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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

18 octobre 2022

La dictature de l'illu qui tue l'info

 

Depuis que l'info se consomme en ligne, elle est accompagnée d'une sorte d'impératif catégorique: elle doit obligatoirement être illustrée. Coûte que coûte. Au risque de voir l'illu faire dévier ou tuer le sens de l'info. Mais personne n'a l'air de s'en soucier. Cas d'école.

Le 15 octobre, une fusillade se produit dans un camp d'entrainement de l'armée russe, dans les environs de la ville de Belgorod, proche de la frontière ukrainienne. Il y a au moins 11 morts et 15 blessés, selon le ministère russe de la Défense, qui parle d'attentat. L'info est relayée par les médias du monde entier. En vertu de la "dictature de l'illu", pour la "vendre" au lectorat, elle doit impérativement être illustrée. Mais comment faire, alors que l'événement n'a, évidemment, pas été photographié par des reporters de guerre au-dessus de tout soupçon ?

UNE IMAGE, DU CONTENU

En scrollant sur les sites d'info, l'inanité de cette obsession iconique saute aux yeux. Forcés de fournir une image, les responsables des sites qui publient des articles sur cette fusillade oublient un élément-clé du journalisme : celui qui veut que toute image de presse soit porteuse d'un contenu informationnel, c'est-à-dire qu'elle contribue à l'information du lecteur. En journalisme, une image n'est pas une "simple" illustration, un élément de décoration mis à côté d'un texte pour faire joli ou attirer le regard. L'image peut bien sûr être esthétique et attractive. Mais elle doit, d'abord, apporter de l'information qui complète ce qui figure dans l'article qu'elle accompagne. Et si possible ne pas être en redondance avec le contenu de celui-ci.

Dans ce cadre, ce que montre l'image est évidemment essentiel. Mais il ne prend souvent sens que grâce à la légende qui la suit. Souvent, c'est la légende qui donne sens à l'image. Ce n'est pas tout à fait comme ça que l'envisage la sémiologie, mais on pourrait dire que, en quelque sorte, l'image est de l'ordre du signifiant, et la légende du signifié. Sans légende, l'image reste polysémique. On peut y mettre ce que l'on veut. La légende cadre la signification de l'image et lui permet d'apporter son "plus" informationnel.

LA LÉGENDE AUX OUBLIETTES

Or dans bien des cas, sur les sites d'info, le légendage des photos est désormais passé aux oubliettes.  On "tape" la photo comme ça, au-dessus du texte, au lecteur de comprendre en quoi celle-ci apporte quelque chose à celui-là. Au mieux  on misera sur le fait que le titre de l'article, qui suit souvent l'insert iconique, suffira à donner du sens à l'image, l'important n'étant pas que l'image informe mais qu'elle attire le regard et donne envie de lire le texte.  Jusqu'au point d'en pervertir ou nier le contenu?

Dans les fils info, l'absence de légende est ontologique. Le lecteur n'a à sa disposition qu'un titre court et une illu, l'essentiel étant qu'il clique pour accéder au contenu (ou au paywall…).  Exemples extraits des sites de La DH et de La Libre (qui sont, économies d'échelle obligent, quasiment similaires):



 

 

Les photos des fils infos ouvrent toujours l'article auquel on accède. Et c'est ici que l'observation de l'impératif illustratif brille par toute sa splendeur.

 UN MYSTÈRE PAS TRÈS NET


La Libre et La DH recourent à la même illu, non légendée, insérée après le chapeau de l'article. La photo montre des militaires descendant d'un hélicoptère. Quel rapport avec la fusillade dans un camp militaire près de Belgorod ? La question reste ouverte. Seul lien direct : la présence de soldats. Des militaires ukrainiens ont-ils débarqué dans le camp par hélico pour lancer une attaque ? Sont-ce les militaires russes du camp qui se protègent derrière un hélicoptère ? Mystère. L'image laisse supposer un lien entre l'événement et la présence d'un hélico, or celui-ci n'est évoqué nulle part dans l'article.

Une rapide recherche sur le web démontre que cette photo n'est pas liée à l'événement qu'elle illustre. Plusieurs sites d'info l'ont utilisée, sans la légender, avant la mi-octobre 2022 (Swiss Info, le 7/10, The Hill, le 8/10…). D'autres sites ont publié la photo en mentionnant seulement sa source (Ukrayina.pl le 06/08, Latercera.com, le 04/08…). Quelques sites ont précisé qu'il s'agisait d'une image d'illustration (Wiadomosci Gazeta, le 02/09, Ukrayina.pl, le 06/08…). Des informations déjà plus précises que ce qui figure sur les sites de La Libre et  de La DH, où il est seulement fait état d'un copyright AP. Et qui démontrent que l'image remonte au moins au 4 août, et non au moment de la fusillade.

AUTOPSIE D'UNE ILLU MUETTE

En approfondissant les recherches, on découvre que plusieurs sites ont légendé l'image. Certaines de ces légendes sont peu précises, comme celle de la chaîne d'info allemande n-tv, dès le 10/08 : " Ein neues Armeekorps soll nach erheblichen russischen Verlusten mehr Soldaten in die Ukraine bringen."(1) D'autres paraissent hors sujet, comme celle de Indiatvnews (04/09) : "Local authorities “will do everything necessary to make the signing of the contracts as convenient as possible,” the official statement said." (2), ou celle figurant sur le site de la chaîne publique allemande ZDF : "In der Region halten schwere Kämpfe an. Die Anwohner leisten den Aufforderungen der Behörden zur Evakuierung des Gebietes Folge. Dafür werden Busse und Züge zur Verfügung gestellt." (3)

Mais il y a des légendes précises, qui apprennent ce qu'est réellement le contenu de cette photo (4) . Les infos les plus détaillées accompagnent souvent les publications les plus anciennes, c'est-à-dire les plus proches de l'événement qu'a réellement capté l'objectif du photographe. Le site eupennois Ostbelgien utilise l'image dès le 30/07, avec la légende suivante: "30 juillet 2022, Ukraine, --- : Dans cette vidéo encore, des soldats de l'armée russe sortent d'un hélicoptère militaire lors d'une opération dans un lieu tenu secret en Ukraine. Photo : -/Service de presse du ministère russe de la Défense/AP/dpa" (5). Le 31/07, pravda.sk (Slovaquie) reprend l'image avec une légende plus courte et descriptive: "Des soldats de l'armée russe sortent d'un hélicoptère militaire lors d'une mission dans un lieu tenu secret en Ukraine. L'image a été fournie par le service de presse du ministère russe de la Défense. / Foto: SITA/AP, Ministerstvo obrany RF". Le 1er août, le site du quotidien norvégien ABC Nyheter légende la photo comme suit : "Cette photo, publiée par le ministère russe de la Défense en juillet, montrerait des soldats russes dans la région du Donbass en Ukraine. Selon les services de renseignement britanniques, la Russie est probablement en train de déplacer des forces du Donbass vers le sud de l'Ukraine. Photo : Ministère russe de la Défense / AP / NTB Photo : NTB".

