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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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23 janvier 2022

"Face au Juge" (RTL-TVI): Pourquoi ça marche?


En janvier-février, les dimanches soirs en début de soirée, Face au Juge cartonne toujours sur RTL-TVI. Cela sera sans doute encore le cas cette année. Mais pourquoi donc cette émission-là dépasse-t-elle en audience toutes les autres? Quelle est sa recette? Et cela est-il prêt à durer?

 

526.645‏ téléspectateurs. Tel est le résultat d'audience (J+1) du premier Face au Juge de cette saison. Un résultat en dessous des scores réalisés l'an dernier, année Covid, mais aussi en 2019 (le programme avait alors débuté fin février). Le docu-réalité judiciaire de RTL-TVI a donc perdu des plumes à l'occasion de son premier numéro. Peut-être fera-t-il mieux par la suite (comme en 2019), mais ce résultat en baisse peut aussi être un indicateur de l'usure de la formule, ce qui serait assez normal vu le nombre d'années que ce programme existe.

 

EN TÊTE DE COURSE

Toutefois, même si son auditoire est en baisse, l'émission était toujours le 16 janvier dernier en tête des audiences, juste derrière le RTL Infos de 19h. L'an dernier, Face au Juge avait 4 fois occupé la première place des audiences journalières en Belgique francophone, et 2 fois la deuxième place. Un véritable record puisque, à part lors d'événements sportifs en direct, les Jt sont quasiment toujours en tête de ce type de classement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour Face au Juge, ce résultat n'est pas neuf, comme s'il était inhérent au programme. Est-ce une question de format, de casting ou de programmation?

EFFET DE GRILLE

Sans mettre en cause les qualités de la réalisation, on doit constater que ses bons résultats sont d'abord justifiés par son positionnement dans la grille de RTL-TVI. La plage de début de soirée qui suit le Jt de la chaîne privée capte toujours beaucoup d'audience, par effet d'entraînement d'après-Jt, et en raison de la longueur du JT qui empêche, en lecture linéaire, d'enchaîner 'normalement' sur un autre programme, par exemple le 19h30 de La Une, après les infos sur RTL. 

De plus, traditionnellement, le dimanche soir s'avère être un des moments de la semaine où la télévision réunit le plus grand nombre de téléspectateurs. Face au Juge bénéficie de cette circonstance, de sa place après le RTL Info 19h, mais aussi de la présence, après le magazine, d'un programme de soirée particulièrement porteur. Début 2021, c'est en primetime du dimanche que la chaîne a diffusé Mariés au premier regard (suivi en 2e volet, de Mon admirateur secret).

Le même phénomène a touché, en 2021, l'autre série de docu-réalité En route avec la police locale, elle aussi diffusée en début d'année le dimanche à la suite des infos. Elle a, à chaque fois, figuré dans le top des audiences de la chaîne (Jt exclus).

PROXIMITÉ MAXIMALE

Le concept de l'émission contribue évidemment aussi à son succès. Appliquant à la lettre le vieux slogan RTL C'est vous, l'émission repose sur un effet miroir porté presque à son paroxysme. On sait, depuis les travaux de la sociologue Dominique Mehl, qu'une des recettes appliquées par la télévision post-moderne est d'avoir abandonné "la fenêtre" pour "le miroir" (1). Face au Juge reproduit la formule à merveille, et  de manière plus complète que d'autres émissions qui paraissent encore mieux correspondre à ce créneau (2). Elle fait rentrer le téléspectateur-type de la station au cœur du programme comme s'il en était l'acteur. Les contrevenants suivis dans l'émission pourraient être chacun d'entre eux. Ils sont issus des zones géographiques où l'on peut estimer que la chaîne compte le plus de téléspectateurs. Et les affaires montrées, justice de paix, tribunal tribunal correctionnel ou de police, constituent les niveaux de justice que n'importe quel citoyen peut rencontrer. Et ce principe est peut-être encore davantage applicable à l'audience de RTL-TVI, qui ne présente pas tout à fait le même profil sociodémographique que celui de Arte ou de La Trois, par exemple. Violences familiales, conflits de voisinage et entre propriétaires et locataires, rébellion vis-des forces de l'ordre, infractions au code de la route passant devant la Cour… dans Face au Juge, on y est. "Ça pourrait être moi." "Mais alors, comment on fait?" Chaque contrevenant devient une sorte d'exemple pour le spectateur, c'est-à-dire une espèce de héros particulier. Mais chaque juge suivi n'est pas en reste. Le tout donne en quelque sorte à l'audience un mode d'emploi de la Justice, avec un côté bon enfant.

DES ACTEURS REMARQUABLES

Le dernier composant de la recette Face au Juge, mais le premier en ordre d'importance, sont en effet les juges qui gèrent les dossiers. Sans eux, pas de programme, parce que pas de spectacle Ils ne font qu'appliquer la loi? Pas vraiment. Comme ils sont là pour juger, ils apprécient chaque situation, chaque contexte, et nuancent leurs jugements en fonction de nombreux critères qui empêchent le couperet de la Justice de tomber d'un coup ou de trop assommer le justiciable. Ce sont les juges qui sont bon enfant, et en ce sens qui brisent les représentations stéréotypées qu'a le public d'un Palais de Justice terrifiant, ou de juges intraitables et inaccessibles. En guise d'opération de relations publiques pour le monde judiciaire, cette diffusion annuelle en plusieurs épisodes vaut plus, et a davantage d'impact, que n'importe quelle campagne de communication coûteuse, confiée à de subtiles offices privées.

Ces juges sont des acteurs. Pour la plupart, ils se sont bâti un personnage que la vedettisation télévisuelle n'a fait que renforcer, voire exacerber. Parfois jusqu'à la caricature. Le plus remarquable de ces acteurs est évidemment celui du Tribunal de Première instance de Bruxelles, qui est devenu un véritable personnage médiatique. La série va en tout cas devoir s'en séparer, puisqu'il a quitté ses fonctions fin janvier 2021…

REALITÉ-TELÉ?

Tout ceci porte évidemment à s'interroger sur le statut de l'émission. Est-ce du reality-show, du docu-réalité, du docu-drama (docu-fiction) ou… du journalisme? La présence ponctuelles de courtes interviews des juges pourrait tendre à cette dernière option, de même que l'étrange affirmation faite dans l'intro de chaque émission ("C'est toujours un plaisir de vous dévoiler les coulisses de la Justice)". Mais celles-ci ne sont-elles pas un peu des prétextes, le poids des images captées constituant, en définitive, l'essence de l'émission? Ici, c'est la réalité que l'on veut montrer. Une fois les personnages (tant juges que prévenus) bien choisis, il suffit de laisser tourner les caméras, puis d'agir au montage pour construire le récit en séquences alternées, avec une voix-off journalistique peu présente, qui se contente en général raccourcit les péripéties inutiles ou résume les situations. 

