. Il est évident qu'il y a chez nous économiquement trop de médias ! » Voilà, en substance, une affirmation souvent entendue dans le monde des éditeurs de presse belge depuis un bon quart de siècle, sinon plus. Jusqu'à présent, au nom de la démocratie, du pluralisme et de la diversité, on a fait plus ou moins fi de ne pas l'entendre, ou de ne pas se rendre à cette dramatique évidence économique. Notamment en comptant sur les aides des pouvoirs publics. Mais l'idée d'une réduction du nombre de médias a petit à petit fait son nid. Et elle est en train de devenir une réalité. Doit-on l'attribuer à "la main invisible du marché" chère à Adam Smith, ou plutôt à l'action, un peu plus visible, de divers acteurs du paysage médiatique ? Toujours est-il que, cette année, l'heure des grandes manœuvres semble avoir sonné.

Le paradoxe de la situation est que, coïncidence ou pas, l'enclenchement du compte à rebours de la raréfaction des médias belges francophones concerne au même moment deux secteurs diamétralement opposés par la nature de leur identité économique et leur rapport apparent au politique. Deux secteurs qui ont aussi peu de points communs à propos des supports de communication qu'ils exploitent dans leur cadre de leur fonction de fournisseurs de contenus informationnels, mais qui se rejoignent sur un point : leur ancrage régional ou sous-régional. Puisqu'il s'agit de la presse écrite régionale d'une part, et des médias dits "de proximité" (entendons : les télévisions régionales) de l'autre.

Pour des raisons de longueur, cet article ne traitera que de ce dernier point. Le sort de la presse régionale sera analysé dans un prochain texte.

 UNE PROXIMITÉ COÛTEUSE

Depuis l'installation d'une nouvelle majorité à la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), on sait les télévisions de proximité dans la ligne de mire du pouvoir politique. Leur mise au régime est au menu du gouvernement, tant à propos des moyens qui leur sont alloués par l' État qu'en ce qui concerne leur nombre, l'argument avancé, là comme ailleurs, étant que la petite Belgique francophone vit au-dessus de ses moyens, surtout dans les domaines liés à la culture, et qu'il est urgent de tailler dans le gras tant qu'il y en a encore.

Pareil état des lieux des finances communautaires a été fait par les gouvernements successifs de la FWB depuis près de deux décennies. Mais, jusqu'à présent, le choix politique avait été de n'intervenir qu'à la marge, dans le but d'épargner tant que faire se pouvait la diversité et le pluralisme des médias de la FWB. Médias qui, en définitive, ne sont tout de même déjà pas si nombreux que cela, la domination culturelle de la France sur la Belgique francophone n'y étant pas totalement étrangère…

Le gouvernement actuel n'a cure de telles préoccupations, ou à tout le moins pas autant. Quelle que soit la bête, il s'agit d'en réduire la taille et le volume. La volonté manifestée paraît si claire et indiscutable qu'on ne peut que s'interroger sur les véritables raisons des choix opérés. Certes, l'économique y joue un rôle. Mais l'aisance avec laquelle les décisions sont prises peut laisser croire que les raisons de cet interventionnisme ne sont pas uniquement financières mais aussi, sinon d'abord, politiques et idéologiques.

UN MODÈLE DE GÉNIE

Le modèle des télévisions de proximité est totalement atypique dans une économie des médias qui accorde le beau rôle à, voire privilégie, les acteurs privés. Il y a exactement cinquante ans cette année, la Belgique francophone autorisait, à titre expérimental, quelques "télévisions communautaires" diffusant sur un territoire réduit via la câblodistribution. Les "médias de proximité" actuels sont les petits-enfants de ces médias originaux dont l'autorité publique avait choisi de soutenir l'émergence en contribuant largement à leur financement. On était alors dans l'ère Ivan Illich, où la remise en cause des modèles médiatiques dominants était à la mode, de même que les tentatives visant à les remplacer par des médias coopératifs, et donc communautaires, dont les vastes étendues du Québec avaient été la source.

Les actuels "médias de proximité" ont aussi hérité d'un statut hors du commun : devoir remplir des "missions de service public", comme n'importe quel média public, mais… tout en n'appartenant pas à la Puissance publique. Ces médias sont des ASBL pilotées par des Conseils d'administration dont la composition a fait l'objet d'âpres discussions au fil des ans, notamment à propos de la place que pouvaient (ou devaient) y occuper les représentants du monde politique local et/ou les délégués du secteur socio-culturel local.

La configuration des zones de couverture des "médias de proximité" reflète leur histoire individuelle et explique que certains couvrent de vastes étendues tandis que d'autres se confinent à une sous-région, voire à une aire plus réduite encore.  Ainsi en compte-t-on douze, que l'on pourrait aujourd'hui pour la plupart qualifier de 'médias d'information sous-régionaux'. Et ce même si le site de la FWB les qualifie étrangement toujours de "télévisions locales" (1).

