Oui mais non, vous jouez sur les mots ! Nous, on veut dire la naissance de la RTB, avec ou sans F ! Ah bon ? Alors, là, la date officielle à retenir est celle du 18 mai 1960.
BROUILLAGE SUR L'ÉCRAN
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Et si, pour une fois, on ne gardait pas juste pour soi les observations, les analyses, les études, les recherches, les commentaires… qu'on ne cesse de faire à titre académique, professionnel ou purement personnel ?
BROUILLAGE SUR L'ÉCRAN
Rossel a annoncé que Metro s'arrêterait de paraître ce vendredi. Alors que, il y a quelques années encore, ce journal était le titre de presse le plus distribué en Belgique francophone. Avec la disparition du seul quotidien papier gratuit de Belgique disponible au nord comme au sud du pays, une nouvelle page de l'histoire de la presse se tourne. Au nom de la rentabilité des entreprises et de leur désintérêt pour les expériences qui ne cadrent pas avec leur business plan.
Il en avait fait du bruit, Metro, quand il avait vu le jour en Belgique. Les grands penseurs du journalisme se demandaient à l'époque si on pouvait vraiment considérer comme un média d'information un journal que son lecteur ne devait pas payer et qui ne se finançait que par la publicité. Ce qui semblait alors définir "la presse", c'était obligatoirement le fameux modèle économique à double versant ou, pour être plus trivial, la célèbre phrase d'Emile de Girardin : « Le journal est un bien qui se vend deux fois. » Et voilà que, avec Metro, il ne se vendait plus qu'une seule fois, et s'offrait gratis à son autre clientèle. Un journal qui, en somme, se rémunérait comme les toutes-boîtes, dont tout le monde s'accordait aussi alors pour dire que ce n'était pas de la presse, celle qu'on salue chapeau bas, qui souffre pour accomplir ses missions et à laquelle on rend hommage à tous les étages de la société pour son travail de garant de la démocratie…
FENÊTRE OUVERTE
Metro, ce n'était sans doute pas vraiment ça. De mémoire, il ne semble pas que ce journal-là ait eu un seul scoop, mené des enquêtes exclusives en profondeur ou ait réussi, par ses révélations, à faire tomber des ministres. Métro était plutôt un suiveur de l'info, mais que lui demandait-on d'autre ? Et puis, son contenu, c'était quand même de l'info, et pas des ragots. Un tour du monde de l'actu un peu fastfood, à ingurgiter en quelques minutes seulement, certes, mais un tour du monde de l'info tout de même.
Combien de navetteurs et de jeunes, particulièrement, n'ont-ils pas bénéficié d'une petite fenêtre ouverte sur le monde en feuilletant ses petites pages ? Metro a initié à la lecture de l'info des dizaines de milliers de personnes qui, autrement, n'auraient jamais par elles-mêmes franchi la porte d'un marchand de journaux et payé pour accéder à un titre de presse. Le titre a vulgarisé l'info, et la brièveté de ses articles l'a rendue accessible à tous. On ne rappellera sans doute jamais assez la fonction de salut public que ce petit journal aura rempli pendant plus d'une vingtaine d'années.
PARTAGE vs ŒILLÈRES
En ce sens, Metro aura contribué à rajeunir le lectorat de la presse, et à le préparer à consommer d'autres médias. Jusqu'à ce qu'un autre média gratuit vienne (en partie) prendre sa place dans les transports en commun, avec le gros avantage d'être immensément plus diversifié que Metro et permettre de ne plus pouvoir lire que ce qu'on aime. Sans jamais avoir le regard brouillé par d'autres thèmes, d'autres univers que proposent, dans leur mise en page papier, tous les titres de presse.Metro vivait de la diversité de l'info. Les algorithmes d'internet ont replié ses lecteurs sur eux-mêmes, leur offrant les meilleures œillères permettant de ne pas devoir se confronter à l'éclectisme et l'imprévisibilité de ce qui fait le monde.