Comme toujours en télé, la réalité montrée est ici une certaine réalité. Et comme souvent dans ce type de programme, une réalité traitée avec peu de distance… même si on ne jurerait pas de la même manière des séquences de Strip-tease ou des films de feu Manu Bonmariage, par exemple.

Quoiqu'il en soit, Face au Juge est le fruit d'une bonne recette de télé populaire. Mais qui dépend de la qualité des acteurs, de leur permanence, et de la diversité des vécus montrés. Ce que le public commence peut-être à moins ressentir…

Frédéric ANTOINE.

(1) MEHL Dominique, La fenêtre et le miroir, Paris, Payot, 1992.

(2) On pense ici à Vu à la Télé, version belge du programme britannique Gogglebox, lui aussi diffusé le dimanche en début de soirée sur RTL-TVI, qui ne réussit pas à atteindre les audiences de Face au Juge alors qu'il est l'application pure de principe de la télé-miroir puisqu'il prétend montrer au téléspectateur ce qui se passe dans les foyers le soir lorsque la famille ou les couples sont devant le petit écran.




04 janvier 2022

Noël, Nouvel An: les audiences tv n'étaient pas de la fête


Bêtisier sur bêtisier : depuis quelques années, il n'y a que cela qui marche, les soirs de réveillon et les jours de fête, à la télé. 
Cette fois, cela n'a en général pas trop emballé le téléspectateur, qui devient plus rare est sans doute allé voir ailleurs. 
Mais ils sont nombreux, ceux qui sont toujours friands des rites de la programmation de fêtes.

 

Les chaînes font rarement des records d'audience les jours de fête de fin d'année. Cette fois-ci, les programmes qui ont rassemblé plus de 300.000 téléspectateurs n'étaient pas légion… et pas plus originaux que d'habitude. Comme tous les jours de l'année, ce sont les JT qui se sont offert la meilleure part de la bûche, et celle de RTL a, ainsi qu'à l'ordinaire, été plus appréciée que celle du service public. Et ce y compris lors du service du midi, le 31 décembre.

Mais il y a eu aussi quelques émissions de l'ex-émetteur luxembourgeois qui ont donné l'eau à la bouche aux téléspectateurs: les bêtisiers de Noël et du Nouvel An, bien sûr, et d'autres programmes du 31 décembre. Ce jour de la Saint-Sylvestre, l'audience n'a pas boudé son plaisir sur RTL TVI : outre les JT de midi et du soir, elle y fut aussi en nombre pour l'édition du 71 (on aime les quizz les veilles de fêtes), et pour le programme de pré-prime time Drôles de Belges. 

INFIDÈLES AU POSTE

Bon, des audiences de 300.000 personnes, c'est tout de même pas la gloire. Mais cette année on a un peu dû s'en contenter, car le spectateur n'a pas tellement été très fidèle au(x) poste(s). Ce n'était pas le cas par le passé. Si l'on considère les audiences > 500.000 spectateurs (et non 300.000) lors des soirées de réveillon et des jours de fête entre 2018 et aujourd'hui, on ne comptabilise que 3 programmes diffusés en 2021, contre 5 en 2018, aucun en 2019 et 7 en 2020. Cette année-là fut exceptionnelle puisque frappée par le covid. Les restrictions qui y étaient imposées s'apparentaient à un réel confinement. Et donc à une surconsommation de la mère nourricière "télévision".

En 2021 (barres rouges dans le graphique), seuls trois JT de RTL se placent dans ce classement des programmes ayant réuni plus d'un demi-million d'amateurs. L'an dernier (barres bleues dans le graphique), les bêtisiers de la chaîne privée avaient aussi bien nourri les repas des soirs de fête, ainsi qu'un JT de la RTBF. En 2018 (barres jaunes dans le graphique) aussi, les bêtisiers étaient de la fête, les JT étant moins nombreux à drainer les foules. Lors de la fin d'année 2019 (barres vertes dans le graphique s'il y en avait eu), aucun programme n'a atteint les 500.000 spectateurs lors des réveillons ou des jours de fête (1). Ce délaissement de la télé préparait-il inconsciemment à des moments de disette de réjouissances, alors que l'on commençait à appendre qu'un virus inconnu causait quelques morts en Chine?
 
QUE DE BÊTISES !
 
Que ce soit les veilles ou les jours de fête, de 2018 à 2021, les JT ouvrent toujours le bal des plus fortes audiences (pour les personnes intéressées, voir les graphiques I. ci-dessous). Ils sont suivis par les bêtisiers, qui fleurissent sur toutes les chaînes, sauf la veille de Noël (2). À la Noël, les bêtisiers sont toujours de la fête, sauf le 25/12/2018, où un film de De Funès se classait parmi les plus fortes audiences. La veille de l'An, les bêtisiers envahissent aussi les écrans. Le jour de l'An, ils sont encore au rendez-vous, mais des films humoristiques (Les Bronzés) figurent aussi parmi les programmes les plus regardés (2 films en rafale, le 01/01/2020).
 
Quelles sont les raisons du succès de ces programmes de "bêtises", de "manque d'intelligence, de jugement" (3), basés sur la contre-banalité, l'extra-ordinarité, que celles-ci se déroulent dans la vie quotidienne des humains ou des bêtes, ou dans le cadre de la production de contenus audiovisuels? Dans chaque cas, ces "sottises, idioties, imbécillités, stupidités"(4) portent à sourire, même si c'est (et c'est souvent le cas) du malheur ou de la mauvaise fortune d'autrui. La proximité avec l'univers du spectateur, le côté touchant, la part humoristique (on s'amure lors des réveillons et des soirs de fête) expliquent sans doute le succès de ces programmes. Le fait qu'ils soient composés de courtes séquences, semblables à celles que l'on trouve en ligne [d'où elles sont souvent pompées] joue aussi certainement un rôle dans leur attrait, car ils s'inscrivent dans les mécaniques de brièveté et de renouvellement permanent qui caractérisent les usages audiovisuels contemporains.

LA RECETTE DU BINÔME 

La programmation de prime time, elle, est plus diversifiée que ce que laissent supposer les audiences de masse (pour les personnes intéressées, voir les graphiques II. ci-dessous). La veille de Noël, les chaînes proposent souvent des films familiaux, et pas nécessairement des rediffusions de classiques du cinéma humoristique français. Ces productions recueillent toutefois souvent une audience faible, avoisinant les 150.000 spectateurs (5). 
 
Le même type de programmation se retrouve le soir de Noël, accompagné de quelques tentatives de diversification de l'offre, avec des "specials" issues de programmes ordinaires, comme un jeu de type télé-réalité, ou une émission culturelle. Ou des cas de non-prise en compte de la spécificité du jour, avec maintien de la programmation ordinaire, par exemple un épisode d'une série policière. Ces programmes-là aussi recueillent de faibles audiences (± 200.000 téléspectateurs, soit un peu plus que la veille).
 