UNE PHOTO PÉRIMÉE ?

Ainsi, il apparaît que cette photo a été prise au cours du mois de juillet, et visiblement rendue publique par le ministère russe de la Défense le 30/07. Cette image est issue d'une vidéo montrant des soldats russes en action. Le journal slovaque Pravda, fondé en 1920, publie le 01/08 une « fotogaleria » de 6 images issues de cette vidéo, et mentionne qu'elles figurent  « sur les prises de la vidéo ». Le lieu où la vidéo a été tournée est "tenu secret", mais se situe en Ukraine, sans doute dans le Donbass.

On est donc très loin de l'info dont cette photo est l'illustration. Certes, elle montre des soldats russes, mais ceux-ci ne sont pas en Ukraine, ne participent pas à une fusillade, et nse sont sans doute pas dans un camp d'entrainement. De plus, il y a au moins deux mois et demi d'écart entre l'image et le texte. Enfin, la source citée, AP, est incomplète, et ne permet pas de saisir que le cliché provient du ministère russe de la Défense.

 UN INCENDIE FORT 'HORS SUJET'

L'exemple développé ici dans le cas de deux quotidiens est loin d'être le seul où un gap existe entre l'info et son illustration. L'Avenir, qui appartient au même groupe IPM, a pour sa part choisi d'illustrer l'info par une image, située sous le chapeau, et représentant un incendie. Elle est prudemment légendée : "La région de Novgorod." Si légende il y a, celle-ci a-t-elle un rapport avec l'événement ? En fait, un seul: photo et info se situent bien dans la même région. Comme si on illustrait une actu sur la gare de Liège par une photo du casino de Chaudfontaine, en légendant: "La région de Liège."

Mise à part cette relative exactitude géographique, la photo  choisie est plutôt mensongère dans son rapport à l'info, car la fusillade n'a pas suscité d'incendie. Celui-ci est lié à une "frappe" qui a touché une station électrique de la région de Novgorod le 14/10. Or, l'affaire qui nous occupe a eu lieu le 16. Selon des médias qui ont légendé cettee image (6), celle-ci aurait été prise par le gouverneur régional Viatcheslav Gladkov et diffusée sur Telegram. Aucun rapport donc avec "l'attentat" dont parle l'article.

 

MÊLI-MÊLO D'INFOS

L'Avenir n'est pas le seul à faire cette association erronée, qui pousse à la confusion. Ainsi, par exemple, à l'autre bout de la planète, le Bangkok Post illustre par la même image un article intitulé "Russia says 11 killed in 'terrorist attack' at military site". La légende de la photo entend ici éviter la confusion, en expliquant que le gouverneur de Belgorod a diffusé des photos des dégâts causés par 'une attaque' sur une sous-station électrique. Bel effort de nuance, sauf que le type d'attaque dans les deux cas n'a rien de commun… 
Autre exemple : le quotidien parisien La Croix, qui illustre par cette fameuse photo d'incendie, à première vue non légendée, un article titrant sur les nouvelles frappes dans la région de Belgorod, en ouvrant son article en parlant des frappes ayant eu lieu le dimanche, alors que la photo remonte au vendredi. Si on clique sur la photo, une légende apparaît et cela change tout! Car elle explique que la photo a été prise le 14/10 par le gouverneur et concerne une centrale en feu suite aux frappes. Pour avoir l'explication, il faut donc d'abord disposer d'un mode d'emploi, ou être un habitué. Néophytes de La Croix, s'abstenir…
 
 JUSTE UNE IMAGE ?

L'illu de 7sur7.be représente un soldat à lunettes, portant un écusson russe, à l'affût, braquant son arme. Sa légende a le mérite du laconisme. En mention nan seulement "Archives d'illustration" (avec un 's' étrange à archives), on se prémunit de toute critique. Personne ne saura exactement ce que la photo représente, mais on se doute que "c'est juste une image", et pas "une image juste", comme Jean-Luc Godard se plaisait à le dire. Une image amplement utilisée ces derniers jours pour illustrer des articles sur la guerre d'Ukraine, plusieurs médias l'utilisant, tout comme 7sur7, pour accompagner un article sur la fusillade, souvent sans légende, comme le Moscownewsnet, Connexionblog,  ou  le site du Irish Sun
 
En quelques heures de recherches, il a été impossible de déterminer davantage l'histoire de ce cliché et son origine. Il semble avoir surgi au moment de l'événement, on en tout cas ne pas avoir été utilisé précédemment. Mais d'où vient-il?

Son usage dans ce cas-ci pose la question de l'apport de l'image à l'info. On parle en effet de fusillade ou d'attentat envers des soldats russes. Est-ce ce que l'image laisse supposer? Elle représente un soldat russe en position de combat, et non en situation d'agressé.
 
 DE FAMEUX AGRESSEURS…
 
Deux médias belges francophones ont choisi la même photo pour illustrer l'événement : Le Soir et la RTBF. Dans les deux cas, nous sommes dans l'après-événement. Ici, pas de personnage, mais ce que l'on considère être l'aftermath de l'attaque: des bâtiments calcinés, voire détruits. Ce qui semble à première vue un fameux succès pour une agression menée par seulement deux "terroristes", selon les termes russes.

