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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

07 novembre 2024

Elections américaines : le rêve déformé des médias

Dans leur couverture de la campagne présidentielle américaine, les médias nous ont eus. Jouant une nouvelle fois "le mauvais" versus "la bonne", ils nous ont donné ce que nous voulions entendre : la possible victoire du bien contre le mal. Alors que, objectivement, "le Diable" avait tout pour réussir face à la "Bonne Dieue".

"L'une des élections présidentielles les plus serrées de l'histoire américaine", voire, pour certains médias, "la plus serrée". En tout cas, celle qui aura connu "les sondages les plus serrés". D'autres, un peu plus prudents, parlaient bien du "scrutin le plus incertain." Mais, la veille du vote, nombre des médias se demandaient encore : "Que se passera-t-il en cas d'égalité entre les deux candidats ?", expliquant à longueur de textes qu'au pays de l'oncle Sam, "le futur président pourrait être élu malgré un vote populaire défavorable".

Résultat des courses : à ce jour (07/11), Trump compte 295 grands électeurs et Harris 226, le candidat républicain recueillant près de 51% des suffrages, contre 47,6% pour sa challenger. Les médias n'avaient-ils pas eu raison ? Quelle course serrée, les amis ! Quelle bataille dont le résultat était incertain jusqu'au dernier vote !

TROP BEAU SCÉNARIO

Rarement sans doute on aura connu un aussi grand gap entre le scénario que les médias ont voulu nous faire croire et la réalité des urnes. Et ils y ont cru, les lecteurs, les téléspectateurs, les internautes. Pendant des semaines, ils se sont dit que non seulement tout n'était pas foutu, mais que Harris avait, en définitive, toutes les chances de l'emporter face à un grand méchant loup si horrible, dont la victoire ne pouvait pas seulement être impensable. Elle l'était. Tout simplement.

Les médias nous ont raconté une belle histoire, à coup de reportages et de documentaires élogieux sur la belle candidate démocrate, défenseuse de la veuve et de l'orphelin, sur ses électeurs issus des bas-fonds des minorités, et sur ses propagandistes si courageux. Et, à l'opposé, à coup d'autant de reportages et de documentaires catastrophistes sur l'horrible candidat républicain, à propos duquel il n'est pas utile de répéter ici tous les qualificatifs négatifs dont il a été affublé. Ni énumérer la liste des sujets de JT où les médias ont dézingué ses électeurs, dont on se demandait à chaque fois s'il pouvait réellement exister aux USA des gens aussi bêtes, imbéciles, sinon timbrés.

Depuis l'été, on en a été servis, en reportages recueillis aux quatre coins de cet immense pays. Et plus on en voyait ou on en lisait, plus le pronostic devenait indiscutable : dans cette bataille de l'ange contre le démon, Kamala ne pouvait que l'emporter. Les sondages, d'ailleurs, ne disaient pas autre chose. Il y avait bien cette foutue question de la marge d'erreur, qui faisait qu'en finale ces sondages ne pouvaient rien prédire, mais on s'en foutait. Considérer quelque chose qu'on redoute comme impossible est d'un rassurant incontestable.

 UNE HISTOIRE SI BELLE. ET POURTANT…

Nos médias n'ont pas joué le suspense, comme ils le font parfois, posant dans la balance le pour et le contre et se gardant bien de dire vers qui allait leur cœur. Cette fois, ils y ont été franc-jeu. Leur public voulait la victoire du bien contre le mal ? Ils ont bâti leurs récits dans ce but. Pour aller dans le sens de leurs audiences, certainement. Mais aussi, plus prosaïquement, parce que les médias eux-mêmes rêvaient de la même chose. Emportés par leurs propres narrations, journalistes, présentateurs, documentaristes ont tous choisi de magnifier la geste de Kamala et de présenter avec noirceur l'impitoyable univers de son adversaire. L'histoire était trop belle pour ne pas être celle qui devait survenir.

Et pourtant… N'est-ce pas oublier un peu vite que, jusqu'à cet été, tout le monde ou presque était persuadé que l'élection américaine était pliée d'avance. Que, face à un vieillard qui s'accrochait à son perchoir mais désespérait chaque jour davantage ses supporters, Trump avait déjà gagné. Malgré ses outrances, ses procès, ses condamnations et ses incroyables électeurs. Jusqu'au 21 juillet dernier, il n'y avait pas d'espoir. Biden avait beau présenter un bilan économique positif, cet homme en fin de course faisait simplement pitié. 

