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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…
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03 juillet 2021

DPG : FALLAIT-IL SAUVER LE SOLDAT RTL?

Mais qu'est venu faire l'ex-Persgroep dans la galère du sauvetage de RTL Belgium? Une interview des auteurs du "deal média de l'année" publiée L'Echo (1) lève un léger coin du voile. Mais laisse pantois à plusieurs points de vue, et notamment sur ce qui y dit du public de Belgique francophone. Etonnant.

 Le journal L'Echo (2) publie ce samedi 3/6 une intéressante interview croisée des "patrons" (3) de Rossel et de DPG qui y déclarent, dès le titre, qu'ils discutaient d'alliances "bien avant l'arrivée du dossier RTL". On supposera toutefois que ce "bien avant" ne remonte pas à de nombreuses années. Et en tout cas pas à octobre 2017 lorsque, lors d'un grand deal (encore un) entre groupes de presse flamands, Roularta avait cédé ses parts dans Medialaan au Persgroep, qui devenait le seul propriétaire de cette entreprise de médias audiovisuels, mais acquérait les 50% de Mediafin dont disposait le Persgroep. Rossel était en effet alors au balcon d'une transaction qui le faisait changer de partenaire au sein de la société éditrice de De Tijd et L'Echo, dont il était coactionnaire avec le Pergroep depuis 2005. Mediafin s'était alors créé sur base d'une joint-venture entre les éditeurs Uitgeversbedrijf Tijd (De Tijd) et Editeco (L’Echo) (4), constituant ainsi un des seuls ponts transcommunautaires dans le monde des médias belges. Rêver d'alliances alors qu'on laisse tomber son partenaire dans une joint-venture paraît plutôt étrange…

Une vieille amitié

Sans doute donc les idées de projets communs entre DPG et Rossel sont-elles tout de même plutôt récentes. Et ce même si les deux patrons disent se fréquenter de longue date. "On se connaît depuis plus de 40 ans, avant qu’il ne rencontre sa femme et entre dans le secteur des médias il y a 20 ans", déclare le patron de DPG dans l'interview, celui de Rossel précisant que cela s'était passé à Knokke "dans un bar ou au bord de la mer en faisant de la voile". La création de Mediafin, quelques années seulement après l'arrivée du patron de Rossel à la tête de l'entreprise, n'était donc peut-être pas due au hasard, mais bien à un jeu de relations. On notera que ce petit commentaire permet aussi à l'ex-CEO de DPG de rappeler qu'il n'y a que vingt ans que son alter-ego est dans le monde de la presse (5), alors que lui est tombé dedans quand il était petit (6). Et laisser comprendre que ce n'est que par sa femme, héritière Hurbain de l'empire Rossel, que l'actuel patron du groupe est entré dans le secteur de la gestion des médias…

S'ils se connaissent, on ne sait toutefois si, en vingt ans, les hommes se sont vraiment beaucoup fréquentés. Le coup de jarnac du départ de Mediafin peut laisser quelques doutes à ce propos. On sait que, dès le rachat par le RTL Group des parts d'Audiopresse dans RTL Belgium, le patron de Rossel n'avait pas caché être intéressé par un autre type de présence dans l'actionnariat de l'entreprise. L'interview confirme aussi que c'est bien lors du constat du stand alone auquel était réduit RTL Belgium que l'idée d'un rachat s'est matérialisée. Mais impossible de savoir ici comment et quand est surgie l'idée d'y associer l'ex-Persgroep. D'autant que, comme on l'a déjà écrit, les choix récents de DGP n'étaient pas vraiment de s'intéresser à la petite Belgique francophone, mais plutôt aux Pays-Bas où il règne en maître (7).

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"On a remarqué que l'on pouvait apporter notre expertise à RTL Belgium, avoir une valeur ajoutée", déclare le président du comité exécutif de DPG. Une information digne d'intérêt, car elle confirme bien que l'entreprise flamande n'entend pas rester en retrait de l'opération et compte jouer un rôle déterminant, au moins dans l'avenir de RTL Belgique. Et ce même si, dans cette interview, la notion de "géant belge de l'audiovisuel privé" n'est prudemment pas employée par les interlocuteurs, alors que c'est ainsi que le rachat de RTL Belgium a été présenté lundi dernier. Et l'ex-CEO de DPG d'ajouter: "De plus, les annonceurs en appelaient au changement dans le sud du pays - un tout autre marché - fort d'un désir d'une offre digitale conséquente en matière de vidéo". Cette phrase un peu sibylline est suivie, quelques lignes plus bas, de précisions du patron de Rossel sur les synergies envisagées dans le secteur publicitaire. Rassurant, il explique ne pas vouloir "une grande régie qui intégrerait tout". Mais il déclare: "Nous avons intérêt à partager les outils et à développer des offres nationales cohérentes." Rossel et DPG disent-ils tout à fait la même chose? Les rapprochements envisagés ne concernent-ils que l'audiovisuel? Ou fait-on référence ici à l'ensemble des structures de DPG et de Rossel? Le commentaire de l'ex-PDG de DPG apporte une partie de réponse: "La convergence entre texte, audio et vidéo en ligne, est devenu un moteur aussi bien pour le consommateur que pour l'annonceur. Nous optons donc désormais pour un nouveau modèle cross-média au nord comme au sud." Reste à savoir si le cross-médias ne sera que publicitaire ou si, comme le dit le président du comité exécutif de DPG, l'expertise du groupe flamand s'étendra bien au-delà.

Terra incognita

Un des éléments étonnants de cette interview concerne la manière dont les deux hauts responsables de groupes appréhendent le rapport du public aux médias, et en particulier dans l'audiovisuel. Le président du comité exécutif de DPG fait ainsi des révélations étonnantes: "C'est assez paradoxal, dit-il, mais si je connais beaucoup de gens dans le sud du pays, je sais finalement peu ce qu'ils pensent, lisent, regardent…" Etrange aveu pour quelqu'un qui vient de se lancer et d'investir largement dans une aventure de grande taille, avec des enjeux immenses. L'ex-CEO de DPG reconnaît ne pas connaître le public francophone, et en est à se demander pourquoi, en Wallonie, un contenu "étranger" "performe" mieux quand il est doublé plutôt que sous-titré, alors que ce n'est pas le cas en Flandre. Un type de question que l'on débat depuis des années dans les cours et les études sur les médias en Belgique…

On pourrait de même quelque peu s'interroger sur la perception des médias qu'a le CEO de Rossel lorsque, à propos de la consommation de la télévision en Belgique francophone, il daclare: "Le public n’est pas naturellement attiré par la France." Pour le patron de Rossel, tout est question d'offre. Lorsque VTM est apparu en Flandre, explique-t-il, il n'y a plus eu dans cette région de débordement des chaînes hollandaises. "Si la proposition de programmes belges francophones est meilleure et répond plus aux attentes, le public suivra; en cela il n’est pas différent du flamand." Cette vision est-elle confirmée par l'histoire, et est-elle exacte? Ne perd-telle pas de vue que, en Flandre, c'est la VRT et non la télévision privée qui domine le marché de l'audiovisuel (en télé, 37% de PDM en 2020 pour la VRT [dont 31% pour Een] contre 29% pour les chaînes VTM. Et en radio 59% de PDM pour la VRT en 2020). N'omet-il pas de dire que les PDM des chaînes hollandaises ont certes existé par le passé, mais n'ont jamais été comparables à celles des chaînes françaises en Wallonie-Bruxelles (31,4% de PDM en 2020). Ne précise-t-il pas que, au niveau de langue, Néerlandais et Flamands ne se comprennent pas même lorsqu'ils s'expriment en ABN? Alors que, accent excepté, un Wallon et un Marseillais parle bien une langue identique. Ne faut-il pas se souvenir que, dès que la télévision est apparue en France, les Belges l'ont regardée? N'importe-t-il pas de mettre dans la balance l'audience radio de Radio Luxembourg puis de RTL Paris, qui ont toujours attiré les Belges? Ni prendre en compte l'histoire belge et les chiffres de vente de la presse magazine française en Belgique?Ne faut-il pas prendre en compte la taille des marchés? Avec ses 17,4 millions d'habitants en 2020, la population hollandaise est certes ± 2,5 x supérieure à celle de la Flandre. Mais la population de Belgique francophone est, elle, quinze fois plus petite à celle de la France, ce qui infère obligatoirement sur la taille du marché publicitaire (même 'nationalisé') et sur les montants disponibles pour gérer les coûts des grilles. Les "bons programmes" ne résolvent pas tout, d'autant qu'ils sont coûteux à produire. Si RTL Belgium recourt autant aux produits M6 et à ceux de RTL Paris, ce n'est pas par incompétence gestionnaire…

L'interview de L'Echo confère naturellement au rachat de RTL Belgium la même image rassurante, ambitieuse et prometteuse que les autres discours de responsables entendus ces derniers jours qu'ils viennent du groupe RTL ou des acheteurs de l'entreprise. Une fois l'opération réelllement réalisée (et des fusions opérées?), le vrai visage de cette ambitieuse opération de sauvetage apparaîtra peut-être sous un autre jour…

 Frédéric ANTOINE


(1) https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/on-discutait-d-alliances-bien-avant-l-arrivee-du-dossier-rtl/10317654.html

(2) Nous mettons le terme entre guillemets car, depuis février 2000, celui que l'on présente comme le "patron" de DPG en est en fait le président  du comité exécutif. A ce moment, il a en effet cédé le poste de CEO à un Néerlandais

(3) Dont on saluera le titre de l'éditorial du 29/6 (https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-belgium-l-union-fera-t-elle-la-force/10316638.html), qui partage avec le titre de notre article du 22/6 une commune référence à la devise nationale belge. 

(4) https://www.mediafin.be/fr/historique/ Les négociations entre le Persgroep et Roularta se termineront en mars 2018. C'est à ce moment que le cession réciproque deviendra officielle.