Formellement, les deux pages se ressemblent plutôt : exactement le même titre, et même absence de légende pour un cliché, lui aussi totalement identique… mais impossible à identifier. La même présentation se retrouve notamment sur le site belgium.dayfr, qui dépend de l'opérateur israélien On 24 News. Il reprend en légende de la même photo… le titre de l'article, sans plus. Cette même image sera aussi reprise, sans plus de légende, pour illustrer un article du site roumain d'information stiripesurse.ro intitulé "Des dizaines de localités en Ukraine ont été touchées par les Russes au cours des dernières 24 heures". Ce qui n'a aucun rapport avec la fusillade d'un camp militaire russe. 

Les recherches avec Google Lens ne permettent pas d'approfondir davantage la question de l'origine de cette photo. Il semble, par contre, qu'elle ait été très très peu utilisée pour illustrer l'événement, hormis par les deux médias belges et le site california18 fondé par l'acteur indien Tarun Kumar. Un site qui a eu l'honnêteté de mentionner sous la photo : "Default author image".

TOMBE LA NEIGE…

Dans notre classement des décrochages les plus marquants entre un article et son illustration, la palme reviendra dans ce cas-ci à RTL Info, où la photo choisie a de quoi faire rêver à plus d'un titre (si l'on peut dire). Paysage de villages sous la neige, bulbe de clocher doré… On est loin des horreurs de la guerre. Quand, subtilement, le graphisme insère dans ce paysage de carte postale une citation qui fait figure de sous-titre à l'article, annonçant que, suite à l'attentat "près de la frontière ukrainienne" (avec un U majuscule à l'adjectif…), les deux terroristes ont été abattus. Le tout entre guillemets. 
 
Impossible d'éviter la question : quel rapport entre l'église, la neige, et l'actu ?

Non, l'attentat ne concernait pas l'église, même si on pourrait le supposer puisque nulle part dans la titraille on ne parle d'un camp d'entrainement russe. Non, les morts ne sont pas des fidèles venus assister à l'office. On pourrait le supposer, car il n'est jamais question dans la titraille de "soldats" ou de "militaires". Donc, à quoi sert cette image d'église?

Et puis, il y a la neige. Une actu "près de frontière ukrainienne", un jour de neige. Le samedi 15 octobre, faisait-il si froid dans cette région pour que la neige y tombe en masse? Alors que l'Europe de l'Ouest croule sous les vagues de chaleur, l'Est serait-il touché par une météo frigorifique, du genre de celle que les Russes attendent en détruisant tous les sites de production énergétique d'Ukraine pour tuer de froid toute la population ?

LA MÉTÉO DES PISTES

Pour en avoir le cœur net, vérifions. Quel temps fait-il actuellement à Belgorod? Les sites de prévision météo, ce n'est pas cela qui manque…

Alors d'accord, on n'a pas la météo du 15/10, puisque ce jour-là on n'avait pas encore la matière de cet article, mais en tout cas ce mardi 18/10, il devait y faire 17° max, et 7° min. Sauf erreur, pas de quoi faire tomber de la neige. Et il aurait fallu une fameuse dépression atmosphérique juste avant le 18 pour que le 15 il gèle et neige. D'ailleurs, ce n'est pas prévu dans la région en octobre, comme le démontrent les statistiques mensuelles de températures.
En moyenne, à Belgorod, le minimum est de 5° jusqu'au 20/10 puis ça descend un peu. Et les maxima ne descendent jamais sous les 8°. Selon les stats, le 15 octobre, il fait en moyenne entre 14° et 5°. Flocons pas possibles. Cette photo n'a pu être prise à cette époque. Elle n'a aucun lien avec l'actu qu'elle illustre.
 
Y A PLUS DE SAISONS

Quelques recherches avec Google Lens le confirment. On retrouve ainsi la même photo, davantage de saison, dès le 6 février 2022 pour illustrer un papier sur la site de la NPR, la radio publique des USA. Un article en italien de Swiss.info légende la même illustration de manière claire: cette photo représente "le dôme doré d'une église dans le village russe de Shebekino, à la périphérie de Belgorod et à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne, dans une image prise le 27 janvier 2022" (7). Là, tout y est. Ce n'est pas l'église de Belgorod, mais celle d'un village de la périphérie, et elle a été prise fin janvier 202é… soit avant le début des hostilités.

Beau tour de force de l'utiliser en plein mois d'octobre. Et pour illustrer un article sur une fusillade survenue dans un camp de l'armée russe. Il fallait y penser… et penser à ce que lecteur peut en retirera, au-delà d'une impression de calme et de douceur. Mais soyons de bon compte: RTL Info n'a pas été seule à taper "Belgorod" sur des banques d'images pour tomber sur cette photo.




 

Le panorama enneigé a servi à un média pour faire le bilan de bombardements pour la journée du 16/10. Sur le site du quotidien français La Dépêche, elle accompagne un papier sur l'incendie d'une station électrique (avec une légende situant la frappe "aux abords de Belgorod", donc peut-être quelque part sur la photo?). Pour Europe1, enfin, l'image est sensée illustrer un dépôt de pétrole en feu (mais avec une légende qui focalise sur "la région de Belgorod, terrain de conflits". Bref, un beau paysage, cela peut être mis à toutes les sauces. Le photographe qui s'est baladé par là avant que les Russes envahissent l'Ukraine a eu un sacré flair!

BRISER SES CHAÎNES ?

Dans plusieurs des nombreux cas évoqués ici, une simple légende aurait déjà constitué un premier pas pour que l'on comprenne le lien entre l'image et le texte. Les exemples où une légende a été ajoutée à la photo démontrent que l'illu y gagne en intérêt ou en relativisation de son importance. 

Mais, indépendamment de cela, il subsiste ce fameux diktat de l'illustration. Qui fait sûrement plaisir aux yeux, mais pas à l'info. 