Tout s'est renversé le jour où le vieux président a annoncé son retrait de la course. Comme s'il craquait alors une allumette dans une pièce plongée dans le noir, la petite lueur d'un autre chose est apparue. Cela changeait tout. À la nuit succédait la lumière du jour, qui plus est incarnée s'il vous plaît par une femme plus jeune, plutôt avenante, toujours bien habillée, avec un beau collier de perle, "libérée, délivrée", à l'histoire incertaine certes, mais emblématique de ce que doit être "le rêve américain".  Que du bonheur. Et tout le monde y a cru. 

LA FIN DU SORTILÈGE

Il est incroyable qu'il ait fallu que la reine des Neiges s'écrase face à l'horrible Hans pour que le sortilège s'arrête et que, tout à coup, les commentateurs politiques retrouvent un peu de distance face aux événements. 

C'est vrai, finalement, que le programme de Kamala Harris, on n'en a jamais rien su. Alors que Trump, préparé au combat pendant quatre ans, avait clairement défini les quelques axes sur lesquels il allait faire campagne à grand renfort de slogans simples et compréhensibles. Petit indice significatif : dans les bandes-annonces des radios et des télévisions à propos de ces élections, illustrer les dires de Trump par quelques mots ne posait aucun problème, à commencer par le célèbre "Kamala you're fired" (dont plus personne n'a relevé que Trump l'avait utilisé parce que c'était sa phrase favorite quand il jouait dans la télé-réalité The Apprentice). Pour Kamala, impossible par contre de trouver une phrase clé. Alors, on choisissait les seuls propos qui semblaient la représenter : "Thank you, thank you"…

Devant cette carence de programme clair, rares ont aussi été les commentateurs à relever avant le krach du 5 novembre que, pendant la campagne, Harris et tout le camp démocrate avaient passé la majeure partie de leur temps à réagir aux outrances et aux déclarations de Trump, et non à lancer des messages sur leur propre projet. Dans ce match, Kamala a rarement gardé la balle très longtemps. C'était Donald qui était à l'attaque. En réagissant à ses dires, les démocrates faisaient plus grandir leur adversaire que marquer des points…

C'est après le désastre qu'on s'est aussi souvenu que la candidate démocrate n'avait eu que trois mois pour faire campagne, sans incarner autre chose que le rôle d'une remplaçante de dernière minute, dont on se demande toujours pourquoi Biden l'avait si mal mise dans la lumière tout au long de son mandat. Qui se rappelle que, lorsqu'il avait été élu, on avait dit que Biden, reconnaissant son âge, s'était engagé à démissionner à mi-mandat en faveur de sa vice-présidente ? L'expérience Kamala sur le terrain l'avait-elle dissuadé de mettre cet engagement à exécution ? Ou, grisé par le pouvoir, avait-il préféré oublier Kamala, jusqu'à se déclarer prêt à briguer lui-même un second mandat ? Le président sortant, en tout cas, n'a rien fait pour aider sa vice-présidente à lui succéder. Quand les correspondants de presse aux USA se sont contentés de dire que "si on ne connaît pas Kamala, c'est que le rôle d'un vice-président est juste de s'apprêter à remplacer le président", c'était aller un peu vite en besogne. Un vice-président ne se trouve pas pendant quatre ans dans un placard en attendant de sortir du trou en cas d'urgence…

TABASCO KAMALA

Qui a osé dire que l'ancien procureur de Californie était peut-être en fait un second couteau, loin de cocher toutes les cases pour être le meilleur candidat contre Trump ? Le conte de fées bâti à son propos ne l'aurait pas supporté.

C'est aussi au lendemain de la catastrophe qu'on s'est remis à parler du "plafond de verre" que les femmes politiques rencontrent aux USA. Comme si on avait imaginé pendant la campagne qu'il n'existait plus, à défaut de n'avoir jamais existé.

Qui avait eu le courage de reconnaître que, moins que Hillary Clinton mais quand même, Kamala Harris appartenait à cette intelligentsia de gens très éduqués qui constitue l'essentiel des hautes sphères du parti démocrate, et que le fossé entre ces élites et l'électorat traditionnel de ce parti ne cessait de s'agrandir ?

À l'époque où les films de Noël commencent déjà à revenir sur les écrans des télés, l'histoire de Kamala était trop belle. Elle ravivait d'une belle dose de Tabasco le Bloody Mary aqueux et sans goût que devait être l'élection 2024. Il faut dire que, de ce point de vue en tout cas, la recette a plus que réussi. D'un duel perdu d'avance, les médias ont réussi (ou presque) à faire The Biggest Story Ever Told. Et tout le monde est rentré dans le jeu.

Mais lorsqu'on joue ce petit jeu plus dure est la chute, et plus pénibles sont
les réveils. Alors que si, au lieu de se laisser bercer par cette féérie, on avait gardé les yeux grand ouverts en permanence, on n'aurait pas eu besoin de se pincer bien fort le 6 novembre au matin et de se dire : "Trump président ? Mais je rêve !". Non, vous ne rêviez pas…

Frédéric ANTOINE.