(5) En effet, il n'est devenu CEO de Rossel en juin 2001. Il était précédemment "PDG du groupe 9Telecom, filiale de Telecom Italia" (https://plus.lesoir.be/art/presse-premiere-interview-du-nouveau-patron-bernard-mar_t-20011023-Z0L2R4.html)

(6) La famille Van Thillo entre de l'actionnariat de la société familiale Hoste, éditrice du Laatste Nieuws, au début des années 1970 et en devient l'actionnaire majoritaire en  1978. La société est renommée Persgroep en 1990. L'ex-CEO du groupe en devient le patron en 1989, et il a alors 27 ans. (https://highlevelcom.be/fr/4035-christian-van-thillo-lelegant-magnat.html)

(7) Ce qui restait de francophone jusqu'ici dans DPG est 7sur7.be (dont il n'est curieusement pas fait mention dans l'interview) ainsi que des périodiques lifestyle/construction dont Roularta n'a pas voulu.

 


28 juin 2021

RTL BELGIUM: ROSSEL AU PAYS DE L'AUDIOVISUEL


Que faire encore quand on a déjà tout ce qui relève de son core business? Eh bien, investir ailleurs, quitte à entrer dans une jungle dont on ignorait à peu près tout. Rossel co-propriétaire de RTL Belgium, c'est un peu Rendez-vous en terre inconnue au pays des grands fauves.

Le RTL Group, DPG et Rossel ont confirmé ce lundi 28 juin au matin quel serait le futur RTL Belgium. Les supputations émises la semaine dernière sont donc confirmées. RTL Belgium is back to home, pour autant que son véritable "home" ait un jour été belge et non luxembourgeois. Demain, ses chaînes de télévision n'échapperont plus à la tutelle du CSA, et s'il vient encore à l'idée d'un·e ministre de distribuer de l'argent entre les médias de la francophonie belge, la société sera automatiquement comprise parmi les bénéficiaires.

Au niveau de la petite Belgique, ce rachat était en somme la seule solution restante pour sauver le soldat RTL. Seulse les deux plus grandes entreprises médias du pays avaient les épaules suffisamment larges pour décider de se mettre un tel fardeau sur le dos. Et ce même si, comme le rappelle L'Echo, la société est finalement plutôt en bonne santé. Et même si, comme personne ne le mentionne ou presque, ce sont surtout les bons chiffres de la régie IP qui assureront un intéressant retour sur investissement pour les copropriétaires.

Le banquet des ogres

Ce rachat est aussi l'aboutissement logique du processus de concentration des médias à l'œuvre dans tous les pays occidentaux, et auquel la Belgique n'échappe pas. Depuis une vingtaine d'années, le paysage médiatique belge se ratatine d'année en année, au nord comme au sud. Si le nombre de médias (ou de marques médias) ne diminue pas vraiment, le nombre d'opérateurs ne cesse, lui, de se réduire. Tant et si bien que les indices de concentration des médias belges sont devenus alarmants (comme ils le sont aussi ailleurs). Dans un paysage où, au Nord comme au Sud, la diversité s'est réduite à deux acteurs, que reste-t-il d'envisageable?

Des deux côtés du pays, le plus gros des acteurs de la scène des médias privés a racheté tout ce qui relevait de son core business, ancré dans les publications de presse et dont le berceau est l'édition de presse quotidienne. Ayant à peu près tout absorbé, tout en laissant de côté une partie du marché des périodiques, ces opérateurs ont, dans un premier temps, été voir ailleurs. C'est ainsi que DPG est devenu l'ogre de la presse hollandaise, mais a aussi un pied au Danemark. Rossel est parti à la conquête de la presse régionale française, secteur où ses avoirs dépassent en valeur ce qu'il possède en Belgique. Mais on ne peut pas dire que la campagne de France a été une grande victoire. A de nombreuses reprises, tout a été fait pour que l'entreprise belge rate le coche. Dame, en France, on préfère les acteurs belges plutôt que les investisseurs belges… 

L'audiovisuel par défaut

Le marché de l'écrit un peu arrivé à saturation, que restait-il, sinon l'audiovisuel? DPG y était de longue date, associé dès le début à la naissance de VTM (comme tous les éditeurs flamands) puis étant longtemps resté copropriétaire de Medialaan, avec Roularta. Jusqu'à ce qu'il décide de devenir leur seul actionnaire de cette société qui rassemble la plus grande partie de l'audiovisuel privé flamand (tv+réseaux de radio). Rossel s'est bien lancé dans la radio privée dès que celle-ci a paru devenir un marché intéressant pour les groupes de presse, dans les années 1980. Mais, comme d'autres éditeurs, la société avait alors vite compris que faire de la radio, ce n'était pas comme éditer un journal. C'est ainsi qu'il a accepté de céder ses fréquences à la société qui s'est mise sur pied pour créer Bel RTL et absorber radio Contact. En télévision, Rossel a participé comme les autres éditeurs au deal Audiopresse, naïvement imaginé par l'Etat francophone afin de 'compenser' la perte de revenus publicitaires pour la presse lors de l'autorisation dans le sud du pays d'un opérateur privé, en 1986-1987. Un beau cadeau puisque, ce fameux gâteau publicitaire, RTL Luxembourg le grignotait déjà depuis des années. Son 'arrivée' sous l'étiquette TVI n'a donc pas vraiment bousculé la presse, mais elle lui a permis de s'associer sans investir dans la télé privée. Sans investir enfin pas tout à fait. Au début, les groupes de presse ont vraiment été associés à l'éditorial chez RTL Belgium. Mais là aussi il est vite paru que faire de la bonne info de presse n'était pas identique à faire de la bonne info tv. Les éditeurs ont donc touché des dividendes sans rien faire. Et sans rien apprendre.

 "Un" nouveau géant

Et voilà qu'aujourd'hui, Rossel devient le (co)patron d'une entreprise qui édite de la télévision, de la radio, et des contenus audiovisuels en ligne… Alors que DPG a, lui, les mains dans le cambouis depuis des années. On ne peut sans doute pas comparer Rossel à Alice au pays de l'Audiovisuel, mais l'union entre les deux plus grands acteurs médiatiques privés belges n'a-t-il pas un peu du conte du Petit chaperon rouge? Le titre du Soir, journal de référence du groupe Rossel, annonçant  ce 28/06 la naissance d'"un nouveau géant des médias en Belgique", donne une clé de lecteur de l'ensemble: ce n'est pas tant le rachat de RTL Belgium qui importe que la constitution d'un groupe "national" de médias audiovisuels privés, rassemblant à la fois des médias du nord (ceux de DPG) et du sud (propriété de PDG+Rossel). L'immense spécialiste du marché publicitaire des médias Bernard Cools ne s'y trompe pas lorsqu'il note, dans Le Soir, que le nouveau "groupe" proposera une offre publicitaire conjointe couvrant tout le pays. Et le spécialiste de parler de "fusion" de la régie  IP avec celle de DPG, et parle de "du jamais vu" en Belgique.

Le rachat de RTL Belgium paraît donc comme la part visible d'un iceberg qui pourrait voir fusionner les médias audiovisuels privés du nord et du sud. Ce qui serait, là aussi, du jamais vu. Une sorte de retour au "monde d'avant" (la fédéralisation). Comme si, lorsqu'il s'agissait de lutter contre les GAFAM, les divergences linguistiques et culturelles retournaient au vestiaire. Une bonne chose? A condition que ce grand deal dont on parle aujourd'hui serve bien tout le monde. Et qu'il n'ait pas comme premier grand but de sauver l'audiovisuel privé flamand face aux plateformes, mais aussi face à Telenet, qui n'est jamais que la filiale belge du groupe US Liberty Global.

Alors, dans tout cela, quel poids aura Rossel, et quel rôle sera confié à l'ex-RTL Belgium? L'article du Soir, très bien informé, parle de synergies profitables dans de nombreux domaines. En vertu de ce qui vient d'être évoqué, il faudra probablement vite se demander: profitable oui, mais pour qui d'abord?

Frédéric ANTOINE.

 

23 juin 2021

RTL : BELGIUM STANDS ALONE

Demain, RTL Belgique ne sera finalement pas associé à  RTL Nederland. John de Mol a raflé la mise à DPG. L'avenir de TVI sera donc uniquement belge. Plus que jamais, il faudra que "Eendracht maakt macht" (L'union
fait la force).  (1)

Un aimable (et compétent!) lecteur de ce modeste blog, que je remercie, m'a transmis hier soir une information du Hollywood Reporter selon laquelle RTL Nederland tomberait dans l'escarcelle de John de Mol (cocréateur de la télé-réalité) et de son groupe Talpa, déjà bien implanté aux Pays-Bas autour de la marque Veronica (2). Bref, comme l'écrit le média américain, de Mol a comme but de créer un "Dutch Tv Giant" à l'image de la fusion M6-TF1. Adieu donc l'hypothèse évoquée ici ce 22/3 de voir DPG remporter la mise sur le sol batave et ainsi parvenir à constituer un petit empire audiovisuel belgo-hollandais à dominante flamande.

Qu'à cela ne tienne, le royaume audiovisuel privé dirigé par DPG, et dont Rossel sera en quelque sorte le vassal, ne sera donc "que" belge. Le Hollywood Reporter pourra peut-être bientôt titrer que l'ancien Persgroep a participé au rachat de RTL Belgium afin de constituer un "Belgian Tv Giant" noir-jaune-rouge, c'est-à-dire transcommunautaire. Sauf que, dans un petit pays même "réunifié", le poids de la "forteresse belge" vis-à-vis des géants du monde des plateformes en ligne restera toujours infime. Et encore plus difficile à protéger des attaques ennemies. Les rapprochements stratégiques entre les médias du groupe VTM et ceux de l'ex-RTL Belgique deviendront donc de plus en plus impératifs.

