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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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25 juillet 2020

Belgium: the country where everybody speaks English


Depuis près d'un mois, les Belges revenant de zones à risques de l'étranger sont obligés de remplir un formulaire, afin de lutter contre la propagation du covid-19. But this docment is only available in English. Is this normal?

Il porte le joli nom de Public Health Passenger Locator Form,  mais tout le monde l'appelle plus simplement Passenger Locator Form. What is translated by Google  by the words "Formulaire de localisation de passagers". Selon le site du ministère des Affaires étrangères (1), tout passager d'un vol extra-Schengen vers la Belgique doit le remplir avant de voyager. Et, à l'arrivée en Belgique, le formulaire doit être remis aux autorités désignées à la frontière.

Chose étonnante, quand on le consulte, on voit que ce formulaire ne parle pas que d'avion, mais aussi de train ou même d'autobus, éléments qui ne sont pas développés sur le site en question. Pour avoir tous les détails à son propos, il faut plutôt consulter… le site de l'Office des étrangers (2), où les mesures sont là détaillées point par point. Un paradoxe pour une personne de nationalité belge, qui illustre une fois de plus le surréalisme quotidiennement à l'œuvre dans ce petit pays.

Autre chose étonnante: ce passionnant document n'existe, à l'heure où ces signes sont écrites, qu'en anglais. Alors que cette obligation de déclaration remonte à la mise en œuvre d'un A.R. datant du 30 juin dernier…

Enfin, selon l'art.4 de la Constitution, "La Belgique comprend quatre régions linguistiques : la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande". Nulle part, le texte fondateur de l'Etat ne fait allusion à la langue anglaise.

NUL N'EST CENSÉ IGNORER L'ANGLAIS


Peut-on donc obliger un Belge à remplir un document officiel dans une langue qui n'est pas la sienne? En cas d'amende pour non respect du prescrit de l'A.R., quel tribunal validerait le fait que le justiciable ait été contraint de remplir un formulaire dans une langue étrangère? On répondra bien sûr que l'anglais est la lingua franca de l'époque. Mais, même si la page 2 du formulaire est parsemé de petits pictogrammes, la connaissance de l'anglais n'est imposée à aucun citoyen belge, et il n'est pas obligé de maîtriser cet idiome mondial pour se rendre à l'étranger. Et ce d'autant plus que, avant la page à compléter par de données pratiques sur son déplacement, il y a lieu de s'engager en page 1 pour de vrai, en signant au bas d'une longue texte se terminant par la formule:   "I HAVE TAKEN NOTICE OF THE INFORMATION PROVIDED ON THIS FORM AND HAVE MADE A TRUTHFUL DECLARATION".

L'usage de ce formulaire devenant une obligation pour tous ceux qui reviendront en Belgique à partir d'août, on annonce tout à coup qu'il va être traduit pour le début de la semaine prochaine. Bonne nouvelle! L'Etat fédéral se rend enfin compte que la pratique de la langue de Freddie Mercury n'est pas imposable à ses citoyens. Il est renversant de constater que, jusqu'alors, personne ne s'en était rendu compte.

A l'heure de la mondialisation, dès que l'on sort de son village ou de son quartier, on doit  être à même de parler l'English. Cette pratique est évidente pour l'Etat Fédéral, parce que elle l'est (ou supposée l'être par les élites) en Flandre, où le shift de mots flamands par des termes anglais est aujourd'hui monnaie courante, et où même la construction des phrases semble influencée par la langue des Britons lorsque les ressortissants du Nord s'expriment en français.

Pour certains, l'anglais est sans doute devenu la seule langue nationale de la Belgique. Une manière radicale de régler tous les problèmes communautaires.

On attend ainsi pour bientôt la publication de The Belgian Official Gazette,  édition unique et unilingue de l'ancien Het Belgisch Staatblad/Le Moniteur belge. Avec, en sous-titre: Voor de Vlamingen hetzelfde/Pour les francophones, la même chose.

Letterlijk.

Frédéric ANTOINE.