PS: Ceci est une réflexion médiatique générale, pas l'analyse scientifique d'un corpus précis. Que les médias qui ne se reconnaitraient pas dans les commentaires apportés ici ne se sentent pas visés par les appréciations contenues dans ce texte.


28 octobre 2024

Exactitude de l'info : il peut suffire d'un mot

Livrer une info exacte ou pas ne tient parfois qu'à un (ou quelques) mots. Les titres publiés par les médias lors de la fin du synode de l'Église catholique, samedi dernier, en livrent un exemple édifiant.

Alors, les femmes seront-elles autorisées à être prêtres dans l'Église catholique un jour ou l'autre ? Pour les médias, c'était un peu cela la seule et unique question qui valait que l'on porte un peu d'attention au dernier synode catholique qui se déroulait au Vatican. Alors, quand le document final produit par la docte assemblée a été rendu public samedi en fin d'après-midi, c'est là-dessus que tout le monde s'est focalisé. Avec (comme s'il pouvait en être autrement) une grosse déception à la clé. Naïfs, les médias avaient sans doute imaginé que prélats et autres dignitaires s'étaient rendus à Rome pour non seulement y faire la révolution, mais aussi en quelque sorte pour signer leur propre arrêt de mort de mâles dominants. À Rome, il ne suffit pas de rêver…

Quoi qu'il en soit, à la lecture de ces célestes conclusions, les médias sont restés sur leur faim. Le 26/10 en fin de journée, ils se sont donc fendus de titres qui disaient, sans vraiment le dire, quels étaient leurs sentiments ou leurs espoirs. Il n'y a rien là qu'il ne puisse leur être reproché, sauf que, dans beaucoup de cas, l'info ainsi transmise avait un petit air de nouvelle tronquée, voire pas franchement inexacte.

« OUVERTE »

Une première catégorie de titres (relevés dans l'univers des médias francophones), optimistes et positifs, annonce que l'Église catholique « laisse “ouverte” la question de l’ordination des femmes ». Une autre catégorie, quasiment aussi nombreuse, est plus nuancée. On y lit que l'Église catholique « laisse en suspens la question de l’ordination des femmes ». Fameuse nuance : laisser une question “en suspens” n'est pas synonyme de dire qu'elle est “ouverte”. Car, “en suspens”, on ne sait pas si la question est en définitive ouverte ou fermée. 

Comme l'écrit Le Robert, “en suspens” signifie : « Dans l'indécision ; sans solution, sans achèvement. ». Ce qui n'a pas de rapport avec le fait d'être ouvert (dans le sens de « être ouvert au dialogue », c'est-à-dire « accepter la discussion » (1). Ce qui permet de rappeler ici que si, en ordre général, on considère qu'une porte est “ouverte” ou “fermée”, les Belges (et surtout les Bruxellois) savent qu'il existe aussi des cas où elle n'est ni l'un ni l'autre, mais “contre”.

Alors, que dit vraiment le fameux texte à ce propos ? Dans sa version anglaise, ont y lit au §60 "Additionally, the question of women's access to diaconal ministry remains open." Ce qui se traduit incontestablement par : « De plus, la question de l'accès des femmes au ministère diaconal reste ouverte. » Rome a écrit « reste ouverte », et pas « est en suspens », ce que le texte anglais aurait dû mentionner par les expressions "The question is pending" ou "The issue is unresolved." 

DIA (DE) CONAL ?

Peut-on dire que les médias qui ont opté pour “en suspens” ont été plus proches du commentaire que ceux qui ont utilisé l'expression “reste ouverte” ? Sans doute. Mais il n'y a pas que cela. Et c'est là qu'intervient l'art de la précision. Le fameux §60 parle en effet de « la question de l'accès des femmes au ministère diaconal ». Or, la plupart des titres font référence à « l’ordination des femmes », ce qui n'est pas tout à fait la même chose ! Pour le grand public, à supposer qu'il signifie encore quelque chose (2), le mot “ordination” est associé au terme “prêtre”. On parle de l'ordination à la prêtrise, du fait de devenir prêtre. L'ordination au diaconat est certes une ordination, mais un(e) diacre n'est pas un prêtre, loin de là. En utilisant les termes “ordination des femmes”, les médias pratiquent la métonymie, et même plus précisément une synecdoque : ils utilisent le tout pour désigner une partie. Avant de devenir prêtre, le candidat est bien d'abord ordonné diacre. Mais ce n'est pas parce qu'il devient diacre qu'il est ordonné prêtre. En l'occurrence, le tout (“ordination à la prêtrise”) n'est pas synonyme de la partie du tout (“ordination au diaconat”).