UN GOÛT DE PLAT PAYS…

Ce type de médias n'est pas le propre de la Belgique francophone. Mais l'investissement que leur consacre la puissance publique distingue sans doute ces télévisions de proximité de modèles que l'on peut trouver dans d'autres contrées (2), voire en Flandre. De l'autre côté de la frontière linguistique, si la reconnaissance de "télévision régionale" n'est accordée (comme au sud du pays) qu'à des ASBL, celles-ci sont seulement responsables du contenu des chaînes, car « le fonctionnement des canaux est généralement assuré par des entreprises exploitantes » (3) qui sont, elles, (ou ont été) rattachées à des groupes médias (4). 

Les nouvelles conventions de collaboration récemment établies entre le gouvernement flamand et les chaînes de télévision régionales de cette partie du pays reposent sur une aide publique d'environ 2,8 millions €/an (5). En comparaison, la FWB accordait en 2023 un peu plus de 16 millions €/an de financement aux télévisions de proximité du sud du pays, dont 10,4 en frais de fonctionnement (6). 

La Flandre compte 10 télévisions régionales seulement et, signe des temps, il y règne aussi dans l'air un parfum de… fusion depuis fin 2023, afin de se limiter à terme à… une seule télévision régionale par province (ou presque). Il est ainsi prévu de fusionner les 2 télévisions de Flandre Orientale, ainsi que les 2 de Flandre Occidentale. Ce qui ramènerait le nombre de télévisions à 8. Nombre qui semble devenu télévisuellement un peu magique dans notre petit pays, tant au Nord qu'au Sud.

AP(PROXIM)ITÉ

Inconsciemment peut-être, le modèle de la FWB pourrait se rapprocher de son alter ego flamand. Il resterait juste à ajouter à la formule actuelle la couche des "entreprises exploitantes" qui permettrait de faire entrer des acteurs privés dans une structure qui ne serait peut-être plus vraiment chargée de remplir des missions de service public. Si les porteurs de la réforme actuelle entendent aller jusqu'au bout de leur raisonnement et remettre en cause le modèle actuel des télévisions de proximité du sud du pays, cela serait cohérent. Et permettrait à l'État de se désinvestir encore davantage de ce créneau, tout en ouvrant la porte de cet univers à l'arrivée d'opérateurs médiatiques privés, univers dont ils sont aujourd'hui exclus. A terme, les télévisions de proximité ne pourraient-elles pas devenir simplement des médias privés ? Et pourquoi ne se transformeraient-elles pas aussi en une déclinaison audiovisuelle des contenus de la presse régionale privée ? 

Tout cela ne servirait pas la richesse de la diversité médiatique ni sans doute la démocratie, mais tant qu'à appliquer à ce domaine une rationalité purement économique, tous les horizons ne sont-ils pas possibles ?

LE FANTÔME DE LA RTBF

L'application du même type de réforme dans le sud du pays contribuera en tout cas inévitablement à rendre les télévisions fusionnées moins "locales", évidemment, mais aussi moins "proches" de leurs publics. La question de la différenciation entre le travail de ces opérateurs "semi-publics" et celui du service public de l'audiovisuel deviendra alors de plus en plus pressante. Les télévisions régionales de proximité ne pourraient-elles pas se rapprocher plus encore de la RTBF, ce qu'elles ne font que du bout des lèvres depuis belle lurette, quitte à en devenir par absorption plus ou moins lente le bras droit télévisuel ? Les décrochages matinaux régionaux de VivaCité, par exemple, commencent à avoir de l'âge. On pourrait, comme cela a été le cas pour les émetteurs régionaux de France Bleu en France, les transformer en média 360, avec une version "radio filmée". Mais on pourrait aussi, par exemple, en faire des programmes pour les télévisions régionales qui, à l'heure actuelle, ne proposent en matinée que des rediffusions. Le tout sous l'égide d'une RTBF retournant à l'époque de ses "centres de production" régionaux, mais évidemment sans adjonction de moyens financiers nouveaux.

Cela fait longtemps que certains rêvent de mettre fin à l'existence de ces semi-OVNIS que sont les ex-télévisions communautaires. L'actuelle réforme ouvre des portes et en referme d'autres. Pas sûr en tout cas qu'elle garantisse un véritable avenir serein pour ces médias au profil si original.

Frédéric ANTOINE.

 

 

 

(1) https://statistiques.cfwb.be/culture/audiovisuel-et-medias/subventions-accordees-aux-televisions-locales/
(2) Par exemple, les "télévisions associatives" françaises du type de Télé Mille Vaches.
(2)https://www.vlaamseregulatormedia.be/nl/over-vrm/rapporten/2019/rapport-mediaconcentratie/mediaconcentratie-in-vlaanderen-2019/1-de-6 
(3) Regionale Media Maatschappij appartient à Roularta, et la société De Buren, qui "opérationnalise" plusieurs télévisions régionales flamandes, appartenait à Mediahuis qui l'a vendue l'an dernier à la SA Via Plaza, de l'homme politique et prestataire de soins de santé David Larmuseau.
(3) L'estimation n'est pas aisée car l'aide varie en fonction de plusieurs facteurs, notamment la taille de l'organisation, son engagement dans la transformation numérique et les éventuelles fusions.
(4)  https://statistiques.cfwb.be/culture/audiovisuel-et-medias/subventions-accordees-aux-televisions-locales/


09 mai 2025

Léon XIV et François face-à-face : les images qui parlent

Léon XIV et  François face-à-face : les images qui parlent


Sa première apparition au balcon est, pour un nouveau pape, un moment de vérité, qui en dit plus que des discours sur sa personnalité, son image, et sur les types d'Église qu'il entend incarner. Consciemment ou inconsciemment.