 Panique en cuisine

Tout cela sous le regard de TF1 et de M6 qui tireront une partie des ficelles de ce petit théâtre belgo-belge auquel ils ont vendu, pour un temps limité, les licences d'exploitation de certains de leurs programmes. La durée de ces contrats terminée, à moins de les renouveler à prix d'or, les opérateurs français n'ont pas intérêt à accepter de les prolonger. Idem pour les accords de diffusion sur RTL Belgium de très nombreux programmes du groupe M6. Bien sûr, tout cela n'est pas pour demain, et ne surviendra pas avant que soit validée et réalisée la fusion TF1-M6. Mais, dans deux à trois ans, que pourront faire les petites chaînes belges sans Top Chef (3), Un diner presque parfait, Les reines du shopping, Panique en cuisine, Le meilleur pâtissier, Recherche maison ou appartement, Maison ou appart à vendre, Chasseur d'apparts… pour ne citer que les plus récents ou récurrents. Faire un petit tour sur RTL Play est plus qu'instructif pour relever la liste de toutes les productions que TVI, Club et Plug 'empruntent' à M6, mais aussi au groupe TF1. On n'ose imaginer le même RTL Play le jour où l'opérateur belge n'en aura plus les droits. Quant aux scores d'audience des émissions, il en prendra lui aussi un coup. Hormis Top Chef, ce sont plutôt les versions belges de formats aussi diffusés sur M6 qui occupent le Top 10 des audiences annuelles de TVI. Mais, en 2019 par exemple, des productions françaises trustaient presque tout le Top 10 de Plug…

Vases communicants

Alors, derrière tout cela, peut-être faut-il chercher ailleurs pour comprendre. Par exemple du côté de la régie IP, filiale à 99,99% de RTL Belgium, mais qui est la véritable vache à lait. Et dont on ne parle jamais. Non seulement elle pourrait constituer le véritable enjeu des opérations actuelles. Mais, à terme, elle pourrait contenter tout le monde. Déjà à l'heure actuelle, elle réalise le paradoxal exploit d'être à la fois la régie des chaînes de RTL Belgique et de TF1 Belgique, qui est leur concurrent direct. Ce que TVI et consorts perdent en spots pubs au profit de TF1 revient donc, au moins en partie, dans la bourse du groupe via IP. Pourquoi, demain, la régie ne deviendrait-elle pas aussi celle de M6 Belgique, si "la petite chaîne qui monte" parisienne en venait à décider de s'implanter aussi en Belgique? Ce serait finalement une bonne affaire, même si cela ne résoudrait pas la question de "comment remplir les grilles".

Ah, le principe des vases communicants, il n'y a que cela de vrai. Du moins tant que les tuyaux entre les vases ne se bouchent pas… 

Frédéric ANTOINE.

(1) Titre de l'article posté hier 22/06/2021.

(2) Oui, celle de la radio pirate éponyme qui sera ensuite un des piliers des médias publics hollandais avant de s'en retirer pour devenir un opérateur privé.

(3) Déjà actuellement diffusé sur RTL-TVI avec 5 jours de retard par rapport à M6…


22 juin 2021

RTL BELGIUM: EENDRACHT MAAKT MACHT? (1)

(1) L'Union fait la force

RTL Belgium tombera plus que probablement entre les mains d'une alliance Rossel-DPG, qui manifeste le grand retour de l'intérêt de ce groupe flamand pour la petite Belgique francophone. Avec, à terme, la possible constitution d'un groupe audiovisuel privé belgo-néerlandais où la Wallonie risque de se retrouver portion congrue. Et en lice avec M6, qui pourrait en pomper une bonne partie de l'audience…

Depuis que, en décembre dernier, le RTL Group avait racheté les parts des médias belges dans RTL Belgium, Rossel s'était dite intéressée par y reprendre une participation. Lorsque la succursale du géant allemand Bertelsmann a ensuite décidé de mettre RTL Belgium en vente, on imaginait bien que le groupe de la rue Royale serait sur les rangs pour un rachat. Mais, vu la taille de la bête, on se demandait avec qui. Le Tijd de ce 22 juin, repris par toute la presse, confirme que l'entreprise de la famille Hurbain figure bien dans le dernier carré des repreneurs potentiels. Mais en association avec DPG Media. Ce qui change un peu le regard plutôt optimiste qu'on pouvait avoir sur l'idée d'un contrôle de l'opérateur audiovisuel privé par un groupe de presse francophone belge.

Forteresse belgo-hollandaise

La Belgique s'inscrit bien là dans la tendance européenne de repli nationaliste des groupes médias traditionnels, initiée en Allemagne par le le RTL Group, sûr qu'édifier des forteresses par Etat est le bon moyen de lutter contre l'invasion des plateformes internationales en ligne. La Belgique de demain comptera donc sans doute un opérateur audiovisuel privé national fort et, chose nouvelle, transcommunautaire. De plus, comme on dit que DPG a aussi des visées sur RTL Nederland, ce serait in fine une forteresse audiovisuelle belgo-néerlandaise qui pourrait voir le jour. 

Une forteresse dans laquelle DPG aura un poids déterminant. A l'heure actuelle, l'ancien Pergroep possède déjà l'ex-Medialaan, qui édite les principales chaînes tv flamandes privées (VTM et cie), ainsi que les deux forts réseaux de radios privées du nord du pays (t un réseau au Pays-Bas). Se nourrir des possessions hollandaises du RTL Group s'inscrit dans la logique de DPG de contrôle total du marché des médias Outre-Moerdijk, lui qui est déjà le premier éditeur de presse dans ce pays. 

Francophonie, le maillon faible

Mais pourquoi y rajouter un maillon francophone, alors que le Persgroep avait quasiment rompu tout lien avec la Francophonie ces dernières années pour se focaliser sur le marché néerlandophone? Par le passé, il cocontrôlait avec Rossel Mediafin, qui éditait à la fois le Tijd et L'Echo. Il s'en est retiré en mars 2018 au profit de Roularta. A la même époque, après avoir racheté tous les magazines mis en vente par Sanoma Belgique, il s'est défait de la quasi-totalité de ceux-ci, et donc de tous ses titres francophones, au profit du même Roularta. En langue française, via Media Home Deco, DPG me possède plus que deux trois titres comme Gaël Maison ou Je vais construire dont les versions francophones sont plus que largement inspirées des éditions néerlandophones. 

Toutefois, DPG a conservé une pièce maîtresse en francophonie: le site 7sur7.be, seul véritable pure player d'information quotidienne dans le sud du pays. Et ce alors que son alter ego flamand, hln.be, n'est autre que la version en ligne de Het Laatste Nieuws, premier titre de Flandre en diffusion payante. Même si les contenus de 7sur7 diffèrent de ceux de hln, on ne peut imaginer que c'est cette seule attache qui ait incité PDG à "venir en aide" à Rossel pour déposer une offre de reprise de RTL Belgium. 

Les rênes à la Flandre?

Dans l'attelage final que DPG entend bâtir, Rossel risque de se sentir un peu seul. Le groupe bruxellois sera assurément le garant de l'identité francophone des chaînes de RTL Belgium, dont il était déjà un sleeping partner tant en tv (dans le cadre d'Audiopresse) qu'en radio (via Radio H) (2). Rossel investira sans doute dans la composante "info" de la nouvelle structure, et peut-être sera-t-il tenté de bâtir des alliances entre ses médias écrits et en ligne et l'audiovisuel. Mais quel sera le poids de ce groupe de presse  sur tout le reste de la structure, face à DPG Media qui est, lui, déjà installé dans le secteur?

En termes d'économies d'échelles, la constitution d'un pôle audiovisuel privé belgo-hollandais est très tentante sur le plan des économies d'échelles. Notamment du côté des déclinaisons de productions ou du partage de droits. On reviendra donc peut-être à l'époque des années 1990 où RTL-TVI et VTM réalisaient des émissions ensemble, organisaient de concert la diffusion de Miss Belgique ou s'associaient pour le Télévie et Leefdeslijn (l'autre n'étant que la traduction de l'un). RTL a aussi Marié au premier regard et VTM Blind getrouwd. Des mariages sont donc possibles. Au-delà de cela, DPG pourra aussi proposer à RTL des versions francophones de ses shows flamands ou néerlandais. Mais la sauce hollandaise séduira-t-elle le public de RTL-TVI? Pas sûr. D'autant que celui-ci est plutôt accro aux programmes de RTL Belgium tels qu'il les a toujours connus.

Est pris qui croyait prendre?

Alors, on ne peut penser qu'à une chose: cette union belgo-belge pourrait bien surtout profiter à… M6. On se souvient qu'aucun candidat au rachat de l'opérateur français n'avait voulu y associer celui de RTL Belgium. Et pour cause! Pour le prix de M6 seul, TF1 pourra aussi s'offrir sous peu une bonne partie du public de RTL Belgium qu'il ne contrôlait pas encore via son décrochage belge. Jusqu'à présent, une sorte de gentleman agreement entre M6 et RTL Belgium, toutes deux membres du même groupe, permettait d'éviter que M6 ne soit diffusée en Belgique. Car cela aurait mis RTL-TVI et ses petites sœurs dans de beaux draps, puisque bon nombre de programmes porteurs de M6 sont proposés sur les chaînes de RTL Belgium. Demain, libérée de tout lien familial, rien n'empêchera plus M6 de diffuser en Belgique via le câble et Pickx-Proximus, avec des décrochages publicitaires comme le fait TF1. En proposant aux Belges tous les programmes qu'ils adoraient sur RTL-TVI et consorts, et que M6 ne leur vendra évidemment plus.

Inutile de deviner où ira alors l'audience. Et d'imaginer le risque de disette de spectateurs (et de recettes) pour les chaînes de l'ex-RTL Belgium. Avec, de plus, une partie du gâteau publicitaire, déjà rabougri, grinoté par les souris de M6. Dans ces circonstances, que restera-t-il à RTL-TVI? L'info, bien sûr, mais qui coûte cher à produire sur un petit marché sauf si on en mutualise les coûts avec les médias actuels de Rossel. Et, à part cela, tout ce qui est déjà produit par VTM et ses chaînes complémentaires…

Enfin, on peut se demander comment tous ces montages pourront prendre en compte l'inévitable virage numérique que RTL Belgium avait déjà eu tant de mal à amorcer. Rossel et DPG seront-ils d'une aide à ce propos? Au nom de cette logique des forteresses, pousseront-ils, par exemple, à faire entrer l'ex-RTL dans Auvio? Ou choisiront-ils la concurrence acharnée, au risque de laisser des morts et des blessés sur le champ de bataille?

