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Regard médias

Il y en a des choses à dire sur les médias en Belgique…

23 janvier 2022

"Face au Juge" (RTL-TVI): Pourquoi ça marche?


En janvier-février, les dimanches soirs en début de soirée, Face au Juge cartonne toujours sur RTL-TVI. Cela sera sans doute encore le cas cette année. Mais pourquoi donc cette émission-là dépasse-t-elle en audience toutes les autres? Quelle est sa recette? Et cela est-il prêt à durer?

 

526.645‏ téléspectateurs. Tel est le résultat d'audience (J+1) du premier Face au Juge de cette saison. Un résultat en dessous des scores réalisés l'an dernier, année Covid, mais aussi en 2019 (le programme avait alors débuté fin février). Le docu-réalité judiciaire de RTL-TVI a donc perdu des plumes à l'occasion de son premier numéro. Peut-être fera-t-il mieux par la suite (comme en 2019), mais ce résultat en baisse peut aussi être un indicateur de l'usure de la formule, ce qui serait assez normal vu le nombre d'années que ce programme existe.

 

EN TÊTE DE COURSE

Toutefois, même si son auditoire est en baisse, l'émission était toujours le 16 janvier dernier en tête des audiences, juste derrière le RTL Infos de 19h. L'an dernier, Face au Juge avait 4 fois occupé la première place des audiences journalières en Belgique francophone, et 2 fois la deuxième place. Un véritable record puisque, à part lors d'événements sportifs en direct, les Jt sont quasiment toujours en tête de ce type de classement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour Face au Juge, ce résultat n'est pas neuf, comme s'il était inhérent au programme. Est-ce une question de format, de casting ou de programmation?

EFFET DE GRILLE

Sans mettre en cause les qualités de la réalisation, on doit constater que ses bons résultats sont d'abord justifiés par son positionnement dans la grille de RTL-TVI. La plage de début de soirée qui suit le Jt de la chaîne privée capte toujours beaucoup d'audience, par effet d'entraînement d'après-Jt, et en raison de la longueur du JT qui empêche, en lecture linéaire, d'enchaîner 'normalement' sur un autre programme, par exemple le 19h30 de La Une, après les infos sur RTL. 

De plus, traditionnellement, le dimanche soir s'avère être un des moments de la semaine où la télévision réunit le plus grand nombre de téléspectateurs. Face au Juge bénéficie de cette circonstance, de sa place après le RTL Info 19h, mais aussi de la présence, après le magazine, d'un programme de soirée particulièrement porteur. Début 2021, c'est en primetime du dimanche que la chaîne a diffusé Mariés au premier regard (suivi en 2e volet, de Mon admirateur secret).

Le même phénomène a touché, en 2021, l'autre série de docu-réalité En route avec la police locale, elle aussi diffusée en début d'année le dimanche à la suite des infos. Elle a, à chaque fois, figuré dans le top des audiences de la chaîne (Jt exclus).

PROXIMITÉ MAXIMALE

Le concept de l'émission contribue évidemment aussi à son succès. Appliquant à la lettre le vieux slogan RTL C'est vous, l'émission repose sur un effet miroir porté presque à son paroxysme. On sait, depuis les travaux de la sociologue Dominique Mehl, qu'une des recettes appliquées par la télévision post-moderne est d'avoir abandonné "la fenêtre" pour "le miroir" (1). Face au Juge reproduit la formule à merveille, et  de manière plus complète que d'autres émissions qui paraissent encore mieux correspondre à ce créneau (2). Elle fait rentrer le téléspectateur-type de la station au cœur du programme comme s'il en était l'acteur. Les contrevenants suivis dans l'émission pourraient être chacun d'entre eux. Ils sont issus des zones géographiques où l'on peut estimer que la chaîne compte le plus de téléspectateurs. Et les affaires montrées, justice de paix, tribunal tribunal correctionnel ou de police, constituent les niveaux de justice que n'importe quel citoyen peut rencontrer. Et ce principe est peut-être encore davantage applicable à l'audience de RTL-TVI, qui ne présente pas tout à fait le même profil sociodémographique que celui de Arte ou de La Trois, par exemple. Violences familiales, conflits de voisinage et entre propriétaires et locataires, rébellion vis-des forces de l'ordre, infractions au code de la route passant devant la Cour… dans Face au Juge, on y est. "Ça pourrait être moi." "Mais alors, comment on fait?" Chaque contrevenant devient une sorte d'exemple pour le spectateur, c'est-à-dire une espèce de héros particulier. Mais chaque juge suivi n'est pas en reste. Le tout donne en quelque sorte à l'audience un mode d'emploi de la Justice, avec un côté bon enfant.

DES ACTEURS REMARQUABLES

Le dernier composant de la recette Face au Juge, mais le premier en ordre d'importance, sont en effet les juges qui gèrent les dossiers. Sans eux, pas de programme, parce que pas de spectacle Ils ne font qu'appliquer la loi? Pas vraiment. Comme ils sont là pour juger, ils apprécient chaque situation, chaque contexte, et nuancent leurs jugements en fonction de nombreux critères qui empêchent le couperet de la Justice de tomber d'un coup ou de trop assommer le justiciable. Ce sont les juges qui sont bon enfant, et en ce sens qui brisent les représentations stéréotypées qu'a le public d'un Palais de Justice terrifiant, ou de juges intraitables et inaccessibles. En guise d'opération de relations publiques pour le monde judiciaire, cette diffusion annuelle en plusieurs épisodes vaut plus, et a davantage d'impact, que n'importe quelle campagne de communication coûteuse, confiée à de subtiles offices privées.

Ces juges sont des acteurs. Pour la plupart, ils se sont bâti un personnage que la vedettisation télévisuelle n'a fait que renforcer, voire exacerber. Parfois jusqu'à la caricature. Le plus remarquable de ces acteurs est évidemment celui du Tribunal de Première instance de Bruxelles, qui est devenu un véritable personnage médiatique. La série va en tout cas devoir s'en séparer, puisqu'il a quitté ses fonctions fin janvier 2021…

REALITÉ-TELÉ?

Tout ceci porte évidemment à s'interroger sur le statut de l'émission. Est-ce du reality-show, du docu-réalité, du docu-drama (docu-fiction) ou… du journalisme? La présence ponctuelles de courtes interviews des juges pourrait tendre à cette dernière option, de même que l'étrange affirmation faite dans l'intro de chaque émission ("C'est toujours un plaisir de vous dévoiler les coulisses de la Justice)". Mais celles-ci ne sont-elles pas un peu des prétextes, le poids des images captées constituant, en définitive, l'essence de l'émission? Ici, c'est la réalité que l'on veut montrer. Une fois les personnages (tant juges que prévenus) bien choisis, il suffit de laisser tourner les caméras, puis d'agir au montage pour construire le récit en séquences alternées, avec une voix-off journalistique peu présente, qui se contente en général raccourcit les péripéties inutiles ou résume les situations. 

Comme toujours en télé, la réalité montrée est ici une certaine réalité. Et comme souvent dans ce type de programme, une réalité traitée avec peu de distance… même si on ne jurerait pas de la même manière des séquences de Strip-tease ou des films de feu Manu Bonmariage, par exemple.

Quoiqu'il en soit, Face au Juge est le fruit d'une bonne recette de télé populaire. Mais qui dépend de la qualité des acteurs, de leur permanence, et de la diversité des vécus montrés. Ce que le public commence peut-être à moins ressentir…

Frédéric ANTOINE.

(1) MEHL Dominique, La fenêtre et le miroir, Paris, Payot, 1992.

(2) On pense ici à Vu à la Télé, version belge du programme britannique Gogglebox, lui aussi diffusé le dimanche en début de soirée sur RTL-TVI, qui ne réussit pas à atteindre les audiences de Face au Juge alors qu'il est l'application pure de principe de la télé-miroir puisqu'il prétend montrer au téléspectateur ce qui se passe dans les foyers le soir lorsque la famille ou les couples sont devant le petit écran.