Metro était aussi le journal du partage. Un autre rôle que ne remplit aucun titre de presse belge. Chez nous, la presse ne circule pas de mains en mains (pour ceux qui la lisent encore sur un support papier). Chacun achète "son" journal, et le garde pour lui, ou pour sa famille. Metro, parce qu'il était gratuit, n'avait pas la valeur marchande du bien privé tel que l'a défini Samuelson dans son fameux article de 1954 (1). Bien sûr, l'appropriation d'un exemplaire privait un autre consommateur de lire le même exemplaire au même moment (notion de "rivalité") mais, bien souvent, le lecteur abandonnait son exemplaire après l'avoir lu. Ce phénomène était très visible dans les trains où de nombreux exemplaires de Metro traînaient sur les banquettes… et étaient alors repris par d'autres usagers du train. Metro était un bien qui s'utilisait plusieurs fois. Presque un "bien public".
Metro était encore un journal qui, malgré sa légèreté et son éphémérité, entretenait un lien fort avec ses lecteurs. L'idée géniale de la rubrique Kiss & ride, et son succès tout au long de la vie du quotidien, en est le plus patent exemple.
LEVE BELGIQUE, UNE KEER
Enfin, Metro était un peu une image de "la Belgique". Il était le seul titre de presse belge publié dans les deux principales langues nationales (même Le Moniteur belge n'a pas le même nom côté flamand…). Un même titre, certes, mais pas un même contenu pour autant, comme nous nous sommes toujours évertué à l'expliquer à nos étudiants. Même maquette, mêmes pubs (souvent), même logo (sur une couleur différente)… mais pour tout le reste, chacun était maître chez soi. Pendant des années nous avons comparé avec nos étudiants des "unes" de la version francophone et néerlandophone. Leurs différences révèlent en profondeur ce qu'est la Belgique : un pays qui a une seule forme, un seul nom, des mouvements économiques et financiers communs… mais pas la même culture, les mêmes intérêts, la même façon de vivre et de comprendre le monde. Lire les deux versions de Metro parle plus que des heures de cours. Les "unes" de lundi dernier le confirment encore :
Parfois, la différence entre les deux versions se trouve dans le détail. Ainsi, par exemple, ces deux "unes" datant de 2020. N'a-t-on pas l'impression que, là, Metro est bien un journal belge, tant les similitudes entre les deux "unes" sont marquantes, à commencer par la photo principale, celle de Kate Middelton visitant un chenil ?
(1) Samuelson, Paul A., 1954, “The Pure Theory of Public Expenditure”, The Review of Economics and Statistics, 36(4): 387–389. doi:10.2307/1925895
« La devise des relations publiques ? C'est bien faire et bien le faire savoir » avait coutume de dire Vincent Levaux (1), qui avait créé l'enseignement dans ce domaine à ce qui s'appelait alors encore l'UCL. Mais aurait-il imaginé que, vue du côté de celui qui commet l'acte, cette devise pouvait aussi, avec horreur, s'appliquer au terrorisme. Et voir même en justifier l'existence.
Qu'est-ce qu'un acte terroriste, sinon une action, particulièrement spécifique, qui atteint son objectif. Et qui fait parler d'elle. Si cela se limitait au fait de commettre un acte horrible, objectivement, sa raison d'être resterait fort limitée. Ce n'est que parce que l'événement est “hérauïsé” qu'il se transforme en un événement planétaire en créant ce « sentiment d'insécurité » dont parle, par exemple, la définition du terrorisme selon Larousse (2).
TOUTES LES CASES COCHÉES
Appliquons cette réflexion à l'attentat bruxellois de lundi dernier. Assassiner deux supporters de l'équipe de foot de Suède a, semble-t-il, répondu au besoin que s'était donné l'agresseur de “punir” des ressortissants de ce pays pour avoir toléré qu'on y brûle le Coran. Ce qui constitue un acte inacceptable et répréhensible, dont l'auteur doit incontestablement répondre devant la justice. Toutefois, en lui-même, au moment où il est commis, cet acte est un crime, mais pas (encore) du terrorisme.