Le rachat belgo-belge de RTL Belgium était sans doute la dernière solution, toutes les autres portes s'étant refermées. Mais ne risque-t-il pas de faire entrer un nouveau loup dans la petite bergerie du marché francophone belge? En cas d'avis de tempête, le vaisseau de l'avenue Georgin risque de bien devoir s'accrocher. En se rappelant peut-être que Jacques Georgin, militant FDF, avait été tué à Laeken le 12 septembre 1970 par des militants du VMO, le Vlaamse Militanten Orde…

Frédéric ANTOINE.

(2) N'oublions pas que Bel RTL fut créée sur les cendres de FM Le Soir et des radios que le groupe Rossel avait lancées dans les années 1980. On ne peut donc dire que l'histoire ne repasse jamais les plats…

 

25 mars 2021

RTL GROUP SE REPLIE SUR SON PRÉ CARRÉ. LE STAND-ALONE BELGE SE PRÉCISE

Il est désormais à peu près sûr que RTL Belgique ne sera pas vendu dans les valises du groupe M6. La petite société belge devra séduire seule son nouvel acquéreur. Et ce alors que le groupe RTL choisit d'opérer un "repli stratégique" sur l'Allemagne.



Le message supposé rassurant envoyé hier mardi à son personnel par le CEO de RTL Belgique, affirmant que les informations circulant sur l'avenir de l'entreprise n'étaient que des spéculations, n'a évidemment convaincu personne. Il semble bien acquis que Bertelsmann entend à l'avenir limiter le RTL Group à son pré carré, c'est-à-dire à l'Allemagne. Une déclaration du CEO du groupe, citée dans L'Echo (1), est à ce propos plus que indicative : "Nous voulons être un consolidateur en Allemagne". Et elle rejoint à demi-mots ce que le patron de RTL Belgique écrivait lui-même hier, reconnaissant que le dossier de L'Écho "confirme néanmoins le thème développé depuis plusieurs mois par le CEO de RTL Group, Thomas Rabe, à savoir « Face à l’évolution de l’industrie audiovisuelle dans le monde, le groupe RTL, dans les différents marchés dans lesquels il est présent, investiguera les possibilités de consolidation de ses activités, qui peuvent se présenter sous différentes formes.»"

NATIONAL PLUTÔT QU'EUROPÉEN

Jusqu'à présent, le RTL group avait toujours misé sur une stratégie de développement international de ses activités, celle-ci reposant essentiellement sur un pôle "diffusion de programmes" caractérisé par une implantation nationale forte (2). C'est par la création de filiales nationales, souvent leaders sur leur marché, que le groupe est devenu incontournable à l'échelon européen. Les derniers choix de son management marquent un revirement à 180° de ce type de développement. L'heure semble désormais être au "repli stratégique" sur le territoire allemand, afin d'y bâtir un empire tellement fort qu'il soit capable de rivaliser, à l'échelon d'un pays, avec les opérateurs mondiaux et les plateformes multinationales. Avec une idée claire: être si fort chez soi qu'on parvienne ainsi à bouter hors du territoire ces acteurs internationaux qui s'y sont implantés au détriment des locaux. Jouer à la Jeanne d'Arc de l'audiovisuel. Un peu comme si, du côté des pays, on décidait tout à coup d'abandonner l'option de l'Union européenne pour en revenir au États-nations et au nationalisme individuel.

Qui plus est, l'option nationaliste de Bertelsmann paraît devenir contagieuse, et inspirer d'autres marchés. Elle pourrait expliquer, par exemple, ce qui est en train de se passer en France autour de la vente de M6, dont le magazine Capital, citant Le Canard Enchaîné et La Lettre A, annonce qu'elle est entrée dans sa dernière phase (3). Et que le candidat le plus sérieux à la reprise des 49% du RTL Group dans M6 ne serait autre que… TF1! Comme l'explique le magazine économique, cette supériorité du groupe Bouygues est logique: puisqu'il est le principal concurrent de M6, il dispose des meilleures armes pour l'absorber au moindre coût.

MASTODONTES NATIONAUX

Cet éventuel rachat pose évidemment un "tout petit" problème de respect des règles de concurrence. Dans une Europe où l'on fait tout pour éviter que ne croisse encore la concentration (notamment dans les médias), voir un groupe exercer un quasi-monopole sur un marché national a de quoi quelque peu faire hausser les sourcils. S'il se réalise, le scénario évoqué en Allemagne, où Bertelsmann pourrait racheter son concurrent ProSiebenSat1, serait tout aussi anti-concurrentiel. Il va aussi sans dire que la constitution de tels conglomérats géants ne seraient pas non plus vue d'un bon œil par des consommateurs de médias de plus en plus méfiants, et déjà prêts à l'heure actuelle à n'accorder plus aucune confiance aux opérateurs classiques. Qui pourra s'étonner qu'un jour seuls les réseaux sociaux soient considérés comme dignes de confiance, si on en vient à un schéma "mastodonte privé unique vs service public"? Bien sûr, on n'en est pas là. Mais, s'il se réalise, l'éventuel avalage de M6 par son concurrent n°1 serait catastrophique à ce propos. Il conduirait aussi forcément à terme à une réduction drastique de l'offre. Et ce même au cas où, comme le prétend TF1, les deux entreprises resteraient statutairement distinctes.

SEUL SUR L'ÉTAL


Et le petit RTL Belgique, dans tout cela? L'annonce de la clôture de la procédure de vente de M6 confirme bien qu'aucun acheteur français n'a voulu intégrer la filiale belge dans son offre. Il n'y aura donc pas de vente groupée. RTL Belgique est laissé seul sur l'étal de l'hôtel des ventes. Même si le RTL Group espère en retirer un bon prix, il y a de fortes chances pour que le petit rejeton belge soit finalement vendu à vil prix, afin que le géant allemand s'en défasse rapidement et puisse mettre en place sa stratégie de repli national. Bien sûr, RTL Belgique est à l'heure actuelle un acteur incontournable des médias en Belgique. Les audiences de plusieurs de ses émissions font rêver la concurrence. Mais certaines s'effritent. Et, surtout, l'entreprise manque cruellement de souffle depuis qu'elle s'est défaite des membres de son management qui soutenaient un ancrage local fort. RTL se répète plutôt qu'innover. Elle en est toujours à considérer que c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes (dernier exemple en date: le retour de Place Royale sur RTL TVI après avoir d'abord été relancé sur Bel RTL). Comme déjà écrit ici, on ne peut non plus oublier les apports essentiels des programmes de M6 à ses succès d'audience. Enfin, à l'heure où LN24 commence à s'installer sur le marché, son bastion dans l'info pourrait bien, lui aussi, devenir de plus en plus fragile. Et, comme il constitue la clé de voûte de ce qui fait l'identité de l'entreprise dans le petit monde des médias de chez nous, remettre cette pièce clé en cause pourrait mener à l'effondrement de l'édifice.

Les Français n'ont pas fait un cadeau à RTL Belgique en forçant l'entreprise à se vendre en stand-alone, alors qu'elle ne vit pas ces derniers temps ses plus beaux jours et qu'elle n'est pas, à l'heure actuelle, dans ses plus beaux atours. La mariée pourrait clairement être plus belle. Et, si mariage il y a, il ne sera pas "Au premier regard". Ce sera une union de raison. Ou de désillusion. Pour le meilleur ? Ou pour le pire?

Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/rtl-mise-a-l-etalage-une-operation-inscrite-dans-les-astres/10293145.html
(2) RTL a également développé un pôle "production", en rachetant des sociétés réputées au plan mondial et en invitant ses filiales à s'y fournir en programmes, mais cet élément reste marginal par rapport à la stratégie d'implantation locale (càd nationale) de la société.
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/vente-de-m6-les-dessous-de-loffre-de-tf1-1397981

20 mars 2021

IPM PLACE SES JALONS A L'AVENIR

La nomination du nouveau rédacteur en chef du quotidien namurois peut laisser présager la manière dont son propriétaire imagine l'avenir du titre.

Le 15 mars dernier, les médias du groupe IPM ont annoncé la nomination d'un nouveau rédacteur en chef pour le quotidien L'Avenir, devenu officiellement propriété du groupe bruxellois au début de cette année. Le choix de la personne chargée de diriger une rédaction est forcément porteuse de sens. Ce dernier est en effet non seulement désigné pour animer la rédaction, mais aussi pour en orienter les choix éditoriaux, voire pour y mettre en œuvre ceux qui ont été définis par la direction du groupe.

En l'occurrence, le choix opéré par les instances d'IPM peut, peut-être, laisser entrevoir les intentions de la maison-mère à l'égard de sa filiale wallonne, ou à tout le moins pousse à se poser des questions à cet égard.

Du "sérail"

L'option retenue a été celle de doter L'Avenir d'un rédacteur en chef "du sérail". Pas du sérail du groupe L'Avenir, mais du groupe IPM. On n'a pas opté pour la désignation à la tête du journal d'une personne issue de sa propre rédaction, connaissant bien le produit avec ses qualités et ses faiblesses, et ayant vécu les difficiles années que le quotidien vient de connaître suite aux tiraillements entre les journalistes, leur ex-propriétaire et le directeur des rédactions qui, là aussi, avait été parachuté à Bouge.

Mais la personne n'a pas, non plus, été choisie hors du cénacle d'IPM. On aurait pu imaginer que, comme le fit Nethys, IPM se soit tourné vers l'extérieur pour trouver la personne providentielle chargée de booster le quotidien wallon et de l'envoyer sur orbite. Les personnalités brillantes, qui ont déjà piloté des rédactions ou connaissent bien les spécificités de la presse régionale, ne manquent ni en Belgique ni en France, par exemple. 