Qu'il est révélateur, le tout premier contact ! Ce moment où, après avoir gravi quelques marches, voilà ne nouveau souverain pontife en face de la foule romaine et internationale qui l'acclame. Un moment est immortalisé par les directs tv. La collection des captures de ce premier contact en dit long, sur le pape et sur son rapport au monde. 

Dans les cinq chromos qui figurent en tête de cet article, et dont la qualité visuelle n'est hélas pas identique, de Jean-Paul Ier à Léon XIV, cherchez l'intrus ! 

Il saute aux yeux : il n'y a qu'un petit bonhomme vêtu de blanc. Tous les autres portent une "mosette",  la cape rouge qui symbolise l'autorité du pape et son appel à la compassion. De même, le petit homme en blanc n'a pas autour du cou une étole rouge foncé brodée d'or. Mais n'aura pas fallu longtemps pour que tout cela revienne…

AVANT D'ENTRER

Tournons les regards vers l'attitude adoptée par le nouveau pape au moment où il accède au balcon. Celle-ci se traduit en grande partie dans les gestes des mains. Jean-Paul Ier a les mains pieusement jointes et les avant-bras légèrement surélevés, comme dans une attitude de prière. Son successeur arrive plutôt les doigts croisés, les mains reposant sur le haut du ventre. Benoît XVI aura à peu près la même attitude, que l'on retrouve aussi chez Léon XIV, celui-ci portant toutefois ses deux mains un peu plus haut sur sa poitrine. Un signe de piété que d'une certaine satisfaction ? Ou plus simplement une incapacité à gérer ses main ?  Le petit homme en blanc, lui, a levé la main droite dès qu'il a mis le pied le sur le balcon. Son attitude est donc totalement différente de ses collègues.

En entrant sur le balcon, le corps droit, Benoit XVI et Léon XIV regardent devant eux, comme s'ils fixaient le bout de la Via della Conciliazione, qui rejoint la place Saint-Pierre au château Saint-Ange. Le pape François, lui, a un regard un peu penché vers l'avant, regardant la foule proche de lui, à qui va son salut. Les deux papes dénommés Jean-Paul ont eux aussi la tête tournée vers la foule, en particulier Karol Wojtyla, qui se penche sur le bord du balcon.

LE PREMIER GESTE

Quelques secondes plus tard survient le premier "vrai" geste du nouveau pape vis-à-vis de la foule. Jean-Paul II disjoint les mains et ouvre les bras largement, sans les changer de position, ni lever les mains vers le ciel. Comme s'il accueillait quelqu'un, ou le monde. 
Benoît XVI et Léon XIV commencent par avoir exactement le même geste, tant et si bien que, comme ils portent les mêmes habits, on aurait tendance à les confondre. Les bras sont levés, les mains sont ouvertes, paumes tournées vers l'avant et les doigts s'élevant vers le ciel. La signification de ce signe peut être diversement lue. Il peut être d'abord perçu un signe de victoire ("je suis l'élu", "j'ai gagné", à l'instar de l'attitude d'un sportif à la fin d'une compétition), un signe de contentement ou de satisfaction ("je suis heureux d'être là") ou de salut ("bonjour à vous tous qui êtes là"). Mais le gest peut aussi être polysémique…

Le petit homme en blanc, lui, a continué le geste de la main droite qu'il avait entamé avant même de s'installer au balcon. Mais cette main est moins à l'horizontale, elle penche un peu vers l'avant, comme si elle cherchait à couvrir le foule présente sur la place. La main gauche, par contre, est restée le long de son corps, ainsi que cela se passe quand on salue une personne en rue.

Alors que tous ses confrères conservent l'attitude adoptée pendant plusieurs secondes, Léon XIV, lui, abandonne très rapidement sa première pose et en prend une seconde, où il ne lève plus que la main droite, tandis que la gauche retrouve la place qu'elle avait lors de son arrivée au balcon, c'est-à-dire posée au niveau de sa croix pectorale. Le nouveau pape utilise-t-il le même signe que son prédécesseur ? Pas vraiment, car le bras de François, plutôt à l'horizontale et tourné vers la foule, ne peut être comparé avec le bras et la main à la verticale de son successeur. Certes il s'agit d'un signe de salut, mais plus distant et général. Le positionnement de l'autre main au niveau des pectoraux renforce cette différence, marquant à la fois une distance, mais aussi une certaine satisfaction ou une assurance de soi.