Pourra-t-on un jour le surpasser? Ou peut-on espérer que les médias aient un sursaut, et trouvent le moyen d'au moins vivre avec, sans en être simplement l'esclave  prêt à (presque) tout pour satisfaire son maître?… 

Frédéric ANTOINE

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(1) Un nouveau corps d'armée doit amener plus de soldats en Ukraine après d'importantes pertes russes.
(2) Les autorités locales "feront tout ce qui est nécessaire pour rendre la signature des contrats aussi pratique que possible", indique le communiqué officiel.
(3) De violents combats se poursuivent dans la région. Les résidents locaux suivent les demandes des autorités d'évacuer la zone. Des bus et des trains sont prévus à cet effet.
(4) Notamment CBC 30/08 : "In this handout photo taken from video and released by Russian Defence Ministry Press Service on July 30, Russian soldiers leave a helicopter during a mission at an undisclosed location in Ukraine. (Russian Defence Ministry Press Service/The Associated Press)". nw.de (21/08):
"Russische Soldaten verlassen einen Militärhubschrauber während eines Einsatzes an einem nicht näher genannten Ort. | © Russian Defense Ministry Press Service/AP/dpaUsnews.com". Usnews.com (08/08): "Russian Army soldiers leave a military helicopter during a mission at an undisclosed location in Ukraine, on July 30.(Russian Defense Ministry Press Service/AP)". ZDF 03/08: "In der Region halten schwere Kämpfe an. Die Anwohner leisten den Aufforderungen der Behörden zur Evakuierung des Gebietes Folge. Dafür werden Busse und Züge zur Verfügung gestellt.
(5) "30.07.2022, Ukraine, ---: Auf diesem Videostandbild verlassen Soldaten der russischen Armee einen Militärhubschrauber während eines Einsatzes an einem nicht genannten Ort in der Ukraine. Foto: -/Russian Defense Ministry Press Service/AP/dpa"
(6) Par exemple: rtbf.be, rtlinfo, Le Parisien, Le Figaro, Lapresse.ca…
(7) "La cúpula dorada de una iglesia del pueblo ruso de Shebekino, a las afueras de Belgorod y a pocos kilómetros de la frontera ucraniana, en una imagen tomada el 27 de enero de 2022".










12 octobre 2022

En scrollant sur les sites d'info…

 Originaités, anomalies, incongruités... on en découvre des choses quand on a plus que le temps de scoller sur les sites d'info. Chaque jour, un petit post met en lumière un sujet différent lié à l'actualité sur : www.facebook.com/Millemedias

Bonne lecture !


02 octobre 2022

Économies chez IPM : pour croître, acheter ne suffit pas

IPM a-t-il vu trop grand et grandi trop vite ? Les plans d'économies 2023 que la direction a présentés à deux branches du groupe démontrent que, avec la crise, ses finances ne sont peut-être plus à la hauteur de ses ambitions.

Dans un post sur ce blog, en juillet 2020, nous nous demandions si, avec l'absorption du groupe L'Avenir, face à Rossel, IPM n'était pas "la grenouille" qui se voyait aussi forte que le bœuf, ou "le roseau" qui, contrairement au chêne, pliait mais ne se rompait pas.

Selon Belga, la semaine dernière, le groupe bruxellois a annoncé à ses deux principales branches de presse (L'Avenir et IPM) la mise sur pied pour chacune d'elles en 2023 d'un plan d'économies d'un million d'euros chacun. Motifs : les hausses de coût des matières premières, de l'énergie et les indexations salariales. Selon Belga repris par plusieurs médias (1),  la direction aurait aussi dénoncé « la fragilité du secteur médiatique, qui est en perte de lecteurs et d'abonnés ». 

Si l'on ne peut nier que toute l'économie souffre à l'heure actuelle des hausses de prix et des salaires, justifier un plan d'économies en 2023 sur base du dernier argument évoqué (l'état du marché des médias) peut paraître étonnant, tant les éléments avancés à ce propos sont, au moins en partie, endémiques au secteur. 

L'AVENIR EN MIRE ?

Ce n'est pas d'hier que les médias écrits sont à la recherche d'abonnés payants, essentiellement sur le numérique.  Mais alors que par le passé "abonnement" signifiait "sécurité", la volatilité des abonnés numériques met à mal ce principe (voir les chiffres 2021 analysés précédemment sur ce blog, et dont les tendances ont dû se confirmer début 2022). La perte de lecteurs, s'il s'agit bien de cela, est plus étonnante, les médias écrits s'étant toujours félicités davantage du nombre de personnes qui les "lisaient" (selon ce que le CIM met derrière le mot "lecteur") que de leur diffusion payante.

Entre les lignes, il semble que ces critiques visent surtout la branche L'Avenir du groupe IPM qui, effectivement, ressent de grandes difficultés à faire croître son numérique payant et dont le lectorat, vieillissant, ne connaît pas le même remplacement par de jeunes générations que d'autres titres du groupe. Et ce malgré les efforts entrepris depuis son arrivée par le nouveau rédacteur en chef du titre namurois.

ÉCONOMIQUE OPTIMUM ?

Face au colosse Rossel, IPM a depuis dix ans comme objectif de bâtir autour de ses deux titres historiques une véritable entreprise multimédiatique, visant à atteindre "l'optimum économique" grâce au rachat de divers médias. Alors que son concurrent de la rue Royale devenait copropriétaire de RTL Belgique (et que personne ne s'y opposait, contrairement à ce qui vient de se passer en France), IPM ne pouvait faire autrement qu'encore veiller à accroître sa taille. La reprise de LN24 s'inscrira clairement dans ce cadre.

Mais voilà. Tout a un prix. Et si celui-ci paraît abordable en temps d'eaux calmes, lorsque la tempête se lève, tenir haut les voiles devient tout à coup plus problématique. Le groupe IPM s'est félicité depuis plusieurs d'années avoir dépassé la période où il manquait de cashflow. Il a aussi disposé de davantage de moyens grâce à ses investissements dans les jeux et paris en ligne, même s'il a réduit ses participations dans ce secteur (et même si on peut toujours s'interroger sur les rapports entre une mission d'information et la promotion de jeux  de hasard).

MAUVAIS SOUVENIRS

À trop tirer sur la corde, celle-ci ne risque-t-elle pas de finir par se rompre ? IPM n'est est point là, mais l'apparition de programmes d'économies, qui rappelleront des souvenirs pas toujours agréables à ceux qui ont connu le groupe dans les années 1990, font en tout cas poindre l'oreille. D'autant que les solutions de réductions de dépenses dont parlent les dépêches Belga paraissent assez proches de celles que le groupe avait déjà mises en œuvre par le passé. Travailler plus sans gagner plus, ou travailler moins en gagnant moins. « Il n'est pas […] question de licenciement collectif », affirme une source syndicale dans une dépêche Belga. Mais cela veut hélas pas dire qu'il ne soit pas question de licenciement individuel.