18 janvier 2022

Europe 1: autopsie d'un début d'agonie

Les auditeurs continuent à fuir la radio 'périphérique' française Europe 1. Sa reprise par Bolloré n'a rien amélioré. Que du contraire. À l'heure de la complémentarité des médias, la station est-elle vouée à disparaître, en se transformant en version audio de CNews ? La radio en ersatz de la télé, ça peut-il faire une bonne recette ?

Il est loin le temps où Europe 1 (ex-Europe n°1) caracolait en tête des audiences aux côtés de RTL et de France Inter Paris. Dans le dernier relevé de Médiamétrie (qui se base sur du déclaratif d'écoute "veille"), la radio dont l'émetteur historique se trouvait en Sarre se retrouve loin derrière les autres grands réseaux "généralistes", publics ou privés.

Il y a une vingtaine d'années, il en était tout autrement. Les parts d'audience d'Europe 1 et de France Inter, derrière RTL, étaient à peu près équivalentes. De nombreux commentaires ont dès lors considéré que la dégringolade prodigieuse d'Europe 1 était continue depuis dix ans. En fait, il n'en est rien.
Selon les données de Médiamétrie (période de comparaison novembre-décembre), Europe 1 a perdu ses premières parts d'audience (PDA) au tournant des années 2000. Mais, ensuite, la station (en bleu clair gras sur le graphique) s'est constamment située entre 7,5 et 9% de PDA. À peu de choses près, on pourrait parler d'une courbe d'audience plane. Jusqu'à fin 2015. À partir de 2016, la courbe plonge, connaît un léger rebond en 2019 et continue ensuite sa chute. Mais, en PDA, celle-ci est peu prononcée entre 2020 et 2021.
 
COLAPSADA
 
Si l'on tient compte de l'audience cumulée, c'est-à-dire de tous les auditeurs qui ont eu un contact avec la station, la forme de la courbe diffère quelque peu. La dégringolade depuis 2016 paraît alors encore plus manifeste en % d'audience cumulée, la perte d'auditeurs en fin 2020 et fin 2021 étant très marquée. Sa traduction en chiffres absolus d'auditoire est plus parlante encore.
Entre 2015 et 2021, la station créée par Maurice Siegel a perdu 2.551.189 auditeurs, soit plus de la moitié de ceux qu'elle possédait avant cette colapsada. Et aussi depuis le début de ce siècle, environ. Au sein de cet effondrement, la reprise en main par Bolloré depuis l'été 2021 ne constitue, en définitive, qu'une péripétie de plus dans un processus à l'œuvre depuis 2016. 
 
L'automne de cette année-là est celui du grand basculement de la programmation de la station, en dehors de sa matinale et de ses programmes de soirée. C'est alors que l'on introduit les récits de Christophe Hondelatte à 10h30 du matin, alors que ce type de programme était jusque là réservé à l'après-midi. C'est alors que Anne Roumanoff débarque à midi, moment où débutait précédemment la tranche d'infos de la mi-journée, et qu'apparaît dans cette tranche une émission intitulée "La famille Europe 1". 
C'est alors que Nikos Aliagas se voit attribuer tout le créneau de l' afternoon drive (et même le pré-afternoon) avec un talk de vedettes remplaçant à la fois une émission plutôt intimiste et féministe et le talk-show qu'animait Cyril Hanouna.  

Des bouleversements tellement à l'opposé des usages des auditeurs que toute cette grille sera revue en janvier 2017 (c'est-à-dire après la période de mesure d'audience analysée ici). Mais le mal était fait. Si les adaptations apportées permettront de stabiliser les pertes, elles ne donneront pas l'occasion de remonter la pente. 
 
C'est aussi à l'automne 2020 ques formats que revêtent la programmation ont, eux aussi, changé. Lorsque, par souci d'économie, la station va multiplier en daytime les émissions de deux heures, jusque là fort peu nombreuses. Difficile de tenir 120 minutes avec un même contenu, et de garder l'audience en haleine pendant un laps de temps si long. Ce n'est pas sans raison que les formats courants des radios de rendez-vous (hors plages musicales) sont d'ordinaire plutôt d'une heure, voire au maximum de 90 minutes (1).
 
 ÊTRE DANS SES CHARENTAISES
 
Le deuxième coup de grâce de l'audience lieu lors de la saison 2019-2020, année du covid qui a eu un impact sur la consommation de la radio sur le chemin du travail (morning drive et afternoon drive). Il ne peut pas directement s'expliquer par la survenance des modifications lourdes dans les contenus de programmation. Celles-ci auront plutôt lieu à l'automne 2021, sur le ton d'un rapprochement imposé avec CNews. 
 
 Précédemment, c'étaient plutôt des paris osés sur la grille et le recours à des 'animateurs'-vedettes, ainsi des questions d'économie qui avaient piloté les changements de programme. Ainsi que le départ de certaines vedettes aspirateurs d'audience comme Laurent Ruquier, remplacé un temps par Cyril Hanouna avant que cette tranche d'avant soirée ne soit totalement modifiée plusieurs fois.

L'auditoire d'une radio est caractérisé par sa fidélité. Sur une radio de contenus (aussi appelée "de rendez-vous"), l'auditeur, en linéaire, se branche pour écouter des programmes précis. L'audience cumulée est atteinte par l'addition de publics successifs qui se rendent tour à tour sur une station afin d'y suivre leur(s) émission(s) favorite(s). Contrairement à la radio de flux, l'auditeur des radios dites 'généralistes' est fidèle à une émission, à un animateur, et non à un format ou à un type de musique. Modifier l'offre de programme ne peut que le perturber. Les glissements de programmes d'une case à l'autre de la grille le dérangent tout autant. S'il ne sent plus dans ses Charentaises, il y a toujours des risques qu'il choisisse de retrouver ailleurs les contenus que la radio qu'il écoutait ne propose plus.
 
VASES COMMUNICANTS ? 
 
Nous ne disposons pas de toutes les données précises de Médiamétrie. En analysant seulement celles en notre possession, d'intéressantes observations peuvent être réalisées à partir des tableaux ci-dessus. En ne s'intéressant plus aux courbes d'Europe 1 seule, mais à leurs interrelations avec celles des autres radios. Sur la période 2007-2021, à l'instar de RTL qui est le meilleur exemple, certaines stations peuvent être considérées comme relativement stables, tant en PDA qu'en audience cumulée. Hormis Europe 1, un seul des grands réseaux pris en compte ici connaît sur cette période une perte d'audience, mais après en avoir gagné : NRJ (2). D'autres radios affichent une des courbes en hausse. Et, particulièrement, France Inter. En parts d'audience, la radio publique est assez stable jusqu'en 2014, puis croît de manière importante. La tendance est encore plus marquée en nombre d'auditeurs.
De 2007 à 2015, le total d'auditeurs d'Europe 1 et de France Inter est relativement proche. La radio publique supplante certes la station privée, mais de quelques centaines de milliers de personnes "seulement", pourrait-on dire. Après 2015, tout change: Europe 1 plonge, France Inter décolle. La perte de l'une paraît même, à première vue, être identique au gain de l'autre. Ce n'est pas tout à fait le cas : davantage d'auditeurs d'Europe 1 la quittent que France Inter n'en accueille de nouveaux. 

La comparaison de l'auditoire des deux stations par rapport à leur nombre d'auditeurs de 2015 confirme qu'Europe 1 perd, depuis lors, davantage d'auditeurs que la radio publique n'en gagne. Mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait s'être passé depuis cette année pivot un phénomène de vases communicants, une partie du public d'Europe 1 la délaissant au profit de France Inter. Et non de RTL. Sans doute existe-t-il des données plus précises que celles à notre disposition pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais celle-ci nous semble plausible. Plutôt urbain et proche des CSP+, l'auditeur d'Europe 1 recherche du contenu, et notamment de type 'enrichissement des connaissances'. France Inter et Europe 1 ont depuis de nombreuses années essayé de viser ce type d'audience, l'une plutôt par le haut, l'autre davantage dans une approche plus légère, allant à certains moments jusqu'à de l'infotainment (ce qui n'a pas nécessairement aidé la station).
 