La programmation se voudra un peu plus diversifiée le soir de la Saint-Sylvestre, où les bêtisiers côtoient des films familiaux, mais aussi des programmes de divertissement et des variétés, voire du théâtre (nous nous limitons ici au prime time et ne prenons pas en compte les deuxièmes rideaux de soirée). À nouveau, ces écarts par rapport à la sacro-sainte offre "bêtisiers ou films" n'attirent pas des hordes de spectateurs.
 
Le soir du jour de l'An est un peu comparable à celui de Noël. Là aussi, le duo "bêtisiers ou films" est complété par des programmes plus variés, allant des documentaires (nature ou animaliers) à des "specials" de jeux et de divertissements, voire à la simple poursuite de l'offre habituelle de la chaîne ce jour-là de la semaine.

UNE INFO PRESQUE NORMALE
 
Si les JT restent les programmes les plus regardés les soirs de veilles et les jours de fête, leurs succès sont au total plus relatifs cette année que par le passé (pour les personnes intéressées, voir les graphiques III. ci-dessous). Les émissions d'info drainaient un grand nombre de spectateurs ces soirs de fin d'année en 2020, à des moments forts de la pandémie. Cette année, celle-ci n'a pas disparu, mais l'intérêt de l'audience s'est émoussé. Les courbes des JT de RTL TVI et de la RTBF adoptent les mêmes tendances de 2018 à nos jours. Pour RTL, les audiences restent plus importantes qu'avant le covid. Pour la RTBF, la situation varie. La veille de Noël, comme RTL, son auditoire est en hausse sensible. Mais il retrouve son niveau d'avant covid les autres soirs. Le 31/12, le résultat de RTL TVI est à l'image de son access prime time et de son prime time. Le jeu précédant le JT booste l'audience de celui-ci, qui booste celle du programme qui suit, etc.

UN MINUIT PAS TRÈS CHRÉTIEN

Il est fini, sur les chaînes premium, le temps des cathédrales à l'heure de minuit. Désormais, si mes opérateurs en diffusent, les messes de minuit sont déléguées sur des chaînes secondaires, où ces programmes ne collent pas toujours avec le profil de l'audience cible de la chaîne. Et comme même le pape ne fête plus Noël à minuit, pourquoi encore se fendre de ce genre d'émission à une heure aussi tardive ? En tout cas, en audience, ce ne sont pas les messes de minuit qui jouent les grandes orgues (5). Les seuls programmes autour de minuit le 24/12 figurant dans le Top 20 du CIM sont soit des films de De Funès diffusés sur RTL TVI, soit des épisodes des aventures du ventriloque humoriste Jeff Panacloc proposés en 2020 et 2021 par TF1, à partir de 24h10…

Le 31 décembre, pas de messe au menu non plus. On communie avec autre chose lorsque s'annoncent les douze coups. Pendant trois ans, TF1 a réalisé en Belgique de très beaux scores d'écoute avec le programme de variétés précédant le passage à l'an neuf, proposé par son animateur vedette de télé-crochets. Cette année, l'émission a disparu au profit d'une soirée tout bêtisier (un premier de 220 minutes, suivi d'un second de 140 minutes). Le premier était donc toujours en cours lors du passage à 2022. Le "véritable" programme d'avant minuit, débutant vers 23h40, on le trouve sur RTL TVI depuis des années. Il est en général suivi par environ 100.000 spectateurs (un peu plus en 2020). Le programme de même type proposé par La Une ne figure pas dans le Top 20 du CIM. Cela signifie que, en 2021, il a rassemblé moins de 91.000 personnes (score réalisé sur RTL après minuit avec un film). Pas étonnant sans doute, puisque la RTBF ne faisait que rediffuser un divertissement basé sur ses animateurs qu'elle avait déjà diffusé… le 28 décembre 2020.
 
 
LA MUSIQUE QU'ON AIME
 
Côté musique, Le coup de baguette de La Une, c'est le très traditionnel concert du Nouvel An de Vienne, proposé en Eurovision à partir de midi chaque 1er janvier depuis… 1959. L'événement recueille toujours son petit succès. Ces dernières années, il a réuni entre 230.000 et 200.000 fidèles amateurs de valses, avec des résultats aussi élevés le 01/01/2019 que le 01/01/2021, en pleine pandémie. Le concert a encore attiré une audience appréciable cette année. La ritualité de ce spectacle participe sûrement à fidéliser son audience, de même que sa retransmission en direct, qui fait communier le spectateur à un moment unique (ou du moins le croit-il).
 
 
La transmission du concert impacte évidemment l'heure de diffusion du journal télévisé de La Une, qui est amené à prendre l'antenne vers 13h50, soit après la fin du JT de RTL TVI. Le jour de l'An, les deux journaux télévisés ne sont donc pas en concurrence sur le même créneau. Conséquence: celui de la chaîne privée est toujours Premier Violon quand la tv publique est au Musikverein. Ce numéro en solo permet parfois à RTL de compter beaucoup plus de spectateurs que Le 13H de La Une (notamment lors de la pandémie, le 01/01/2021). Cette année, l'écart était moins marqué. Du côté de la RTBF, le volume d'audience de ce JT décalé est remarquablement stable d'année en année. Il est bien sûr composé en grande partie des amateurs de J. Strauss. Mais, en nombre, sans rapport direct avec l'audience totale du concert eurovisé.

SEASON'S GREETINGS


De l'humour, de la légèreté, un brin d'émotion et beaucoup de bons sentiments. La recette de la programmation tv du temps de Noël paraît immuable à travers les décennies. Résultats d'audience aidant, les programmateurs n'ont cessé de renforcer dans leurs grilles la place réservée aux genres de programmes qui plaisent. Pour raisons budgétaires ou choix stratégiques de contre-programmation, certaines chaînes préfèrent jouer d'autres airs, ou de faire comme si de rien n'était. Cela plait aux fidèles de la station, ou à ceux qui sont fatigués de voir les mêmes films éternellement au programme, et de devoir ingérer à longueur de soirées de fêtes les mêmes petites catastrophes ou bourdes de chiens, de chats, d'ados débiles, de maris stupides et de présentateurs de JT trop sûrs d'eux, re-re-rediffusées pour la nième fois +1. 
Comme l'esprit de Noël, toujours pareil au même d'année en année, la tv alors n'innove pas, mais reproduit. Sûre d'avoir toujours "son public" avec elle. Le public de tous ceux qui sont seuls, ainsi que de ceux qui ont choisi de passer ce moment "tranquillement à deux", et pour qui la cérémonialité de la programmation de fin d'année participe de la réussite de leur(s) soirée(s).
Les rituels programmatiques de ces veilles et jours de fête permettent aussi de toucher la fameuse "cible familiale", dont personne ne sait vraiment ce qu'elle recouvre, mais dont on est au moins certain d'une chose : c'est qu'elle réunit autour de la petite lucarne adulte(s) et enfant(s).
La programmation de fin d'année, c'est la carte postale photoshopée que les chaînes adressent à leur audience. La promesse d'un univers télévisuel lisse, heureux, léger. Que les JT s'excusent presque de venir troubler de quelques mauvaises nouvelles, qu'ils s'empressent d'emballer d'images de fêtes, de feux d'artifices, de neige, de pâtisseries et de reportages paradisiaques à l'autre bout de la terre. 
L'irréel même dans le réel. Et dire que ça marche…