IPM a donc décidé de choisir en interne un de ses hommes. Nous aurions eu envie d'écrire "un de ses pions", mais la qualification péjorative du terme, que Larousse définit comme "Personne, élément qui ne joue qu'un rôle minime, qui est manipulé, dont on dispose arbitrairement", nous empêche évidemment de recourir à ce mot. Nous n'écrirons pas non plus "une de ses femmes" car ce groupe n'a pas coutume, dans ses activités de presse, d'attribuer à la gent féminine un grand nombre de responsabilités essentielles (1).

Un professionnel de terrain

IPM délègue donc à L'Avenir un de ses hommes. On ne peut y voir qu'une volonté de veiller à ce que L'Avenir s'inscrive bien dans les rails du groupe propriétaire, et ne cherche à jouer cavalier seul. Le passé a en effet montré que la rédaction du titre wallon ne manquait pas de velléités d'indépendance. Il s'agit ici qu'elle reste bien dans les rangs. Ce rôle est la moindre des fidélités que la direction d'une entreprise puisse attendre de la personne à qui elle offre une promotion au sein de son groupe.

Au sein d'IPM, deux choix s'offraient à l'actionnaire. Détacher à L'Avenir un gestionnaire ou un journaliste. C'est ici la seconde option qui a été retenue, et on peut s'en réjouir, car il s'agit bien de piloter une rédaction chargée de produire de l'information, et non d'abord de la gérer. 

Restait dès lors à déterminer d'où viendrait la perle rare. On aurait pu imaginer que l'heureux élu soit issu des rangs de La Libre. Non tant parce que les deux titres partagent le même passé d'appartenance au giron catholique, mais pour la vision qu'ils ont en commun de ce qu'est une information de qualité, originale et exigeante. Le slogan du titre namurois, que son propriétaire a maintenu dans les spots publicitaires diffusés pour l'instant (alors qu'il existe depuis 2015), n'affirme-t-il pas que "L'avenir est au contenu"? Evidemment, La Libre n'a (plus) aucune ambition d'être un quotidien à composante régionale. Cela ne plaidait donc pas en faveur d'une sélection de ce côté.

Le choix s'est donc fait du côté de La DH-Les Sports. Ce quotidien affiche neuf éditions régionales en ligne et sept éditions sur papier. Il s'agit donc d'un titre revendiquant un ancrage dans la presse régionale, ce qui n'est pas sans poser question en rapport avec le rachat de L'Avenir… mais aussi avec la nomination, à la tête de sa rédaction, d'un personne qui occupait le rôle d'adjoint du rédacteur en chef de La DH.

Orienter L'Avenir

Par cette sélection, IPM a-t-il choisi de mettre à la tête de L'Avenir une personne ayant fait une partie de sa carrière dans la presse régionale parce que c'était le moyen d'être le plus en phase avec l'identité de la rédaction du titre namurois? L'idée paraît évidente, même si le curriculum vitae de la personne concernée révèle qu'elle a principalement été active dans l'actualité judiciaire et le fait divers.

D'autres scenarii ne sont-ils envisageables? Le directoire d'IPM entend-il ainsi veiller à ce que L'Avenir pratique dorénavant une locale plus populaire (et donc proche de celles des techniques de La DH), ce qui pourrait permettre de rajeunir (et d'urbaniser) le lectorat d'un titre beaucoup trop confortablement enfoncé dans ses vieilles pantoufles? 

Dans un autre sens, IPM n'aurait-il pas un jour le projet de "dé-régionaliser" la DH, en confiant à L'Avenir seul le pôle local du groupe, mais en mixant dans ses contenus les caractéristiques populaires du titre bruxellois et la localité du journal namurois? Un bon rédacteur en chef serait bien utile dans cette perspective. Dans pareil scénario, on pourrait imaginer que la DH se voie recentrée sur l'info-géné et, surtout sur le sport, et non sur le local.


A l'inverse, le projet final se serait-il pas de bipolariser la couverture régionale du groupe, en distinguant d'une part une locale plus urbaine, plus associée aux faits divers et au judiciaire, qui serait aussi liée aux grands clubs de sports, et serait portée par la DH et, d'autre part, une locale plus semi-rurale, plus traditionnelle, qui resterait l'affaire de L'avenir? Mais faut-il recourir à une nomination interne provenant justement de La DH pour mettre en œuvre pareil projet?

A moins que, au lieu de tout cela, la logique et la rationalité économique, qui prévaut souvent chez IPM, n'amènent à terme à la disparition des deux titres, et à leur fusion dans un projet commun alimenté par les deux produits actuels. La possible disparition à ± moyen terme des éditions papier, qu'annonce de longue date le management d'IPM, pourrait y contribuer. Tout comme elle pourrait aussi, a contrario, aboutir à une disparition de La DH "papier", mais au maintien (au moins temporaire) de L'Avenir sur ce support, en raison du profil de son lectorat.

L'avenir de L'avenir n'est pas encore écrit. Mais, comme mentionné dès le début de ce texte, la délégation sur les hauteurs de la capitale wallonne d'un haut responsable de La DH ne peut empêcher de se poser des questions. Rien que des questions. Sans aucune autre intention.

Frédéric ANTOINE.

(1) sinon dans ses branches marketing et autres activités, où les femmes occupent d'importantes fonctions.

20 janvier 2021

PRESSE RÉGIONALE: IPM DÉCLARE LA GUERRE, ROSSEL RIPOSTE EN SORTANT LA GROSSE ARTILLERIE



ll n’aura pas fallu huit jours pour que les deux groupes de presse quotidienne encore en présence dans le sud du pays se déclarent plus ou moins la guerre avec, comme enjeu, la suprématie définitive sur l’ensemble du territoire wallon.

Dans une interview subtilement publiée par le journal L’Avenir ce 9 janvier, jour officiel du rachat du titre par une coopérative pilotée par le groupe IPM, l'administrateur-délégué du groupe bruxellois déclarait : « Notre ambition, c’est de faire de L’Avenir le leader en Wallonie, sur le marché papier et sur le web » (1). Une phrase qui, dans le titre de l’article, et assurément avec la bénédiction du racheteur, est devenue : « Notre objectif est de faire de L’Avenir le premier titre de Wallonie », ce qui est légèrement différent. Mais qui, dans chaque cas, désigne incontestablement l’ennemi à combattre: Sud-Presse.

Guerre de chiffres

Selon les données CIM actuellement disponibles, et qui se limitent à la mesure authentifiée en 2019, en cumul diffusion papier print payante + diffusion digitale payante, L’Avenir précédait déjà Sud Presse d’un peu plus de 1.900 ventes. En a-t-il été de même en 2020? Les groupes de presse le savent sans doute déjà, mais l’info n’est pas encore publiquement disponible. Partons donc sur l’idée qu’en diffusion payante, L’Avenir est déjà leader. Il n'y a pas là d'ambition à affirmer.

Oui mais voilà, en ce qui concerne le lectorat, l’AIR (Average Issue Readership) Print+Digital de Sud Presse en 2019 était de 611.738 personnes, alors que celui de L'Avenir n’était que de 495.579. En « total reach of total brand », le régional de Rossel était aussi largement au-dessus du nouveau fleuron du groupe IPM.

On sait qu’il ne s’agit-là que d’extrapolations réalisées sur base d’un sondage annuel et reposant sur des éléments déclaratifs, mais quand même: côté lecteurs, Sud-Presse l’emporte bien sur L’Avenir… Un partout donc? Pas tout à fait car, côté lectorat, les deux groupes ne jouent pas sur le même territoire. Sud-Presse comprend un titre bruxellois, La Capitale, alors que L’Avenir ne dispose pas d’édition bruxelloise. Enfin, pas vraiment. En ligne, le quotidien namurois affiche bien, dans son onglet Régions, un sous-onglet « Bruxelles », qui présente quelques informations. Mais, quand dresse l’inventaire des éditions que le quotidien affirme assurer, et qui correspond à sa présence réelle sur le terrain, on a beau chercher : parmi les dix recensées, Bruxelles n’existe pas. Mais il y a, par contre, une étrange édition Wallonie… qui ne figure pas sur la carte dressée par le journal pour illustrer ses zones de couverture.


source: https://www.lavenir.net/extra/services/qsn/presse

Carte blanche

Cette carte marque aussi les « manques » de couverture du territoire belge par le quotidien namurois. Outre le fait que la région bruxelloise n’y apparaît pas, le centre Hainaut y est coloré… en blanc, avec aux extrémités de cet espace sans couleur, des zones hachurées, certaines rattachées à la région de Tournai, l’autre à la Basse-Sambre.

En clair, ces marques signifient qu’il n’y a pas d’édition du journal en Borinage, de Mons à Charleroi, mais qu’une petite couverture (au-delà de Mons) est assurée par l’édition tournaisienne du titre, et que la région de Charleroi est, elle, « surveillée » par l’édition Basse-Sambre. Mais quel Montois se revendiquera jamais d'être du Tournaisis, et et quel Carolo de la Basse-Sambre?

Une situation presque identique se retrouve à l'autre bout de la carte. Là, étonnamment, pas de zone blanche, mais du hachuré sur la Belgique germanophone et une répartition affirmée de la couverture de la province de Liège entre l’édition Huy-Waremme et celle de Verviers, la partie ouest de la région liégeoise étant supposée être couverte par Huy, et l’est par Verviers. Mais, à nouveau, quel Liégeois se définira jamais comme hûtois ou waremmois, ou comme verviétois?

C'est en fait bien connu : il y a deux « trous » dans l’occupation du territoire wallon par L’Avenir : la région du centre et celle de Liège. Ce n’est pas que le journal n’a pas cherché à les conquérir. En 1987, il avait ainsi racheté l’exsangue journal catholique de Charleroi, Le Rappel. Mais, face au rouleau compresseur de La Nouvelle Gazette, l’édition n’a jamais décollé et on a rapidement arrêté les frais. Même scénario en janvier 2005 à Liège, sans rachat de titre cette fois, mais en cherchant d’imposer dans la Cité ardente… une édition locale du Jour de Verviers. Un an et demi plus tard, incapable de concurrencer l’impérial journal La Meuse, les patrons feront mettre clé sous le paillasson sans autre forme de procès (ou d'effort).