Malgré les ouragans, IPM n'a jamais disparu, et ne disparaîtra pas de si tôt. Mais à quel prix ?

Alors que la crise n'a pas encore dit son dernier mot, il y a gros à parier que les pouvoirs politiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles vont eux aussi être interpellés à propos de ces plans. Et il n'est pas peut-être pas exclu, en toute logique, que la ministre compétente envisage d'ouvrir une nouvelle fois son portefeuille. Au nom du sauvetage du (très relatif) pluralisme des médias dans notre Communauté.

 Frédéric ANTOINE.

 

(1) Notamment: www.rtl.be/info/monde/economie/medias-un-plan-d-economies-d-un-million-d-euros-egalement-presente-chez-ipm-1405695.aspx?dt=15:54

27 septembre 2022

sur La Première (RTBF), on n'est pas trop "feel"


Depuis un mois, La Première (RTBF radio) est en mode grille d'hiver.  Avec passage à la trappe de ce qui faisait tache et quelques époussetages qui renforcent le profil habituel de son offre de contenus. Étude d'un cas, peut-être parmi d'autres…

« Rendez-nous Diane Marois ! » Impossible de savoir combien d'auditeurs de La Première auront poussé ce cri depuis début septembre. Mais il y en aura sûrement eu. Même si des réactions d'auditeurs entendues çà et là, et peut-être des sondages, laissaient plutôt percevoir que Le feel de Diane, diffusé du lundi au vendredi de 14h30 à 16h00, ne correspondait pas aux attentes du cœur de cible classique de la très "radio de service public de référence" du boulevard Reyers. 

Et pourtant. Quelle originalité de remplir ce creux de l'après-midi radiophonique en créant sur les ondes une atmosphère, une tonalité inattendue. L'émission générait un climat dans lequel l'auditeur pouvait se plonger à sa guise, comme on s'enfonce mollement dans le canapé à l'heure de la sieste. Il était audacieux de délaisser à cette heure les sempiternelles obligations de diffusion de chanson française ou autres rengaines pour proposer pendant 90 minutes une couleur musicale inhabituelle et des artistes que la programmation permettait de découvrir a fil des plages. On était dans le clubbing, le laisser-aller au bord de la piscine.

ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRE…

Bien sûr, il y avait la voix de Diane. Qui collait si bien à l'ambiance suscitée par la musique. Mais qui a dû déranger bien d'un "cher auditeur". Certains la voyaient mieux animer une fin de soirée, voire une émission de nuit. Jusqu'à la comparer à la voix de feu Macha Béranger. Sauf que cette dernière animait un talk-phone-show nocturne, et non une émission d'atmosphère. Certes Diane parlait à l'oreille de l'auditeur comme si elle partageait avec lui le sofa, voire un oreiller . Mais où est le mal ? 

N'était-ce pas là aussi une des originalités de cette émission que de casser les codes de la banalité programmatique du moment où, en journée, La Première attire le moins d'audience ? Parfois, et c'est dommage pour le côté "ambiance", Diane en faisait trop, invitait des artistes, des groupes, et le blabla cultureux envahissait les ondes au lieu de laisser l'auditeur plongé dans son bain de musique. Obligation contractuelle pour satisfaire les mânes francophiles des pouvoirs publics, ou réelle volonté de l'animatrice de démontrer qu'elle n'était pas qu'une machine à murmures de désannonces ? À chacun de voir. 

 

AU  CACHOT DIGITAL

Le feel de Diane a  passé l'arme à gauche. Définitivement ? « Non, non, non ! », répond-on officiellement. Elle est toujours là… Sur Jam, le dimanche de 10h à midi. De quoi inciter la foule de récalcitrants du DAB+ de se précipiter chez le marchand de récepteurs de radio numérique ? Ceux qui aiment faire la grasse matinée et/ou bruncher au lit plutôt que d'aller à la messe dominicale, peut-être. Mais les autres. ? Le feel… a reçu un enterrement de Première… classe. Pas sûr que relayer sur des radios digitales confidentielles ce qu'on avait pris le pari de mettre sur "la" chaîne de référence du service public soit le meilleur moyen de procurer une image positive à ces nouvelles stations.

LA DICTATURE DES FORMATS

Il est intéressant de voir par quoi Le feel… a été remplacé, tenant bien compte du fait que, dans ce créneau horaire, les auditeurs se comptent sur les doigts de peu de mains. Deux émissions ont repris l'horaire : un mini-programme d'une demi-heure intitulé Multitube, et un format classique d'une heure du nom de L'heure H

La Première renoue ainsi avec le mode de programmation classique des hautes radios de contenus de service public : développer au maximum les formats d'une heure. Avec, en l'occurrence, la difficulté provenant du temps d'antenne atypique de Un jour dans l'Histoire, qui ne dure pas, comme l'affirme la grille officielle (1) de 13h à 14h30, mais de ± 13h20 à 14h30. Sur La Première, les infos de 13h00 semblent rendre impossible un format sous-horaire dans cette case de la grille (13h20-14h). La Première a donc opté depuis longtemps pour un programme en extended-hour (± 1h10). Alors, si la norme est bien l'émission d'une heure (2), que faire à 14h30? Précédemment, la solution était trouvée via un programme musical de 90 minutes (3). On revient ici à la norme classique. Après un  module de 30 minutes (4), une émission occupe la case 15-16h.

1/2 HEURE POUR QUOI FAIRE ?

La première production, qui semble un peu là pour "boucher un trou" avant le retour à la norme programmatique horaire, est essentiellement musicale. On y  retrouve, dans un intéressant mix, des genres classiquement tolérés (voire adulés) sur La Première. On aurait presque l'envie de dire que ce programme court a des airs de famille avec le Pasticcio que Nicolas Blanmont présentait chaque dimanche de 10 à 11h sur la même chaîne, et qui a disparu de la grille (5). Peut-être ne sont-ce d'ailleurs pas que les airs qui sont de famille… L'association entre les éclectiques extraits musicaux y est accrochante, mais leur pertinence est peut paraître insuffisamment confirmée par le caractère apparemment fort juvénile de voix la présentatrice, présentée sur internet comme une  « actrice, musicologue et YouTubeuse belge » (6).