Frédéric ANTOINE
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(1) Le JT de RTL TVI du jour de l'An 2020 avait frôlé les 500.000 spectateurs.
(2) De 2018 à nos jours, seul RTL TVI en propose un ce soir-là, en 2018.
(3) Selon les dictionnaires Larousse et Le Robert
(4) https://dictionnaire.lerobert.com/definition/betise
(5) Il faut aussi pointer, en 2020, l'excellente audience hors normes du programme de magie proposé en pré-prime time sur RTL TVI. 
(6) Les messes de minuit ne figurent pas dans les Top 20 des audiences transmis par le CIM. Nous ne savons donc pas quel est leur volume d'audience, ni si celui-ci se maintient au fil des ans et des horaires de diffusion. Ou fond au même rythme que les fidèles des paroisses…
 
 
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GRAPHIQUES

I. LES PLUS FORTES AUDIENCES DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
source data : www.cim.be




II. LES AUDIENCES DE PRIME TIME DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
 




 

III. LES AUDIENCES DES JT DU SOIR, LES VEILLES ET JOURS DE FÊTE







 


26 mars 2021

TÉLÉPRO 100% CHEZ ROULARTA. UN CHANGEMENT BIEN PLUS QU'ANECDOTIQUE

Roularta a racheté les 50% du magazine Télépro, que conservait jusqu'à présent jalousement le très catholique groupe parisien Bayard. Fin d'une époque. Et du "principautarisme" du magazine?

Il y a un an, en mars 2020, le groupe flamand Roularta rachetait les 50% que le groupe Bayard détenait dans Senior Publications, l'éditeur en Belgique de Plus Magazine, mensuel pour 55+ successeur de Notre Temps/Onze Tijd, la version belge du titre créé en France par le groupe Bayard. On se demandait alors pourquoi Télépro, autre copropriété de la religieuse maison parisienne et du groupe roulersois, n'avait pas suivi le même chemin, et n'était pas, lui aussi tombé à 100% dans l'escarcelle du groupe flamand. Roularta truste en effet actuellement tout (ou presque) ce qui est possible de racheter dans le monde de la presse magazine en Belgique, tout en s'étendant dans le même créneau à l'étranger.

LES MÂNES DES FONDATEURS

La réponse qui pouvait venir à l'esprit était que, peut-être, le puissant groupe catholique français, propriété de la la congrégation religieuse des Assomptionnistes, souhaitait garder un œil sur la gestion de Télépro, ce magazine étant présent sur un marché potentiellement idéologiquement sensible du côté valeurs chrétiennes : celui de la presse de programmes télé. On sait à ce propos qu'un certain "radicalisme" est en train de s'opérer dans le monde catholique français, qui préfère se replier sur lui-même et défendre des "valeurs éternelles" plutôt que de s'adapter à la société dans laquelle il vit. La presse catholique française, et en particulier celle du groupe Bayard, va dans le même sens.

Par ailleurs, la présence d'un pôle à connotation chrétienne dans l'actionnariat du titre ne pouvait que rassurer les mânes des fondateurs du magazine, tous issus de la mouvance chrétienne verviétoise. A commencer par celle du célèbre abbé Armand Pirard (1), aumônier des mouvements de jeunesse catholiques de l'endroit dans les années 1950, et qui fut à l'origine de la création de Télépro.

La nouvelle situation laisse supposer que le souhait de Bayard de se replier sur l'Hexagone a été plus fort que son désir de laisser l'Église avoir un pied dans la gouvernance du magazine belge. Le fait que, au même moment, Roularta rachète aussi à Bayard les versions de Plus Magazine aux Pays-Bas et en Allemagne confirme la volonté stratégique du groupe dit "de la rue Bayard" (2) de se défaire d'avoirs internationaux non liés à son core-business.

 

LE PÔLE CATHO

 Depuis sa fondation en 1954 par des milieux catholiques, Télépro est propriété de la société Belgomedia, située à Dison, près de Verviers (3). L'identité chrétienne du titre sera surtout manifeste au cours de ses premières années de vie. C'est lui, par exemple, qui appliquera une "cote catholique" aux programmes de télévision, afin d'en conseiller ou d'en éviter la consommation par les familles "bien pensantes" où l'on redoute ce qui "est contraire" aux principes et à la morale de la Religion.

Ce n'est donc pas un hasard si, en 1994, un des deux repreneurs de Belgomedia avec Roularta sera Bayard Presse Paris, classique pilier du catholicisme hexagonal, agissant ici via la société Bayard Presse Benelux. Confirmant le rôle qu'elle entend avoir dans la diffusion dans le pays de "bons" médias, Bayard charge aussi Belgomedia de gérer la commercialisation en Belgique de tous les titres "jeunesse" du groupe (les fameux Pomme d'Api, Astrapi, J'aime lire, etc.), publications qui constituent les poules aux œufs d'or financières du groupe français. Belgomedia est actuellement dirigée par un Malmédien, qui en est aussi l'éditeur responsable. Très actif dans diverses associations de la région, le patron de Télépro est aussi membre du lobby d'éditeurs Wemedia, qu'il représente notamment au CDJ, le Conseil de déontologie journalistique.

Le contrôle "chrétien" du magazine au sein du conseil d'administration de Belgomedia est assuré par deux représentants de Bayard, dont le directeur général de Bayard Presse à Paris, par ailleurs président du Syndicat français des éditeurs de la presse magazine. Bayard Presse Benelux, qui incarne la part française de Belgomedia, est une société implantée à Zaventem. Son conseil d'administration est composé de cinq Français. Dans les deux conseils siège une même personne de nationalité belge et habitant Campenhout: la directrice, depuis 2019, du pôle Senior de Bayard Benelux… que Roularta a absorbé il y a un an.