Il est aussi clair qu'une partie de cet auditoire fuyant constitue aujourd'hui un des bataillons de l'audience des podcasts de Europe 1, qui sont parmi les plus écoutés de France et qui n'imposent plus à l'écouteur de se soumettre aux diktats horaires d'une grille de programmation. Mais nous n'avons pas les moyens de mesurer les flux entre l'un et l'autre.
 
LE FACTEUR "HÉRITAGE"
 
La radio publique a-t-elle siphonné le public d'Europe 1 au fur et à mesure de ses errements programmatiques, puis des appréhensions liées à la main mise du groupe Bolloré sur le média ? Si tel est le cas, le reste du public d'Europe 1 acceptera-t-il encore davantage de rapprochements entre sa radio et CNews, au risque que celle-ci ne devienne plus que "le son de la télévision"? 
On n'en est pas là. 
Ce sont ses journalistes et ses animateurs qui continuent à produire l'ADN de cette radio, et à essayer de maintenir la marque à flot. Europe 1 bénéficie d'un "facteur héritage" important. Si important sans doute que son auditoire est plutôt revêche aux changements, surtout s'ils sont motivés par des raisons économiques et financières. 
 
Force est toutefois de constater que la France pénètre (enfin?) dans le modèle des "groupes audiovisuels" tel qu'il fonctionne quasiment partout dans le monde, c'est-à-dire possédant à la fois des radios et des télévisions. Longtemps, en France, la propriété de ces deux types de médias a été distincte. Même l'audiovisuel public n'a pas, jusqu'à présent, uni ses branches radiophoniques et télévisuelles. Le rachat de RTL France par M6 a sonné le début de cette nouvelle ère. Les rapprochements entre Europe 1 et CNews en constituent une autre étape. Mais différente. Il existe une grande homologie entre M6 et RTL, que se soit sur la conception du rôle des médias, leurs projets, leurs contenus, leurs programmations et leurs publics. On peut aisément switcher de l'un à l'autre, comme le fait Julien Courbet tous les matins. 
Europe 1 est une radio généraliste et CNews une chaîne thématique d'infos. La configuration est différente. Et sans doute aussi les publics, particulièrement depuis que cette chaîne de news a pris un tournant plus politique. Autant le mariage un peu forcé entre RTL et M6 peut-il se terminer par la paix des ménages, autant celui d'Europe 1 et CNews risque de mener à une union contre nature. Mais quand on s'en apercevra, il sera sans doute trop tard : d'espèce en voie de disparition, les auditeurs d'Europe seront tout simplement passés aux abonnés absents. Et seront devenus d'habiles consommateurs de podcasts non-native. Pour toujours ?

Frédéric ANTOINE.

Traitement des données programmatiques:  à partir de la source http://radioscope.fr/grilles/europe1/europe12016.htm
 
(1) Tournant peu heureux abordé par Europe 1 pour certains de ses programmes dès sa funeste réforme de 2016 qui dérouta l'auditeur. 

(2) NRJ figure dans notre analyse parce qu'il est le premier réseau musical important.
 
Lire aussi (pour les abonnés) cet article auquel ont aussi contribué des amis et collègues du GRER, le Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Radio : https://www.challenges.fr/media/radio-le-virage-editorial-de-bollore-a-europe-1-nenraye-pas-la-chute-des-audiences_796648

 




06 janvier 2022

La RTBF pour tout le monde, c'est bientôt fini ?

La RTBF pourrait arrêter la diffusion hertzienne de ses chaînes tv à la fin de cette décennie. Devoir s'abonner pour pouvoir capter des contenus, est-ce compatible avec le statut d'un opérateur public ? Peut-on être obligé de payer pour recevoir un service que l'on finance en grande partie avec ses impôts ?

Selon un article paru ce 5 janvier dans la revue Broadband tv news (1), la RTBF entend "switch off its digital terrestrial broadcasts by the end of the decade", un projet qui est "part of a new strategic plan adopted by the RTBF Board of Directors". On savait déjà que, pour l'opérateur public, la fin de la radio analogique était programmée dans le courant de cette décade (reste à voir si le DAB+ finira un jour par vraiment séduire l'audience…). Mais, en tout cas à notre connaissance, il n'était pas encore établi que le service public comptait aussi éteindre tous ses émetteurs de TNT.


 NI RIVALITÉ, NI EXCLUSION
 


 Si tel est le cas, cela pose un sérieux problème par rapport à l'identité de ce qu'est un service public audiovisuel. Celui-ci est en effet supposé offrir à tout le monde un accès égalitaire, c'est-à-dire gratuit, à ses programmes. C'est ce qui caractérise le statut de "bien public" que la fameuse matrice de Paul Samuelson (2) définit comme non rival et non exclusif. La consommation de ce bien par une personne n'empêche pas d'autres de le consommer (contrairement aux biens privés), et tout le monde doit y avoir accès, sans barrière à l'entrée, c'est-à-dire sans devoir payer. 



 Même si la réception hertzienne de la télévision est très minoritaire dans notre pays, en coupant ses émetteurs, la RTBF annihilerait le statut d'égalité entre tous les citoyens.

L'article 3 de son statut (3) définit la mission de service public comme étant "assurée en priorité par une offre au public, notamment à l'ensemble des francophones de Belgique, de programmes de radio et de télévision, par voie hertzienne, par câble, par satellite ou tout autre moyen technique similaire qui permet d'assurer l'accès, à des conditions respectant le principe d'égalité entre les usagers, à tous les programmes généraux et spécifiques de l'entreprise correspondant à sa mission de service public". 


 Ce texte nomme explicitement la transmission hertzienne, tout en parlant aussi de câble et de satellite, mais pour autant que ces moyens permettent "d'assurer l'accès, à des conditions respectant le principe d'égalité entre les usagers".


 ZÉRO TICKET D'ENTRÉE


 Les ondes allant où bon leur semble, la diffusion hertzienne permet une réception partout, à tout moment, et directe. C'est-à-dire sans devoir pour cela s'acquitter d'un quelconque payement, qui fait passer le bien dans le domaine de l'exclusion. Sans réception hertzienne, l'accès aux contenus est conditionné au recours à un gatekeeper, de type privé, que celui-ci soit un opérateur du câble ou un fournisseur d'accès à l'internet. L'un et l'autre transforment le bien public en bien privé, puisqu'ils imposent à l'usager le paiement d'un abonnement pour avoir accès à l'ensemble des services qu'ils proposent. Puis, éventuellement, un second paiement, pour atteindre un service en particulier ou pour avoir accès à un contenu spécifique en particulier. 


 Or, on ne doit pas être obligé de payer pour recevoir un service que l'on finance en grande partie avec ses impôts.


 Faire dépendre la transmission des contenus d'un opérateur public d'acteurs privés ne correspond pas non plus à ce que l'on peut attendre d'un agent public. Que ce soit sur le plan de la logique politique et sociale, mais aussi sur celui de la sécurité. Le jour où une panne, un sabotage ou un acte révolutionnaire mettrait les câbles hors service, par quel biais s'exprimerait alors la télévision publique? Aucun.  


Il n'aurait plus de moyen d'entrer en contact avec ses usagers. 


 Si demain survient un accident nucléaire, un tsunami, un tremblement de terre ou toute autre catastrophe et que les Belges allument leur téléviseur afin de s'informer auprès de l'opérateur public, que verront-ils? Rien. Parce que câble sera muet. Et il en sera de même de l'internet. Inutile de se fier à son modem. Seuls subsisteront les messages hertziens, diffusés par des émetteurs qui sont conçus pour continuer leur mission en cas de panne du réseau électrique. Tout comme l'opérateur public, qui a le moyen de produire des contenus en toutes circonstances. Alors qu'aucune obligation de continuité de service n'est imposée aux entreprises privées de télécommunications, qui seraient bien en mal de l'assurer.