Si ce léger premier élément de remplacement du Feel… s'inscrit dans la logique d'occupation du temps d'antenne de La Première en début d'après-midi, on peut se poser plus de questions à propos de la production horaire qui le suit. En effet, le 15-16h accueille une émission totalement parlée, à contenus forts, qui requiert de son audience une attention soutenue tout au long de la durée de la diffusion.

DU RÉCIT À LA TONNE

L'Heure H (7) est une émission relevant du genre de la narration radiophonique, telle que l'on en trouve dans l'univers francophone sur plusieurs radios généralistes, assez couramment dans le même créneau horaire et avec le même format (Hondelatte raconte [Europe 1, 14h], Affaires sensibles [France Inter, 15h], L'heure du crime [RTL France, 14h30]…). L'acteur essentiel (et ici unique) du programme est le narrateur, qui n'en est pas à son coup d'essai. Connu comme un des piliers de l'animation de programmes de variétés de la RTBF télévision, il a récemment choisi de s'investir dans la narration d'événements historiques, et a déjà ponctuellement occupé l'antenne radio, sur des périodes courtes, avec des émissions de récits, notamment lors des programmations spéciales des fêtes de fin d'année, ou pendant les mois d'été (8). Il avait alors déclaré qu'il entendait devenir « le Pierre Bellemare de la RTBF » (9). 

L'expérience avait été limitée dans le temps, et les récits présentés n'étaient pas écrits à partir d'un hook particulier. Ici, le narrateur occupe une heure d'antenne cinq jours par semaine, en bâtissant toutes ses histoires à partir du même point d'accroche : l'heure fatidique du moment le plus important de son histoire. Bon nombre de ces épisodes sont, comme dans les programmes de même type sur d'autres radios, centrés sur des faits divers ou des affaires judiciaires. La durée de chaque récit est d'environ quarante minutes. Depuis le début des diffusions, rares sont les moments où est mentionné le nom d'un "auteur" ou d'un "collaborateur" qui aurait contribué d'une manière ou d'une autre à l'écriture de l'histoire. À quelques reprises, un auteur (ou co-auteur) est mentionné : un certain Valjean. Dans la plupart des cas, l'auteur est supposé comprendre que le récit a été documenté, construit, mis en ondes par le narrateur. 

 EXPLOIT (MAL) EXPLOITÉ ?

Est-ce bien ainsi que cela se déroule ? Ce serait un véritable exploit (d'autant que les thématiques des cinq épisodes de la semaine sont disponibles en ligne chaque lundi). Peut-être l'émission est-elle en fait produite par LDV Production, l'entreprise dont le narrateur est co-fondateur (10). Mais, dans ce qui est audible, rien ne l'indique.

On peut se demander pourquoi programmer pareil programme "phare" dans le désert d'audience de milieu d'après-midi. Sur d'autres stations, ce genre d'émissions est souvent proposé plus tôt après le temps de midi. Et en tout cas pas après une émission musicale. La séquence programmatique de l'après-midi de La Première semble peu cohérente : une émission historique à contenu fort, bâtie en deux temps ; un programme court à contenu musical ; une émission narrative à contenu historique fort. S'agit-il d'attirer sur l'antenne trois publics différents, un pour chaque émission ? Ou table-t-on sur le fait que l'amateur de contenus historiques, déjà nourri en début d'après-midi, tolérera l'écoute du programme musical pour retrouver ensuite un contenu plutôt historique présenté sous forme de récit ?

Les précédentes apparitions radiophoniques du même narrateur d'histoires avaient été programmées dans la tranche du temps de midi, sauf erreur entre 12 et 13 heures ou entre 13h15 et 14h. C'est-à-dire à la place du programme historique de début d'après-midi, ce qui paraît plus cohérent. Pourquoi ce programme aboutit-il alors dans la toundra du 15-16h ? Sinon peut-être parce que, comme sur d'autres radios, l'essentiel est moins la diffusion en linéaire que la création d'une série de podcasts mis en ligne, destinés à raffler une beaucoup plus large audience. On sait que, en France, ce type de podcasts occupe souvent les premières places des palmarès d'écoute en ligne.

La nouvelle occupation de cette case horaire d'après-midi manifeste la volonté de la RTBF de renforcer ses programmes à contenus. Mais n'aurait-il pas mieux valu placer cet exploit radiophonique dans une autre case, quitte à bousculer quelques dinosaures ?  

À moins que la RTBF elle-même n'y croie pas trop ? Dans ce cas, ne pourrait-on peut-être pas retrouver à cet endroit le Feel d'une certaine Diane ?

Frédéric ANTOINE

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(1) https://www.rtbf.be/lapremiere/grille-programme
(2) Dans la grille quotidienne de La Première, on trouve actuellement 9 formats d'une heure sur 15 émissions/jour, tenant compte du fait que les "formats info" du matin et du soir sont évidemment plus longs. 
(3) Hors émissions d'info, on ne retrouve plus ce format long qu'à partir de 10h en matinée (cette longueur, d'ailleurs, ne se justifie pas). Dans le passé, l'émission humoristique de fin d'après-midi avait ce même format, récemment ramené à 60 minutes.
(4) Format qui se développe un peu :  $on ne retrouve désormais un autre après Déclic, Eddy Caeckelberghs voyant son "antique" émission de décryptage d'info rabotée de 30 minutes et diffusée à 18h30. 
(5) Et avec moins d'accent mis sur la musique classique. « Sentiment, figure, lieu, personnage , objet, animal…, Nicolas Blanmont évoque un mot ou un thème à travers huit siècles d’histoire de la musique. Classique bien sûr, mais parfois aussi plus contemporaine comme la chanson, le rock ou la musique de film. »
(6) https://www.ivoox.com/episode-1-conversation-avec-valentine-jongen-audios-mp3_rf_92241964_1.html
(7) À noter qu'une émission au titre identique, également à contenu historique, était diffusée le lundi à 22h sur Musiq3 aux alentours de 2016…
(8) Certaines de ces émissions radio ont ensuite connu des versions télévisées. 
(9) https://lameuse.sudinfo.be/408880/article/2019-07-05/jean-louis-lahaye-veut-devenir-le-pierre-bellemare-de-la-rtbf 
(10) Cette entreprise est composée de 30 collaborateurs,  dont des "concepteurs, story boarder, copywriter" (https://www.cinergie.be/organisation/ldv-production)

 


29 août 2022

LN Radio : News and music ou Music and news?