CAMP RETRANCHÉ

Cette reprise totale de Télépro par Roularta ne sera pas sans conséquence. Le groupe de Roulers a coutume de chercher à rentabiliser ses acquisitions au maximum. Même s'il se porte mieux que d'autres titres, et a moins perdu en diffusion papier, Télépro  se trouve dans une situation identique à celle de bien des magazines. Afin de le rentabiliser, le nouvel acquéreur doit à la fois envisager des économies d'échelle, et orienter le magazine vers de nouveaux marchés. Ces économies seront-elles possibles sans un abandon de la"principautalité" du titre? Aucun magazine belge francophone ne possède sa rédaction et son administration loin de Bruxelles. Sauf Télépro, qui a toujours conservé cette particularité typiquement liégeoise de se considérer comme un Etat à part, presque indépendant du reste de la Belgique. Et en tout cas autonome. Mais l'Histoire peut-elle résister à l'économie? Lorsque Roularta a repris le pôle "magazines féminins" de Sanoma, il a eût tôt fait de rapatrier tous les services de ces titres de Malines dans ses propres locaux. Télépro passera sans doute sous les mêmes fourches. Ce qui pourrait ne pas avoir que des conséquences humaines, déjà en elles-mêmes problématiques (à l'heure actuelle, la société déclare occuper 38,6 ETP). Dans son camp retranché de Dison, Télépro est un peu à l'écart du monde. Son autonomie lui évite d'être soumis aux mêmes agitations que les médias bruxellois. Le magazine peut ainsi se permettre de traiter divers sujets avec distance. Serait-ce encore le cas s'il devient une des sections du grand plateau "magazine" des bureaux de Roularta? 

FACE À CINÉ TÉLÉREVUE

La même question concernant l'avenir du magazine peut se poser à propos du ciblage du titre, et des conséquences de celui-ci sur son projet et sa politique rédactionnelle. Pouvant se targuer de compter un pourcentage d'abonnés hors normes (76% selon les derniers chiffres 2020), le succès de Télépro repose sur la fidélité d'un lectorat d'habitués. Mais donc, et comme une partie de la presse magazine, composé de personnes plutôt âgées. 53% du lectorat de Télépro a plus de 55 ans (4). On parle parfois du "facteur héritage" pour expliquer le positionnement d'un média. Dans l'imaginaire d'une partie de son public, le Télépro d'aujourd'hui est bien l'héritier de celui d'hier. Et on continue à s'y abonner par tradition. Avec 23% de lecteurs de moins de 35 ans, le titre n'est pas tourné vers l'avenir. Et rien ne dit que les coutumes d'abonnement d'hier seront encore de mise dans un monde de médias totalement numérisés. 

Face à Télépro, Rossel possède désormais Ciné Télé Revue. Le groupe bruxellois s'efforce à l'heure actuelle de redynamiser le titre dont la diffusion payante s'est effondrée depuis dix ans. Il y a de fortes chances de Roularta veuille soumettre "son" titre tv au même régime. Ce qui ne plaira sans doute pas à une rédaction, fonctionnant semble-t-il selon d'autres principes. La fidélite du lectorat de Télépro ne l'oblige pas à bâtir un projet rédactionnel sur l'accroche à tout prix. Ce n'est pas sa Une qui doit le faire vendre, puisqu'il n'interpelle que peu son lecteur au numéro, alors que Ciné Télé Revue est dans une position totalement inverse. Mais l'avenir ne passera-t-il pas tout de même par un peu plus de peopleisation de Télépro, pour faire comme la concurrence? Ou, au contraire, Roularta misera-t-il sur le développement d'un média différent, c'est-à-dire relativement plus haut de gamme que le concurrent, plus sérieux, voire plus analytique? 

En tout cas, le bateau verviétois n'échappera peut-être pas à une petite tempête. D'autant que Roularta ne se souciera sans doute pas beaucoup de l'histoire du magazine, et de son respect tacite de la philosophie du projet de ses fondateurs.

Frédéric ANTOINE.

 (1) Décédé en 2017, l'abbé Pirard a longtemps été chroniqueur religieux à la RTBF, où il commenta tous les voyages du pape Jean-Paul II, dont il était un grand admirateur. Outre Telepro, Armand Pirard fut aussi le fondateur du CTV, le Centre de documentation sur la télévision, qui a été le créateur d'une démarche d'analyse critique de la télévision en Belgique, essentiellement au sein du monde catholique. La première vidéothèque de Belgique à visée pédagogique a été créée par l'abbé Pirard au sein du CTV.
(2) Car il est maintenant installé à Montrouge, juste de l'autre côté du périphérique parisien.
(3) En 2014, Télépro quittera ses vétustes bureaux verviétois pour Dison, où il s'installe dans de superbes nouveaux locaux.
(4). Enquête CIM 2020.

07 août 2020

Des films vendredi et samedi à la tv française: les week-ends des spectateurs vont changer d'allure. En Belgique aussi


Les chaînes de télévision française sont désormais autorisées à diffuser des films les vendredis et samedis. 
Cela va changer la donne sur les petits écrans aussi pour les Belges, et pour la RTBF et RTL-TVI.

 
 
 
 
 
 
 
Le Journal Officiel de l'État français a publié jeudi 6 août (1) deux décrets concernant la télévision. L'un d'eux supprime les jours d'interdiction de diffusion de longs métrages pour les chaînes fixés jusque là le vendredi, le samedi, et le dimanche après-midi. Cette mesure, prise en janvier 1990 (2), visait à protéger les salles de cinéma de la concurrence du petit écran pendant l'essentiel de la durée du week-end. Estimant que cette interdiction ne s'appliquait de toutes façons pas aux plateformes de type Netflix, le gouvernement français a considéré qu'elle était devenue obsolète et a rendu la liberté de programmation aux chaînes. Celles-ci sont dès lors autorisées à diffuser davantage de films par an que jusqu'à présent.

Cette mesure sonne peut-être le glas de la diversité programmatique de la télévision française généraliste. Les chaînes y avaient en effet souvent coutume d'occuper leurs cases de primetime par des productions de fictions, aujourd'hui essentiellement orientées vers les séries. Mais devaient être plus imaginatives en fin de semaine.




De longue date, sur TF1, seuls les fins de semaine échappaient à la loi des fictions, les deux jours fatidiques de l'interdiction étant dans un premier temps consacrés à des variétés, puis aussi à des télé-réalités, voire des jeux. Sur France 2, l'offre au long de la semaine était plus diversifiée, quoique aussi dominée par les fictions. Le vendredi était ainsi une case de type "téléfilm", mais le samedi était réservé aux "variétés".

Zone protégée


C'est ainsi que les télévisions françaises ont conservé, contre vents et marées, une offre de programmes de divertissement et de variétés. L'interdiction des films en début de week-end a permis que perdurent des productions originales incluant des genres aussi divers que des jeux d'aventure de type Fort Boyard, des télé-réalités comme Koh-Lanta, The Voice ou la Star Academy, et des multitudes d'émissions de chanson, des Enfoirés aux Victoires de la Musique à N'oubliez pas les parole en passant par le Plus grand cabaret du monde, vestige télévisuel du temps lointain du Music-Hall. Le tout s'inscrivait dans une tradition antérieure à cette interdiction, dont l'Histoire n'oubliera jamais les célèbres shows de Gilbert et Maritie Carpentier.