 UNE ANORMALITÉ

 
 La proportion de téléviseurs reliés à une antenne est faible ? Certes. Mais, par leur simple câble, certains téléviseurs actuels permettent déjà une réception directe de signaux télévisuels émis en numérique. Et pour tous les autres, il suffit de brancher un petit fil à la sortie coaxiale. Et hop, miracle, en passant en réception hertzienne, on captera une image.


 Certes, en cas de crise, on se repliera sans doute aussi sur la radio, à condition de disposer de récepteurs DAB+ (sinon, tant pis pour vous. Vous mourrez devant votre transistor FM dans les émanations toxiques, sans avoir pu savoir comment faire pour y échapper). Mais on aura besoin de la tv pour concrétiser les informations, pour l'illustrer, l'humaniser.


 Certes, la plupart des gens s'acquittent d'un abonnement pour leur smartphone, pour l'internet, la télé, le téléphone. C'est presque devenu "normal" de payer pour disposer de ces services. Mais, pour les médias publics, cela reste une simple possibilité parmi d'autres. Et non une normalité.


 L'ARGENT vs RAISON D'ÉTAT


 Alors oui, en Flandre,  depuis le 1er décembre 2018, on est déjà dans cette configuration incroyable (4). Et la VRT s'est payée le luxe de dire à ses téléspectateurs qu'il y avait "des alternatives" à la réception hertzienne pour continuer à voir ses programmes. Des alternatives, oui. Mais qui ne sont pas de même nature que le produit d'origine. Quant à la justification de cet abandon, elle était essentiellement financière (5) : en Flandre, il n'y aurait "que" 45.000 foyers qui utiliseraient la réception hertzienne. Ce qui reste à démontrer sur le terrain, car ces cas ne sont pas vraiment identifiables, tant ils peuvent être diversifiés. Et cela et n'augure en rien les situations futures.


 Bien sûr, posséder et gérer des émetteurs coûte cher. Si cher que, en Flandre, la VRT avait déjà en 2008 vendu son parc d'émetteurs à Norkring, avant de céder sa diffusion en DAB+ au hollandais Broadcast Partners. Il est évidemment tentant de justifier le futur switch off dans le sud du pays par les mêmes arguments que dans le nord. Se libérer de la charge des émetteurs permet d'investir dans le futur de la télé…


 Mais, au niveau des pouvoirs publics, peut-on accepter de laisser tomber cette composante essentielle de la mission de service public, pour de simples raisons économiques? La raison d'État, elle, imposerait de la maintenir. Par nature. Par principe. Et par précaution.


 Frédéric ANTOINE.
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(1) https://www.broadbandtvnews.com/2022/01/05/rtbf-wants-to-switch-off-fm-and-dvb-t/ 

(2) SAMUELSON P., “ The Pure Theory of Public Expenditure ”, in The Review of Economics and Statistics, Vol. 36, No. 4. (Nov., 1954), pp. 387-389.

(3) https://ds1.static.rtbf.be/article/pdf/2018-11-09-decret-portant-statut-de-la-rtbf-coordination-officieuse-de-justel-1548073211.pdf
(4) https://www.vrt.be/nl/aanbod/kijk-en-luister/radio-luisteren/dvbt/
(5) "We begrijpen bij de VRT dat een deel van de DVB-T kijkers op zoek moet naar een alternatief. Als openbare omroep moeten we keuzes maken en onze middelen als een goede huisvader beheren. Daarom kiezen we ervoor om te investeren in een toekomstgerichte technologie, zoals internet, waarmee we ons aanbod voor zo veel mogelijk mensen beschikbaar maken. De DVB-T kijkers zullen we op weg helpen naar het alternatief." (https://www.vrt.be/nl/over-de-vrt/nieuws/2018/10/31/vrt-stopt-op-1-december-met-haar-dvb-t-signaal/)


04 janvier 2022

Noël, Nouvel An: les audiences tv n'étaient pas de la fête


Bêtisier sur bêtisier : depuis quelques années, il n'y a que cela qui marche, les soirs de réveillon et les jours de fête, à la télé. 
Cette fois, cela n'a en général pas trop emballé le téléspectateur, qui devient plus rare est sans doute allé voir ailleurs. 
Mais ils sont nombreux, ceux qui sont toujours friands des rites de la programmation de fêtes.

 

Les chaînes font rarement des records d'audience les jours de fête de fin d'année. Cette fois-ci, les programmes qui ont rassemblé plus de 300.000 téléspectateurs n'étaient pas légion… et pas plus originaux que d'habitude. Comme tous les jours de l'année, ce sont les JT qui se sont offert la meilleure part de la bûche, et celle de RTL a, ainsi qu'à l'ordinaire, été plus appréciée que celle du service public. Et ce y compris lors du service du midi, le 31 décembre.

Mais il y a eu aussi quelques émissions de l'ex-émetteur luxembourgeois qui ont donné l'eau à la bouche aux téléspectateurs: les bêtisiers de Noël et du Nouvel An, bien sûr, et d'autres programmes du 31 décembre. Ce jour de la Saint-Sylvestre, l'audience n'a pas boudé son plaisir sur RTL TVI : outre les JT de midi et du soir, elle y fut aussi en nombre pour l'édition du 71 (on aime les quizz les veilles de fêtes), et pour le programme de pré-prime time Drôles de Belges. 

INFIDÈLES AU POSTE

Bon, des audiences de 300.000 personnes, c'est tout de même pas la gloire. Mais cette année on a un peu dû s'en contenter, car le spectateur n'a pas tellement été très fidèle au(x) poste(s). Ce n'était pas le cas par le passé. Si l'on considère les audiences > 500.000 spectateurs (et non 300.000) lors des soirées de réveillon et des jours de fête entre 2018 et aujourd'hui, on ne comptabilise que 3 programmes diffusés en 2021, contre 5 en 2018, aucun en 2019 et 7 en 2020. Cette année-là fut exceptionnelle puisque frappée par le covid. Les restrictions qui y étaient imposées s'apparentaient à un réel confinement. Et donc à une surconsommation de la mère nourricière "télévision".

En 2021 (barres rouges dans le graphique), seuls trois JT de RTL se placent dans ce classement des programmes ayant réuni plus d'un demi-million d'amateurs. L'an dernier (barres bleues dans le graphique), les bêtisiers de la chaîne privée avaient aussi bien nourri les repas des soirs de fête, ainsi qu'un JT de la RTBF. En 2018 (barres jaunes dans le graphique) aussi, les bêtisiers étaient de la fête, les JT étant moins nombreux à drainer les foules. Lors de la fin d'année 2019 (barres vertes dans le graphique s'il y en avait eu), aucun programme n'a atteint les 500.000 spectateurs lors des réveillons ou des jours de fête (1). Ce délaissement de la télé préparait-il inconsciemment à des moments de disette de réjouissances, alors que l'on commençait à appendre qu'un virus inconnu causait quelques morts en Chine?
 
QUE DE BÊTISES !
 
Que ce soit les veilles ou les jours de fête, de 2018 à 2021, les JT ouvrent toujours le bal des plus fortes audiences (pour les personnes intéressées, voir les graphiques I. ci-dessous). Ils sont suivis par les bêtisiers, qui fleurissent sur toutes les chaînes, sauf la veille de Noël (2). À la Noël, les bêtisiers sont toujours de la fête, sauf le 25/12/2018, où un film de De Funès se classait parmi les plus fortes audiences. La veille de l'An, les bêtisiers envahissent aussi les écrans. Le jour de l'An, ils sont encore au rendez-vous, mais des films humoristiques (Les Bronzés) figurent aussi parmi les programmes les plus regardés (2 films en rafale, le 01/01/2020).
 
