A propos de la conférence de presse du CNS (Comité National de Sécurité belge) du 24/4/2020
A quoi sert une conférence de presse?
a) A communiquer à des journalistes un contenu complexe, impossible à réduire au texte d'un simple communiqué de presse, par exemple, afin que les journalistes se réapproprient ce contenu, le digèrent, le contextualisent, le vulgarisent, pour le transmettre ensuite à leurs usagers (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).
b) A permettre aux journalistes, porteurs des interrogations de leurs usagers, de poser en leur nom des questions aux organisateurs, questions à la fois de compréhension, de précision, de contextualisation, mais aussi de contradiction, voire de controverse.
La conférence de presse relève d'une communication à deux niveaux, le journaliste-médiateur se situant au niveau médian du processus.
Un journaliste ne peut être le 'médiateur' de la communication d'organisateurs d'une conférence de presse que s'il en a lui-même saisi et compris tous les éléments.
Dans la panoplie des sources journalistiques, une conférence de presse est la (ou une des) matière(s) première(s) d'une production journalistique.
A qui s'adresse une conférence de presse?
Aux journalistes. A ceux qui vont relayer son contenu en se le réappropriant, contextualisant, nuançant, voire parfois en le contestant.
Que n'est pas (en général) une conférence de presse?
Un contenu clé sur porte transmissible en l'état aux destinataires finaux de la chaîne de l'information (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).
A qui ne s'adresse pas une conférence de presse?
Au 'grand public' qui ne dispose ni des outils, ni du background, ni des éléments de contexte, lui permettant non seulement à terme de se réapproprier seul ce contenu présenté, mais surtout de l'assimiler en temps réel.
Quel est le virus qui tue actuellement les conférences de presse?
L'obsession de l'immédiateté, qui vise à réduire à néant l'intervalle de temps entre la collecte d'une information et sa transmission à son destinataire final. C'est-à-dire le rêve de supprimer le rôle de médiation du journaliste. Ce virus a été inoculé par les chaînes 'all news' (CNN en premier lieu) qui ont entrepris de retransmettre en temps réel (le fameux 'direct live') des points presse et des conférences de presse destinés précédemment à n'être accessibles qu'aux instances de médiation que sont les journalistes. Cette réduction de l'écart temporel est ensuite devenu une pratique courante, voire obligatoire, suite au culte de la banalisation du vécu en temps réel exercé par les réseaux sociaux.
A qui a été transmis le virus?
A tous les médias d'information qui n'envisagent plus d'instaurer un quelconque délai entre le moment où survient l'expression d'une information (notamment en conférence de presse) et sa communication à son audience. D'où la retransmission en temps réel, sans filtre, et parfois même sans traduction simultanée.
Mais le virus a aussi été transmis aux organisateurs de conférence de presse qui confondent désormais communication à des médiateurs professionnels et communication directe avec le grand public. Et qui offrent aux médias les moyens techniques de captation leur permettant de se passer de la médiation journalistique. Et leur garantissant ainsi un accès direct à l'audience, comme s'ils s'y adressaient directement. Alors que les codes utilisés restent ceux d'une conférence der presse.
On met ainsi sur le même pied 'information pour la presse' et 'communication à la Nation'. Ce qui n'a rien à voir.
La préoccupation des responsables de conférence de presse de les organiser 'à l'heure des JT', ou à l'heure d'émissions spéciales de prime-time conforte la banalisation de cette confusion, voire la rend inévitable.
Un commentaire?
On peut ajouter à cela que, même si la conférence de presse est destinée à des 'professionnels' et des 'médiateurs' patentés, les principes de base d'une bonne transmission de message y sont les mêmes que pour toute communication. Il s'agit de véhiculer un message clair, et donc le moins ambigu possible.
Ainsi, par exemple, tout utilisateur du powerpoint sait que le rôle de pareille projection n'est pas d'apporter une information autre que celle qui est au même moment présentée oralement. Au contraire, le powerpoint doit être en partie au moins redondant par rapport au contenu exprimé oralement, et il doit venir renforcer le oral, et non le perturber.
Assimiler des contenus divergents, voire dissonants, présentés en parallèle, et dans une mise en forme peu discernable, ne peut qu'entraîner confusion et incompréhension.
Si, de plus, trois images différentes convoquent en même temps le cerveau de l'audience, de gros doutes peuvent être exprimés quant à l'efficacité de l'exercice de communication…
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Frédéric ANTOINE •