Qu'adviendront ces programmes maintenant que des films peuvent capter l'audience les vendredis et samedis soirs, et que l'on sait les diffusions de films porteurs de bonnes audiences, peut-être davantage que certaines émissions de variétés? Pour les chaînes qui avaient choisi de ne pas jouer ces jours bannis la carte de la fiction, la question va se poser. Elle pourrait être moins prégnante pour les autres, sauf que la présence de films sur certaines stations concurrentes obligera forcément les autres compétiteurs à se repositionner. Le succès des soirées cinéma proposée à tire larigot pendant le confinement en a été un bon indicateur.

Dans le même cadre, les blockbusters de divertissement jusqu'ici calés en fin de semaine n'auront-ils pas intérêt à changer de jour de diffusion, l'audience globale de la tv étant traditionnellement moins forte en début de week-end? Bien sûr, il sera toujours plus tentant de proposer Koh-Lanta la veille d'un samedi plutôt qu'avant un jour d'école. Mais sera-ce le cas pour tous les programmes porteurs des vendredis et samedis?
Enfin, la télévision généraliste française ne va-t-elle pas perdre cette tradition historique du film du dimanche soir, seule case permise pour proposer un morceau de cinéma en fin de semaine, qu'avait inaugurée la première chaîne de l'ORTF dès les années 1960, que TF1 n'avait jamais abandonnée et que France 2 avait, elle aussi, choisit d'exploiter à partir des années 1990. La fin du film du dimanche soir, ce serait comme les dernières images d'une longue histoire…

En Belgique aussi…

Alors que le marché de la tv de fin de semaine était plutôt stabilisé en France, il pourrait donc bien éclater. Et en Belgique itou. Il ne faut en effet pas perdre de vue qu'un tiers des spectateurs francophones belges, en moyenne, sont chaque soir sur une chaîne française, et que les variétés et les télé-réalités de fin de semaine de TF1 sont, dans ce petit pays, des programmes forts en termes d'audience.

Mais l'effet français pourrait être plus fort. Car l'éventuel repositionnement des grilles des vendredis et samedis aura aussi, par ricochet, un effet sur celles des chaînes belges, qui visent plutôt actuellement à jouer la complémentarité face à l'offre forte des stations parisiennes. Après son magazine de début de soirée, La Une (RTBF) avait jusqu'ici coutume de proposer un téléfilm le vendredi et une série le samedi.Si le cinéma s'empare ces jours-là des deux chaînes françaises les plus regardées en Belgique, que fera la chaîne publique? Même question pour RTL TVI, qui n'a jamais cessé de proposer des séries le vendredi, et occupe maintenant sa case du samedi par une télé-réalité (d'ordinaire rachetée à… M6). Mais, à certains moments, comme en 2017-2018, la chaîne privée diffusait aussi des films le samedi soir! Devant une éventuelle offre plus alléchante des opérateurs français, il lui serait difficile de tenir la concurrence.

Il se passe donc toujours quelque chose sur le marché de la télé. Même si celui-ci est désormais concurrencé, dans la fiction, par l'offre des plateformes. Le secteur du divertissement restait l'une des spécificités propres à une culture, ou un pays. Une sorte d'exception culturelle. Le décret français en annonce-t-il la fin? En tout cas, dans l'éventualité d'un nouveau confinement dû au covid, il permettra aux chaînes d'Outre-Quiévrain de ne plus devoir s'arracher les cheveux pour savoir quoi diffuser les soirs de fin de semaine…

Frédéric ANTOINE.

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/
/affichTexte.do;jsessionid=AFC12F7C9471BC0F01B8665B68E091CA.tplgfr38s_3?cidTexte=JORFTEXT000042211247&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000042210887

(2)https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000342173&fastPos=1&fastReqId=938408427&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte#LEGIARTI000025883985




16 juillet 2020

Philippot à France Télévision, les souris danseraient-elles boulevard Reyers?



Dans la liste des huit candidats à la présidence de France Télévision qui seront auditionnés par le CSA français, un nom sort du lot: celui de l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot. Que
le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) avait reconduit à son poste il y a cinq mois, pour un quatrième mandat de six ans.
L'homme n'est pas encore dans le fauteuil de Delphine Ernotte, mais son départ n'arrangerait-il pas bien l'actuelle majorité politique de la FWB?

On devrait savoir pour le 24 juillet au plus tard qui succédera à Delphine Ernotte à la tête de France Télévision. Elle-même, ou l'un de ses challengers, parmi lesquels celui qui semble avoir le plus d'étoffe n'est autre que Jean-Paul Philippot. Aucun des autres candidats ne peut en effet faire preuve d'une expérience de management d'un groupe de médias de service public aussi large et longue que celle de l'administrateur général de la RTBF. Son seul défaut à l'égard de ses concurrents hexagonaux est, peut-être, qu'il ne soit pas Français. Chose qui, hormis dans le monde de l'humour, des variétés et du cinéma, reste tout de même une tare pour bon nombre de compatriotes de Descartes et de Mirabeau. Alors que l'inverse est loin d'être vrai, la RTBF n'ayant jamais rechigné, sous Jean-Paul Philippot, à faire appel à des Français pour y occuper des postes à responsabilités. En Belgique, cette stratégie a, à diverses reprises, permis de surpasser des luttes de chapelle et des ambitions personnelles de candidatures internes. Peut-être l'actuel pouvoir français pourrait-il, pour une fois, être tenté de procéder de même manière face à ce Liégeois devenu Bruxellois dans l'âme, qui vient juste de fêter ses 60 ans.

MOMENTUM

L'élection de cet ingénieur commercial Solvay, dont la carrière s'est toujours focalisée sur les soins d'urgence (dans le secteur hospitalier d'abord, dans l'audiovisuel public ensuite) n'est pas acquise. Mais imaginons qu'elle le soit. Confirmant sa candidature à France Télévision, Jean-Paul Philippot a bien veillé à faire savoir à son personnel que celle-ci n'était "aucunement un aveu de désengagement et de désintérêt pour la RTBF". Cependant, n'est-ce pas pour lui le meilleur moment pour obtenir, ailleurs que sur le petit territoire de la FWB, l'ultime bâton de maréchal qui lui manque? Ayant quitté la présidence de l'UER en 2018, après dix ans de mandat, peut-il lui rester une autre marche (accessible) à gravir?