LÉON ET FRANÇOIS : LE DÉCOR

Quid de la prestation de François par rapport à celle de son successeur ? Même si l'annonce de leur élection a été ± faite à la même heure, l'apparition de François s'est déroulée de nuit, alors que le soleil n'était pas encore couché pour celle de son successeur. Le traitement télévisuel de deux événements, mais aussi l'atmosphère dans laquelle ils se sont déroulés, ont donc été différents. Le contexte dans lequel se sont déroulées le deux apparitions n'est donc pas étranger à leur diversité, mais ne peut toutefois seul l'expliquer. Un de ces éléments touche au "décor" de l'événement.

Lors de la présentation de François (à gauche), la façade de la basilique était éclairée par de puissants projecteurs. Il avait été choisi de ne pas fermer les lourdes tentures rouges qui se trouvent à l'arrière du balcon. La scène s'est donc déroulée en bénéficiant aussi d'une clarté provenant de l'intérieur de l'édifice. Pour Léon, au contraire, les tentures n'ont été écartées que le temps du passage du cortège pontifical. Ensuite, l'arrière de la scène a été refermé, comme c'était le cas auparavant, laissant le nouveau pape apparaître sur un fond rouge foncé, alors qu'il est porteur d'une mosette rouge et d'une étole rouge foncé. Grosse différence. Mais aussi grosse impression que, dans un cas, on ouvrait les fenêtres et on laissait l'air entrer au Vatican. Et dans, non…
Pour Léon, ce n'est qu'à la fin de la séquence, au moment de la bénédiction pontificale  que les tentures seront entrouvertes. Mais, même alors, le fond du décor continuera à marquer sa différence: blanc cassé et plein de clarté du temps de François, brun sonbre pour Léon…

Pour reprendre le vocabulaire de la mise-en-scène, la place des  "figurants" qui entourent le pape diffère aussi. François était entouré d'un grand nombre de prélats, conférant à sa prestation un aspect de collégialité et de confraternité. Les personnes qui entourent Léon sont en nombre plus limité, notamment du côté des personnages portant une calotte rouge. Le nouveau pape paraît ainsi plus seul, moins accompagné. Mais plus "régnant".

LÉON ET FRANÇOIS : LA CONTRE-VUE

Les choix opérés pour l'ouverture ou de la fermeture des tentures rouges exercent aussi un un impact important sur le type de représentation du nouveau pape montrable par l'image. 

Alors que les images les plus attendues de pareil événement sont celles qui sont prises de face, et en plan qui ne soit si possible pas en contre-plongée, l'ouverture des rideaux avait permis, pour François, l'exploitation de plans en contre-champ, montrant le balcon vu de l'arrière, c'est-à-dire de l'intérieur du Vatican. La présence d'un petit homme tout de blanc vêtu sur un fond de pénombre nocturne ne manquait alors pas d'esthétisme, de même que celle des cardinaux habillés de rouge. Cette contre-image du pape tout blanc, dont on ne voit que le dos, a marqué l'imaginaire au point de devenir un des modes classiques de représentation de la fonction papale. L'image Eurovision ci-dessous lors de l'élection de François, en est une bonne illustration. 
Rien de tel, évidemment, pour Léon (voir image de droite dans le diaporama ci-dessus). Comme les tentures sont fermées, il n'y aura pour lui de contre-champ possible qu'à un seul moment : à la fin de la séquence, lorsque le pape et sa suite s'apprêtent à quitter le balcon et qu'on a écarté les tentures. Le soleil de fin journée s'étire toutefois alors sur les toits des immeubles entourant la place Saint-Pierre. Les personnages n'apparaissent donc qu'en ombre chinoise, ce qui manque totalement d'intérêt, mais aussi de charme.
 
LÉON ET FRANÇOIS : DEUX INDIVIDUALITÉS
 
Au-delà des comportements lors de l'entrée sur le balcon, il y aussi  tout ce que cette présentation au peuple romain et au monde révèle de la personnalité des élus. Nous n'entrerons pas ici dans une a analyse de contenu comparative de leurs propos, qui n'est pas notre sujet et qui n'aurait sans doute pas beaucoup de sens tant les prestations des deux papes furent de nature différente. L'une, tout en improvisation, en bonhommie et en naturel, l'autre tout en maîtrise, en préparation et en contrôle. Avec, la plupart du temps, la transparence de moins d'humanité. On pourrait aussi analyser les étapes de la prestation, et par exemple celle des prières que les papes ont récitées avec la foule. Alors que Léon XIV n'a récité que le "Je vous salue Marie", François avait accompagné cette prière à la Vierge du "Notre père".
 