Le titre ne fait pas toujours la chanson. Il semble que, finalement, LN Radio n'est finalement pas très "News" et reste surtout "Music". Opération de comm. ou coup marketing? En tout cas de quoi moins inquiéter la concurrence. Ou la redynamiser.

Lundi matin. Région de Namur. La fréquence de DH Radio n'est plus occupée par le son d'une grosse "ronflette" (1), mais par de la musique, un peu de pub, et des flashs horaires d'information. Sur l'autoradio, c'est toujours le logo et le nom de DH Radio qui s'affichent, mais les jingles de la radio l'affirment : on écoute bel et bien LN Radio.

Quelques réactions ayant suivi le post de ce samedi à propos de la naissance de cette station (1), dont un message d'Emmanuel Tourpe, Directeur général audiovisuel chez IPM, avaient souhaité remettre les montres à l'heure : "LN radio n’est pas une radio talk ni News mais Un format music & News".

Portion "News" congrue

Effectivement, dans les annonces révélant le projet actuel (2), et notamment dans l'interview accordée à un média de IPM par le directeur de DH Radio (3), la présentation des innovations "news" dans la programmation de DH Radio s'avère ne pas s'étaler sur l'ensemble de la journée ni décliner tous les formats attendus d'une radio all-news (voir liste en note 4 ci-dessous). Concrètement, LN Radio ne devient plus "news" que DH Radio que par la diffusion de certains JT de LN24 et de son interview politique, le matin et à midi, ainsi que lors d'un talk-show d'avant-soirée proposé de 18 à 19h à la fois en radio et en télévision.

Pour le reste, c'est plutôt des productions qui existaient déjà sur DH Radio qui viennent nourrir LN24 (les flashs horaires, une interview culturelle et, de manière relative, le talk d'avant-soirée qui remplace une chronique que le journaliste tenait dans la matinale de DH Radio). On est donc loin de France Info, de BFM, BBC News ou de CNN News Radio…

La boîte et l'étiquette

Mais alors, pourquoi débaptiser DH Radio pour un fifrelin de news dans un océan de musique, et lui donner le nom de LN Radio ? L'emballage n'est-il pas trompeur par rapport au contenu de la boîte (à musiques) ? Jadis, la pub Panzani disait : L'important, c'est ce qu'il y a dans la boîte". Et pas l'étiquette. À ce stade, l'auditeur ne doit pas espérer être nourri d'infos en écoutant la station qui, par son nom, semble y être dédiée. Y aurait-il maldonne ? La réponse se trouve à nouveau dans la communication que le groupe IPM que l'on retrouve dans divers articles, où l'on peut par exemple lire : "un changement d’appellation pour marquer le rapprochement avec la télévision LN24 et renforcer l’identité de l’offre audiovisuelle du groupe IPM" (3) .

Rapprochement, il y en a assurément, mais sans vraiment nourrir la radio de nombreux contenus de LN24. Mieux gérer les marques audiovisuelles du groupe paraît aussi évident.  À condition que, sous la même marque, se retrouvent des contenus de même nature ou de même genre. Ce qui n'est pas sûrement le cas. Mais pas plus qu'entre Tipik Radio et Tipik Télévision à la RTBF, même s'il y a eu tentative de présenter en ligne la programmation des deux médias en parallèle

LN Radio n'a-t-elle de "News" que l'étiquette, ou à peine plus? Classiquement, sous l'appellation "Music and news", la part de "news' ne se limite généralement pas à la seule diffusion de flashs horaires et de JP, ou peu s'en faut. Sinon, tous les réseaux de radios musicales pourraient revendiquer faire du "Music and news". Être dans cette catégorie exige plus d'investissements, et notamment une capacité claire à faire du "Breaking news", comme nous l'évoquions dans le post précédent. En radio, la news peut tomber à l'antenne dès la survenance d'un événement. En télévision, son annonce ne peut bénéficier de la même immédiateté. Dans l'état présent des choses, pas sûr que LN Radio ait les moyens de proposer ce type de services. Comme si LN Radio existait plus au bénéfice de LN24 que le contraire…

Si LN Radio n'a pas choisi le créneau "all news", celui-ci est donc toujours disponible. Et rien n'empêche les autres opérateurs audiovisuels de Belgique francophone de s'y engouffrer. Notamment pour y exploiter côté "audio" toute la diversité de leur offre de contenus informationnels dont ils disposent en TV…


Frédéric ANTOINE

(1) https://millemediasdemillesabords.blogspot.com/2022/08/la-guerre-de-linfo-radio-est-declaree.html
(2) La grille de programmes n'est pas accessible en ligne.
(3) https://parismatch.be/culture/medias/583073/dh-radio-grandit-et-devient-ln-radio
(4) 7h, 8h. JT de LN24 est diffusé en radio.
7h30. L’interview politique de Martin Buxant sur LN24 est reprise en radio.
8 h 30, l’interview culturelle de Philippe Deraymaeker en télévision et en radio
9h, 10h, 11h. Les flashs info de trois minutes proposés en journée sur LN Radio (y compris le week-end) sont télévisés sur LN24.
12h. JT de LN24 est diffusé en radio.
13h, 14h, 15h, 16h, 17h. Les flashs info de trois minutes proposés en journée sur LN Radio (y compris le week-end) sont télévisés sur LN24.
18-19h. Talk de Maxime Binet, tant en télévision qu’en radio.


27 août 2022

La guerre de l'info radio est déclarée


 Une "vraie" (enfin presque) all-news radio débarque enfin sur les ondes belges francophones. De quoi hérisser le poil des acteurs en place, à commencer par le service public. Mais aussi chez Bel RTL. La guerre des trois aura-t-elle lieu ?

Ce samedi 27 août après-midi, ce n'était une "ronflette" (comme on dit dans le métier) que l'on pouvait entendre sur la fréquence namuroise de DH Radio, station que l'autoradio illustre toujours par le logo de Twizz tandis que, sur le tableau de bord, c'est déjà "LN Radio" qui s'affiche. Un week-end de transition qui toucherait aussi la technique de la station du groupe IPM ? Ou une simple coïncidence? Quoi qu'il en soit, la version radio de LN24 débarque bel et bien sur les ondes (notamment FM) de la petite patrie qu'est la Belgique francophone.