Cette qualification ne surviendra que parce que, au-delà de "bien faire" (de son point de vue d'agresseur), l'homme s'est aussi appliqué à "bien le faire savoir". L'ampleur de l'écho accordé à l'événement criminel l'a automatiquement transformé en acte terroriste. Et à ce propos, comme nous l'écrivions dans un texte en clin d'œil daté d'hier (3), A. L. avait coché toutes les cases. Nous ne reprendrons pas ici les indices énumérés dans notre petit article d'hier, mais il est indéniable que, en semant des petits cailloux blancs tout le long de son chemin, A. L. s'être appliqué à rendre son acte et lui-même tellement visibles qu'il devient impossible de le rater.
LA FÉE MÉDIAS
Et par quels mécanismes un acte criminel perpétré par un individu isolé se transforme-t-il automatiquement et immédiatement en un acte terroriste et son agresseur en personne terroriste ? Grâce à la fée Médias. C'est elle qui, d'un coup d'une horrible baguette magique, “anoblit" (si l'on peut dire) un double assassinat et en le transforme en une agression terroriste.
C'est elle aussi qui se focalisera sur la personnalité de l'assassin et l'adoubera du qualificatif de terroriste, usant et réutilisant tous les petits cailloux blancs semé par l'auteur des crimes, sans se demander pour quelle raison ce personnage laissait derrière lui autant d'indices. (Les mêmes questions pourraient aussi être posées à propos du comportement des autorités judiciaires et politiques.)
La raison, pourtant, est simple : c'est pour qu'on en parle. Qu'on parle de lui. Et qu'on en reparle. Qu'on l'identifie rapidement. Qu'on sache qui il est, et où il vit (et où il croyait pouvoir rentrer se coucher). Tout cela à longueur d'éditions spéciales, de jt et de jp, et même d'émissions spéciales.
COMM. GRATUITE
Sans avoir eu besoin de suivre des cours de relations publiques, A. L. a mis en pratique leur devise. À peine son acte perpétré, la machine à "bien le faire savoir" a été lancée. Et ne s'arrête pas depuis, accordant une résonance mondiale non seulement à l'acte ignoble du tueur, mais à ses motivations, à son identité islamique et islamiste.
Et bien sûr, en arrière fond, au Jihad islamique. Grâce à la technique de l'allégeance, celui-ci n'a pas besoin d'une agence de relations publiques pour faire sa publicité dans le monde entier. Les médias ne cessent de le faire gratuitement à sa place « Bien faire » ? Ou « faire mal » ? Qu'importe. L'important est de tout faire pour le faire savoir. Et déstabiliser la planète.
Les fondateurs des relations publiques n'y avaient peut-être pas pensé…
Mardi matin. 8h. On apprend que le suspect de l'attentat a été repéré par les forces de l'ordre, puis "arrêté". Mais qu'en voit-on sur les chaînes télé ? Rien. Alors que la veille les télés étaient au taquet sur l'événement, rivalisant de directs et ayant des envoyés spéciaux tant sur les lieux de l'attentat que là où se réunissaient les autorités et tenaient l'antenne en breaking news, le lendemain matin, quand se déroule l'événement essentiel clôturant la séquence, c'est-à-dire la mise en état de nuire du terroriste dans (ou tout près) d'un café schaerbeekois, on ne voit sur les chaînes… que des images de studio.
Que ce soit la RTBF, RTL TVi ou LN24, ce mardi matin, les chaînes se contentaient de proposer leurs matinales traditionnelles, c'est-à-dire… les matinales de leurs radios. Et pas un produit purement conçu pour la télévision. Un fameux paradoxe ! Mais une super économie de moyens pour les télés par rapport à l' "artillerie audiovisuelle" qu'elles avaient déployée la nuit précédente !