En début de cérémonie, les gros plans sur les visages des deux papes, pris de profil par la caméra se trouvant sur le balcon, révèlent un peu de ce qu'ils sont.
François a la tête un peu penchée, son menton n'est pas à angle droit par rapport à son cou. Ses lèvres sont fermées, les joues un peu tirées vers l'arrière, comme marquées d'un léger sourire. 
Même si son regard paraît porter vers la foule sur la place  (et non plus vers le château Saint-Ange), Léon garde toujours la tête bien droite. Ses lèvres sont fermées, son visage paraît sérieux. Le pape a aussi à nouveau posé ses deux mains sur sa poitrine.
S'il arrive que les deux hommes sourient, comme le montre le diptyque ci-dessus, en règle générale les moments de sourire sont plus fréquents lors de la présentation de François que lors de celle de Léon. Idem pour la fréquence du sourire des cardinaux qui les entourent. Les sourires de Léon sont plutôt des esquisses de sourires, toujours fortement maîtrisées.
 
DISCOURS OR NOT
 
La différence de naturel entre deux papes se révèle aussi dans leur manière de s'adresser à la foule.
Le pape Léon, qui cherche à tout contrôler, s'adresse au public à l'aide d'un texte précis, préparé par avance et maîtrisé. La part d'improvisation dans sa prestation restera très très limitée. La gestuelle du pape est donc très réduite, ses mains étant concentrées sur les feuilles de son discours.  
A contrario, tout chez François était de l'ordre de l'improvisation, avec une gestuelle forte. 
François regarde la foule les yeux dans les yeux et, par-delà la foule, les téléspectateurs. Cela est d'autant plus frappant sur l'écran que, comme il fait nuit et comme le montre le chromo de gauche ci-dessus, les images de profil prises par la caméra située sur le balcon seront rares, faute de lumière. Fixé sur son texte, Léon ne s'adresse pas aussi directement à la foule et à l'audience, et ne réagit que si celle-ci l'interrompt par une acclamation. Il lui arrive aussi de se taire quelques instants, ce qui suscite une nouvelle acclamation. Le pape Léon fera par contre l'objet de nombreux très gros plans de profil, pris par la caméra située sur le balcon. Ils ne cacheront pas certaines des émotions ressenties par le prélat, même si celui-ci a tout fait pour les dissimuler.
 
Les deux prélats ont certes chacun une histoire sud-américaine, mais celle-ci ne s'est pas implémentée de la même façon, et le terreau dans laquelle elle a poussé est fort différent.
 
BÉNÉDICTIONS PERSONNELLES
 
Lors de la bénédiction, les deux papes marquent aussi leurs différences. François, un peu en retrait parmi la foule du balcon, bénit avec des geste retenus. Il a revêtu l'étole pontificale avant de bénir. Lisant la formule de bénédiction, Léon reprend l'attitude qu'il avait adoptée au moment de son arrivée : les bras sont tendus, les mains sont ouvertes, ainsi que les paumes, et les bras écartés.
Après la bénédiction. François retire alors l'étole, et reprend la configuration du petit homme en blanc qu'il avait à son arrivée. Un petit homme qui se montre simplement face à la foule, les bras le long du corps. Léon là aussi retrouve une attitude déjà adoptée. Il regarde la foule, les mains croisées sur la poitrine au niveau de la croix pectorale
 
LE CORPS QUI PARLE
 
Même s'il ne dit pas tout, le corps aussi parle, et fait l'homme, chaque homme. Ou marque la différence entre les hommes, avant même qu'ils ouvrent la bouche. 
Il est frappant qu'une simple apparition de quelques minutes seulement puisse aider à pointer cette diversité. Et démentir (ou pas) ceux qui disent que l'un de ces papes est forcément l'héritier, et pas seulement le successeur, de l'autre…
 
 Frédéric ANTOINE.


06 mai 2025

POURQUOI ON NE CONNAÎTRA PLUS LA DIFFUSION DES JOURNAUX

Pour quelle raison la diffusion des journaux n'est-elle plus rendue publique, alors que les éditeurs continuent à communiquer les chiffres de leurs audiences? La réponse en 2 graphiques.

On ne connaîtra jamais la diffusion des titres de la presse belge francophone en 2024, ni les années qui vont suivre. Les éditeurs ont en effet décidé un black-out public sur ces informations (voir https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2025/04/black-out-sur-la-diffusion-de-la-presse.html). Mais pourquoi ? Voici les éléments de réponse les plus évidents, en quelques graphiques dont la comparaison dit tout (on peut cliquer sur les graphiques pour les lire plus aisément).

 UNE PRODIGIEUSE CHUTE

Les données qu'on n'aura plus : celles relatives à la diffusion payante, c'est-à-dire le nombre moyen de journaux vendus sur papier au numéro et par abonnement + le nombre d'abonnements digitaux payants. Voici ce que donne la courbe de l'évolution de cette diffusion payante de tous journaux en Belgique francophone de 2017 à 2023, derniers chiffres rendus publics.

La tendance baissière de la courbe est continue depuis les années 1970, et se poursuit jusqu'en 2019. Les années covid la feront ensuite remonter. Mais, à partir de 2022, la tendance à la baisse reprend sa course. 