(1) https://diplomatie.belgium.be/fr/Services/venir_en_belgique
(2) https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Pages/Les-voyages-vers-la-Belgique.aspx

03 juin 2020

Coronavirus : Rites et adaptations des conférences de presse du CNS


Le Conseil National de Sécurité (CNS) a tenu ce mercredi 3 juin sa dernière conférence de presse de période de déconfinement. La première de ces communications s'était déroulée il y a près de trois mois, le jeudi 12 mars. Depuis lors, des rites se sont installés. Mais ce cérémonial a aussi subi quelques adaptations.

Une conférence de presse est, en général, une danse en trois temps. Le premier temps de la valse est celui de la prise de parole par l'organisateur. Le deuxième est celui de l'interpellation de l'instance invitante par les journalistes, normalement chargés d'assister à cet événement pour ensuite le rapporter à leurs lecteurs, spectateurs, auditeurs… Le troisième est d'ordinaire informel. On se retrouve, parfois autour d'un verre, pour prolonger les échanges qui ont eu lieu pendant la rencontre.

Les conférences de presse du CNS ne sont pas tout à fait une valse. Leur troisième temps est plutôt incertain, et elles s'adressent autant, sinon davantage à la population qu'aux journalistes eux-mêmes. Pour les journalistes, le rituel qui structure une conférence de presse et les conventions qui y sont associées relèvent des pratiques professionnelles habituelles. Ce cérémonial, et notamment sa durée, est sans doute moins habituel pour le grand public qui apprécie souvent une communication ramassée, allant à l'essentiel. Quand, pour plaire à tout le monde, il faut au cours de pareille séance donner la parole à tous les présidents de gouvernements régionaux et communautaires, par exemple, on ne peut pas dire que cela permet au message d'être concis et percutant. Mais, comme nous avons déjà développé précdemment quelques réflexions à ce propos, nous ne reviendrons donc pas ici sur ces sujets (1).

Chacun à sa place

Si l'on exclut la catastrophique  première conférence de presse sur le déconfinement du 24 avril, l'impression est que, de manière générale, le rituel de la conférence de presse a ici plutôt été respecté à la lettre, que ce soit dans son déroulement ou dans son dispositif.
La scénographie du 'plateau' et la disposition des intervenants autour de la table au cours des différentes conférences de presse le confirment, rassurant tout le monde, y compris sans doute aussi le spectateur. Personne ne change en effet de place (2).
A chaque fois, les présidents d'Exécutifs s'installent avant la Première ministre, celle-ci arrive sans que personne ne la salue, elle prend place à la tribune, se sert parfois un verre d'eau, puis commence son exposé. La structure de celui-ci est toujours à peu près identique. Il se présente sous la forme d'un exposé, d'une conférence et non d'une communication destinée à de suite présenter l'essentiel d'une information. Pour reprendre une vieille formule enseignée aux étudiants en journalisme, la structure de l'exposé utilisée ici est celle d'une présentation en pyramide inversée (on dira aussi 'en entonnoir'), c'est-à-dire que l'intervention débute par des rappels historiques, des mises en contexte, des commentaires globaux. Ce n'est qu'ensuite que l'orateur en vient à ce qui constitue le cœur de son message: présenter les décisions prises par le CNS le jour même, et dont la conférence a comme rôle d'informer les journalistes, afin qu'ils les répercutent à leur public. Devant le contenu ainsi exposé, aux journalistes de trier le bon grain de l'ivraie et de livrer à la population "les nouvelles", ce qui fait l'actualité du message.

Un léger glissement


Le nombre de personnes présentes à la tribune étant pair, la Première ministre n'occupe jamais le centre du plateau, ce qui pose à l'image un petit problème d'équilibre. Il est renforcé par la nature du fond sur lequel s'inscrit l'oratrice, celui-ci étant constitué par le mot "Belgique" dans les trois langues nationales. Comment se placer devant ces intitulés sans les occulter? Faute de solution, il semble que le positionnement de l'oratrice ait légèrement été modifié au fil du temps. L'observation des images prises par les services chargés de la captation montre ainsi que les cadrages prévus ont, à un certain moment, occulté la fin de "België" et à d'autres, celle de "Belgique". La version néerlandaise paraît plus malmenée de mars à mi-avril, et c'est ensuite au tour de la version française.