VIVA SCHAERBEEK ?
De 6 à 8h du matin, La Une propose cet étrange OVNI télévisuel qu'est Le 6-8, conçu comme de la radio filmée améliorée mais… qui ne passe sur aucune radio. Si l'on y excepte les flashs d'information qui rappellent les événements de la veille, l'essentiel de ce programme de divertissement matinal ne changera pas son fusil d'épaule par rapport à son format habituel, se fixant comme but de déstresser l'atmosphère, quoi qu'il arrive…
À
8h, La Une et VivaCité diffusent un long Jp (ou un simili-Jt?) récapitulatif des événements qui comprend aussi une interview en direct d'un responsable politique. Le seul in situ présent dans ce Jt est celui d'une journaliste devant une école Notre-Dame-de-Grâce, à propos de la question essentielle de l'ouverture (ou pas) des écoles francophones de Bruxelles (le sujet qui semble passionner toutes les rédactions mardi matin). Mais sur ce qui se passe alors à Schaerbeek, zéro image, zéro journaliste in situ. Rien du tout.
UN BILLET EN VOIX OFF
Cela changera-t-il ensuite avec une édition spéciale du Jt sur La Une ? Que nenni.
À
partir de 8h24, sur VivaCité et La Une, la chaîne "bouscule ses programmes" pour proposer une édition spéciale de… C'est vous qui le dites, certes consacrée à l'attentat, mais où le but est de donner la parole à des auditeurs, dont un bon nombre se prononce de manière catégorique sur les événements en cours sans disposer des infos permettant un discernement pertinent, tandis que d'autres livrent leur angoisse à l'antenne. En studio, on essaiera de modérer ou de nuancer les affirmations. À côté de l'animateur de l'émission, il y aura pour cela deux débatteurs, souvent invités dans le programme, qui arriveront à 8h31 (alors que les appels d'auditeurs auront commencé à 8h24) : un journaliste de la RTBF et le "référent infos jeunesse RTBF". Un choix fait parce qu'on est sur VivaCité ? Ou parce qu'on est sur La Une ?
C'est ce dernier référent Jeunesse qui, intervenant dans le flux des conversations avec les auditeurs, annoncera un peu avant 9h la confirmation de la "neutralisation" du terroriste. Fournissant une image à certaines interventions téléphoniques d'auditeurs, l'écran sera parfois occupé par des images prises le lundi soir lors de l'attentat et de ses suites. Il faudra attendre le journal de 9h pour entendre un billet en voix off dit par un journaliste dont la présentatrice du Jt précisera qu'il est à Schaerbeek (ce qui ne s'entend pas dans le billet). Ce billet sera lu sur des images prises à l'endroit où a sans doute eu la "neutralisation" du terroriste, mais rien ne l'atteste. Ces mêmes images seront à nouveau réutilisées à 9h37, sans aucun moyen d'identification, pendant qu'une auditrice intervenait à l'antenne. Dans le journal de 10h, on aura droit, une nouvelle fois, à un billet en voix off (dont on ne dit plus que l'auteur est à Schaerbeek), où le journaliste racontera les conditions de l'arrestation du terroriste, alors que défileront sur l'écran des images du lieu supposé de la capture (images dont certaines sont clairement porteuses d'info, comme celles fixant les fenêtres d'une ambulance dans laquelle du personnel médical pratique visiblement des massages cardiaques. Mais cela n'est pas exploité dans le billet).
On
ne peut en tout cas pas dire que La Une déploie ce mardi matin les mêmes effectifs
et les mêmes moyens que la veille au soir, et ce alors que le terroriste
est sur le point d'être "neutralisé", puis l'est réellement.
DANS UN COCON
Pour
en savoir plus, paradoxalement, il faut se rendre sur… La Trois. La
chaîne culturelle de la RTBF aurait-elle tout à coup hérité du studio
Info de La Une ? Ah non, pas tout à fait, mais cette chaîne diffuse le
matin la matinale… radio de La Première.