Les éditeurs, qui avaient cru avoir touché le fond en 2019 et avoir réussi à rebondir en accumulant les abonnements numériques payants pour remplacer l'hémorragie des ventes papier, en sont pour leurs frais : les abonnés numériques ne parviennent finalement pas à stabiliser, voire à faire croître, les ventes. Catastrophe. Cachez donc ces chiffres que je ne saurait voir !

UNE PRODIGIEUSE STABILITÉ

 

Les données qu'on aura toujours :  celles relatives à l'auditoire, c'est-à-dire à l'audience des journaux. Des données qui ne sont pas le fruit d'un comptage objectif, comme pour la diffusion. Dans l'impossibilité de comptabiliser tous les lecteurs un à un, la mesure d'audience se réalise sous forme d'une enquête auprès d'un échantillon constitué sur base de quotas. Des sondés à qui on demande de se souvenir des titres avec lesquels ils ont eu des contacts précédemment en leur montrant des logos des "marques" concernées (je résume un peu, mais sur le fond c'est ça). Voici ce que donne la courbe de cet auditoire de tous journaux en Belgique francophone de 2017 à 2024.

 

Grosso modo, sur l'ensemble de la période, la courbe du "total lecteurs", c'est-à-dire tous ceux qui ont eu un contact au cours des derniers mois, est stable : elle croît de 2019 à 2002, connaît une petite baisse en 2023, et repart à la hausse en 2024. La courbe  des lecteurs "dernière période", c'est-à-dire ceux qui ont eu un contact très récemment (on pourrait dire: les "vrais" lecteurs) suit la même tendance, mais avec une amplitude plus faible. Son profil est plutôt en croissance.

 

COMPARAISON ET RAISON. OU PAS

 

 

Comme le montrent les courbes de tendance (en pointillés), entre 2017 et 2024, le "total lecteurs" a à peine baissé, tandis que celui des "lecteurs dernière période" a augmenté ! 

Côté exemplaires vendus, par contre, on est loin du compte.

 

 

La chute est bien visible, il n'y a pas photo. Davantage de gens "fréquentent" les titres de presse. C'est une bonne nouvelle. Mais les éditeurs n'arrivent pas à endiguer la baisse des ventes. Le bateau continue à couler même s'il compte plus de passagers, la plupart d'entre eux étant plutôt "clandestins", car n'ayant pas payé pour participer à la traversée… Et c'est bien là que le bât blesse toujours. Alors, autant cacher que l'on continue à écoper, globalement sans succès !

 

SELON LES CAS…

 

Précisons toutefois que les chiffres globaux présentés ici cachent des situations individuelles différentes. Côté lectorat comme côté ventes, les titres dits "de qualité" se portent mieux que la presse populaire ou régionale. Mais alors que la diffusion payante de toute la presse est en baisse en 2023, à l'exception de L'Avenir qui est stable et de L'Echo qui monte, les données pour le lectorat présentent des configurations beaucoup plus variées, surtout pour 2024. Sans doute une raison de plus pour jeter la diffusion aux oubliettes et plutôt mettre le lectorat sur le pavois …

 

COMME LA BOUTEILLE ?

 

Constater que les ventes baissent, serait-ce considérer avec pessimisme la bouteille de la presse comme à moitié vide, alors que se féliciter de la stabilité, voire de la hausse du lectorat, serait opter pour l'optimisme de la bouteille à moitié pleine ? Pas vraiment. Car ici, le volume dans la bouteille n'est pas le même selon qu'on la considère ± pleine ou vide. Volume présumé de lecteurs et volume des ventes ne sont en effet pas deux notions comparables. 

 

Comme relevé précédemment, entre 2017 et 2024, avoir davantage de lecteurs ne correspond pas à réaliser davantage de ventes. Cacher les ventes aux yeux du public et ne lui révéler que ceux de l'audience revient à ne lui montrer qu'une des faces de la pièce. Celle qui reluit le plus. Alors que c'est l'autre face qui permet vraiment d'apprécier l'état de santé du malade. 


N'est-ce pas aux médias que l'on reproche trop souvent de ne donner que de mauvaises nouvelles, et de ne parler que des trains qui n'arrivent pas à l'heure (sauf à la SNCB où un train qui arrive à l'heure, c'est une nouvelle tellement exceptionnelle qu'elle mériterait presque d'en faire une info) ? Les cordonniers sont donc vraiment les plus mal chaussés. Plutôt que d'annoncer de mauvaises nouvelles, les éditeurs préfèrent ne communiquer que sur les bonnes. Comme tous les patrons d'entreprises. Mais pas comme on l'attend d'un des acteurs essentiels de la démocratie garant de la bonne tenue de l'espace public.

 

Frédéric ANTOINE.

 

 
 
 



 


 

09 avril 2025

BLACK-OUT SUR LA DIFFUSION DE LA PRESSE ?


Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la transparence des médias, et sans doute pas non plus pour la démocratie en général : les données concernant la diffusion des titres la presse  belge (papier + digital, quotidiens et périodiques) ne sont plus accessibles au public sur le site du CIM, et ne seront vraisemblablement plus communiquées. Seules les statistiques d'audience restent disponibles. Parce que l'auditoire augmente, alors que les ventes baissent.

