La station
catholique en DAB+ 1RCF disparaîtra du paysage radiophonique belge avant l’été
prochain. La fin d’un projet mégalomaniaque, révélateur de la grande fragilité
du choix de m’émettre que dans cette nouvelle norme.
Dans un communiqué
diffusé le soir du 5 décembre, la Conférence épiscopale francophone de Belgique
a annoncé sa décision de désormais ne plus soutenir financièrement la radio 1 RCF,
qui diffuse depuis le 4 novembre 2019 en DAB+ (et en ligne).
La Conférence épiscopale aurait annuellement financé le fonctionnement de cette radio aux environs de
100.000€. Les autorités ecclésiales, qui cherchent partout à faire des
économies, ont reconnu que l’investissement n’était pas à la hauteur
des audiences attendues. L’argent ainsi épargné sera affecté à d’autres postes
budgétaires. « Les ressources actuellement mises à la disposition de
1RCF Belgique permettront de renforcer l’offre de CathoBel et de lancer de
nouveaux projets », écrivent les évêques, qui remercient le personnel
qui s’était engagé dans cette opération. Une partie de ce personnel dépend
en effet aussi, mais indirectement, de l’Église catholique.
STAND ALONE
1RCF Belgique était
l’une des seules à avoir candidaté à l’époque pour pouvoir être autorisée par
le CSA à condition de ne diffuser qu’en DAB+. Elle était aussi quasiment la seule
station de ce genre à ne pas être conçue une radio thématique, excroissance ou déclinaison
ciblée d’une marque bien installée sur la FM. Si 1RCF était évidemment liée aux
radios locales de RCF en Belgique, elle n’en constituait pas une version thématique,
mais avait au contraire été conçue comme une superstation sans lien direct avec
les radios FM de RCF à Bruxelles, Namur, Liège…, qui dépendent non de la Conférence
épiscopale, mais des évêques à la tête des diocèses couverts par ces émetteurs
locaux. Des radios avec lesquelles 1RCF n’a pas toujours entretenu de très
bonnes relations.
HIS MASTER’S
VOICE
L’énorme ambition
de 1RCF Belgique était de diffuser la voix de l’Église catholique, partout, tout
le temps, et en un seul coup, à l’échelon de l’ensemble de la partie
francophone du pays. Assurer une présence identitaire forte via un média, à l’heure
où les paroisses se vident et où les fidèles qui décèdent ne sont que peu
remplacés par ceux issus de nouvelles générations était audacieux. Et peu
courant dans les prudentes sphères dirigeantes du catholicisme belge. Certains
ont cru que ce projet était “prophétique”. Mais il n’est pas aisé de guider un
attelage dans lequel on trouve à la fois des radios diocésaines, au public restreint et ancien, et une tout autre radio, ne reposant sur aucun public préétabli.
Et devant, de plus, se créer sa propre notoriété à partir de zéro sur une gamme
d’ondes où les auditeurs ne sont (et c’est un euphémisme) en général pas légion.
Qui plus est, quand on espère hameçonner des auditeurs âgés comme ceux qui constituent la base du monde affinitaire catholique.
INCONNUE AU
BATAILLON
Le CIM ne
publie pas de résultats des RCF dans ses publications officielles. Et ce, pour une
raison bien simple : leurs audiences sont inférieures aux minima retenus. Si
l’on excepte Nostalgie+, NRJ+, Viva+ et dans une moindre mesure Contact Max, les
radios diffusant en numérique se trouvent en effet toute fin de classement des
audiences mesurées, avec moins de 10.000 auditeurs/jour en moyenne. Celle de
1RCF est si faible qu’elle n’est pas prise en compte.

De même, côté
parts de marché, seules 3 radios numériques dépassent le 1% d’audience (les premières
nommées ci-dessus). La plupart des autres ont une part d’audience de moins de
0,1% et, même en comptabilisant jusqu’à Jam. (0,03%), on ne trouve toujours pas
de radio RCF.

AVENIRS
ÉPISCOPAUX
Effacée du
DAB+, la marque 1RCF subsistera-t-elle ? Rien n’est, semble-t-il, fixé
pour l’instant, mais rien n’est aussi moins sûr, car on verrait mal l’intérêt
de poursuivre exclusivement par IP la diffusion linéaire d’une station qui s’adresserait
au même public que la version DAB+, public encore moins agile dans l’usage des
plateformes numériques que d’un récepteur radio DAB+.
Les radios
diocésaines de RCF sont épargnées. Mais la décision finale
concernant leur avenir à long terme n’est pas garantie pour autant, leur
destinée dépendant des choix prioritaires de chacun de leurs commanditaires. Deux
nouveaux évêques viennent d’être nommés par le pape en Wallonie. L’un d’eux, en
Hainaut, n’aura pas à envisager la question, puisque ce diocèse n’a pas de
locale RCF. À Namur, par contre, le sujet sera sur la table. Le sort de RCF
Bruxelles est également encore en attente. Avant que la Conférence épiscopale
ne décide d’abandonner 1RCF, le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles avait
fait savoir qu’il n’entendait plus soutenir financement RCF Bruxelles. On ne
sait pas si la nouvelle donne modifie ces intentions. Il a par contre été
annoncé par la Conférence épiscopale que, via son agence d’information Cathobel,
l’Église catholique entendait développer à l’avenir de nouveaux projets en
ligne, destinés à toucher de nouveaux publics.
MALADIE
CONTAGIEUSE ?
Si la
disparition annoncée de 1RCF ne signe pas la mort clinique du DAB+, il témoigne
en tout cas de l’énorme difficulté à fidéliser sur ce type de support certains
publics peu (ou pas du tout) enclins à remplacer leur parc de récepteurs, et
peu (ou pas du tout) adeptes de l’écoute en DAB+ sur l’autoradio de leur
voiture. Comme bon nombre de conducteurs, qui ignorent tout simplement qu’il existe
d’autres moyens d’écouter la radio en roulant que la FM ou, pour les plus jeunes, l’écoute en
ligne grâce à la 4G de son smartphone. Une invention géniale qui permet par
exemple de suivre de Belgique toutes les grandes radios françaises diffusant en
FM, alors qu’elles sont devenues inaudibles en hertzien.
La véritable
question que révèle le sort de 1RCF est de savoir s’il y a assez de passagers à
son bord pour que l’avion du DAB+ reste définitivement en vol. Et qui sont
réellement ces amateurs d’hertzien newstyle qui ne se contentent pas,
comme la plupart des gens, de continuer à écouter la radio en FM ou sont passés
aux radios IP, à moins qu’ils aient tout bonnement délaissé les radios linéaires au
profit des podcasts et des plateformes musicales. Il faut bien dire que, dans ce contexte, le sort de 1RCF Belgique
ressemble un peu à la chute d’Icare…
Frédéric
Antoine.
Note: selon un commentaire de Eric WM Cooper, 1RCF est apparue 2 fois dans une vague d'audience CIM: en janvier-juin 2020 et septembre 2020-février 2021, c'est-à-dire lors des confinements covid.
(dessin réaménagé à partir d'une formalisation par IA sur base d'une photographie)