COMME A LA RADIO
La concurrence est dans la même configuration. Lundi soir, l'édition spéciale du RTL Info avait débuté un peu plus tard que celle de La Une, mais ensuite les moyens déployés par la chaîne appartenant à Rossel et DPG étaient à peu près comparables à ceux de la RTBF.
Le mardi matin, la chaîne allait-elle faire rebelote ou déléguer des envoyés spéciaux et des moyens de faire des directs aux quatre coins de la capitale ? Pas du tout. Tous les matins, RTL TVi diffuse… la matinale (radio) de Bel RTL. Donc pourquoi ne pas le faire un mardi de crise ? Même si le spectateur assiste alors à une émission de radio dans laquelle il ne fait l'objet de strictement aucune attention. Où il ne se sent même pas invité. L'étriqué studio de Bel RTL étant, qui plus est, partout rempli d'énormes écrans d'ordinateurs, rien n'est fait dans pareil décor pour captiver le téléspectateur ou s'adresser à lui. Que du contraire : l'image que l'on perçoit a tout d'un repoussoir. L'essentiel de ce qui passe à l'antenne se déroule entre les interlocuteurs présents en studio, y compris les séquences humoristiques. Mais il faut noter que Bel RTL dispose, elle, d'une envoyée spéciale radio qui se trouve devant le domicile du suspect. Elle interviendra en tout cas (sans être à l'image et sans in situ) au début du journal de 8h00, décrivant assez clairement ce qui se déroule autour d'elle, mais sans livrer d'information sur ce qui se passe avec le suspect. Deux autres envoyés spéciaux de la radio sur le terrain seront sollicités dans l'émission : l'un dans une école et l'autre dans les rues de Schaerbeek, avec des interviews à chaque fois liées à la question de l'ouverture (ou pas) des établissements scolaires et des commerces. À noter que, à 7h50, lors de l'interview politique, l'interviewer affirmera que le terroriste n'est toujours pas arrêté. Cet élément sera répété en début du journal de 8h00. L'annonce de l'arrestation ne sera faite, prudemment, que à 08h03.
RADIO KILLS THE VIDEO STARS ?
LN24 diffuse elle aussi une matinale, qu'elle ne produit pas, puisqu'elle est celle… de LNRadio. Cette situation peut paraître paradoxale puisque cette émission matinale est un programme d'infos fort, qui correspond au projet de LN24 mais pas à celui de LN Radio, dont le format est du "music and news". Le profil de LNRadio ne correspond pas à celui de la présence d'une émission longue à contenu informatif élevé. Mais voilà, la formule permet de produire une matinale tv au coût d'une émission de radio…
Dans ce cadre, on rencontre le même cas de figure que pour les acteurs précédents : le lundi soir, LN24 était sur la balle, avec des contenus studio, des images en direct et des envoyés spéciaux à l'extérieur. Le mardi matin, en se retrouvant dans le format de LNRadio, les choses changent largement de perspective. Nous n'avons pas pu mener une observation longue de cette matinale, le contenu n'étant pas disponible intégralement en ligne. Mais, en regardant des extraits du programme en direct, le contenu diffusé semblait se réduire fortement aux échanges entre protagonistes présents dans le studio de la chaîne. Sur son site, LN24 montre que la chaîne avait un envoyé sur place (un reporter a notamment réalisé des interviews de personnes musulmanes habitant le quartier). Mais, en ce qui concerne l'in situ d'un de ses journalistes, il est daté de 10h35. Il semble donc qu'il n'a pas été inclus dans la matinale, mais dans les programmes d'info qui ont occupé l'antenne tv lorsque LN24 et LNRadio se sont découplés. Et que l'éventuelle audience a décrû…
MAIS POURQUOI ?
À
moins que toutes les télés n'aient "obéi" à une demande des forces de l'ordre de ne pas couvrir en direct l'intervention dans le café schaerbeekois ? Mais alors, peut-être auraient-elles dû le dire. Ou, à la place, diffuser des vidéos de chats…
Frédéric ANTOINE.