Depuis dix ans environ, chaque année en d'avril, le CIM mettait en ligne des "brand reports" de tous les médias écrits belges. On y trouvait à la fois des infos sur le tirage, les différents types de diffusion papier, payante ou gratuite, et sur le nombre d'abonnés numériques payants.Depuis peu,  la précision de ces données permettait même de distinguer ceux qui étaient abonnés à une formule mêlant digital et print un ou deux jours par semaine de ceux qui avaient choisi que le full numérique ou celle du mix complet papier+digital. Ces rapports donnaient aussi des informations sur l'audience en ligne (mesurée par Metriweb) et sur le lectorat tel que le mesure le sondage annuel sur l'audience. 

BAGUETTE MAGIQUE

Dénommés "stated", ces rapports de printemps étaient issus des déclarations des éditeurs. Et, vers novembre, ces données étaient remplacées par des rapports "authentified", une fois que le CIM avait pu vérifier les infos transmises par les éditeurs. Les chiffres variaient d'ordinaire peu d'un rapport à l'autre. Mais voilà que, en novembre 2024, ces fameux rapports certifiés n'ont été mis en ligne que pour un très petit nombre de médias (quelques magazines thématiques ou des éditions locales de 7Dimanche). Pour l'ensemble des autres titres : rien. 

Étrange tout de même. On s'est alors rendu compte que, au même moment, tous les brand reports relatifs aux années précédentes à partir de 2017 avaient eux aussi disparu du site. Encore plus étrange. On a enfin attendu quelques mois, le temps de voir fleurir les brand reports de printemps. Et on n'a rien vu venir.

Le CIM étant intimement lié aux éditeurs de presse, qui sont les commanditaires de ses études et propriétaires de leurs données, on peut supposer que ce sont bien ces derniers qui ont exprimé au Centre d'Information sur les Médias leur souhait de ne plus voir rédiger de brand reports et que soit retiré l'accès public à tous les rapports qui figuraient en ligne depuis huit ans (1). 

AUDITOIRE vs CLIENTÈLE

À l'heure actuelle, pour la quasi-totalité des médias écrits belges, les seules data qui restent disponibles sur le site du CIM sont relatives à la meure de leur audience, dont les données sont issues du "belgian publishing survey" annuel. Ces informations, si elles ne manquent pas d'intérêt, permettent seulement de circonscrire le volume et le profil de l'audience présumée de chaque média, mais ne fournissent évidemment aucune information sur l'état de santé réel de la presse, qu'elle soit quotidienne ou périodique, sur papier ou en ligne.

Or, ces données sont primordiales pour réaliser une véritable analyse de ce secteur. En effet, bien des médias écrits peuvent voir croître leur auditoire sans pour autant augmenter leurs ventes. Les deux éléments ne sont pas ontologiquement liés. 

DE MOINS EN MOINS TRANSPARENTE

La méthodologie de l'enquête de lectorat que nous venons d'évoquer, et qui repose notamment sur des entretiens et les souvenirs des personnes interrogées, a, de plus, souvent été discutée. Nous ne nous attarderons pas sur ce sujet ici, car tel n'est pas notre propos. Par contre, la mise sous cloche des véritables données économiques permettant de mesurer l'état des médias écrits est regrettable. Être au courant non seulement du tirage, mais surtout de la diffusion réelle de tous les titres belges circulant sur notre marché, et de l'évolution des modes de diffusion, relève du droit à la transparence que l'on semble pouvoir demander aux médias. 

Pour cela, il faudrait toutefois qu'il soit considéré que les groupes de médias ne sont pas des entreprises comme les autres. Que, parce qu'ils contribuent à bâtir et à informer l'opinion, les médias sont redevables à leurs usagers du droit d'en connaître davantage sur leurs "produits" que par la seule lecture des bilans qu'ils doivent annuellement déposer à la BNB.  Être chien de garde de la démocratie, cela ne justifie-t-il pas quelques efforts ?

Mais voilà. À l'heure actuelle, les groupes médias sont souvent d'abord des entreprises. Ils cherchent donc surtout à appliquer l'adage "pour vivre heureux, vivons cachés". C'est-à-dire en étant le moins transparents possible. Surtout si certains indicateurs connus du public révèlent des fragilités.

UNE LONGUE GLISSADE

Les velléités des entreprises de presse de ne plus rendre publiques les données sur la diffusion de leurs titres (ce que les Anglo-saxons appellent 'circulation') ne datent pas d'hier. L'apparition des brand reports sur le site du CIM vers 2015 n'en constitue qu'un des indices. Avant cette date, le Centre d'Information sur les Médias publiait… quatre rapports par an sur la diffusion des titres de la presse. Un par trimestre. 