Plus particulier encore, l'oratrice ne se trouve pas au centre l'image, comme cela se conçoit dans un cadrage télévisuel classique. Le cas de la conférence de presse du 12 mars, qui n'a pas été couverte par les services de l'Etat mais par les chaînes de télévision elles-mêmes, montre que celles-ci avaient choisi de placer l'intervenante au centre de l'image, quitte à conserver à sa gauche et à sa droite les épaules des autres personnes présentes à la tribune. Lorsque la captation de la conférence de presse n'est plus laissée aux chaînes de télévision, l'insertion d'une traduction en langue gestuelle vient envahir la partie droite de l'image, et oblige le décalage de son élément central, créant ainsi un double centre d'attention pour le spectateur.
De petites adaptations

Une comparaison de ces cadrages 'buste' de l'oratrice au fil des conférences de presse permet d'évaluer la gestion de cet encombrement de l'espace par le réalisateur de la captation. Lors de la première conférence de presse officielle (17/03), la part du cadre prise par les interprètes représente près du quart de l'image. Cette superficie sera ensuite légèrement réduite jusqu'à la mi-avril, et reprendra davantage d'importance fin de ce mois-là, avant de se voir ensuite réduite en largeur. Pour une raison simple: le passage de deux à un interprète présents dans l'image. En mai, la traduction gestuelle occupe enfin un espace plus réduit. Elle se déroule aussi depuis fin avril sur un fond neutre (noir) et n'est plus prise, comme à la sauvette, près d'une porte de la salle de conférence de presse, avec des journalistes en arrière plan.

La conférence de presse du 3/6 marque aussi un changement vestimentaire important dans le chef de la Première ministre, qui porte cette fois-là une veste de couleur blanche, sur un chemisier foncé. Jusqu'alors, sa veste était quasi noire, et était à trois reprises portée sur un chemisier lui aussi foncé. Des détails qui marquent tant le spectateur de l'image animée que celui qui contemple une photo prise lors de l'événement. Ce passage au blanc revêt un poids significatif, comme le montre la copie d'écran de la tribune figurant au début de ce texte. Le 3 juin, comme lors de toutes les autres conférences de presse, les hommes portent en effet des costumes foncés. Mais, cette fois, l'oratrice ne se mêle pas à leur masse. On l'en distingue parfaitement.

Serrages de boulons


Sur divers points, le gouvernement fédéral semble commencer à améliorer sa communication. Mais la volonté de contrôler la transmission du message n'y est pas neuve. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer le côté hiératique, figé, des captations réalisées pour toutes les chaînes de télévision par les services de l'Etat et la liberté d'action dont bénéficiaient auparavant les opérateurs. La conférence de presse du jeudi 12 mars est très indicatrice à ce propos. Comme évoqué plus haut, ce jour-là, les chaînes pouvaient agir elles-mêmes. Les images prises ce jour-là n'ont donc rien de commun avec celles des captations suivantes. Sur la RTBF, on a même alors droit à des plans de coupe sur les journalistes ou sur l'enfilade des personnalités présentes à la tribune. Plans qui n'auront plus aucune existence dès que la prise d'image deviendra officielle. Tant et si bien que, lorsque les journalistes posent leurs questions lors du "deuxième temps" de cette étrange valse, non seulement on ne les voit désormais plus (question de droit à l'image?) mais, parfois, on ne les entend pas, ou à peine…


Ce resserrage de boulons a empêché que, comme au mois de mars, les écrans soient occupés pendant de longues dizaines de minutes par une image vide, ou par le passage de photographes dans le champ des caméras des chaînes de télé. Il n'aura toutefois pas empêché la surinformation de l'image rencontrée dans la conférence du 24/4. Mais la Première ministre avait promis qu'elle ne se présenterait plus. Ce qui fut fait. Lors d'une conférence de presse, on peut utiliser un Powerpoint. Mais pas dans une émission de télévision en direct…

Frédéric ANTOINE









(1) Voir à ce propos le premier post de ce blog, réalisé en réaction à la conférence de presse du CNS du 24/04/2020.
(2)Sauf bien sûr dans le cas de la conférences de presse du 20/03, hors CNS, destinée à la présentation du plan de protection sociale et économique, et où la Première ministre était entourée de membres des son gouvernement).




04 mai 2020

Conférence de presse ou de stress?