Parce que, finalement, c'est pas tellement top, d'avoir 70 ans. Aline Victor, conseillère en stratégie nutritionnelle, note ainsi sur le site réputé du Journal des femmes qu' à 70 ans, arrive la perte des sens. On a « le goût qui s'émousse, une perte d'odorat qui s'accentue, une baisse visuelle de plus en plus importante…, autant de facteurs qui vont mettre à mal le plaisir de manger ». Pas de quoi faire la fête. Surtout que à 70 ans, on tombe aussi en plein dans les pathologies liées au vieillissement : « l'arthrose (usure du cartilage), la sarcopénie (baisse de la masse et de la force musculaire) et l'ostéoporose (diminution de la densité osseuse). Ces 3 pathologies sont souvent responsables de la perte d'autonomie. La personne perd sa mobilité. Elle a peur de la chute et ne sent pas à l'aise pour marcher seul. « Le risque principal est l'isolement et donc la dépression », conclut la spécialiste.
Ouhlala! Avec tout ça, l'envie est-elle vraiment à faire la fête ? Pourtant, à la RTBF, cett année on y croit. Et on a choisi de ne pas seulement célébrer les 70 ans de la tv à Bruxelles, seul lieu du pays où cela fait vraiment 70 ans qu'on peut regarder la télévision belge (de ses 100 mètres de haut (1), l'émetteur du Palais de Justice portait au mieux jusqu'à… Waterloo), mais dans toute la Wallonie où, il y a 70 ans, tout le monde se foutait royalement que l'INR commence à proposer des émissions avec des images. D'autant que les plus fortunés (ou les plus fous) des Wallons, qui avaient déjà leur téléviseur, l'utilisaient depuis belle lurette pour regarder la télé française sur l'émetteur de Lille (inauguré en… 1950), ou d'autres stations étrangères comme la BBC (2).
PLUTÔT SUR L'ÉCRAN QUE DANS LA VRAIE VIE
Étrange, cette volonté soudaine de célébrer en grande pompe ces 70 ans d'existence alors que, par le passé, les célébrations de la naissance de la tv ont été souvent moins invasives et extraverties. Certes on occupait alors l'antenne par des rediffusions commémoratives (2013), qui prenaient tant de place dans les grilles qu'elles pouvaient aller jusqu'à « l'overdose », selon certains commentateurs télé (2003). Tout aussi économiques en moyens, des jeux étaient aussi conçus pour célébrer la glorieuse histoire de notre petite télévision nationale (1993), à un moment où, par ailleurs, on parlait « de diminution de temps d'antenne, de réduction de dotation, de personnel et de production, ou encore de la suppression pure et simple de Télé 21 » (3).
En définitive, tout cela se produisait "ad intra", dans les grilles de programmes proposées, espérant que le téléspectateur allait naturellement venir gaiment fêter l'anniversaire de la télé publique en se branchant sur La Une ou sur le deuxième canal, au nom changeant avec le temps (et les divers projets destinés à y drainer de l'audience).
Dans mes souvenirs, il faut remonter aux 25 ans de la télé pour qu'une exposition, organisée par la RTBF, célèbre les premières années de ce média chez nous par une belle expo au Passage 44 à Bruxelles et la publication d'un livre-catalogue (4), qui restera longtemps le seul document écrit de référence sur les débuts de la télé RTB.
Il y eut aussi une remarque exception, mais qui ne doit rien à la RTBF : l'exposition organisée à l'instigation de Muriel Hanot et du conservateur du musée de Mariemont, quasiment contre le gré du service public, qui évoquait le sujet sous forme de "cabinets se curiosité" très originaux, exposition accompagnée d'un impressionnant livre-catalogue (auquel j'ai eu l'honneur de contribuer) (5). Pour être complet, il faut aussi reconnaître que d'autres acteurs du paysage médiatique ont parfois organisé des expo sur l'histoire de la télé, mais ces initiatives ne sont jamais venues de l'opérateur public (6).