Quitter la RTBF à ce moment précis lui permettrait aussi de ne pas devoir ferrailler à l'avenir avec un gouvernement de la FWB qui adopte, ces derniers temps, des attitudes interpellantes vis-à-vis de l'actuelle gestion du service public de l'audiovisuel. En février dernier, personne n'aurait compris que ce gouvernement ne reconduise pas, une nouvelle fois, l'administrateur général sortant. Il n'y avait pas d'autre choix. Mais cette décision était-elle un cri du cœur? Assurément non.

BACK TO PURITY

Les recommandations du gouvernement faites au CA de la RTBF lors de sa (re)nomination laissaient bien entendre que, cette fois, M. Philippot serait en liberté surveillée. Avant cela, les propos tenus dans la déclaration de politique générale de ce gouvernement avaient, elles aussi, fait comprendre que le temps de la gestion de la RTBF "à la Philippot" était révolu, et qu'il allait falloir adapter les règles du jeu.

Les décisions prises par ce même gouvernement début juillet 2020 à propos des restrictions de ressources publicitaires imposées à l'audiovisuel public n'ont, en fait, que concrétisé ces intentions. En tentant, même plutôt symboliquement, de limiter la place de la publicité sur les ondes de la RTBF, celles-ci ont comme propos de remettre sur ses rails un opérateur public plus pur, moins tenté de céder aux sirènes des marchés et de la concurrence. Le message politique est clair: l'audiovisuel public doit se recentrer sur ce qui doit faire sa spécificité, quitte à ne pas jouer dans la même cour que les opérateurs privés. Alors que, pour la première fois en 2019, les PDM de La Une dépassaient celles de RTL-TVI, le gouvernement semble indiquer que là ne réside pas l'essentiel.

Que ces restrictions publicitaires imposées à la RTBF tombent au même moment que le cadeau financier accordé par ce même gouvernement à la filiale belge d'une entreprise privée audiovisuelle luxembourgo-allemande peut aussi être lu comme une confirmation de cette volonté de recentrage du service public sur sa pureté essentielle. Au privé de faire du privé, quitte à ce qu'on lui accorde de l'argent public pour y arriver, et au public de faire du 'vrai' service public, quitte à perdre en audience, en concurrence et en moyens.

REAL POLITICS

On peut comprendre que pareils signaux ne jouent pas le rôle de sirènes pour Jean-Paul Philippot, qui a, lui, toujours milité pour et développé une vision très real politics du service public de la radio-télévision. Une vision qui tient compte de la nature économique actuelle du marché de la télévision, qui combat pour que l'audiovisuel public ait les moyens de se battre au moins à armes égales avec le privé, qui choisit d'investir pour le futur plutôt que d'épargner, et qui considère le fait d'être suivi par une audience appréciable comme le meilleur signe de légitimité possible de l'acteur public.

Comme l'UER, l'actuel administrateur général de la RTBF n'a jamais été partisan de médias publics épurés à l'extrême, fiers de leur quintessence, mais n'étant suivis que par une poignée d'auditeurs et téléspectateurs convaincus. Pas sûr que, à l'heure actuelle, ce point de vue soit unanimement partagé par les politiques.

Le 9 octobre 2019, c'est-à-dire peu de temps après l'installation du nouveau gouvernement de la FWB, le bruit d'un éventuel départ de l'administrateur général de la RTBF pour France Télévision avait déjà couru. Tant et si bien qu'on peut se demander si celui-ci ne fait pas partie d'un deal convenu entre l'intéressé et le pouvoir politique de la FWB en février dernier: une reconduction, certes, pour ne pas manifester de désaveu officiel. Mais aussi un encouragement au départ vers de plus hautes sphères, laissant dès lors aux partis politiques en place les mains libres pour penser sereinement au choix d'un·e nouvel·le patron·ne de l'audiovisuel public francophone belge. Quelqu'un (ou quelqu'une) qui correspondrait davantage à la vision plus épurée de l'institution, défendue au moins par certains des partenaires de la majorité.

Ceci n'est bien sûr qu'une hypothèse, faite en chambre, et ne reposant sur aucune confidence. C'est une pure construction intellectuelle. Mais, si l'administrateur général de la RTBF terminait bien sa carrière sur les bords de la Seine et non de la Senne, il est clair que cela permettrait aux souris du boulevard Reyers de danser d'une nouvelle manière. A commencer par celle qui, selon l'ancienne comptine enfantine, "courait dans l'herbe" et que l'on attrapait par la queue.

Frédéric ANTOINE.

06 mai 2020

Un jardin à l'audience (presque) extraordinaire



A l'orée des vacances de Pâques, le dimanche 4 avril, l'émission Le jardin extraordinaire s'est transformée en Notre jardin extraordinaire. Cette version 'confinée' d'un programme qui part plutôt à la découverte de la nature hors du quotidien a duré jusqu'au dimanche 3 mai. Au cours de cette période, le présentateur-producteur est parti à la découverte de son propre jardin, mais a surtout fait appel à des images récoltées par les spectateurs au sein du leur. Le programme a été conçu sur base d'un fil narratif chronologique égrenant les jours de la semaine, et reposant sur des conversations par téléconférences avec des cameramen naturalistes ou animaliers amateurs des quatre coins de la Belgique francophone, ainsi que sur la diffusion d'une sélection des images que ces personnes avaient préalablement fait parvenir à l'émission. De fenêtre ouverte sur le grand monde, le programme s'est mué en fenêtre sur l'univers restreint de tous ceux qui étaient chez eux (généralement à condition qu'ils aient un jardin et un matériel un tant soit peu capable de saisir des images de bonne qualité en gros plans).

Cette version du programme a attiré une audience plus large que celle qui le suit habituellement. Entre janvier 2020 et le début du confinement, l'audience moyenne du Jardin extraordinaire (Live+vosdal) était de 404.000 spectateurs. Celle des émissions de mars, qui ont poursuivi la formule classique de l'émission, a été de 427.000. L'audience moyenne des cinq émissions de Notre jardin extraordinaire a, elle, été de 505.000 téléspectateurs. Soit 100.000 de plus qu'en temps de non-confinement. La courbe de tendance figurant sur le graphique confirme bien cette évolution.


Pour la période pour laquelle on dispose de l'audience Live+7 (vision différée de J+1 à J+7), il apparaît que celle-ci ne diffère pas fortement de l'audience Live+vosdal (direct et différé J+1). Hors période de confinement, depuis début janvier 2020, l'émission enregistrait une part de marché moyenne de près de 25%. Pendant le reste du mois de mars, celle-ci a été de 23%. Pendant les trois dimanches de la période de diffusion de Notre jardin extraordinaire dont on dispose des chiffres, la PDM de l'émission était de 28%. La hausse du nombre de téléspectateurs du programme n'est donc pas seulement due à l'accroissement du nombre total de personnes regardant la télévision en période de confinement (cf. situation en mars avec une baisse de PDM pour une légère hausse de spectateurs) mais aussi à l'attirance plus marquée exercée par ce programme dans une version de proximité interactive où le spectateur devient (en partie) acteur de la production.