Quelles sont les raisons du succès de ces programmes de "bêtises", de "manque d'intelligence, de jugement" (3), basés sur la contre-banalité, l'extra-ordinarité, que celles-ci se déroulent dans la vie quotidienne des humains ou des bêtes, ou dans le cadre de la production de contenus audiovisuels? Dans chaque cas, ces "sottises, idioties, imbécillités, stupidités"(4) portent à sourire, même si c'est (et c'est souvent le cas) du malheur ou de la mauvaise fortune d'autrui. La proximité avec l'univers du spectateur, le côté touchant, la part humoristique (on s'amure lors des réveillons et des soirs de fête) expliquent sans doute le succès de ces programmes. Le fait qu'ils soient composés de courtes séquences, semblables à celles que l'on trouve en ligne [d'où elles sont souvent pompées] joue aussi certainement un rôle dans leur attrait, car ils s'inscrivent dans les mécaniques de brièveté et de renouvellement permanent qui caractérisent les usages audiovisuels contemporains.

LA RECETTE DU BINÔME 

La programmation de prime time, elle, est plus diversifiée que ce que laissent supposer les audiences de masse (pour les personnes intéressées, voir les graphiques II. ci-dessous). La veille de Noël, les chaînes proposent souvent des films familiaux, et pas nécessairement des rediffusions de classiques du cinéma humoristique français. Ces productions recueillent toutefois souvent une audience faible, avoisinant les 150.000 spectateurs (5). 
 
Le même type de programmation se retrouve le soir de Noël, accompagné de quelques tentatives de diversification de l'offre, avec des "specials" issues de programmes ordinaires, comme un jeu de type télé-réalité, ou une émission culturelle. Ou des cas de non-prise en compte de la spécificité du jour, avec maintien de la programmation ordinaire, par exemple un épisode d'une série policière. Ces programmes-là aussi recueillent de faibles audiences (± 200.000 téléspectateurs, soit un peu plus que la veille).
 
La programmation se voudra un peu plus diversifiée le soir de la Saint-Sylvestre, où les bêtisiers côtoient des films familiaux, mais aussi des programmes de divertissement et des variétés, voire du théâtre (nous nous limitons ici au prime time et ne prenons pas en compte les deuxièmes rideaux de soirée). À nouveau, ces écarts par rapport à la sacro-sainte offre "bêtisiers ou films" n'attirent pas des hordes de spectateurs.
 
Le soir du jour de l'An est un peu comparable à celui de Noël. Là aussi, le duo "bêtisiers ou films" est complété par des programmes plus variés, allant des documentaires (nature ou animaliers) à des "specials" de jeux et de divertissements, voire à la simple poursuite de l'offre habituelle de la chaîne ce jour-là de la semaine.

UNE INFO PRESQUE NORMALE
 
Si les JT restent les programmes les plus regardés les soirs de veilles et les jours de fête, leurs succès sont au total plus relatifs cette année que par le passé (pour les personnes intéressées, voir les graphiques III. ci-dessous). Les émissions d'info drainaient un grand nombre de spectateurs ces soirs de fin d'année en 2020, à des moments forts de la pandémie. Cette année, celle-ci n'a pas disparu, mais l'intérêt de l'audience s'est émoussé. Les courbes des JT de RTL TVI et de la RTBF adoptent les mêmes tendances de 2018 à nos jours. Pour RTL, les audiences restent plus importantes qu'avant le covid. Pour la RTBF, la situation varie. La veille de Noël, comme RTL, son auditoire est en hausse sensible. Mais il retrouve son niveau d'avant covid les autres soirs. Le 31/12, le résultat de RTL TVI est à l'image de son access prime time et de son prime time. Le jeu précédant le JT booste l'audience de celui-ci, qui booste celle du programme qui suit, etc.

UN MINUIT PAS TRÈS CHRÉTIEN

Il est fini, sur les chaînes premium, le temps des cathédrales à l'heure de minuit. Désormais, si mes opérateurs en diffusent, les messes de minuit sont déléguées sur des chaînes secondaires, où ces programmes ne collent pas toujours avec le profil de l'audience cible de la chaîne. Et comme même le pape ne fête plus Noël à minuit, pourquoi encore se fendre de ce genre d'émission à une heure aussi tardive ? En tout cas, en audience, ce ne sont pas les messes de minuit qui jouent les grandes orgues (5). Les seuls programmes autour de minuit le 24/12 figurant dans le Top 20 du CIM sont soit des films de De Funès diffusés sur RTL TVI, soit des épisodes des aventures du ventriloque humoriste Jeff Panacloc proposés en 2020 et 2021 par TF1, à partir de 24h10…

Le 31 décembre, pas de messe au menu non plus. On communie avec autre chose lorsque s'annoncent les douze coups. Pendant trois ans, TF1 a réalisé en Belgique de très beaux scores d'écoute avec le programme de variétés précédant le passage à l'an neuf, proposé par son animateur vedette de télé-crochets. Cette année, l'émission a disparu au profit d'une soirée tout bêtisier (un premier de 220 minutes, suivi d'un second de 140 minutes). Le premier était donc toujours en cours lors du passage à 2022. Le "véritable" programme d'avant minuit, débutant vers 23h40, on le trouve sur RTL TVI depuis des années. Il est en général suivi par environ 100.000 spectateurs (un peu plus en 2020). Le programme de même type proposé par La Une ne figure pas dans le Top 20 du CIM. Cela signifie que, en 2021, il a rassemblé moins de 91.000 personnes (score réalisé sur RTL après minuit avec un film). Pas étonnant sans doute, puisque la RTBF ne faisait que rediffuser un divertissement basé sur ses animateurs qu'elle avait déjà diffusé… le 28 décembre 2020.
 
 
LA MUSIQUE QU'ON AIME
 
Côté musique, Le coup de baguette de La Une, c'est le très traditionnel concert du Nouvel An de Vienne, proposé en Eurovision à partir de midi chaque 1er janvier depuis… 1959. L'événement recueille toujours son petit succès. Ces dernières années, il a réuni entre 230.000 et 200.000 fidèles amateurs de valses, avec des résultats aussi élevés le 01/01/2019 que le 01/01/2021, en pleine pandémie. Le concert a encore attiré une audience appréciable cette année. La ritualité de ce spectacle participe sûrement à fidéliser son audience, de même que sa retransmission en direct, qui fait communier le spectateur à un moment unique (ou du moins le croit-il).
 
 
La transmission du concert impacte évidemment l'heure de diffusion du journal télévisé de La Une, qui est amené à prendre l'antenne vers 13h50, soit après la fin du JT de RTL TVI. Le jour de l'An, les deux journaux télévisés ne sont donc pas en concurrence sur le même créneau. Conséquence: celui de la chaîne privée est toujours Premier Violon quand la tv publique est au Musikverein. Ce numéro en solo permet parfois à RTL de compter beaucoup plus de spectateurs que Le 13H de La Une (notamment lors de la pandémie, le 01/01/2021). Cette année, l'écart était moins marqué. Du côté de la RTBF, le volume d'audience de ce JT décalé est remarquablement stable d'année en année. Il est bien sûr composé en grande partie des amateurs de J. Strauss. Mais, en nombre, sans rapport direct avec l'audience totale du concert eurovisé.

SEASON'S GREETINGS


De l'humour, de la légèreté, un brin d'émotion et beaucoup de bons sentiments. La recette de la programmation tv du temps de Noël paraît immuable à travers les décennies. Résultats d'audience aidant, les programmateurs n'ont cessé de renforcer dans leurs grilles la place réservée aux genres de programmes qui plaisent. Pour raisons budgétaires ou choix stratégiques de contre-programmation, certaines chaînes préfèrent jouer d'autres airs, ou de faire comme si de rien n'était. Cela plait aux fidèles de la station, ou à ceux qui sont fatigués de voir les mêmes films éternellement au programme, et de devoir ingérer à longueur de soirées de fêtes les mêmes petites catastrophes ou bourdes de chiens, de chats, d'ados débiles, de maris stupides et de présentateurs de JT trop sûrs d'eux, re-re-rediffusées pour la nième fois +1. 
Comme l'esprit de Noël, toujours pareil au même d'année en année, la tv alors n'innove pas, mais reproduit. Sûre d'avoir toujours "son public" avec elle. Le public de tous ceux qui sont seuls, ainsi que de ceux qui ont choisi de passer ce moment "tranquillement à deux", et pour qui la cérémonialité de la programmation de fin d'année participe de la réussite de leur(s) soirée(s).
Les rituels programmatiques de ces veilles et jours de fête permettent aussi de toucher la fameuse "cible familiale", dont personne ne sait vraiment ce qu'elle recouvre, mais dont on est au moins certain d'une chose : c'est qu'elle réunit autour de la petite lucarne adulte(s) et enfant(s).
La programmation de fin d'année, c'est la carte postale photoshopée que les chaînes adressent à leur audience. La promesse d'un univers télévisuel lisse, heureux, léger. Que les JT s'excusent presque de venir troubler de quelques mauvaises nouvelles, qu'ils s'empressent d'emballer d'images de fêtes, de feux d'artifices, de neige, de pâtisseries et de reportages paradisiaques à l'autre bout de la terre. 
L'irréel même dans le réel. Et dire que ça marche…