Presse échaudée craint la radio froide

C'est la fin d'un long feuilleton qui a débuté il y a près de 25 ans lorsque BFM, acteur actif sur le marché belge mais bien sûr plutôt tourné vers les news économiques, est d'abord devenu un décrochage de BFM Paris, puis a totalement raccroché son antenne bruxelloise. Depuis lors, silence radio sur le secteur du "all news" chez nous (1). "Pas rentable" disait-on alors dans les groupes médias privés,  échaudés dans les années '80 par leurs aventures dans le monde merveilleux des radios libres. 

Doit-on rappeler ici que Rossel fut, en son temps, un acteur important la bande FM, surtout à Bruxelles (FM Le Soir), avant de se rendre compte que faire un journal et animer une radio, c'était bien être dans des médias, mais que l'un n'avait rien à voir avec l'autre... Ce qui poussera l'entreprise de la rue Royale à proposer une alliance à RTL afin de créer la coupole qui donnera naissance à Bel RTL et récupèrera au passage le dinosaure de la radio privée bruxelloise qu'était Radio Contact. 

A la même époque, les éditions de l'Avenir, qui n'étaient pas encore cédées à des investisseurs, avaient de leur côté aussi créé une radio, dans laquelle elles avaient pas mal investi. Puis avaient fait le même constat que Rossel et, s'étaient associés avec NRJ France afin d'implanter Radio Nostalgie en Belgique. 

IPM avait été plus timide dans ce genre d'aventure… mais avait fini également par lancer son réseau, qui changera plusieurs fois de format, faute d'auditeurs.

Le cas DH Radio

Les groupes médias privés n'avaient donc pas vraiment été convaincus par l'utilité d'investir en tant que telle dans une radio faisant de l'information. En finale, la RTBF faisait plutôt bien le boulot et Bel RTL, sur l'insistance d'une direction à l'époque portée par des journalistes, avait misé pour son implantation belge sur l'info en radio, comme RTL Belgique l'avait fait en télé. Jean-Charles De Keyser, ancien correspondant de RTL Paris à Bruxelles, n'y était pas étranger. 

Dans un premier temps, IPM avait cherché à marquer sa radio d'une touche "info". Depuis le déménagement de l'entreprise dans un ancien garage automobile proche du Cinquantenaire, la station n'avait-elle pas ses studios au plus près des rédactions de La Libre et de La DH ? Mais les efforts, là aussi n'ont pas été vraiment couronnés. DH Radio ne s'est jamais imposée comme une référence en termes de diffusion de contenus radiophoniques. La notoriété n'est jamais venue…

Passons sur les péripéties autour de l'exclusion de DH Radio du dernier plan de fréquences au bénéfice d'un projet de radio d'info déposé par LN24, qui ne verra jamais le jour. Au total, la boucle est donc aujourd'hui deux fois bouclée. LN 24 devient bien la radio de news de Belgique francophone, mais sous l'égide du groupe IPM. DH radio disparaît sans que sa mort suscite des torrents de larme. Et, en fin de compte, Bruxelles et la Wallonie retrouvent enfin une radio all-news. Tout le monde est content.

Manœuvres à la frontière

Tout le monde ? Pas sûr. Le trésor plutôt confortable sur lequel s'était assise la RTBF pourrait désormais se fissurer. A condition que LN Radio fasse vraiment de l'info. On pense bien sûr aux matinales, aux interviews politiques (où LN 24 s'est déjà taillée une petite place). On pense aussi à des émissions d'enquête. On pense aux  JP, à des émissions de talk (comme on en entend sur certaines all-news françaises) et, surtout, à des Breaking News comme on le faisait, jadis, sur Bruxelles 21 (les plus anciens comprendront à quoi il est fait référence). Le Breaking News est l'essence de la radio d'info, et ce que la radio généraliste traditionnelle a le plus de difficulté à bien intégrer.

Si les personnes en vue de ce pays concèdent à accorder à cette radio autant d'importance que celle qu'ils attribuent à La Première ou à Bel RTL, le soleil pourrait peut-être changer de côté. IPM mise sur la convergence LN24 LN Radio, ce qui est malin et normal. On peut le regretter mais, en tout cas dans l'info, radio et télévision désormais s'interpénètrent, se mélangent et produisent du mixmédia. Ce qui fait que, le jour où naît LN Radio, ne voilà-t'y pas que la tranche matinale de La Première débarque sur La Trois, supposée à ce moment-là s'appeler Ouftivi et être destinée aux enfants… (2). Petit à petit, La Trois deviendrait-elle une chaîne d'infos ? Alors que LN 24 glisse en radio, La Première s'immisce en tout cas dans la tv.

Escarmouches

Tout cela est-il bien neuf ? Pas vraiment. Cela fait un petit temps que, sur La Une, Le 6-8 et Le 8-9 font tous les jours du mix médiatique (avec notamment des JP diffusés à la fois en tv et sur Vivacité, sans parler de l'ensemble du contenu du 8-9 et de C'est vous qui le dites).

Les journalistes de la RTBF n'avaient pas caché leur mécontentement de voir LN 24 débarquer sur Auvio. Ils devront maintenant non seulement avoir un œil sur LN24, mais aussi tendre une oreille vers LN Radio. Ontologiquement, le all-news doit produire une radio différente, plus souple sur l'actu, que les généralistes du secteur privé ou public. Dans la pratique, la période d'implantation de la station risque d'être longue (comme celle de LN24 en TV), sauf si elle gère bien son immersion dans l'info et produit du buzz. La réaction actuelle des acteurs en place semble plutôt mesurée. Mais, qu'on le veuille ou non, la guerre de l'info radio est bel et bien déclarée…

Frédéric ANTOINE.

(1) Nous avons notamment déploré cette situation dans un article que le CSA nous demanda jadis dans le cadre d'un dossier consacré à la radio.

(2) Qui n'auront plus qu'à aller sur Auvio pour retrouver leurs programmes (ce qui ne les incitera jamais ensuite à s'intéresser à ce qui se passe sur un poste de tv).

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