Voilà comment on laisse croire que l'Église catholique laisse ouverte la discussion sur l'ordination de femmes prêtres, alors qu'il s'agit juste de savoir si elles pourraient un jour devenir des petits sous-prêtres, c'est-à-dire des diacres (3)…

Les titres auraient mentionné que le sujet concernait l'ordination diaconale, il n'y aurait rien eu à redire. Mais c'était sûrement moins sexy et accrocheur, d'autant que, si déjà peu de gens peuvent dire ce qu'est un diacre, personne ne sait ce qu'est une ordination diaconale…

Dans ce micmac, il y en a qui s'en tirent : les médias qui apportent bien cette précision. Nous avons ainsi trouvé la formule « laisse “ouverte” la question de l’ordination diaconale des femmes » dans un titre du Figaro, qui s'adresse à un public plutôt catho bien élevé. « Laisse “ouverte” la question de l’ordination des femmes comme diacres », notamment dans La Provence, presse régionale qui doit être plus concrète. Ou, sur le site Info de la RTBF, « Au terme d’un sommet au Vatican, l’Église catholique laisse “ouverte” la question de l’ordination des femmes comme diacres ». Là tout est dit sauf qu'il ne faut pas confondre “sommet de l'OTAN” et “réunion finale” du synode…  

A contrario, on notera qu'un vénérable et vénéré quotidien français comme La Croix n'a pas, lui aussi, hésité à titrer « laisse en suspens la question de l’ordination des femmes ». Les assomptionnistes sont parfois aussi mal chaussés…

TOUS LES MÊMES…

Mais alors, pourquoi tant de similitudes ? Eh bien parce que, comme nous l'avons déjà pointé par le passé ici, tous ces titres sont simplement ceux… des dépêches des agences de presse, qu'en ce samedi fin de journée, les préposés chargés de mettre de l'actu dans les médias se sont contentés de repiquer pour en faire des articles sans se mouiller. 

En France, l'AFP est l'auteure de la formule « laisse en suspens la question de l’ordination des femmes ». En Belgique, Belga titrait « laisse ouverte la question… ». D'où les deux formules retrouvées dans les médias, et l'extension généralisée du sujet à la question de l'ordination, sans plus de précision. Pas plus compliqué que ça…

Ah, pour être de bon compte, reconnaissons tout de même que la dépêche de Belga débutait en indiquant que « L’Église catholique laisse “ouverte” la question de l’ordination des femmes comme diacres, une fonction précédant celle du prêtre, sans aborder la question de la prêtrise, au terme d’un sommet mondial sur l’avenir de l’Église au Vatican », ce qui donne bien toutes les bonnes informations et les contextualise utilement. 

Alors que la dépêche de l'AFP s'ouvre elle sur beaucoup plus de flou : « L’Église catholique a reconnu samedi le manque de visibilité des femmes dans sa gouvernance tout en laissant en suspens la question de leur ordination, une déception pour les militantes qui espèrent voir bouger les lignes de l’institution deux fois millénaire. » Toujours pas ici de précision exacte sur la question de l'ordination, mais un début de décentrement qui met l'accent sur un des autres éléments de ce fameux §60 où la question du diaconat féminin n'occupe en réalité qu'une phrase : le manque de visibilité des femmes dans l'institution romaine.

Tout cela n'est-il pas, en définitive, une simple nouvelle discussion sur le sexe des anges, alors, que sur le fond, rien ne change ? Pas sûr, quand on rêve de médias précis, éclairants et diversifiés.

Frédéric ANTOINE.

(L'illustration de ce texte a été générée par l'AI)

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(1) https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/ouvert/
(2) Ce dont on peut franchement mettre en doute pour une très grande partie de la population .
(2) Voir à ce sujet le procès gagné récemment par la belge Veer Dusauchois qui s'était vu refuser l'accès à une formation au diaconat par la hiérarchie religieuse catholique.


23 octobre 2024

Audiences radio : tout le monde a-t-il vraiment gagné ?


La publication de la dernière vague d'audiences radio a ravi tous les opérateurs. Comme d'habitude, tout le monde se félicite d'avoir gagné. Mais à y voir de plus près, est-ce si vrai que cela ?