Frédéric ANTOINE
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(1) Le JT de RTL TVI du jour de l'An 2020 avait frôlé les 500.000 spectateurs.
(2) De 2018 à nos jours, seul RTL TVI en propose un ce soir-là, en 2018.
(3) Selon les dictionnaires Larousse et Le Robert
(4) https://dictionnaire.lerobert.com/definition/betise
(5) Il faut aussi pointer, en 2020, l'excellente audience hors normes du programme de magie proposé en pré-prime time sur RTL TVI. 
(6) Les messes de minuit ne figurent pas dans les Top 20 des audiences transmis par le CIM. Nous ne savons donc pas quel est leur volume d'audience, ni si celui-ci se maintient au fil des ans et des horaires de diffusion. Ou fond au même rythme que les fidèles des paroisses…
 
 
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GRAPHIQUES

I. LES PLUS FORTES AUDIENCES DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
source data : www.cim.be




II. LES AUDIENCES DE PRIME TIME DES VEILLES ET JOURS DE FÊTE
 




 

III. LES AUDIENCES DES JT DU SOIR, LES VEILLES ET JOURS DE FÊTE







 


31 décembre 2021

En 2021, la presse a sauvé la télé


2021 restera comme l'année du grand bouleversement des structures de propriété des médias de Belgique francophone. Avec cette incroyable particularité d'avoir vu des entreprises de presse se porter au secours de l'audiovisuel. Alors qu'on les croyait moribondes.

 Presque morte la presse écrite? Cela fait des années qu'on le dit. Mais pourtant, ce sont ces bons vieux éditeurs de journaux de grand-papa qui ont, en 202,  redonné un futur à des médias qui semblaient être leurs concurrents. 

Fin juin, Rossel (accompagné de DPG Media) annonçait avoir, avec 250 millions d'euros, raflé la mise pour le rachat de RTL Belgium, principal acteur de l'audiovisuel privé dans le sud du pays. Le plus grand groupe de presse devenait ainsi encore plus dominant sur le marché. 

Le 1er janvier 2021 prenait officiellement cours le rachat des Éditions de l'Avenir et de leur branche magazines par IPM, qui entrait ainsi dans la cour des grands. Mais l'éditeur de La Libre et de La DH n'avait pas dit ainsi son dernier mot. Ce 22 décembre, il devenait aussi officiellement l'actionnaire de référence et « l'opérateur industriel » de LN24, la fragile chaîne de tv all-news dont tout le monde avait prédit le crash dès la naissance, à l'automne 2018.

 DANS DES VIEILLES MARMITES

Les vieux médias en ont de la sorte sauvé de plus jeunes, en les faisant entrer dans des structures entrepreneuriales historiques reposant sur la production d'informations. LN24 trouve ainsi une place dans un groupe, ce qui lui manquait grandement. L'acquisition de l'Avenir par IPM pouvait se lire dans la même perspective : précédemment, au sein de la nébuleuse Nethys, le secteur « presse » était un électron libre, une danseuse acquise pour des raisons politiques par un conglomérat public. Celui-ci avait bien promis des rapprochements entre ses pôles télécommunications et presse, mais il ne les réalisera jamais, tant ces deux mondes sont étrangers l'un à l'autre. 

Le débarquement des tv et des radios de RTL dans la très journalistique entreprise Rossel ne se justifie pas trop par la même raison. RTL Belgium était déjà une entreprise intégrée, qui n'avait pas besoin d'un chaperon lui permettant de gérer sa vie. Rossel, par contre, rêvait de longue date de s'offrir une branche télévision. Pour choisir les meilleures séries et les télé-réalités les plus dignes des lecteurs du Soir et de Sud Info ? Pas vraiment. L'animation radio, le divertissement tv et la presse, ce n'est pas tout à fait la même boutique. Rossel en avait déjà fait l'amère expérience. Alors que, du côté de DPG Media, tv et radio commerciales, on connaissait cela plutôt pas mal.

Par ailleurs, comme on l'a écrit dès l'annonce de cette absorption, RTL Belgium représentait surtout pour ses acquéreurs un acteur important du secteur publicitaire, surtout via sa filiale IP. En faire tomber les recettes dans la poche de Rossel (et aussi, sinon surtout, de DPG Media), était du plus grand intérêt.

L'ANNÉE DE IPM 

 

Quoi qu'il en soit, la plus grande surprise de ces derniers mois aura été la rapide montée en puissance de IPM, longtemps considéré avec une certaine condescendance comme le Petit Poucet des entreprises médiatiques belges. Et dont les développements récents dans divers secteurs extramédiatiques (voyages, paris en ligne, assurances…) n'avaient pas rassuré sur les réelles intentions de se positionner comme un bastion du monde de la presse et du secteur de l'info.

Il semble toutefois que, pour IPM, ces investissements parfois sujets à questionnements étaient moins des fins en soi que considérés des leviers stratégiques (ainsi que le prouve notamment le léger désinvestissement opéré en 2020 par l'entreprise dans la société Sagevas). Ils devaient, peut-on aujourd'hui penser, lui permettre de trouver le moyen d'augmenter les ressources grâce auxquelles elle pourrait se développer dans le secteur des médias.

 
C'est grâce à cela que IPM a eu la possibilité de candidater auprès de Nethys pour la reprise de l'Avenir en 2019. Pour la première fois depuis des années, le revenu net du groupe IPM pour l'année 2018 avait été bénéficiaire (+ 1.636.206 US$), et il en sera de même en 2019 (+ 4.139.728 US$). Maja, holding faîtier du groupe (luxembourgeois) SA d'Informations et de Productions Multimedia, était alors lui aussi dans le vert. Rien ne s'opposait donc à faire grossir IPM dans la presse régionale et magazine. 
2020 sera, comme en s'en doute, moins profitable pour le groupe… mais pas catastrophique. Cette année se soldera chez IPM Group par un bénéfice net de 2.439.146 US$, soit ± 40% inférieur à 2019, mais un bénéfice tout de même, malgré la pandémie. Quant au holding Maja, il sera moins heureux. Il terminera l'année avec un déficit de 281.553 US$. Une des raisons pour lesquelles IPM n'a pas mis totalement la main sur LN24 il y a quelques jours ?

En effet, sous la coupe de IPM, LN24 conserve, au rang de petits actionnaires, ses partenaires d'origine, à l'exception d'un des fondateurs de la chaîne, qui avait mis ses maigres économies en jeu dans ce pari risqué [pour mieux lire le tableau à ce propos, il suffit de cliquer dessus]. 
Lors du rachat de l'Avenir, l'éditeur de presse bruxellois avait aussi accepté une entrée dans le jeu de la fameuse coopérative créée au sein du groupe namurois au plus fort de sa crise. Une part symbolique du capital lui avait été accordée. 
IPM aime les symboles, illustration de sa volonté de ne pas (trop) marquer sa toute-puissance. Pourra-t-il poursuivre sur cette lancée? Une de ses 'nouvelles' sources de revenus, sa participation dans la société Sagevas, n'était pas en bonne forme récemment. L'entreprise avait terminé l'exercice en perte en 2019 et 2020. On ne sait bien sûr pas encore ce qu'il en fut en 2021.
Par contre, Turf Belgium tient la forme. Le bénéfice annuel de cette société de paris est passé de 42.000 US$ en 2018 à 326.000 US$ en 2020. Et les paris sur les chevaux ont dû aller bon train lors des confinements de 2021…

IPM a donc peut-être encore de la marge pour croître dans le futur. Et rêver de devenir un jour (presque) aussi grosse que Rossel ?