Quatre documents détaillés qui permettaient de suivre la vitalité du secteur à l'instar du médecin consultant au chevet de son malade la courbe de ses températures. Car la presse était déjà alors un peu malade, mais pas trop. Elle était encore dans l'état euphorique du patient qui semble avoir trouvé le remède à son mal. En l'occurrence, en mettant tous ses contenus gratuitement en ligne, elle espérait attirer un large public qu'elle aurait l'occasion de vendre avec profit à ses annonceurs. On sait qu'il y eut loin de la coupe aux lèvres : certes, le public se rua sur ces médias numériques gratuits, alors qu'il devait payer s'il les consultait sur papier. Mais les annonceurs ne suivirent pas, et la rentabilité du "clic" n'atteignit jamais celle de la presse papier. Et c'est vers 2015 que tous les groupes de presse décidèrent de basculer du tout gratuit vers le (presque tout) payant. Alors que la maladie était déjà bien avancée…

Au lendemain du covid, les données, à l'époque encore disponibles, attestaient d'une reprise du secteur de la presse quotidienne où, sans parvenir à boucher les trous des hémorragies de clients "papier", les abonnés numériques croissaient en nombre. Une sortie de crise s'annonçait. Les derniers chiffres accessibles, ceux "stated" de 2023, semblaient devoir modérer ces réjouissances. La croissance du numérique payant paraissait se stabiliser, voire pire : devenir une décroissance. Est-ce cette absence de lendemain qui chante, peut-être confirmée par les chiffres 2024, qui a incité les entreprises de presse à exiger que la lumière des chiffres soit mise sous le boisseau ? Aucune donnée ne permet évidemment à ce stade de l'affirmer. Mais l'hypothèse parait tentante. 

QUAND LE BÂTIMENT VA, TOUT VA

Lorsque tout va bien, qui n'est pas fier de montrer sa richesse ou sa réussite ? Mais lorsque les vaches maigres succèdent aux grasses, ne préfère-t-on pas plutôt se faire oublier ? En remontant l'histoire de cette publicité des données de presse, il est intéressant de constater que celle-ci n'est pas un fait récent. Quelques années après avoir créé sa publication trimestrielle La Presse - De Pers en 1954, l'association des éditeurs de presse belge décidera en 1958 de la compléter d'un annuaire annuel recensant toutes les publications réalisées sur le territoire national. Chaque support y bénéficiait d'une page, surtout destinée à présenter ses formats publicitaires, mais où figurait aussi une mention concernant la production des exemplaires du média. Très longtemps, l'information demandée aux entreprises de presse ne concernait qu'une donnée : le tirage. Alors que l'on sait que celui-ci n'est pas un indicateur pur de l'état d'un média, puisque rien ne permet de corréler le nombre d'exemplaires produits et celui des exemplaires diffusés. 

 Mais le tirage, c'était déjà cela. D'autant que l'annuaire précisait si celui-ci était une simple déclaration de l'éditeur, s'il avait été certifié par un bureau comptable ou par l'OFADI, qui était déjà chargé de contrôler la diffusion des titres qui l'acceptaient. L'annuaire présentait aussi une distribution des ventes de chaque titre par province. La presse alors se portait bien. Afficher des tirages importants (voire même exagérés) était un signe de bonne santé. Et il fallait le faire savoir.

DU SOLEIL À L'OMBRE

À partir de 1990, l'annuaire de la presse belge ajoutera une autre donnée essentielle à celle du tirage : grâce aux mesures du CIM, le tirage sera complété par  la diffusion de chacun des titres présentés. Une petite révolution puisque, pour la première fois, les éditeurs acceptent que leurs médias soient évalués non en fonction de leurs ambitions (le tirage) mais aussi en fonction de la situation réelle du marché (la diffusion). Parallèlement, d'autres supports exploiteront alors les données du CIM. Lorsque, au tournant de l'an 2000, le CIM créera son site internet, celui-ci comprendra des données précises et très détaillées sur la diffusion des titres de presse écrite et ce, en remontant à 1995 (nombre de numéros, abonnements, vente au numéro, diffusion payante, services réguliers gratuits, tirage, % étranger). Qui plus est, ces data peuvent alors être lues par l'internaute sous forme de graphiques. Un luxe.

Ces éléments démontrent que, à cette époque, le souhait des entreprises était de communiquer de manière précise sur le volume effectif de leurs activités médiatiques. La tendance actuelle s'avère être à l'opposé. Il sera à l'avenir impossible d'encore étudier avec pertinence l'évolution de ce secteur, à moins que les éditeurs ne permettent aux chercheurs d'accéder à des données "secrètes", dont la lecture par le grand public aura été supprimée. Ce qui ne se fera pas sans doute sans de strictes conditions. Si cela se fait. 

Peut-être faudra-t-il demain être du "sérail", c'est-à-dire soi-même actif dans le secteur de la presse ou de la publicité, pour pouvoir encore disposer de ces informations, et pouvoir les analyser. Avec distance et sans intention particulière.

Si cela aidera peut-être les entreprises elles-mêmes, pas sûr que la démocratie, elle, en sortira grandie. 

Frédéric ANTOINE.

(1) Par la même occasion, toutes les références à la diffusion des médias écrits et à ses indicateurs ont été retirées du site du CIM, y compris de son glossaire.

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