La vague de mesure de l'audience radio que le CIM vient de rendre publique concerne les mois de mai à août, c'est-à-dire une période largement marquée par la présence des mois d'été et les vacances, moment où les radios allègent traditionnellement leur programmation. Ce n'est donc sans doute pas le meilleur moment pour évaluer la situation réelle de l'auditoire des radios, par rapport à une moyenne lissée sur l'année. Mais bon, allons-y quand même…

Pour apprécier les scores des stations, la première réaction est de se pencher sur leurs parts de marché. Une lecture stricte classe les stations selon leur pourcentage de PDM. Nostalgie précède ainsi Vivacité et Radio Contact, puis viennent Bel RTL et Classic 21. Mais, à y regarder de près, l'écart entre les trois premiers est insignifiant. Il se mesure en dixième de % de PDM, c'est-à-dire totalement à l'intérieur de la marge d'erreur statistique. On peut donc dire que les trois premières stations sont à égalité en termes de parts de marché, et que Bel RTL n'est pas loin derrière. Mais évidemment, comme lorsqu'on analyse des sondages électoraux, il est toujours plus agréable de dire "qui a gagné" et "qui a perdu", même si c'est à deux dixièmes de %…

CHANGEMENTS D'ORDRE

Les PDM ne disent pas tout. La mesure de l'audience moyenne, c'est-à-dire du nombre d'auditeurs/jour des stations, constitue aussi un indicateur significatif, même s'il ne tient pas compte du temps que chacun de ces auditeurs est resté en contact avec la station. Ce relevé-là inverse l'ordre des gagnants, puisque Vivacité l'emporte alors sur Nostalgie, les autres stations conservant la place qu'elles occupaient dans le classement PDM.
En chiffres absolus comme en pourcentages, il apparaît à nouveau clairement que cette velléité de classer par ordre les stations les plus fréquentées doit être écartée en raison des lois statistiques : les différences entre le nombre d'auditeurs des trois premières radios est si faible qu'à nouveau on doit les considérer comme étant à égalité. La distance par rapport aux suivantes (Bel RTL, Classic 21), est toutefois ici plus manifeste.
La mesure du temps passé par chaque auditeur sur les radios qu'il écoute, troisième indicateur d'audience, renverse plus profondément l'ordre des classements, ce qui est compréhensible puisque des auditeurs assidus peuvent déclarer passer plusieurs heures par jour à l'écoute d'une station qui n'accueille toutefois qu'un très faible public. Tel est le cas des radios musicales thématiques, par exemple, comme le démontre Jam. dans cette vague de mesure d'audience : en moyenne, ceux qui écoutent ce programme le suivent près de 4 heures/jour. Alors que cette station n'a qu'un nombre d'auditeurs infime. On pourrait en dire presque autant de LN Radio, qui a toutefois un public un peu plus nombreux que Jam.
 
Mais cette logique touche aussi la tête du classement où Classic 21 paraît l'emporter sur ses concurrents, Bel RTL précédant alors le trio Nostalgie, Contact et Vivacité, belle dernière. Sauf que, à nouveau, la différence de temps d'écoute moyen entre ces 5 stations est infime : Classic 21 est seulement écoutée en moyenne 8 minutes de plus que Vivacité. Donc, là aussi, les règles méthodologiques poussent à considérer ces 5 radios comme étant dans le même intervalle. Elles sont toutes écoutées en moyenne entre 142 et 150 minutes par jour, alors que se mêlent ici des radios musicales dites "d'accompagnement", qu'on a tendance à écouter sur la durée, et des radios dites "de rendez-vous", dont l'offre de programme est diversifiée et que les auditeurs ne continuent pas naturellement à suivre lorsque qu'une émission succède à une autre.
 
Cette fidélité à un radio musicale de flux explique, de même manière, le bon classement de Viva+ ou de Inside, par exemple.
 
DANS LE RÉTROVISEUR
 
 Accès aux résultats publics oblige, cette brève analyse ne porte pas sur des cibles particulières, alors que les commentaires de victoire publiés par certains opérateurs reposent sur les résultats obtenus sur certaines cibles, dites "commerciales", et non sur l'ensemble de l'audience. Nous ne nous y attacherons pas ici.
 
Jusqu'à présent, il n'a donc pas été aisé de dire qui avait gagné ou perdu. Peut-être cela s'éclaircit-il si on se penche longitudinalement sur les audiences des radios.
Le graphique ci-dessus reprend les résultats en PDM mesurés depuis quatorze mois, soit de mai 2023 à août 2024. Il confirme l'existence de trois (ou quatre) sous-groupes : en tête, le trio Nostagie, VivaCité et Contact. Ensuite, le duo Bel RTL-Classic 21. Puis le duo La Première-NRJ. Et enfin le reste du classement, où se distinguent Tipik, Fun Radio et Musiq3.
 
L'élément le plus marquant des courbes de ce graphique est que, dans la plupart des cas, les pourcentages de PDM obtenus pour la vague 2 (mai-août) 2023 sont quasiment équivalents à ceux de la vague 2 (mai-août) 2024. Seule exception notoire : Bel RTL qui décolle en mai-août 2024 par rapport à ses résultats antérieurs. NRJ est, dans une moindre mesure, également dans une dynamique de croissance.
 