Frédéric ANTOINE.

20 décembre 2021

Les films de Noël : trop magiques pour être honnêtes


Les (télé)films de Noël étalent leur neige, leurs larmes et leurs bons sentiments à longueur d'après-midi sur les chaînes de télé. Pourquoi en est-on si accro ? Et ceux qui souffrent de cette affection sont-ils si nombreux que cela?

 
« Le scénario de base du film romantique américain ? Frank Capra l'a donnée en 1934, au moment où il réalisait New York-Miami (1). Cela se résume en cinq mots : Boy meets girl. Point final. » En des temps que les moins d'au moins cinquante ans ne peuvent pas connaître, le professeur Victor Bachy enseignait cette vérité aux étudiants qui suivaient son  cours d'Histoire du cinéma. Capra avait vachement raison. Tellement même que cette recette miracle est toujours celle qui se trouve au cœur de bon nombre de scénarios de films, téléfilms et séries "romantiques" made in USA. Si on les passe à l'essoreuse, c'est cela qui ressort : « A boy meets a girl. ». Les films de Noël qui dégoulinent sur les écrans, en sont le plus parfait exemple. Tous, ils répondent à la définition donnée avec brio par Capra il y aura bientôt 90 ans, alors que, malin, il s'était simplement basé pour son film sur une nouvelle de Samuel Adams.

LES MIRACLES DE NOËL
 
Alors, bien sûr, les films de Noël enrubannent l'histoire, la pimentent du côté "miracle de Noël" qui consiste à faire se rencontrer des personnes que, dans la plupart des cas, rien ne prédisposait à pareil tête-à-tête. Le miraculeux de Noël supprime les infranchissables obstacles sociaux de différences de classes, de milieux, de professions, de genre, de couleur de peau, de culture, etc. Ce qui, en définitive, ceci aussi n'est non plus nouveau : dans New York-Miami déjà, une riche héritière désœuvrée prenait un bus pour échapper au mariage que son père voulait lui imposer et tombait sur un journaliste populo, au chômage et sans le sou, avec lequel, bien sûr, des liens se tisseront. 
Finalement, il aurait dû faire des films de Noël, Capra…
 
Au-delà de leurs scénarios, les films de Noël constituent en eux-mêmes un miracle : celui de ne ce cesser d'attirer un public, alors qu'en définitive ils racontent tous la même chose. On répondra sans doute que ce doux paradoxe n'est pas l'apanage des films de Noël : le fonds de commerce de tous les médias repose sur quelques thèmes éternels qu'ils ne cessent de ressasser. En grattant un peu, on pourrait en dire autant de bien des créations artistiques, littéraires ou cinématographiques, par exemple. Disons donc que, du côté des films de Noël, c'est particulièrement patent…
 
L'ÉTERNALITÉ DU MÊME
 
Cet éternel recommencement n'est sans doute pas étranger au succès de ces programmes.  À l'instar de la littérature feel good, qui raconte à peu près toujours la même histoire. La répétition d'une même structure narrative est la clé de voûte de l'univers des films de Noël. 
Chacun d'entre eux est différent, et pourtant pareil au même dans ses fondements et dans ce qui permet de l'identifier comme étant bien un film de Noël. Le réconfort qu'apporte le programme tient à son contenu, qui fournit le rassurant message selon lequel, finalement, à Noël, « rien n'est impossible » et la vie peut devenir belle. Happy ending obligatoire. 
Mais ce qui pousse à consommer ces films en binge drinking (et donc de les diffuser en linéaire de manière rapprochée) c'est que chacun apporte au spectateur et à la spectatrice sa dose de drogue quotidienne de bonheur de Noël. Le produit que l'on s'injecte ne change pas de jour en jour, voire de film en film le même jour. La mixture qu'on s'inocule est identique. On n'a pas de risque de s'y perdre. On sait (et on n'attend que cela) que l'on sera ému, qu'on versera une petite larme, voire plusieurs, mais qu'en finale, on ressentira comme une boule de chaleur gonfler au fond de sa cage thoracique lors des dernières scènes.
 
La simplicité du schéma canonique du film de Noël est véritable sa force. Il répond au profond besoin de ritualité qui rôde au fond de chaque téléspectateur. Par son fond et par le rythme de sa diffusion, il crée un rite associé à Noël devenu aussi indispensable à certaines personnes que décorer un sapin, boire un vin chaud au marché de Noël, dévorer des cougnous et des petits Jésus en sucre ou, parfois, assister à une messe de minuit.

UNE NICHE DE FIDÈLES

TF1 a intégré tout cela en noyant ses après-midi de téléfilms de Noël depuis le 31 octobre, à raison de deux doses par jour en moyenne, TMC étant chargé d'entretenir le dépendance par des rediffusions en matinée et sur le temps de midi (2). RTL-TVI, de son côté, se contente d'une injection quotidienne, en début d'après-midi.
 
Les audiences de ces programmes de daytime ne son pas extraordinaires. Mais elles se distinguent par la fidélité du public. Tout le monde n'aime pas les films de Noël, mais ceux qui les aiment les aiment. 
Le graphique ci-dessus réunit tous les films de Noël diffusés en daytime par RTL-TVI et TF1 et ayant été rendus publics par le CIM, càd faisant partie des 20 meilleures audiences de la journée. Raison pour laquelle la totalité des films diffusés n'y figure pas. On peut y voir que la plupart des audiences réalisées se situent autour de 100.000 téléspectateurs (ou téléspectatrices). Les films de Noël bénéficient d'une assise d'audience restreinte, mais solide.
Sur TF1, l'audience varie quelque peu selon les slots de diffusion:  il y a en général davantage de spectat·eurs·trices à la séance de 16h00 qu'à celle de 14h00. C'est aussi à l'injection de sérum de Noël de 16h00 que sont réalisées les meilleures audiences.
Pour RTL-TVI, on dispose de moins de données publiques. Bon nombre des films diffusés ne figurent pas dans le Top 20 journalier et donc n'ont pu être pris en compte ici. Ils auraient clairement fait chuter l'allure de la courbe, qui ne reprend donc que quelques audiences maximales. Parmi ces données disponibles, il n'y a qu'un téléfilm de Noël diffusé sur les deux stations (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en pas d'autres). Noël avec le témoin amoureux a été proposé sur RTL-TVI le 7 décembre et sur TF1 le 8. Dans les deux cas, le film figure dans les 20 meilleures audiences du jour, mais en fin de classement. Sur RTL, il a fait 104.000 spectatrices et spectateurs. Et sur TF1 près de 90.000.
 
UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC?
 
Et la RTBF ? Si La Une n'est pas en reste, ce n'est que les après-midi de week-ends. Une bonne idée à la base, puisque ces jours-là les concurrents ne sont pas très Noël dans leur programmation. Hélas, il faut croire que le téléspectateur ne l'a pas compris. Ou que, plus vraisemblablement, le service public a mal communiqué là-dessus, comme souvent. Car il n'y a pas eu là de miracle de Noël. Seul un des téléfilms, diffusé le 11/12, figure dans un Top 20, avec 104.000 téléspectateurs. On sait que le public ne se comporte pas le week-end comme en semaine, mais ne pas réussir à attirer un volume d'audience à peu près similaire à ceux des concurrents en semaine pose une vraie question. Les accros de films de Noël ne peuvent sans doute pas imaginer que, sur sa chaîne premium, le service public estime utile d'en diffuser. Or, continuer à fournir aux drogués de films de Noël leur dose quotidienne, n'est-ce pas une mission de service public?