La bataille des Bassins

L’Avenir est donc bien absent des deux grands bassins industriels de Wallonie, où règnent en maître les régionaux du groupe Rossel, tous deux jadis rachetés à leurs propriétaires locaux, qui ne cachaient pas être (très) proches des milieux libéraux et réactionnaires de Liège et Charleroi…
L'Avenir n'a jusqu'à présent jamais réussi à être un quotidien d'agglomération. Il s'est toujours imposé dans les villes moyennes, plutôt bourgeoises, ainsi que dans les petites villes et les zones plus rurales. C'est-à-dire là où, jadis, la pratique religieuse était importante (alors qu'elle était morte dans les conurbations industrielles) et où le clergé exerçait un réel pouvoir (ce n'est pas pour rien que les curés étaient souvent les représentants de commerce du titre dans leur paroisse). Si cela n'est plus, ou presque, l'implantation, elle, na pas changé.

La « guerre » pour être le premier titre en Wallonie passera-t-elle par de nouvelles campagnes de conquête des deux sous-régions de la Wallonie industrielle historique? Si c’est le cas, cela demandera à IPM d’importants investissements et beaucoup d'efforts. Surtout que, du côté de Rossel, on semble déjà avoir prévu l’attaque. Pas plus tard que le samedi 16 janvier dernier, le groupe a en effet lancé, à Liège et Charleroi, des « éditions métropolitaines » qui ont comme but de renforcer la présence de Sud-Presse dans les deux agglomérations, en jouant davantage encore sur la proximité. Le rédacteur en chef de Sud Presse a été clair à ce propos, parlant d’une « une étape importante dans cette stratégie gagnante » et présentant ces nouvelles éditions comme « un média encore plus ancré dans la vie des Carolos, des Liégeoises et des Liégeois. Un média qui se pose clairement comme la référence indispensable et utile de la région » ainsi que « un média qui utilise les codes propres à une information métropolitaine dynamique, ambitieuse et moderne, tant sur le digital que sur le print » (2).

IPM n’a donc qu’à bien se tenir. Rossel a sorti ses Grosses Bertha et a tiré ses premières pièces. Assurément, la bataille risque d’être sanglante. Il faut juste espérer qu’elle ne fera pas trop de morts. A moins qu'elle se conclue vite par une "paix des Braves" où, sous forme d'un condominium, les deux groupes décident de se partager le territoire, pour régner seul, chacun sur ses forteresses. Vous avez dit "monopole" ou "duopole"? Non, juste une entente entre partenaires de bonne volonté, évidemment.


Frédéric ANTOINE.

(1) https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210108_01543744/video-francois-le-hodey-ipm-notre-objectif-est-de-faire-de-l-avenir-le-premier-titre-de-wallonie
(2) https://twitter.com/demetrioscag?lang=fr




11 janvier 2021

PAYSAGE MÉDIAS : ÇA S'ÉCLAIRCIT DU CÔTÉ DES PROPRIÉTAIRES…

Participations croisées, co-actionnariat, partages nord-sud… Le marché belge des médias s'est longtemps distingué par la complexité de ses structures de propriété. En quelques mois, ça pas mal changé. Dernier élément en date : Rossel, désormais seul patron du quotidien gratuit Metro.

Fin des histoires compliquées et de certaines des associations entre acteurs du Sud et du Nord du pays. Désormais on va y voir plus clair, et on saura qui est qui. Juste avant Noël, le groupe flamand Mediahuis annonçait ainsi avoir cédé ses 50% de Metro à son autre co-actionnaire historique, Rossel. Le groupe bruxellois devient ainsi le propriétaire unique du seul titre belge paraissant dans deux des langues nationales (mais avec des contenus plutôt différents). Le cas de 7sur7.be, édité par le groupe flamand PDG n'est donc plus unique : voilà un deuxième éditeur d'une des parties du pays à posséder seul un organe de presse quotidienne publié dans la langue de l'autre communauté.

Cet éclaircissement de propriété en suit d'autres. En mars dernier, l'actionnariat de Plus Magazine s'était lui aussi remodelé. Le groupe Bayard, qui avait fondé la formule en créant jadis Notre Temps, a alors cédé ses parts à Roularta. On pourrait y ajouter le rachat des éditions luxembourgeoises St-Paul par Mediahuis, survenu en avril 2020. Mais, dans ce cas, c'est plutôt la structure qui se complique, puisque l'éditeur flamand, qui avait tout fait pour se défaire de ses avoirs francophones (hormis participation dans l'audiovisuel) s'est là retrouvé propriétaire de médias, grand-ducaux certes, mais en partie au moins publiés en langue française…

On ne peut non plus exclure de cette énumération le rachat des éditions de L'Avenir par IPM, officialisé ces derniers jours. Finis les méli-mélo autour de Nethys et de son intercommunale faîtière. Il est maintenant clair que, comme en Flandre, il n'y a plus désormais que deux groupes de presse quotidienne généraliste en Belgique francophone. De quoi gérer le marché d'une belle manière oligopolistique.

Mais la plus grande opération de clarification de 2020 restera sans doute peut-être le rachat du solde de RTL Belgium par sa maison-mère, le RTL Group. Là aussi, les embrouillamini précédents, notamment autour de la nébuleuse Audiopresse, appartiendront bientôt au passé. 

Rares seront donc bientôt les médias belges dont l'actionnariat restera entre plusieurs mains, avec des intérêts partagés entre les acteurs. Les cas les plus patents subsistant sont liés au groupe Roularta, fondamentalement flamand mais bilingue dans les faits, avec Rossel pour Mediafin (L'écho, De Tijd)   et avec Bayard pour Belgomedia (Télépro). Mais pour combien de temps encore?

Frédéric ANTOINE

01 décembre 2020

RTL BELGIQUE 100% AUX MAINS DU GROUPE RTL. CE N'EST PAS UNE BONNE NOUVELLE


Un communiqué de presse du RTL Group envoyé de Luxembourg/Cologne et daté de ce 1er décembre annonce que la société est sur le point de devenir l'unique propriétaire de RTL Belgium, en rachetant l'ensemble des parts des autres actionnaires belges. C'est non seulement un tournant dans l'histoire de RTL en Belgique mais cela ouvre désormais la possibilité d'une soumission totale de RTL Belgique à sa maison-mère, voire à son absorption par d'autres sociétés du groupe RTL, comme M6.

« RTL Group a annoncé aujourd'hui qu'il avait convenu en principe avec ses coactionnaires des activités de télévision et radio belges du Groupe d'acquérir leurs parts dans RTL Belgium contre un paiement en numéraire et en actions propres de RTL Group. Cela portera la participation de RTL Group dans RTL Belgium à 100%. Actuellement, RTL Group est déjà l'actionnaire majoritaire de RTL Belgium. »

Le premier paragraphe du communiqué de presse du RTL Group est on ne peut plus explicite. Il signe essentiellement, mais pas uniquement, la fin de la collaboration entre la filiale belge du groupe luxembourgo-allemand avec la presse écrite belge. RTL Group va en effet racheter toutes les parts d'Audiopresse dans RTL Belgique, c'est-à-dire les 36% du capital de l'entreprise que se partageaient les éditeurs Rossel, IPM et Mediahuis. Mais le géant des médias allemand libère aussi, au moins en partie les chaînes de radio de RTL Belgique de toute dépendance. Il n'est toutefois pas clair de savoir s'il met fin au montage qui, via la société Radio H, mettait aussi autour de la table le groupe Rossel et Lemaire Electronics, la société de Francis Lemaire, fondateur historique de Radio Contact avec Pierre Houtmans.

Structures de propriété simplifiée des médias RTL Belgique : Hier

On se souviendra que, à l'origine, la création d'Audiopresse avait été imposée par les autorités de la Communauté Française afin de permettre aux éditeurs de presse de Belgique francophone de récupérer, via les dividendes gérés par la société, les pertes théoriques engendrées en recettes publicitaires par l'autorisation accordée à RTL d'exploiter un réseau de télévision privée sur son territoire. A l'heure actuelle, ce mécanisme permet toujours à deux éditeurs francophones, mais aussi à un éditeur flamand, de bénéficier de cette manne. Dans les premiers temps, cet apport des groupes de presse à la télévision privée s'était aussi concrétisé dans les contenus. La couverture de l'info régionale de RTL avait ainsi été confiée à la presse, et plusieurs journalistes des quotidiens belges s'étaient alors transformés en hommes de télévision. Des émissions de RTL étaient aussi patronnées par la presse. Au fil du temps, tout cela a disparu, au profit d'un partenariat essentiellement en numéraire.

Côté radio, l'implication de Rossel et de Francis Lemaire dans le capital de Radio H était lié aux apports historiques de ces deux groupes dans la création des stations qui seront pilotées par RTL. L'ancêtre de Bel RTL n'est autre que Rossel FM (ou FM Le Soir), radio créée par le groupe de presse à l'époque où les éditeurs de journaux estimaient, à la suite de Radio Vers L'Avenir, ne pouvoir être absents de la libéralisation des ondes. C'est sur base du réseau FM de Rossel et des autorisations dont il disposait que s'est créée la petite sœur belge de RTL Paris. Pour Cherchant à compléter la palette par une radio populaire, RTL avait réussi la même association avec les fondateurs de radio Contact, première grande radio privée de divertissement lancée au tournant des années '80 par des proches du parti libéral dans le but avoué de concurrencer le service public.  

Structures de propriété simplifiée des médias RTL Belgique : Demain

(si RTL prend le contrôle de l'ensemble du secteur radio)


PAS UNE VRAIE SURPRISE

Des velléités de mettre fin à ces structures d'intérêts imbriqués étaient dans l'air depuis un certain temps. En radio, cela fait plus d'un an que, devant la baisse de rentrées générées parles radios de RTL Belgique, Francis Lemaire cherchait à vendre. (Reste à voir si le groupe RTL rachète simplement les parts de RTL Belgique dans radio H, ou aussi celles des autres actionnaires. L'information n'est pas tout à fait clair à ce point de vue). En télévision, certains éditeurs ne cachaient pas que les recettes qu'ils pouvaient retirer de leur participation à RTL Belgique n'étaient pas à la hauteur de leurs espoirs. 