TOUT EST CALME
 
Le graphique démontre donc que, de 2023 à, 2024, les audiences de mai-août sont à peu près stables, et que c'est au cours de la "vraie" saison radio (septembre-avril) que les choses changent. Les données de la période péri-estivale ne constituent donc pas les meilleurs indicateurs.
 
Le calcul des différences de PDM entre mai-août 2023 et 2024 le confirme : entre ces 2 périodes, les seules stations ayant vraiment gagné en PDM sont Bel RTL et, dans une moindre mesure, Nostalgie, la seule radio ayant clairement subi une perte de PDM étant Fun Radio. 
 
L'audience moyenne quotidienne mesurée au cours de ces deux périodes complète nos données : pour les radios le plus écoutées, les chiffres 2024 sont équivalents ou légèrement inférieurs à 2023 (c'est-à-dire que, par exemple, Bel RTL qui gagne en PDM ne gagne pas en nombre d'auditeurs). Dans les premières stations du classement, seules La Première et NRJ comptent en mai-août 2024 davantage d'auditeurs que lors de la même période 2023.
 
PERDANTS ET GAGNANTS

Toutes stations confondues, La Première et… Maximum FM sont les deux qui gagnent le plus d'auditeurs (mais on ne dépasse pas les 15.000 personnes supplémentaires). Étonnant pour la première radio de contenu du service public (qui gagne 5% d'auditeurs), dont la grille d'été n'est pas particulièrement riche (et c'est un euphémisme). Pas d'explication évidente par contre pour Maximum FM, reprise par Rossel depuis 2021, qui double presque son nombre de contacts.
 
De nombreuses stations engrangent quelques milliers d'auditeurs de plus. Parfois, cela concerne des radios ayant une faible audience, ce qui revêt alors une signification particulière. Exemples : Viva Sport (±40% d'auditeurs/jour), Viva+ (±20%), Inside (±40%) ou Tarmac (±50%). Dans trois des cas cités, il faut noter qu'il ne s'agit pas de radios hertziennes, mais écoutables en DAB+ ou ipradio, ce qui pourrait indiquer une hausse de ces modes de consommation de la radio.
 
Du côté des pertes d'auditeurs, il y a quelques soucis à se faire à Classic 21 qui, malgré son bon classement en PDM, perd un peu moins de 10% de contacts par rapport à l'an dernier. Même préoccupation, chez Fun, qui ne semble pas profiter de son rachat par IPM et voit 20% de ses auditeurs la quitter. Fuite aussi chez VivaCité" qui, malgré son apparente bonne forme, enregistre aussi une perte de 4% de ses "écouteurs". Mais évidemment, ces chiffres sont ceux des mois d'été. Ils ne manifestent pas nécessairement des tendances sur l'année.
 
Pour les toutes petites audiences, les chiffres ne sont pas assez significatifs pour permettre des comparaisons fiables. Mais, finalement, oui, il y a donc bien des gagnants et des perdants… 
 
Frédéric ANTOINE.

 
 


 

25 août 2024

Quand la RTBF manipule les frontières des villages de Wallonie


Bienvenue à Lustin, ses superbes jardins (d'Annevoie), ses délicieuses fraises (de Wépion), son remarquable vin (de Bioul)… Avec Mon plus beau village, la RTBF fait superbement fi de l'identité des villages wallons qu'elle croit promotionner, mélange le tout, et invite à voter pour une localité en fonction des trésors… qu'elle ne recèle pas. Au secours !

Mesdames et messieurs, les votes sont ouverts jusqu'à mercredi 28 août à midi pour choisir Lustin comme plus beau village de Wallonie 2024 ! La compétition l'oppose à Ciergnon, Feluy, Chassepierre, Waimes et Rebecq, dont les couleurs sont chaque fois portées par un animateur ou une animatrice de la RTBF. Votez, votez ! Et vous risquez de gagner un beau cadeau. Sauf que, si vous basez votre vote sur le portrait du village que vous a fourni l'émission consacrée à Lustin, diffusée ce 24 août, vous allez avoir tout faux, ou presque. Parce que la plupart des merveilles qu'on vous a présentées comme se trouvant à Lustin dépendent, en fait, d'autres localités.

UNE ERREUR OU UNE TECHNIQUE ?

N'habitant pas près des autres villages en compétition, impossible d'affirmer que le cas de Lustin est unique ou que la technique est utilisée par la production pour chacun des bourgs retenus, mais en tout cas une chose est sûre : pour Lustin, la RTBF vous a menés en bateau. Et pas qu'un peu.

Lustin est un village qui appartient à l'entité de Profondeville, localité qui comprend aussi Arbre, Bois-de-Villers, Lesve et Rivière. La particularité de Lustin est de constituer la seule partie de Profondeville à se trouver sur la rive droite de la Meuse, alors que toutes les autres composantes de la localité se trouvent côté gauche.