Côté primetime et grosses audiences, le film de Noël a moins la cote que lorsqu'il s'agit de remplir les grilles de l'après-midi. Un seul soir, un film de Noël a eu droit au primetime. Sur la RTBF, et sur TF1, qui en était le premier producteur. Un téléfilm bien français, tourné à Paris, et pas une production à la chaîne made in USA. Diffusé à 20h36 le 2 décembre sur La Une, ses deux épisodes ont réuni… 150.000 amateurs de mystères de Noël. Soit à peine plus qu'un bon téléfilm de Noël proposé en semaine à 16h00 sur TF1 (qui a diffusé le téléfilm en soirée le 13/12, avec moins de 97.000 téléspectat·rices·eurs belges au rendez-vous [3]). En vertu des données accessibles, nous ne savons pas ce que cette belle œuvre de Gilles Paquet-Brenner, rassemblant des stars comme Marie-Anne Chazel Max Boublil, Caroline Anglade ou Jarry, a fait comme audience en J+7.

Les films de Noël ne font donc pas l'unanimité. Mais, pour une partie du public, ils sont désormais devenus incontournables. Même si ceux de demain, ou d'après-demain, seront les mêmes que ceux d'hier ou d'avant-hier. Tout en étant un tout petit peu différents. Un peu comme les cases d'un calendrier de l'Avent.

Frédéric ANTOINE

(1) It happened one night (titre original) a recueilli les cinq principaux Oscars attribués à Hollywood en 1935.
(2) Paradoxalement, TF1 a coupé le robinet cette semaine, juste avant Noël, comme si le film de Noël devait précéder Noël mais jamais l'accompagner (plus stratégiquement, la chaîne diffuse désormais de films grand public l'après-midi, ce qui permet de ratisser plus large côté audience).
[3] Mais, en France, ce téléfilm a fait 3,59 millions de téléspectateurs, et a fait 26% de PDM sur les femmes de moins de 50 ans.

17 décembre 2021

Les Traîtres (RTL-TVI): un programme un peu… traître?


Originalité de la rentrée d'automne sur RTL-TVI, Les traîtres est un jeu couleurs belges, diffusé en prime-time le mercredi. Mais Dieu qu'il est compliqué ! L'audience semble l'avoir compris : elle baisse chaque semaine.

Mettre des personnalités belges issues d'émissions de télé-réalité ensemble dans un château bien wallon, désigner secrètement parmi elles des "mauvais" (appelés "traîtres") et pousser les "bons" (appelés "fidèles") à les identifier, alors que les "mauvais" éliminent chaque soir un des "bons" : c'est, en fort résumé, le pitch de ce programme qui recourt à de nombreux ressors du genre télé-réalité. A commencer par être un "jeu" où on élimine un candidat à chaque épisode, où les participants sont amenés à accomplir des épreuves et où ils vivent tous ensemble dans un lieu à peu près clos.

À l'heure où aucune chaîne ne met plus de jeu de connaissance à l'antenne en prime-time, c'est le genre de programme que l'on voit bien occuper les écrans en soirée lors de la grande audience, un peu à l'image de Koh-Lanta ou, dans un autre genre, du Meilleur Pâtissier. Le format a été conçu pour RTL4 aux Pays-Bas, puis a été vendu à l'international, et notamment déjà adapté en Flandre par VTM, la désormais télévision-sœur de RTL Belgique depuis son rachat par Rossel-DPG.

NOIR-JAUNE-ROUGE

La boîte qui truste la production de quasi tous les programmes de RTL-TVI, Never Ending Story (1), a mis beaucoup d'œufs dans ce panier-là, et pas mal de moyens. Sur le plan de la réalisation, le résultat est assez bluffant, même si on ne peut s'empêcher de faire des comparaisons avec d'autres émissions du genre. L'animateur de l'émission, Frédéric Etherlinck (2), semble ainsi être un fils caché de Patrice Laffont errant dans les couloirs de Fort Boyard…

RTL-TVI fait un gros pari en choisissant de produire pareil programme, qui fait partie de l'arsenal de réponses que la télévision privée peut brandir quand on lui dit qu'elle ne diffuse pas assez de primetime belges. Ici, tout est noir-jaune-rouge, des compétiteurs aux différents lieux mis en valeur par l'émission, qui prend parfois des airs de feu Télétourisme. Fort bien, donc. Mais le pari rencontre-t-il son audience? Est-on là devant un des blockbusters de la station en ce qui concerne l'audience?

PAS CONVAINCANT

La réponse doit être nuancée. De manière globale, non, Les traîtres n'est pas une vache à lait d'audience pour RTL-TVI. Le public ne se rue pas le mercredi sur le programme, et il le déserte même un peu de semaine en semaine.

 Il faut dire que le premier épisode, diffusé le 1er décembre, était si touffu et peu compréhensible qu'il a dû faire fuir quelques dizaines de milliers de téléspectateurs. En trois semaines, en vision, J+1, le programme a perdu près de 70.000 "fidèles". Le crash s'est surtout produit entre les épisodes 1 et 2. La chute s'est poursuivie sur le 3, mais moins fortement. 

Tout de même, une audience qui fond de 25%, ce n'est pas vraiment un succès. La complexité des mécanismes et la diversité des personnages, que l'on suppose connus et que l'émission ne prend donc pas le temps de faire connaître, n'y sont sûrement pas étrangères. Suivre des agriculteurs qui rencontrent des âmes sœurs, ou trois-quatre couples qui se marient au premier regard, c'est vachement plus simple à comprendre. Pas besoin de trop convoquer ses neurones. Ici, on est plutôt comme dans Koh-Lanta, mais en plus compliqué et du moins bien installé. Tout est stratégie, suspicions, coups fourrés. Le téléspectateur doit être attentif à chaque instant s'il ne veut pas se laisser larguer. Beaux esprits et QI au-dessus de la normale, rendez-vous sur vos téléviseurs (même si la télé-réalité et se héros n'est pas votre tasse de thé).

 UN PETIT ÉCHEC

 À ce stade, Les traîtres est-il donc un échec? Oui et non. La grosse audience n'est pas au rendez-vous, mais… elle l'est de moins en moins sur RTL-TVI. Depuis la rentrée, la chaîne ne compte plus d'audiences au-dessus de 400.000 téléspectateurs que… le dimanche. Et 300 les lundis. Pas mal d'autres jours, on tourne plutôt autour des 200.000. Comme le montre le graphique ci-dessus, cette audience baisse de jour en jour au cours de la semaine. Le mercredi est donc un jour moyen. Sur le graphique, la colonne en bleu est celle de la semaine précédant le premier épisode des Traîtres. On voit clairement que cette nouvelle émission a attiré davantage de spectateurs que la semaine précédente, et que par la suite l'audience retrouve son niveau "normal".

 En moyenne, sur une semaine, le prime-time de RTL attire environ 270.000 téléspectateurs (3). Les scores des Traitres sont donc inférieurs à ce chiffre moyen. Mais il est meilleur que tous les résultats obtenus le mercredi soir par la chaîne depuis la rentrée, en tout cas pour ses deux premiers épisodes. 

À l'heure actuelle, le bilan est donc mitigé. D'autant que ces données ne concernent que l'audience J+1.Le CIM ne donne actuellement accès qu'aux résultats J+7, et sur tous types d'écrans, que pour le premier épisode. Cette semaine-là, Les traîtres ont gagné 54.000 spectateurs en audience différée, soit + 16%. À l'instar d'autres programmes comme Koh-Lanta, ce type d'émission attire un public en dehors de la diffusion en linéaire. Un nouveau mode de consommation où l'on peut zapper les pubs et faire "pause" ou  "rewind" quand on n'a pas compris. Pour Les traitres, c'est sûrement un atout!

Frédéric ANTOINE.

(1) 71, Mariés au premier regard, Images à l'appui, Enquêtes, Expédition Pairi Daiza, Vu à la télé, etc etc (www.nesprod.com/productions)

(2) Qui représenta la Belgique à l'Eurovision en 1995… 

(3) La semaine avant Les traîtres: 247.000. Celle du 1er épisode: 288.000. Celle du 2e: 265.000.

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