A vrai dire, les montages financiers autour de RTL Belgique et d'Audiopresse sont complexes. Comme le montre le schéma présenté en ligne par le CSA belge (1), ils comprennent en effet à la fois des sociétés en Belgique et au Luxembourg, sociétés qui n'ont pas été intégrées dans les schémas simplifiés présentés ci-dessus. En miroir des sociétés belges, il existe ainsi au Luxembourg une société RTL Belux, une autre dénommée RTL Belux SA & Cie, ainsi qu'un Audiopresse Lux.  La société Audiopresse Belgique est, par exemple, à la fois actionnaire de RTL Belgium et de Audiopresse Lux (2). Au cours de ces dernières années, Audiopresse Belgique a souvent réalisé un bénéfice autour des six millions €, mais celui-ci était en baisse depuis 2016 et particulièrement faible (un peu plus de 34000€) l'an dernier. Une investigation approfondie de la cause de cette situation n'a pas pu être réalisée dans le cadre de la rédaction de ce présent texte.

Même sans tenir compte de cet événement 2019, on peut constater que l'apport financier que les trois groupes de presse principaux (qui possèdent environ 30% du capital de la société)  retirent de cette participation n'est pas très élevé : moins de deux millions €/an, alors que, par exemple, le groupe IPM affiche, en 2019, une chiffre d'affaires de plus de 118 millions €…

La solution retenue (vente en cash plus possibilité d'acquérir des actions du RTL Group) permettra aux entreprises de presse de disposer immédiatement d'une somme appréciable, de continuer si elles le désirent à retirer un dividende d'une éventuelle participation au RTL Group ou, si elles le préfèrent, de remettre elles-mêmes ces actions sur le marché.

LES MAINS LIBRES

L'opération paraît particulièrement stratégique pour RTL qui, bien qu'étant opérateur des sociétés belges actives tant en radio qu'en télévision, était toutefois quelque peu dépendant du bon vouloir de ses coactionnaires. Le rachat total des parts permet au groupe allemand d'avoir les mains totalement libres et donc de ne devoir rendre de compte à personne à propos de la gestion de ses télévisions (et sans doute de ses radios) et, surtout, de leur avenir. En radio, les stations du groupe n'affichent plus la forme d'hier et, en télévision, l'actionnaire jusqu'ici principal (et demain unique) de RTL Belgique n'ont jamais caché que, en raison de la petite taille et de la faible richesse du marché belge francophone, la rentabilité de la société leur posait problème. D'où les opérations de restructuration, les licenciements et le lancement du plan Evolve destinés à faire accroître la rentabilité de l'entreprise et le bénéfice que peut en retirer le groupe Bertelsmann. Dans ce contexte, l'hypothèse d'une modification en profondeur de RTL Belgique via son rattachement au groupe français M6 a déjà été évoquée. Lors du plan Evolve, certains responsables au sein de RTL Belgique n'avaient pas caché que celui-ci constituait à leurs yeux la seule solution pour éviter la cession de l'entreprise à sa grande sœur française. 

M6 BELGIQUE

En Suisse romande, il n'existe pas de RTL Suisse, mais bien un M6 Suisse, qui relaie les programmes de M6 France en y intégrant des écrans publicitaires locaux. L'histoire et la ténacité des créateurs de RTL Belgique avaient à l'époque permis que l'opérateur européen s'installe dans la patrie de celui qui était alors son principal actionnaire (Albert Frère) sans dépendre d'un acteur étranger. L'internationalisation des marchés et la voraclté financière du méga-groupe Bertelsmann pourraient modifier cette donne. Outre sa présence en Suisse, qui remonte au début des années 2000, il y a quatre ans, le groupe M6 rachetait les radios de RTL France, créant ainsi sur l'hexagone un groupe radio+tv intégré. Il pourrait fort bien récupérer RTL Belgique, soit pour l'absorber dans une configuration complète de type M6 Suisse, ce qui serait dramatique pour le personnel, soit pour réaliser une version belge de M6 comprenant, outre les écrans publicitaires, l'un ou l'autre programme spécifique pour le sud de la Belgique, comme les JT et certains magazines. En effet, il semblerait difficile de ne pas tenir compte des succès d'audience de RTL Belgique (Jt, magazines d'informations, télé-réalités 'made in Belgium'). Déjà, de nombreux programmes à succès de M6 sont achetés par RTL Belgique pour être diffusés sur ses chaînes. Et le RTLplay belge n'est qu'un couper-coller du M6Play français. Il suffirait de prolonger ces premiers pas.

 Si l'hypothèse d'un rachat ou d'une absorption devenait réalité, les coûts de production des chaînes belges du groupe RTL seraient évidemment fortement revus à la baisse, les productions propres fondant très largement, et les droits de diffusion des produits de stock, comme les fictions, seraient par ailleurs simplement négociés à une échelle légèrement plus élevée qu'ils ne le sont aujourd'hui par M6 pour la France. Mais, bien évidemment, la solution minimaliste consistant en une complète quasi-disparition des chaînes belges de RTL au profit de la simple diffusion sur le territoire belge des stations du groupe M6 parsemés d'écrans publicitaires spécifiques serait, pour le groupe, une véritable poule aux œufs d'or. Reste à voir si le spectateur, lui, y retrouverait son compte et maintiendrait avec autant de fougue sa fidélité à cet opérateur que les autorités publiques estiment être un garant de la "pluralité" sur le marché belge…

RTL PARIS

Si l'opération télévision peut paraître tentante, voire inévitable, il ne faut pas perdre de vue qu'il pourrait aussi, au moins en partie, en être de même pour les radios de RTL Belgique si le rachat de RTL Belgique entraîne la disparition complète de la société Radio H. Les radios de RTL Belgique pourraient alors, elles aussi, au moins partiellement, se franciser. Et le pied est déjà mis à l'étrier. Plusieurs programmes porteurs de RTL France, à commencer par Les Grosses Têtes, sont purement et simplement relayés par Bel-RTL. Cet été, un pas supplémentaire a été franchi lors de la diffusion, en simultané sur les deux stations, d'un même jeu de mi journée, coanimé par un ressortissant français et une ressortissante belge. Il y a donc déjà de l'intégration dans l'air. Les contenus radiophoniques sont toutefois par essence plus locaux ou nationaux, et jouent sur la proximité directe avec leur audience. De simples relais des stations françaises du groupe M6 semblent donc, en l'état, moins probable. 

Enfin, tout ceci ne concernerait que les médias audiovisuels classiques, secteur où RTL Belgique excellait jusqu'à ces dernières années. La filiale belge du groupe luxembourgo-allemand n'a jamais aussi bien réussi dans les nouvelles technologies et les formes médiatiques plus digitales. Une reprise en main par le groupe-mère pourrait signifier la possibilité d'opérer des choix drastiques de ce côté.

MISE EN VENTE

Il y a enfin une autre piste possible : l'hypothèse de la mise en vente de RTL Belgique plutôt que sa cession interne à un des acteurs du groupe. Celle-ci serait tentante si l'entreprise était en bonne forme, porteuse de projets d'avenir, et se situait sur un marché à taux de rentabilité économique élevé. Tel ne semble pas être tout à fait le cas. Depuis plusieurs années, RTL Belgique s'essouffle, ne parvient plus à innover, et décline essentiellement de vieilles recettes, dont l'usure devient visible à terme. Le marché sur lequel l'entreprise évolue n'est pas très prometteur, et son audience, importante à l'échelon d'une partie de la Belgique, est faible à un niveau macro-économique. L'entreprise est fragile, et déjà en partie tétanisée par ses craintes sur son avenir. Elle pourrait être un oiseau pour le chat. Mais si c'est pour se défaire d'une RTL Belgique malade à bas prix, son principal actionnaire devait-il pour autant d'abord en racheter toutes les parts? 

Si tel était le cas, il y aurait lieu d'identifier d'éventuels repreneurs. Peu de chances que ceux-ci soient des multinationales ou de grands acteurs français. L'hypothèse Rossel a déjà été évoquée. Mais ce groupe, qui excelle dans la déclinaison de métiers qu'il maîtrise, peut-il d'un coup se mettre sur le dos le chameau que constituent trois chaînes tv et, peut-être, deux réseaux radio? Si là aussi la poule aux œufs d'or était au rendez-vous, la question pourrait être posée. Mais, en l'état actuel, la gallinacée semble un peu avare de sa production, et ses œufs sont loin d'être en or massif. Il y a donc lieu de se demander si le groupe de presse Rossel n'a pas d'autres moyens que celui-là pour accroître ses marchés et fortifier ses avoirs.

Frédéric ANTOINE.


 


(1) www.csa.be/groupe-media/groupe-rtl/

(2) rapport de gestion à l'AG des actionnaires d'Audiopresse Belgique.

14 octobre 2020

Mort de Poximag: de poule aux oeufs d'or à « poule de luxe »


« Proximag, c'est fini », annonçait L'avenir le 8 octobre dernier. La fin annoncée du réseau wallon de toutes-boîtes est aussi la confirmation de la fin d'un monde. Qui laisse à Rossel main libre sur ce marché.
 
Un communiqué de son propriétaire, Nethys, relayé par l'Agence Belga, a rendu publique la décision de mettre fin à l'édition du magazine toutes-boîtes édité par L'Avenir Advertising, composante du groupe L'Avenir qui n'avait pas été reprise par IPM lors du rachat de l'essentiel des activités de l'entreprise namuroise, en juillet dernier.  
 
Le choix d'IPM de ne pas se charger du fardeau Proximag (ainsi que de la régie publicitaire interne du groupe) signait déjà l'arrêt de mort de la publication: qui allait encore pouvoir être intéressé par un magazine gratuit qui, au lieu de gagner de l'argent, ne faisait qu'en perdre? 
 