Lustin est donc borné, sur tout son flanc ouest, par le fleuve. Les autres localités limitrophes de Lustin sont, au nord, le village de Dave (rattaché à Namur), à l'est essentiellement celui de Maillen (et Ivoy) et au Sud ceux de Mont et de Godinne (commune d'Yvoir).

Si Lustin est mignon, est-ce un joli village ? La question peut rester ouverte. Par contre, la localité ne brille pas par ses attractions, pépites ou autres joyaux. Le site de la commune de Profondeville se contente ainsi essentiellement de vanter la beauté naturelle du lieu (1), tandis que le site lustin.be (2) (qui n'est plus mis à jour actuellement) reconnaît qu'en ce qui concerne les attractions touristiques, la localité est plutôt pauvre. Ce site ne recense, par exemple, que le musée des bières belges (qui a disparu aujourd'hui, et semble avoir sombré avec le covid), les rochers de Frêne, où se trouve le remarquable site du Belvédère qui offre une vue unique sur le méandre de la Meuse à Profondeville, et le trou d'Haquin, qui est une grotte-école. Point final.

LA GÉOGRAPHIE MANIPULÉE

 

Or voilà que, dans Le plus beau village, une pluie de merveilles touristiques s'est tout à coup abattue sur Lustin. On présente comme faisant partie du village tout une série de choses qui valent certes le détour, mais n'ont aucun rapport avec le village. A commencer, au sud-ouest, par Les Jardins d'Annevoie, qui se situent sur la commune de Anhée, sur l'autre rive du fleuve, tout comme le château et les vins de Bioul, eux aussi dépendant de Anhée. Au Nord du village, l'émission annexe le village de Dave à Lustin, pour y présenter le château Fernan-Núñez, superbe propriété qui se trouve bien sur la même rive que Lustin, mais dans un hameau fusionné à… la ville de Namur. Et qui n'a bondi en découvrant que, selon la RTBF, les fraises… de Wépion seraient des fraises… de Lustin. Comme Dave, Wépion dépend administrativement de Namur et n'a rien à voir avec Lustin. Sauf à refaire l'histoire (ce que l'émission ne fait pas) car on a bien cultivé la fraise à Lustin de 1925 à 1970 (il y a même eu sur place un "marché fraisier" officiel), mais depuis lors, la fraise de Wépion ne traverse plus La Meuse…

Dernier détail: le fort saint Héribert, dont on attribue également dans l'émission la paternité à Lustin, se trouve lui aussi sur le territoire de Wépion, à proximité du village de Saint-Gérard…

EMPRUNTS ET PHAGOCYTAGES

Pour être honnête, on concédera qu'en ce qui concerne les "villas mosanes" évoquées pendant la petite croisière que l'émission accomplit sur la Meuse, les situer à Lustin n'est pas totalement erroné. Lustin est en bord de fleuve, et en a bien hébergé quelques-unes. Mais les villas qu'on désigne généralement sous cette appellation se trouvent en fait surtout à Wépion, Profondeville-centre et du côté de Godinne…

Il n'y a que deux choses réellement lustinoises dont parle l'émission: la "promenade des chapelles", mais dont la réputation ne semble pas avoir dépassé très largement le village, et le groupe de joyeux cyclistes de "La vieille boucle lustinoise". Sauf que, l'émission pratiquant, semble-t-il de longue date, la technique des emprunts, celle-ci avait déjà été phagocytée il y a trois ans lorsque Le plus beau village avait présenté le village voisin de Crupet. Alors que cette vieille boucle-là est bien une spécialité locale de Lustin.

ET L’ÉDUCATION DANS TOUT ÇA ?

Bref, en tout cas à propos de ce petit village mosan, on a assisté samedi dernier à un méli-mélo qui a du faire dresser les cheveux sur leur tête à pas mal d'habitants de tous les villages dont les richesses ont été "volées" pour en faire profiter Lustin. Et pas sûr que les Lustinois auront été heureux de se voir attribuer toutes ces richesses qui ne leur appartiennent pas, alors que la nature et la simplicité de leur village en constituent, en fait, les premiers attraits.

La mission du service public de l'audiovisuel n'est-elle pas, comme le proclame le nouveau gouvernement de la FWB, d'abord d'informer et d'éduquer ? Éduquer en amusant, c'est encore mieux. Mais si éduquer devient raconter n'importe quoi pour promotionner un village qui n'a pas de caractérisques particulière (ou en tout cas pas celles-là), il est temps qu'on se pose des questions Boulevard Reyers. Chercher à être moins bruxellois, c'est parfait. Mais le faire en mettant une bonne partie de la vérité et des cartes de géographie administratives la tête en bas, ça, ça ne va pas…

Frédéric ANTOINE.