Le jardin extraordinaire est une des émissions historiques de La Une. Elle y a occupé la case de début de prime-time du samedi soir depuis octobre 1965, et est passée du samedi au dimanche au tournant des années 2000. Certains observateurs estiment que ce changement de jour (imposé par l'obligation faite à la RTBF d'alors diffuser en direct le samedi soir un jeu de la Loterie nationale) a en réalité sauvé une émission qui s'enlisait dans le documentaire animalier et perdait en audience. Le programme a alors entamé un virage écologique, qui a été suivi d'une profonde remise à neuf du concept un peu avant le cinquantième anniversaire de l'émission, en septembre 2014, en s'orientant vers l'observation, la découverte et la protection de la nature. Elle est depuis lors pilotée par Tanguy Cortier.
Avant cette période de renouvellement, selon la RTBF (1), l'émission avait une part de marché moyenne de 18,6%, et une audience moyenne de 323.067 téléspectateurs. 
Au cours de l'année 2019, l'audience moyenne de l'émission a été d'environ 350.000 personnes. Le programme est apparu à 24 reprises dans le top 20 des meilleures audiences de la semaine établi par le CIM (Live+7), avec dans ces cas-là une audience moyenne d'environ 370.000 spectateurs et une part de marché moyenne de 24%.

Par rapport à l'an dernier, l'audience moyenne de l'émission depuis janvier est donc en hausse. Celle-ci a été renforcée par Notre jardin extraordinaire. Les parts de marché de l'émission, par contre, ont été relativement stables, sauf lors de la diffusion de Notre jardin extraordinaire.


Frédéric ANTOINE



(1) Source : www.rtbf.be, Le jardin extraordinaire, l'émission nature de la RTBF, a 50 ans (15/10/2015)

04 mai 2020

Quelle audience, les JT confinés !



Les JT du soir

L'audience des JT a battu tous les records pendant la crise du coronavirus.

Selon les données CIM, plus de 800.000 téléspectateurs (Live+Vosdal) ont fréquemment suivi les journaux télévisés du soir de RTL-TVI et de La Une au cours du mois de mars. Ces scores historiques sont beaucoup moins fréquents en avril, et est alors essentiellement lié aux moments des annonces de décisions du CNS sur la sortie du confinement.

De manière assez constante, le RTL Info de 19h a, comme à l'accoutumée, rassemblé davantage d'audience que le JT de La Une. Mais les résultats des deux chaînes se sont rapprochés.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 19h de RTL-TVI a été suivi par près de 808.000 spectateurs, et le 19h30 de La Une par environ 754.500 spectateurs.
Du 1er au 29 avril, l'écart s'est réduit entre les deux chaînes, la moyenne du journal du soir de RTL-TVI étant de 724 500 et celui du 19h30 de 722.000. En tenant compte de la marge d'erreur, on peut estimer que les deux JT ont réuni le même nombre de spectateurs.

En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 19h était de 601.000 personnes et celle du 19h30 de La Une de 472.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 531.000 pour RTL-TVI et de près de 420.500 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 19h a donc été d'environ 200.000 spectateurs supérieure à 2019, et celle du 19h30 de La Une de près de 275.000.

En avril, les gains d'audience sont encore supérieurs. Le RTL Info 19h a comptabilisé en moyenne environ 193.500 spectateurs de plus qu'en 2019, et le19h30 de La Une près de 301.500. Ces résultats s'expliquent en partie au moins par l'absence cette année d'un effet "vacances de Pâques", qui diminue toujours l'audience moyenne de la télévision pendant cette période. Mais cet effet ne concerne qu'une partie du mois.

Les pics absolus d'audience des JT se situent en début de crise, lors de l'entrée en confinement. 
Tout au long de cette période, les journaux télévisés de RTL-TVI continuent comme d'ordinaire à recueillir davantage de spectateurs que ceux de la RTBF. Mais celle-ci réalise parfois des audiences plus élevées que sa concurrente privée lors de moments liés à la communication de décisions du CNS.

Les JT de 13h

Sur le temps de midi, les JT de la RTBF réalisent d'ordinaire des résultats d'audience meilleurs que RTL-TVI. La chose est moins évidente pendant cette période de crise, les deux émissions d'information comptabilisant souvent un nombre de spectateurs presque équivalent (hormis les cas des dimanches, où RTL-TVI est traditionnellement plus suivie que La Une). En fin de période, l'audience des JT de 13h de RTL-TVI précède à de nombreuses reprises celle des JT de la RTBF.

En moyenne, entre le 6/3 et la fin mars, le 13h de RTL-TVI a été suivi par près de 390.500 spectateurs, et le 13h de La Une par environ 414.500  spectateurs.
Mais, du 1er au 29 avril, la moyenne du journal de 13h de RTL-TVI était de 410.000 spectateurs et celui de la RTBF de 384.000.
En mars 2019, l'audience moyenne du RTL-Info 13h était de 229.500 personnes et celle de La Une de 237.000.
En avril 2019, ces audiences étaient de 215.500 pour RTL-TVI et de près de 230.000 pour La Une.

En mars 2020, l'audience moyenne du RTL Info 13h a donc été d'environ 261.000 spectateurs de plus qu'en 2019, et celle du 13h de La Une de près de 177.500.

En avril 2020, RTL Info 13h a compté environ 194.500 spectateurs en plus par rapport à 2019, et le13h de La Une près de 206.500. Mais il faut là aussi tenir compte d'une absence de l' "effet vacances de Pâques" cette année.

La crise du coronavirus a attiré vers l'information des JT belges un nombre de spectateurs plus important que d'ordinaire, celui-ci augmentant souvent en moyenne de plus de 200.000 personnes par jour et par édition du journal télévisé. Il s'agit évidemment de moyennes, qui sont influencées par les chiffres élevés d'audience les jours où des événements importants se déroulent aux alentours de l'heure des informations. En mars et avril, RTL-TVI a accru par rapport à 2019 l'audience de ses JT de plus de 25%. A 13h, l'audience moyenne de RTL a augmenté de plus de 40% en mars à un peu moins de 50% en avril.
Pour la RTBF, la hausse d'audience du JT du soir et plus marquée encore: en mars elle est d'un peu moins de 40%, et avril d'un peu plus de 40%. A 13h, le gain d'audience est de plus de 40% en mars et en avril.

Les hausses d'audience sur le temps de midi peuvent être mise en relation avec l'état de confinement, qui invite davantage de personnes à regarder la télévision en journée. La même explication ne peut pas être envisagée de manière identique pour les JT du soir.

Frédéric ANTOINE



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