Les bilans annuels de la société sont édifiants à cet égard: depuis 2009, L'Avenir Advertising (ou les sociétés antérieures concernant la même activité [1]) n'a été bénéficiaire qu'à deux reprises, au temps où il éditait le toutes-boîtes Passe-Partout. Depuis 2016, sous le régime Proximag, les pertes de l'entreprise n'ont cessé de croître année après année (2].
L'Avenir Advertising ne se préoccupe pas seulement de l'édition du toutes-boîtes, mais les bilans annuels de la société regorgent de rapports qui montrent du doigt le magazine toutes-boîtes comme étant la cause des mauvais résultats de la société. Dans les bilans, les commentaires des administrateurs affirment à chaque fois que leur copie sera revue l'année suivante et que l'équilibre sera alors atteint. Les chiffres, hélas, n'ont jamais confirmé ces affirmations optimistes.
 
Obsolète

 Comme l'a déclaré Nethys, sa décision s'explique par "la situation financière de l’entreprise et le fait qu’il ne semble plus exister de modèle économique pour la presse périodique gratuite 'toutes-boîtes'". Celui-ci reposait sur un financement par la publicité régionale et locale, mais aussi, dans une grande mesure, par la publication des petites annonces. Un business qui a été un des premiers à migrer du papier vers l'internet. Sur ce média virtuel, les concepteurs de sites d'annonces en tous genres qui, dans la plupart des cas, n'ont rien à voir avec le monde des médias classiques, n'ont cessé de faire fortune. La disparition de Proximag n'est donc qu'un épisode d'une chronique d'une mort annoncée. Un décès face auquel les éditeurs de presse ne sont pas totalement irréprochables. Si, in tempore non suspecto, ils avaient pris le train de l'internet pour la commercialisation de leur business de petites annonces, le fameux 'modèle économique' évoqué par Nethys aurait sans doute adopté une autre configuration. Mais voilà. Déjà qu'ils avaient loupé le modèle de la presse en ligne payante en misant naïvement sur une presse en ligne en accès gratuit, i ne pouvaient pas non plus imaginer que leurs chers toutes-boîtes auraient un jour une fin…

Labeur

En effet, aux heures de gloire de la presse papier, les toutes-boîtes n'étaient pas seulement un moyen de récolter une importante manne publicitaire. Ils permettaient aussi de réaliser cette opération à coût très bas, puisque, dans ce type de publication, le contenu rédactionnel, souvent consacré à de l'infra-locale, est fort réduit, et produit à peu de frais. Et puis, sinon surtout, les toutes-boîtes permettaient l'utilisation des imprimeries de presse en mode 'labeur', ce qui représentait une formidable opportunité de rentabilisation d'un outil lourd ordinairement sous-exploité, puisque ne travaillant autrement que la nuit, pour l'impression des quotidiens.

Avec des coûts de production faibles et des recettes commerciales à n'en plus finir, les toutes-boîtes étaient hyper-rentables. Seule leur diffusion dans chaque boîte aux lettres du Royaume représentait un investissement réellement important. Ce qui explique que ces périodiques ont, souvent, contribué à rééquilibrer les comptes d'entreprises de presse où les coûts de production des 'vrais' médias (les journaux) dépassaient parfois les rentrées provenant des ventes et de la publicité (le fameux 'marché biface' de la presse).

Fin d'une histoire

Depuis le début des années 2000, cet âge d'or a disparu. Les formats des pages se sont réduits, leur nombre a diminué, la diversité des éditions locales a été rabotée. Proximag avait même fait le choix de réduire sa périodicité de diffusion dans ses zones les moins rentables. Les toutes-boîtes ont fini par coûter fort cher. Comme une « poule de luxe »…
 
Ainsi disparaît ce média qui était déjà l'héritier d'un très vieux modèle de presse: celui de l'annonceur local. Le micro-titre conçu, à l'époque où il n'y avait que de l'écrit, par les imprimeurs du village, et comprenant des petites nouvelles en tout genre (donc aussi des annonces commerciales ou privées). Même si, longtemps, ces publications ont conservé leur titre original, bon nombre ont finalement été cédées. D'abord à des éditeurs régionaux, puis à des groupes plus importants. L'apparition des chaînes de toutes-boîtes signifiait déjà l'industrialisation de ce processus éditorial, qu'il ne devait plus rentable d'exploiter à la simple échelle d'une localité d'une petite région. Aujourd'hui, le village global aura fini par en avoir raison.

Enfin presque. En Belgique francophone, le Vlan du groupe Rossel (et sa cinquante de variantes d'intitulés) résiste, et reste désormais seul dans le créneau. Jouant à la fois sur des versions en ligne et papier et sur un accès premium, il occupera désormais tout le terrain. IPM a fait ainsi un beau cadeau à son concurrent, à qui il avait aussi jadis cédé son propre toutes-boîtes : Belgique N°1.

Frédéric ANTOINE.

[1]: Jusqu'en 2010, la société se dénomme Passe-Partout, du nom du toutes-boîtes éponyme des Editions de L'Avenir. Elle s'appellera ensuite Corelio Connect Sud avant de devenir L'Avenir Advertising. 

[2] Le cas de 2013, où l'entreprise subit une très forte perte de plus de 22.000.000€, doit être considéré comme atypique, car il constitue le moment de la séparation de Corelio Connect en deux branches et du rachat de la branche sud par Nethys.




10 juillet 2020

L'Avenir - IPM : Quand la grenouille devient le bœuf

L'absorption du quotidien L'Avenir par le groupe IPM modifie les équilibres de force sur le marché de la presse en Belgique francophone. Grâce à L'Avenir, la petite rainette devient ainsi plus forte que le bœuf…

Qu'une entreprise rachète plus fort qu'elle n'est pas fréquent. D'ordinaire, c'est le plus faible qui se fait absorber. Or, c'est pourtant ce qu'a réalisé IPM en acquérant l'éditeur du quotidien L'Avenir.

En 2019, L'Avenir était le titre le plus vendu du marché francophone, alors que ceux d'IPM en étaient les lanternes rouges en terme de diffusion payante (print ou digitale), selon les données CIM (1). Et voici que tout change. En ajoutant aux diffusions d'IPM celles de L'Avenir, le groupe gonfle, gonfle… au point de devenir plus imposant que son (seul et dernier) concurrent.

Merci, L'Avenir!

 

Copies

Subscriptions

Other paid

Total print paid

Digital paid

Total paid

Free

Total all

IPM

19655

33793

1411

54859

16998

71857

699

72556

L’Avenir

8394

55890

658

64942

9013

73955

1314

75269

IPM+Avenir

28049

89683

2069

119801

26011

145812

2013

147825


En 2019, en payante print, L'Avenir réalisait en moyenne/jour plus de 10.000 ventes de mieux que les deux titres d'IPM réunis. Il vendait plus de 50% d'exemplaires en moins au numéro que les deux titres d'IPM, mais possédait un parc d'abonnés 40% plus élevé que celui de La Libre et de la DH réunis.

Grâce à L'Avenir, IPM fait plus que doubler son volume de diffusion payante. En digital payant, le titre namurois est moins performant, malgré de gros efforts consentis ces dernières années. Ses ventes numériques ne font croître IPM que d'un bon tiers. Tous types de ventes confondus, L'Avenir fait mieux que l'entreprise qui le rachète (près de 74.000 exemplaires payants/jour contre moins de 72.000 à IPM). En 2019, L'Avenir représentait 51% des ventes de la nouvelle entité. Ce pourcentage reste à peu près identique si l'on y ajoute les distributions gratuites.

Pole position

On a souvent estimé que, si IPM estimait être "le" concurrent de Rossel sur le marché belge francophone, la vérité des chiffres laissait plutôt conclure que les deux compétiteurs ne jouaient pas nécessairement dans la même division.
En ce qui concerne le volume de diffusion, cette considération doit désormais être remise en cause.
En effet, pour la première fois de son histoire, grâce à l'apport de L'Avenir, IPM réussit à passer devant son concurrent.

 

Copies

Subscriptions

Other paid

Total print paid

Digital paid

Total paid

Free

Total all

IPM+Avenir

28049

89683

2069

119801

26011

145812

2013

147825

Rossel

32004

61985

6385

100374

36105

136479

2049

138528


En diffusion payante, l'arrivée de L'Avenir permet aux titres d'IPM de supplanter Rossel (Le Soir+Sud Presse). Sur ce marché des titres généralistes, en se basant sur les données 2019, IPM représente désormais 54,5% des ventes print payantes, et 51,5% des ventes, tous types confondus. Ce n'est que sur le marché du numérique payant que les titres de Rossel supplantent ceux d'IPM (58% du marché à Rossel, 42% à IPM).

Encore un petit effort

En ce qui concerne les parts de marché du gâteau publicitaire, par contre, le mariage (un peu forcé) de L'Avenir et d'IPM ne donne pas d'aussi beaux enfants. 

(%)

IPM

(+ Paris Match)

L’Avenir

IPM

+ L'Avenir

Rossel

(+ Ciné Télé Revue)

PDM Pub

7,2

26,4

33,6

49


Selon des données 2018 (2), la part du marché publicitaire "éditeurs de presse" en Belgique francophone occupée par IPM étant particulièrement faible (même en y ajoutant Paris Match Belgique), l'apport de L'Avenir l'aide grandement à se hisser dans le classement. En première place, Rossel reste toutefois indéboulonable. En tenant compte de son rachat de Ciné Télé Revue en 2019, le groupe de la rue Royale friserait les 50% du marché publicitaire presse en Belgique francophone, laissant le groupe IPM à plus de 15 points de distance.

L'union entre le Bia Bouquet et le "petit ket de Bruxelles" semble ouvrir de nouvelles perspectives de rapports de force. Mais les finances du ménage permettront-elles de faire face aux dépenses qu'exige cette nouvelle vie?


(1) Déclaration des éditeurs 2019.
(2) CIM Brand Report 2018 via Space (Mediabrands publishers landscape in South Belgium)

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