A propos de la conférence de presse du CNS (Comité National de Sécurité belge) du 24/4/2020


A quoi sert une conférence de presse?

a) A communiquer à des journalistes un contenu complexe, impossible à réduire au texte d'un simple communiqué de presse, par exemple, afin que les journalistes se réapproprient ce contenu, le digèrent, le contextualisent, le vulgarisent, pour le transmettre ensuite à leurs usagers (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).
b) A permettre aux journalistes, porteurs des interrogations de leurs usagers, de poser en leur nom des questions aux organisateurs, questions à la fois de compréhension, de précision, de contextualisation, mais aussi de contradiction, voire de controverse.
La conférence de presse relève d'une communication à deux niveaux, le journaliste-médiateur se situant au niveau médian du processus.
Un journaliste ne peut être le 'médiateur' de la communication d'organisateurs d'une conférence de presse que s'il en a lui-même saisi et compris tous les éléments.
Dans la panoplie des sources journalistiques, une conférence de presse est la (ou une des) matière(s) première(s) d'une production journalistique.

A qui s'adresse une conférence de presse?

Aux journalistes. A ceux qui vont relayer son contenu en se le réappropriant, contextualisant, nuançant, voire parfois en le contestant.

Que n'est pas (en général) une conférence de presse?

Un contenu clé sur porte transmissible en l'état aux destinataires finaux de la chaîne de l'information (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes…).

A qui ne s'adresse pas une conférence de presse?


Au 'grand public' qui ne dispose ni des outils, ni du background, ni des éléments de contexte, lui permettant non seulement à terme de se réapproprier seul ce contenu présenté, mais surtout de l'assimiler en temps réel.

Quel est le virus qui tue actuellement les conférences de presse?

L'obsession de l'immédiateté, qui vise à réduire à néant l'intervalle de temps entre la collecte d'une information et sa transmission à son destinataire final. C'est-à-dire le rêve de supprimer le rôle de médiation du journaliste. Ce virus a été inoculé par les chaînes 'all news' (CNN en premier lieu) qui ont entrepris de retransmettre en temps réel (le fameux 'direct live') des points presse et des conférences de presse destinés précédemment à n'être accessibles qu'aux instances de médiation que sont les journalistes. Cette réduction de l'écart temporel est ensuite devenu une pratique courante, voire obligatoire, suite au culte de la banalisation du vécu en temps réel exercé par les réseaux sociaux.

A qui a été transmis le virus?

A tous les médias d'information qui n'envisagent plus d'instaurer un quelconque délai entre le moment où survient l'expression d'une information (notamment en conférence de presse) et sa communication à son audience. D'où la retransmission en temps réel, sans filtre, et parfois même sans traduction simultanée.
Mais le virus a aussi été transmis aux organisateurs de conférence de presse qui confondent désormais communication à des médiateurs professionnels et communication directe avec le grand public. Et qui offrent aux médias les moyens techniques de captation leur permettant de se passer de la médiation journalistique. Et leur garantissant ainsi un accès direct à l'audience, comme s'ils s'y adressaient directement. Alors que les codes utilisés restent ceux d'une conférence der presse.
On met ainsi sur le même pied 'information pour la presse' et 'communication à la Nation'. Ce qui n'a rien à voir.
La préoccupation des responsables de conférence de presse de les organiser 'à l'heure des JT', ou à l'heure d'émissions spéciales de prime-time conforte la banalisation de cette confusion, voire la rend inévitable.

Un commentaire?

On peut ajouter à cela que, même si la conférence de presse est destinée à des 'professionnels' et des 'médiateurs' patentés, les principes de base d'une bonne transmission de message y sont les mêmes que pour toute communication. Il s'agit de véhiculer un message clair, et donc le moins ambigu possible.
Ainsi, par exemple, tout utilisateur du powerpoint sait que le rôle de pareille projection n'est pas d'apporter une information autre que celle qui est au même moment présentée oralement. Au contraire, le powerpoint doit être en partie au moins redondant par rapport au contenu exprimé oralement, et il doit venir renforcer le oral, et non le perturber.
Assimiler des contenus divergents, voire dissonants, présentés en parallèle, et dans une mise en forme peu discernable, ne peut qu'entraîner confusion et incompréhension.
Si, de plus, trois images différentes convoquent en même temps le cerveau de l'audience, de gros doutes peuvent être exprimés quant à l'efficacité de l'exercice de communication…






Frédéric ANTOINE

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