Alors, pourquoi, pour les 70 ans, la RTBF change-t-elle de stratégie et, pour une fois, décide-t-elle d'aller elle-même à la rencontre du public, en organisant des opérations de décentralisation aux quatre coins de la Wallonie et de Bruxelles, en y proposant elle-même une expo interactive dans un "village expériences", puis des rencontres avec des animateurs, des séances de selfies et même des débats locaux, réservés aux premiers heureux qui auront pu s'y inscrire.
Il y a là un fameux retournement de stratégie dans l'usage d'un anniversaire comme prétexte à une communication événementielle. Sauf que, au contraire de tout ce qui a été organisé précédemment lors de pareils événements, il semble que ceux-ci ne sont pas tournés vers le passé, l'évocation des jours heureux et des vieilles gloires.
Le programme comprend bien à Bruxelles une soirée 70 ans d’archives bruxelloises en 70 minutes, projection inédite de la SONUMA, mais c'est le seul du genre.Tout le reste des animations est placé sous le signe de "De la télévision au digital" et est clairement orienté vers le futur. La RTBF utilise son passé pour accélérer l'entrée de son public vers ce que l'opérateur public entend être demain, ainsi que pour faire du catch-all vis-à-vis de nouveaux publics. Le titre des "focus groups" que la RTBF organise dans toutes les régions va bien dans ce sens : " Quelles relations la RTBF doit-elle entretenir avec les réseaux sociaux et peut-on imaginer ensemble un autre espace digital pour échanger nos avis ? "
LE LINÉAIRE AU BORD DE LA TOMBE ?
Utiliser son passé pour faire basculer l'audience vers le futur peut être une bonne stratégie. Mais celle-ci ne dit pas ses intentions cachées : à terme, faire disparaître le média Tv linéraire au profit d'un maximum de consommation en ligne, à la carte, et ce via l'usage des plateformes. Personne n'en parle officiellement, mais il semble que l'obsolescence programmée de la télévision linéaire figure aujourd'hui dans beaucoup d'agendas. Les bruits de future suppression des émetteurs TNT de la RTBF en seraient un premier pas. Le fait que certains programmes jadis diffusés en linéaire sont maintenant renvoyés sur les plateformes, comme le passage de Ouftivi à "Auvio Kids" en est un autre indice, tout comme la transformation de certains programmes en format "web" même s'ils sont encore diffusés sur l'antenne en linéaire. Et cela peut aller jusqu'à les filmer à la verticale, comme on le ferait avec son téléphone. Enfin, les diffusions en avant-première, et en accès intégral gratuit, de certaines fictions proposées en épisodes sur un canal linéaire le démontre lui aussi.
Les 70 ans de la Tv sont-ils l'occasion de lui mettre le premier pied dans la tombe ? De lui faire avaler la première goute de la cigüe dont la consommation, au fil des prochaines années, finira par la rendre exsangue. Bon anniversaire la RTBF Télé ! En cadeau, on t'offre les premiers clous de ton cercueil.
Au même moment, une étude qui vient de sortir sur le public belge francophone démontre que, certes, les sources de la consommation audiovisuelle se diversifient, mais que la télé (et la télé "live") y occupe toujours une fameuse place.
Et que, à l'heure du prime-time, la télé linéaire mène toujours le bal…Dans pareil contexte, est-ce vraiment le rôle des médias publics de pousser à la fin des médias linéaires? Les débats proposés pour les 70 ans de la télé publique ne paraissent pas tourner autour de ce type de questions. C'est peut-être dommage de la part d'une entreprise-média qui doit être au service de tous les publics. Avant de se demander si on fêtera un jour ses 80 printemps…
Frédéric ANTOINE
(1) https://www.media-radio.info/radiodiffusion/index.php?radiodiffusion=Belgique&id=39&cat_id=13