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(1) « Dans une immense boucle du fleuve et perché sur les superbes falaises des Rochers de Frênes, le village de Lustin jouit d’un panorama exceptionnel. Du sommet de ce massif rocheux, classé remarquable, vous découvrirez les plus beaux paysages de la Haute Meuse Namuroise.
Outre un « à pic » impressionnant de 80 mètres au-dessus de la Meuse, l’érosion du fleuve a laissé de magnifiques grottes et autres cavités  qui font le bonheur des spéléologues. Terre de cyclisme, ses coteaux sont l’objet de joutes entre grimpeurs. Village vivant rythmé pas ses fêtes et animations, Lustin est aussi l’endroit rêvé pour de magnifiques randonnées.
»

(2) http://www.lustin.be/village/index.php

04 août 2024

J.O. : stop à la breloque !

 

Tous les journalistes qui qualifient de "breloques" les médailles olympiques savent-ils ce qu'ils disent ?

C'est devenu une triste banalité : dès qu'il s'agit de trouver un synonyme au mot "médaille" dans un article ou un billet radio-tv, les journalistes francophones ont trouvé "le" mot qui convient : breloque. On le repère à tire-larigot dans toute la presse française, dans les médias audiovisuels de l'Hexagone… mais pas seulement. La presse belge n'est pas en reste. La DH, La Libre… utilisent parfois le terme. Dans Le Soir, il figure une vingtaine de fois depuis un mois… mais écrit en italiques. A la RTBF, on relève le mot à 68 reprises sur RTBF info… Bref, la breloque est à la mode.

Sauf que, selon le français courant, une breloque ce n'est pas une médaille. Qu'elle soit olympique ou autre. Selon le Larousse, c'est… un "Petit bijou fantaisie que l'on porte pendu à une chaîne, à un bracelet, etc.". Le Robert, lui, écrit : "Petit bijou de fantaisie que l'on suspend". Oui oui un petit petit bijou. Donc pas une médaille. Et, de surcroit, le plus souvent, un petit truc qui n'a pas de valeur, comme le précise le Trésor de la Langue Française qui parle de "Colifichet de peu de prix, petit bijou que l'on attache à une chaîne de montre, à un ruban, à un bracelet..."

PAS DE VALEUR ?

Pas de valeur, une médaille olympique ? Selon la RTBF elle-même, "Une médaille d’or des Jeux Olympiques (JO) de Paris vaut 862,57 euros, une valeur record, ressort-il d’une analyse sur la base des matériaux qui composent les médailles olympiques, menée par la plateforme d’investissement Saxo. Lors des JO de Tokyo, une médaille d’or valait 643,46 euros et 497,30 euros aux Jeux de Rio en 2016."(1). 

Sans valeur, une médaille de près de 900€ ? Si toutes les breloques avaient cette valeur-là, on n'en vendrait pas sur les marchés, les foires et dans les bazars des plages et des lieux de vacances. 900 €, c'est déjà le prix d'un beau bijou, non?

UN NOUVEAU SENS ? 

Mais voilà, qui connaît encore le sens du mot "breloque" ? Les vieux ronchons et les amateurs de la langue française. Mais pas les journalistes, qu'ils soient sportifs ou non. De là à se demander si les défenseurs du "vrai" sens du mot n'ont pas tort face aux torrents de breloques olympiques… 

Le Robert ne s'y est pas trompé, lui qui après avoir donné la bonne définition du mot cite comme premier exemple de phrase utilisant "breloque" un article de Ouest-France de datant des J.O. de 2021: "La journée était particulièrement argentée avec quatre breloques de ce métal et une de bronze.Ouest-France, 31/07/2021". 

Le meilleur moyen de créer la confusion… 

Car associer breloque et joyau olympique semble être né lors des précédents J.O. Et amplement utilisé lors des J.O d'hiver de 2022. Tant et si bien que le médiateur de radio France avait alors été saisi par des auditeurs outragés (2). La brave médiatrice leur avait donné raison, reprenant la réponse de Jean Pruvost, lexicologue, pour qui il s'agit d'un terme méprisant pour les athlètes et dont l'usage est inapproprié.

Mais voilà, les journalistes n'ont que faire des lexicologues… (même s'ils mettent le terme en italiques). 

Quand ils offriront à leur compagne ou compagnon un prochain bijou, par exemple un collier en diamants d'une valeur de 900€, ils seront heureux de s'entendre dire en retour : "Merci mon amour, quelle belle breloque! "…

 Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.rtbf.be/article/jo-2024-la-medaille-d-or-des-jeux-de-paris-vaut-34-de-plus-qu-aux-jo-de-tokyo-celle-d-argent-vaut-84-de-plus-11415447 

(2)    https://mediateur.radiofrance.com/infos/breloque-ou-medaille/

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